Crash test
Après la plaine où apparaissaient déjà les fondations de la nouvelle ville s’étendait un verger. Hauts d’une dizaine de mètres au maximum, les fruitiers impeccablement alignés avaient été plantés quelques jours auparavant sur une zone récemment déboisée et traitée contre la moisissure qui attaquait les arbres. C’était l’endroit parfait pour tester l’airscoot.
Calixt accéléra en tournant la poignée du guidon, puis appuya sur son pied arrière en douceur. La plateforme d’aéroglisse réagit immédiatement en prenant de l’altitude, rasa les branches hautes des premiers pommiers avant de retrouver l’horizontale dès que le jeune pilote rééquilibra son poids. Incroyable ! Il volait ! Il ne glissait pas seulement à quelques centimètres du sol comme pour le Walrus game, il survolait la surface de cette planète à la hauteur d’un petit immeuble ! Malgré son envie de continuer pendant plusieurs heures, il devait achever le test et rentrer au laboratoire pour faire part de ses constatations. Les responsables du chantier lui avaient donné pour mission d’imaginer un engin grand public à partir des modules de Walrus game et de leur propre technologie d’aéroglisse. Il avait ajouté un guidon pour la stabilité et la maniabilité. Un modèle avec siège était même en cours d’élaboration. Et surtout, il avait vécu une semaine passionnante : conception de l’airscoot la journée, parties de Walrus game le soir, dîners dans la douce lumière blanche de Procyon B entouré des hors-mondes…
Une fois dépassée la dernière ligne de poiriers, Calixt amorça la descente vers une étendue creusée de cratères dus à l’extraction des souches pourries. Au-delà, d’énormes engins à chenilles arrachaient des arbres centenaires qui s’écrasaient entre leurs gigantesques pinces avec des bruits spongieux. L’écœurante odeur de moisissure se répandait dans l’atmosphère jusqu’à l’airscoot. Calixt lâcha le guidon de la main droite pour se boucher le nez, mais un tintement métallique discordant interrompit son geste. Il testa la poignée des gaz, la direction, mais tout était bloqué. Avec un gémissement, il tenta de toutes ses forces de redresser la plateforme, rien à faire : elle continua à plonger vers le sol. Il allait s’écraser ! Sauf s’il parvenait à sauter juste avant l’impact, et encore, il faudrait qu’il se mette en boule pour ne rien se casser.
Alors qu’il essayait d’estimer à quel moment lâcher, le cœur battant contre ses côtes, une monstrueuse machine surgit entre les arbres juste en face de lui. Il se mit à hurler, mais le pilote, enfermé dans sa cabine vitrée, ne pouvait pas l’entendre. À moins de se jeter de l’airscoot à plusieurs mètres de hauteur, il percuterait bientôt une des chenilles, ou une des mâchoires de la pince ! Il fallait sauter, maintenant !
Ses pieds quittèrent la plateforme. Un bref instant, il se sentit flotter, suspendu dans les airs, puis il entra en collision avec une masse qui n’avait rien de métallique, ni même de dur. Des bras. Des bras puissants l’avaient rattrapé, écarté du danger. Leur propriétaire continuait à courir en le serrant étroitement. Plus rien ne pouvait lui arriver. Il reconnut la carrure, les cheveux blond pâle, les mains énormes ; Karl l’avait sauvé, et cette pensée le fit sourire.
***
Calixt sentit de l’herbe sous ses doigts. Il était allongé par terre. Les visages de Skull et de Darwin se penchaient sur lui. Il y avait une femme aussi, derrière eux. Cette journaliste rencontrée quelques jours plus tôt, Max Angel.
– Comment tu te sens ? interrogea fébrilement le capitaine.
Il voulut leur dire que Karl l’avait sauvé, qu’il allait bien, mais il ne savait plus comment faire.
– Il… il ne parle plus ! dit Skull d’une voix inquiète. Il faut l’emmener au dispensaire ! Je me suis engagé à ce que l’un de nous reste toujours avec Karl. Tu peux rester, Darwin ?
– Ne t’alarme pas, je crois qu’il va b…
– S’il te plaît ! insista le capitaine en haussant le ton. Je préfère être sûr.
Il reprit sa respiration et chuchota :
– S’il arrive encore quoi que ce soit à ces gamins, je ne me le pardonnerai jamais. D’ailleurs j’ai deux mots à dire aux responsables à propos de l’utilisation des enfants pour les crash tests. Tu te rends compte ?
– Pas de problème, je reste, répondit Darwin.
Skull souleva Calixt et l’installa à l’arrière d’un airkart.
– Je vous accompagne ! lança Max Angel en grimpant à côté de Skull. J’avais fini ma série de numshots, de toute façon.
Calixt se laissa bercer par les mouvements du véhicule. De temps en temps, le capitaine tournait vers lui un visage inquiet et lui demandait comment il se sentait. Le garçon lui répondait en souriant.
– C’est sans doute juste le choc, dit Max Angel. Il retrouvera vite la parole.
***
Calixt ne se souvenait pas de s’être endormi, mais il se réveilla dans un lit du dispensaire. À sa gauche, Diego et Oxan somnolaient sur des chaises. De l’autre côté, Max Angel et Skull chuchotaient.
– … désolée d’être partie, l’autre jour, Capitaine. Je n’étais pas très sûre que je pouvais te faire confiance. Mais je vous ai observés, depuis, toi et ton équipage et… j’ai posé quelques questions. C’est surtout la façon dont vous vous comportez avec ces enfants qui m’a convaincue. J’ai toujours des questions à propos de Stadium, si tu acceptes de me répondre.
– Pourquoi pas ? acquiesça Skull. Mais ça devra attendre un peu que le petit sorte d’ici et qu’on sache pourquoi il ne dit plus rien.
A ces mots, Calixt se remémora son accident et les quelques minutes pendant lesquelles il ne contrôlait plus sa langue. Il la fit bouger contre son palais, s’éclaircit discrètement la gorge. Tout marchait parfaitement.
– Je sais parler, s’écria-t-il en leur arrachant des sursauts. C’est Karl qui m’a sauvé !
Tu continues avec la problématique du travail des enfants, les utiliser pour des crash test est très questionnable.. Cet accident de Calixt est assez inquiétant. Je suis d'accord avec Rachael, Skull devrait aussi se poser des questions, et plus tôt.
Content de revoir Max Angel. Mais je ne me rappelle plus trop pourquoi elle est restée avec l'équipage. Elle n'était pas censée avoir disparu ? Je pense que ça mériterait au moins une phrase ou deux pour dire qu'elle est revenue.
Je me demande quelles seront les conséquences du sauvetage de Karl.
Une petite remarque :
"Après la plaine où apparaissaient déjà les fondations de la nouvelle ville s’étendait un verger." cette phrase est correcte mais subjectivement je n'aime pas trop son rythme, peut-être la tourner dans l'autre sens : un verger s'étendait...
Je poursuis !
En revanche, sur la disparition de Max Angel, tu es le premier à tiquer. En fait, lors de la première rencontre, j'avais utilisé l'expression "disparue" pour dire qu'elle n'était plus là. Ils ne l'ont pas particulièrement cherchée non plus par la suite. Mais elle travaille tout de même sur le chantier, même si Skull ne l'a pas recroisée. Là, elle profite du reportage qu'elle fait pour essayer de reprendre la conversation. Je pensais que c'était à peu près clair, mais apparemment, ça mériterait que je m'y repenche XD
Plus sérieusement, Calixt semble avoir la belle vie, là (même si utiliser des enfants pour des crash test, c'est plutôt moyen niveau éthique...). A-t-il vraiment oublié son aggression à bord du WOW ? Si je me souviens bien, on ne sait pas non plus s'il a fini par déduire que son aggresseur était probablement Blacky.
Ah tiens, Max est de nouveau là ! Elle n'avait pas vraiment disparu, alors ;) On dirait que Skull et Max se connaissent plutôt bien, et ce depuis longtemps, c'est juste ?
C'est la belle vie pour Calixt, en effet, même si, comme tu dis, c'est un peu léger niveau sécurité. Les habitants de cette planète font un peu comme ça les arrange avec le travail des enfants : ils prennent des pincettes, mais au final, il y aurait encore beaucoup à redire !
Il a plus ou moins oublié son agression, oui, ou tout du moins il l'a enfoui parce que ça ne l'arrange pas vraiment d'y penser. Il préfère croire que ceux qu'ils aiment sont gentils (et déjà, ce qu'a fait Karl lui pose un gros problème). Tu te souviens bien : on ne sait pas qui l'a agressé à bord du WOW.
Non, Max Angel et Skull ne se sont jamais rencontrés, mais Skull a paru sous le charme, la première fois qu'il la voit dans le chapitre précédent.
Du coup, j'ai un peu envie de dire au capitaine que s'il veut qu'il n'arrive rien aux enfants, il faut peut-être commencer par surveiller ce qu'ils font ou qu'on leur fait faire. (remarque de vieille grincheuse, je ne suis pas sûre que des enfants auraient cette réaction…)
Tiens, que vient faire là cette journaliste ? Sa réapparition ici et maintenant est un peu surprenante.
Pour la présence de la journaliste, c'est vrai que je me suis dispensée de justifier sa présence à cet endroit (c'est pas crédible, qu'elle bosse dans l'équipe d'arrachage des arbres ?). Je vais ajouter une petite phrase, tiens.
Merci !