Contact

Par Slyth
Notes de l’auteur : Un chapitre sans prétention, que j'ai écrit avant tout pour moi, parce que j'en avais très envie et que je voulais me faire plaisir

Je tiens à remercier deux précieuses amies pour leur soutien (et la découverte des dramas koréens xD) sans lesquelles ce chapitre n'aurait probablement pas vu le jour.

Contact

 

Ses pieds nus se posèrent sur le sol de la salle d'eau tandis qu'elle se drapait dans sa serviette et commençait à se sécher. Des frissons s'emparant rapidement de son épiderme, elle ne tarda pas à enfiler ses vêtements. Puis, elle s'avança vers le miroir et empoigna la brosse qui se trouvait sur le meuble à proximité.

Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis son arrivée ici et ses cheveux avaient maintenant suffisamment repoussés pour qu'elle puisse à nouveau les coiffer. Bien sûr, ils étaient loin de leur longueur d'autrefois, mais la jeune femme s'en fichait. La seule sensation de la brosse passant et repassant dans ses courtes mèches rousses était délicieuse. Après les derniers événements, pouvoir profiter d'un moment de calme et de joie simple était précieux.

L'armée de Kerian désintégrée, le château à moitié détruit, la mort d'Algonn, la menace du "Seigneur Sombre" finalement vaincue et le peuple du royaume réunifié... dire que tout cela n'avait eu lieu qu'hier ! Ayleen avait encore du mal à croire qu'il ne s'agisse pas d'un rêve. C'était pourtant bien réel. Et il restait encore tant à faire pour ramener l'ordre. Elle ne savait pas du tout par où elle allait bien pouvoir commencer. Une seule chose demeurait certaine : elle avait renoncé au trône.

 

La porte s'ouvrit à la volée, rompant sa réflexion.

 

« J'ai besoin de toi, qu'est-ce que tu... »

 

La voix ferme de Shan s'interrompit tandis qu'elle lui jetait une oeillade courroucée.

 

« On ne t'a jamais appris à frapper ?

― Oh, je... balbutia-t-il en fronçant les sourcils. Je croyais... Je cherchais ma soeur.

― Eh bien comme tu peux le voir, elle n'est pas là. »

 

La gêne du jeune homme disparut aussitôt alors qu'il expirait bruyamment par les narines en lui lançant un regard noir. Ayleen se contenta de lui répondre par un petit sourire fier.

 

« Tu sais où elle est ? souffla-t-il, les paupières closes tout en se massant l'arrête du nez.

― Partie acheter de quoi manger. Pourquoi tu la cherches ?

― Elle devait mettre du baume sur mes blessures, vu que je peux pas le faire moi-même. Mais bon... »

 

C'est seulement à cet instant que la jeune femme remarqua la petite boîte qu'il tenait à la main. Ses pensées s'égarèrent brièvement. Les coups de fouet... Cela faisait à peine deux jour. Evidemment que ça ne pouvait pas déjà être guéri.

Comme le silence s'éternisait trop à son goût, Shan tourna lentement les talons, s'apprêtant à ressortir de la pièce.

 

« Je... pourrais le faire. »

 

Elle le vit nettement se figer à l'entente de ses paroles.

 

« ... Je peux attendre le retour de Saraï, finit-il par dire, toujours dos à elle.

― Tu crois que j'en suis incapable, c'est ça ? s'offusqua presqu'aussitôt son interlocutrice. »

 

Surpris, il se retourna pour la découvrir fulminant de colère, bras croisés sous la poitrine.

 

« Non, je... Je me souviens juste que les blessures et le sang te mettent mal à l'aise, avoua-t-il après avoir soigneusement choisi ses mots.

 

Les yeux d'Ayleen s'écarquillèrent légèrement et les traits de son visage s'adoucirent un peu. Elle semblait avoir du mal à le croire.

 

« Pour qui tu me prends, j'ai fait des progrès ! réagit-elle soudainement. Allez, donne-moi ça ! »

 

Elle s'avança et s'empara brusquement de la boîte tandis qu'il demeurait stupéfait. Puis, elle recula sans le quitter du regard, comme en attente. Lui restait là, bras ballants, les pensées se bousculant dans sa tête.

Comme ils s'observaient, un silence pesant les enveloppa une fois de plus.

 

« Tu comptes attendre que la nuit tombe ou quoi ? finit-elle par lâcher, excédée. »

 

Interdit, il ouvrit légèrement la bouche, ne sachant que répondre. Impatiente, elle leva son bras gauche pour indiquer le tabouret posé à côté de la bassine. Un signe de tête accompagné d'un regard impérieux vinrent compléter son geste. Après quelques secondes, Shan se mit lentement en marche. Une fois assis, il croisa les bras et la toisa d'un air insistant.

 

« Quoi encore ? râla-t-elle.

― Tu pourrais me laisser... un peu d'espace ? »

 

Elle plissa les paupières, se demandant s'il plaisantait. Comme il ne bronchait pas, elle soupira bruyamment avant de se retourner tout en secouant la tête. Un coup d'oeil à la dérobée lui permit de profiter un bref instant de la fine musculature du jeune homme, pendant qu'il passait sa chemise par-dessus sa tête. Intérieurement satisfaite, Ayleen retourna ensuite à son innocente contemplation du mur face à elle.

 

« C'est bon, annonça finalement le garçon. »

 

Elle fit demi-tour et le sourire qu'elle affichait s'affaissa net en voyant les cinq traits rougeoyants qui barraient le dos de son compagnon. Il n'était plus question de continuer à l'importuner maintenant. Le sérieux de la situation venait soudainement de la rattraper.

Tendue, Ayleen déglutit avant de s'avancer lentement, incapable de quitter les blessures des yeux. Si les entailles ne saignaient plus, elles demeuraient récentes et, comme la jeune femme s'approchait, elle put constater à quel point la peau était encore fragile. La vision du soldat faisant claquer le fouet sous les ordres de Kerian lui revint en mémoire et elle ferma les paupières, ébranlée.

 

« Ça va aller ? demanda Shan. »

 

L'inquiétude qu'elle perçut dans le ton de sa voix la surprit. Et c'était lui qui posait la question !

Contrariée, elle répondit sèchement :

 

« Mais oui, je vais le faire ! »

 

Joignant le geste à la parole, elle plongea ses doigts dans la boîte afin de les recouvrir d'onguent. L'odeur, à la fois douce et sucrée, eut le temps d'atteindre ses narines avant qu'elle ne pose abruptement sa main sur la première déchirure à portée. Le corps du blessé se tendit soudainement tandis qu'un geignement lui échappait.

 

« Oh je t'ai fait mal ! paniqua aussitôt Ayleen en reculant. Je... désolée !

― Non, j'ai presque rien senti, marmonna-t-il entre ses dents sans même se retourner. Tu y as mis tant de délicatesse. »

 

Elle grimaça, mais n'était déjà plus dans le bon état d'esprit pour lui envoyer une réplique cinglante. Ça devait être suffisamment douloureux sans qu'elle ne vienne en rajouter une couche à cause de son incompétence ! Il fallait qu'elle se concentre et qu'elle soit plus attentive à ses gestes.

Reprenant contenance, elle s'avança à nouveau et posa le bout de ses doigts le plus doucement possible sur la plaie. Elle sentit son compagnon tressaillir légèrement, mais il ne dit rien, se contentant d'un infime soupir. Soulagée, elle ferma les yeux durant une seconde pour se recentrer. L'assurance feinte qu'elle affichait quelques minutes auparavant s'était évanouie. C'était la première fois qu'elle avait la responsabilité de prendre soin de quelqu'un d'autre. Elle brûlait d'envie de prouver sa compétence, tout en craignant d'empirer les choses. Quelle sensation étrange.

Ses doigts tremblaient tandis qu'elle s'efforçait d'appliquer le remède avec toute la précaution dont elle était capable. Focalisée sur sa tâche, elle s'était agenouillée et ses pupilles faisaient des allers-retours entre la boîte posée à ses pieds et les chairs meutries face à elle. Sa concentration était telle qu'elle parvenait à reléguer au second plan le malaise que lui inspirait la vue des blessures. Un noeud commença toutefois à lui tordre les entrailles et elle s'ingénia à respirer calmement pour poursuivre le soin.

 

Si Shan était rassuré que la jeune femme fasse maintenant plus attention à la manière dont elle le traitait, il avait perdu toute envie de plaisanter. Il essayait de se détendre, mais la tâche s'avérait ardue. Le contact à peine perceptible d'Ayleen et son souffle qu'il sentait si proche sur sa peau le déconcentraient complètement. Ça n'avait rien à voir quand sa soeur s'était occupée de lui, forcément.

Les paupières closes et les sourcils froncés, il serra les poings. Pourquoi fallait-il que ce soit aussi compliqué ? Il n'aurait peut-être pas dû la laisser faire après tout. Il ne se serait pas posé autant de questions et ne se serait pas montré aussi hésitant avec Saraï. Sa gêne de se retrouver en position si vulnérable devant Ayleen le perturbait beaucoup trop. Pourtant, après tout ce qu'ils avaient traversé, il savait qu'elle n'allait pas le juger. Alors quoi ? Qu'est-ce qui lui prenait ? Pourquoi n'arrivait-il pas à rester calme ?

Au fond, il connaissait la réponse. Oui. Il avait des sentiments pour elle.

Et ça changeait tout.

 

Ignorante du trouble qui agitait le garçon, la jeune femme usait de toute sa patience pour mener à bien sa mission. La fraîcheur de l'onguent contrastait avec la chaleur de la peau qu'elle sentait sous sa main. Petit à petit, les blessures étaient recouvertes par ce baume bienfaisant. La dernière écorchure courait tout le long du dos et se terminait au creux des reins. La respiration de la demoiselle s'accéléra inconsciemment tandis qu'elle suivait la ligne descendante du bout des doigts. A nouveau, elle sentit le corps de Shan tressaillir et se tendre légèrement.

Perdue dans ses pensées, elle suspendit son geste. Dire qu'il avait enduré une telle torture... Elle ne comprenait toujours pas comment qui que ce soit pouvait accepter de supporter pareil traitement. Pourquoi n'avait-elle pas signé ce fichu document plus vite ? Encore un coup de sa fierté mal placée. Une arrogance inutile qui avait blessé celui qui l'avait sauvée tant de fois. Comment avait-elle pu laisser cela arriver ? Elle était si lâche, si misérable.

 

« Tu... tu as fini ? murmura le jeune homme, n'y tenant plus. »

 

Reprenant contact avec la réalité à l'entente du ton pressant, elle retira vivement sa main et recula, honteuse. Elle ne savait pas ce qui lui prenait. Ni pourquoi ses pensées l'amenaient à revivre cette horrible scène. Les yeux rivés au sol, elle secoua la tête. Elle ne voulait pas y penser. Elle ne pouvait pas retourner là-bas.

 

« Pourquoi tu pleures ?

― Je ne... »

 

Stupéfaite, elle sentit l'index de Shan se poser sur sa joue pour recueillir la larme qui y coulait. Elle cligna plusieurs fois des yeux, incapable de nier l'évidence. Puis, elle passa nerveusement ses mains au coin de ses paupières, tout en s'efforçant de ne pas prêter une attention trop soutenue au jeune homme maintenant tourné vers elle.

 

« J'imagine que c'était pas très beau à voir, lança-t-il avec un sourire nerveux, espérant détendre l'atmosphère.

― Non pas du tout, tu es très... répondit-elle rapidement avant de se reprendre. Je veux dire... je suis sûre que ça va guérir très vite ! »

 

Haussant un sourcil, il la regarda et fut surpris de voir ses joues s'empourprer tandis que ses yeux fuyaient précipitamment les siens. Il prit conscience de la situation – lui toujours assis à moitié nu et elle agenouillée – et son trouble s'accentua.

 

« C'était de ma faute, marmonna Ayleen, la tête à nouveau baissée. Toutes ces blessures que tu as reçues à cause de moi. Et pourtant, tu es resté et tu m'as aidée jusqu'au bout. Je ne mérite rien de tout ça. »

 

Il la fixa, abasourdi. Bon sang, cette fille le rendait dingue ! Quoi qu'il fasse, ses réactions ne cessaient de le surprendre. Si le contexte avait été différent, sans doute aurait-il éclaté de rire. Mais la voir ainsi, si gênée, si adorable... il ne pouvait pas résister.

 

« J'avoue que je suis déçu, souffla-t-il alors qu'elle se redressait, les yeux écarquillés par l'inquiétude. Après tout ce que j'ai fait pour toi, je m'attendais à des remerciements dignes de ce nom. »

 

Elle fronça les sourcils, incertaine quant à la direction que prenait cette conversation.

 

« Je ne suis plus la princesse, commença-t-elle d'un ton suspicieux. Je n'ai pas de quoi te récompenser.

― Ah... dire que je t'ai sauvé la vie tellement de fois, lâcha-t-il avec un air faussement dépité. C'est vraiment dommage de ne rien recevoir en retour. Je regretterai presque. »

 

Comme il appuyait volontairement ses derniers mots, il vit les paupières de sa compagne se plisser et sa bouche se tordre légèrement. Oups, elle avait compris son manège.

Alors qu'il allait s'excuser, elle se pencha en avant, tendant une main vers son visage. Immédiatement, il sentit son corps se raidir, anticipant la gifle qui allait suivre.

 

« La ferme, murmura-t-elle. »

 

Les doigts vinrent s'étendre doucement sur sa joue tandis qu'elle déposait ses lèvres contre les siennes. Pris au dépourvu, le jeune homme écarquilla les yeux alors que la tension parcourant ses muscles se relâchait. Puis, déjà, il sentit la douce pression le quitter en même temps qu'Ayleen se reculait lentement. Ses prunelles émeraudes brillaient plus que d'ordinaire tandis qu'elle le contemplait, la bouche légèrement entrouverte, comme en attente.

N'y tenant plus, il ferma les paupières et franchit à son tour les quelques centimètres qui les séparaient. Sa main passa derrière la nuque gracile pendant qu'il s'emparait de ces lèvres si tentantes. Ayleen s'avança encore et effleura nerveusement son torse : un frisson la parcourut alors qu'elle discernait les battements du coeur entre ses doigts. Attirée par la chaleur ressentie, elle se blottit davantage contre lui. Sentant qu'elle lui répondait avidement, Shan approfondit leur baiser, laissant ses mains glisser doucement sur la peau encore légèrement humide. Il frôla négligemment les bras avant d'entourer la taille avec impatience, désireux de la sentir plus proche.

Leurs souffles se séparèrent brièvement avant de s'unir à nouveau. La jeune femme fit remonter ses mains jusqu'à la nuque de son amant, effleurant les mèches de cheveux. Comme elle le sentait caresser doucement le bas de son dos, elle se pressa contre lui avec ardeur, laissant leurs langues se mêler.

 

A bout de souffle, ils finirent par se séparer, presque à regret. Front contre front, prisonniers du regard de l'autre, plus rien n'importait. Pas même les grincements familiers de l'escalier à l'extérieur.

 

« Ayleen, je... tenta le garçon.

― Vous êtes là ? Je suis rentrée ! »

 

La voix stridente de Saraï brisa net le charme et, tandis que la porte s'ouvrait, l'ex-princesse paniqua complètement. Sans réfléchir, elle repoussa violemment son prétendant tout en reculant elle-même d'un bon pas. Surpris, Shan dégringola du tabouret et atterrit au sol. Ses avant-bras amortirent heureusement sa chute, préservant son dos à peine soigné.

 

« Qu'est-ce que vous faites ? »

 

La fillette jetait un regard ahuri sur l'étrange scène dont elle était témoin. Ses yeux ronds jonglaient entre chacun des protagonistes, cherchant à comprendre.

 

« Il... il a glissé, lâcha Ayleen, la respiration encore saccadée. »

 

Dans une réaction parfaitement synchronisée, les deux autres l'observèrent avec étonnement.

 

« J'avais commencé à nettoyer après avoir pris mon bain mais il est entré trop vite, renchérit-elle. »

 

Saraï reporta son attention sur son frère. Ce dernier, incapable d'en dire plus, se contenta d'un hochement de tête accompagné d'une grimace gênée. Alors qu'elle était encore sur le qui-vive, la petite parut se détendre. Elle considéra ses aînés quelques secondes avant de déclarer avec assurance :

 

« Bon, quand vous aurez fini de vous embrasser, vous pourrez descendre m'aider à préparer le repas ! »

 

Alors qu'il se pensait tiré d'affaire, Shan sursauta.

 

« Quoi ? s'exclama-t-il pendant qu'Ayleen piquait un fard. »

 

Moqueuse, la gamine lui tira la langue avant de se sauver en étouffant un rire.

Prostrée au sol, la belle rousse agitait la tête de gauche à droite, le visage caché entre ses mains. Trop occupée à se fustiger pour sa bêtise, elle n'entendit pas son compagnon se redresser. Soudain, un index glissa sous son menton pour le relever et le bleu-gris familier des iris lui fit face. Elle inspira pour dire quelque chose mais fut coupée dans son élan lorsqu'il se pencha pour l'embrasser. Leurs lèvres s'accordèrent quelques secondes avant qu'il ne se retire gentiment.

 

« Je ne regrette rien, susurra-t-il à son oreille. »

 

Il recula, un léger sourire étirant le coin de sa bouche, et ramassa sa chemise avant de sortir lentement de la pièce. Ayleen le regarda, secouant la tête. Non mais pour qui il se prenait, hein ?

 

Puis elle porta la main à sa bouche et sourit à son tour.

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