Busra était superstitieuse. Elle avait un médaillon enfermant des petits bouts de papiers vierges et emballages de bonbons, et c’était comme porter son passé contre son ventre. Sans lui, elle avait la sensation d’oublier qui elle était, sans lui les souvenirs étaient balayés et dispersés dans l’air, comme des grains de sable coupants et translucides. Elle avait aussi l’habitude d’observer les mouvements du feu comme une oracle, et d’imaginer des prédictions dans les mouvements incessants des flammes, montant au ciel, puis rentrant à l’intérieur d’elle même dans une ronde incertaine. « Si le feu se meurt, mon amour aussi ». Elle observait la disparition de ses objets. Elle comptait les pétales tombées du bouquet. Elle marchandait avec ses taches et ses graines de beauté. Elle avait une boîte à lettre et chaque enveloppe écorchée était un signe. Elle écoutait les paroles des chansons dans le métro. Elle remarquait chaque personne assise par terre dans la rue. La pluie était son présage préféré. Elle avait des chaussettes pour des occasions. La mort d’une plante était un drame et annonçait un désastre. Elle schématisait les relations pour saisir les motifs. Les parfums étaient des pistes à suivre. Un jour, il y avait eu des fourmis dans son brownie. Elle savait bien qu’elle était un peu cassée, un peu branlante mais l’incertitude la broyait plus encore. Le doute la dépeçait et souvent, on la voyait danser d’un pied sur l’autre, la tête baissée, murmurer, une main voletant à côté de sa tête : elle s’étranglait dans le rideau de ses perles de croyances pour ne pas suffoquer des doutes oxygénés.