La cave est vide. La pénombre s’y est intensifiée et les meurtrières n’accueillent plus que des traînées de soirée rose en déclin. Revenu du Plan Astral, Constantine contemple cet intérieur qu’il avait trouvé humide et sombre et dont il a fait, avec quelques personnes, un espace chaleureux de connivence. Il y a les canapés récupérés griffés par des années d’usures et les tables basses dont les peintures s’écaillent par endroit à la manière d’une mue lente et imparfaite. Les bureaux qui se tournent le dos, avec aux quatre de leurs coins les outils de tous ceux qui travaillent avec lui dans la pénombre, qui cherchent, qui résistent, dissimulés et inconnus, mais qui dans cet espace s’expriment en laissant des indices de leurs caractères sur les bancs qu’ils occupent. Constantine regarde cet espace dans sa demi-pénombre avec au cœur un sentiment de fierté et d’espoir. Doucement il se déplace jusqu’aux bureaux encombrés, s’immobilise devant celui d’Astrid. Il est couvert de plantes en pots qui dégringolent le long des étagères et prennent leurs aises sur les bureaux adjacents. Elle en met partout. Tous les recoins de la cave en sont peuplés. De l’intérieur de sa veste, il sort une fleur brunie au cœur jaune et pâle. Il la dépose sur le bureau, au milieu des notes d’écritures, des alambics et des crayons.
Certains jours, il lui semble que la lutte est infinie et désespérée. Il lui semble que les Alphas ne triompheront jamais de leur minorité et de l’oppression qu’on leur inflige. Constantine à une vue large qui dépasse New York, gouvernée par des gens de son sang mais sans fraternité. Comme un écho un journal déposé près de la machine à café exhibe en première page une photo d’Antonino Tessio et Fergus Avner, les deux associés de la Altess Owner Company. Deux des alphas qui ont jeté sur New York l’ombre de leur pouvoir, de leurs dons, et ont choisi d’exploiter la lutte pour leur bénéfice. Constantine fixe les regards calculateurs de ces figures posées sur lui avec un indicible sourire glacial. Elles lui évoquent un tourment de frustration, de haine et de colère. C’est d’autant plus vif que ces sentiments s’opposent à la brève accalmie dont il a profité en vivant quelques heures dans le Plan Astral. Désormais il ne reste rien. Constantine soupire, le cœur serré, il retrouve avec lassitude la rage provocante qui lui serre le ventre, colère noire, colère blanche, colères mêlées de terreur instinctive. Lentement, il laisse tomber dans la poubelle l’effigie insupportable, sort de sa poche la pierre et la fait miroiter dans les faibles traces de lumières. La structure de la pierre diffuse contre ses doigts une chaleur qui envahit ses sens et lui rappelle la caresse de l’eau contre son corps. Un instant il ferme les yeux, s’imagine encore dans le vaste lac, dans le silence jamais interrompu, l’esprit clos pour toujours aux intrusions. Il s’allonge dans l’un des canapés, en serrant contre lui la pierre. Il ferme les yeux. Il y retourne.
Retour dans le monde réel, sans plus de cérémonie, sans transition. On rencontre les Êtres Primordiaux, et puis plus rien dans le Plan Astral ? Pas même le voyage de retour ? On cultive le mystère, à ce que je vois. ^^
Comme toujours, l'ambiance est posée avec soin. Je reste sur l'idée que je ne suis jamais trop la cible exacte des élans lyriques, aussi qualitatifs soient-ils comme les tiens, mais l'avantage intrinsèque de continuer sur une lancée, c'est de donner à l'histoire une cohérence d'ensemble, un effet de familiarité à la lecture. On sait à quoi s'attendre, et en l'occurrence, c'est à un genre de cocon d'adjectifs sensoriels qui nous enveloppent avant qu'on puisse en arriver aux informations concrètes. Pas d'objection de ma part. =)
On découvre succinctement d'autres personnages, des personnages nommés, bien qu'on ne les rencontre pas encore vraiment en personne.
- Astrid d'abord, la fleuriste/botaniste. Une amie de Constantine. J'aime bien son ambiance, mais ce n'est pas une garantie. Les apparences sont parfois trompeuses, et tant de clichés vont avec cette esthétique végétale que je me méfie. Affaire à suivre. Mais bonne mise en bouche, où que ça mène !
- Antonio ensuite, apparemment un ami de Fergus, et donc pas extension un antagoniste, lui. Par esprit de justice, j'aurais tendance à lui donner le bénéfice du doute. On ne sait pas trop s'il est embarqué dans quelque chose qui le dépasse, ou si au contraire c'est Constantine qui manque d'informations. D'après le comportement de Fergus, on a plutôt envie de dire que c'est Constantine qui a la bonne marche à suivre du point de vue du Plan Astral, mais d'une part on ne sait pas si Fergus suit les plans de son organisation (les Alphas, donc ?), si Antonio partage ses pratiques, etc. À ce stade de ma lecture, je m'attends à une complexité de personnages suffisante pour ne pas pouvoir me prononcer aussi tôt sur qui que ce soit. xD
Et apparemment, Constantine connaît aussi Fergus, de nom et de vue ? C'est une surprise pour moi. Je m'attendais vraiment à ce qu'ils se rencontrent dans le Plan Astral. Ce qui peut encore arriver, mais alors au moins l'un d'eux aura donc un a priori sur l'autre. À voir à quel point ça façonnera leurs interactions futures. Est-ce que Constantine, jusqu'ici le plus ouvert, deviendra alors le plus fermé d'eux deux, ne serait-ce que pour un temps ? Ce serait un juste retour des choses, sans doute. Une sorte d'équilibrage de sa personnalité.
La nausée qui l'étreint à la simple idée de Fergus et Antonio paraît presque exagérée, mais encore une fois, on ne sait pas ce qui a pu se passer. A-t-il déjà interagi avec eux ? A-t-il été témoins d'agissements de leur part ? Potentiellement trompeurs, d'ailleurs. A-t-il simplement eu vent de leurs actions, et juge-t-il sur des présomptions ? La réaction est trop viscérale pour être acceptée aveuglement. D'autant qu'on a eu de nombreux exemples, depuis le début, qu'il y a plusieurs facettes à tout, et que rien n'est jamais tout noir ou tout blanc. Ça promet vraiment d'être intéressant, tout ça. Vont-ils camper sur leurs positions ou bien apprendre l'un de l'autre ?
Le retour de Constantine dans le Plan Astral à la fin m'a laissé une drôle d'impression. Avec le fait qu'il vive dans ce qui ressemble à s'y méprendre à un squat, il me renvoie soudain une image de junkie qu'il n'avait pas eue jusqu'ici. Et je ne suis jamais à l'aise avec les comportements d'addiction. J'espère que je me trompe.
Du côté des éléments d'intrigue un peu plus précis, il y a aussi des évocations de l'organisation du monde réel vis-à-vis du Plan. Fergus serait donc ce qu'on appelle un Alpha. La notion de liens de "sang sans fraternité" (jolie tournure, au passage) apparaît. J'ai envie d'interpréter ça comme le fait que nos deux personnages principaux sont la même "chose", avec le même pouvoir en tous cas, mais qu'ils l'exploitent tellement différemment qu'ils ne sont plus considérés comme les mêmes. Est-ce que leur rencontre va confirmer ou infirmer cette conviction ? Hâte de le découvrir !
Voilà voilà. Je me sens un peu fouillis dans ce commentaire, mais je crois que tout y est quand même.
À bientôt ! =D
Zlaw
Ferguuuuuuus ! J'ai pas capté tout de suite que le sus-mentionné était celui qui revenait un chap sur deux, mais je suis vriament à côté de mes pompes au moment où je lis, faut m'excuser, mais aaaaaaaah il y a donc bien une connexion !
J'aime trop comment tu maintiens le mystère pour le dévoiler petit à petit, tu es un.e auteurice dur.e en affaires avec tes lecteurices !
Plein de bisous !
En fait ils sont collocs depuis le début, ils l'avaient juste pas remarqué
je plaisante
Vaudrait mieux pas
ET TOUJOURS AUSSI RAVIE de voir que même si je vous nourris avec des tous petits morceaux ça tient la route hihihihi
Me revoici =)
Deux bricoles d'abord au fil de la lecture :
>> "des traînées de soirée rose en déclin" Je ne suis pas sûre pour "en déclin", il me semble que c'est plutôt "sur le déclin". Mais pour le reste c'est très beau, l'idée des traînée de soirée me plaît beaucoup.
>> "Constantine à une vue large qui dépasse New York" Coquille, "a" sans accent
Mon segment préféré je crois ! Que c'est beau, plein de douceur, de sensibilité, de mélancolie dans cette description. <3 Le personnage de Constantine me touche pas mal. Et ici son environnement s'élargit, on commence à découvrir son lien avec Fergus. Mais aussi, à travers ce bureau et tous ces petits détails du décor, toute la vie qui a abandonné ces lieux et plonge Constantine dans cet émoi.
On se laisse toujours autant porter par le rythme de tes phrases et par tes images. Beaucoup de douceur et en même temps de douleur, avec ces portraits et souvenirs qui blessent la mémoire <3