Snakeheart, Stackolee City
Un trou perdu à la limite du désert,
Quelque part en 2023, au petit matin.
* * * 45 * * *
Elle se jeta dans ses bras et chuchota « Dieu nous gardera libres ». Ils pouvaient entendre les cavaliers venir (…) Il y avait sept anges espagnols à l'autel du soleil. Ils priaient pour les amoureux, dans la vallée des flingues. Quand la bataille s'est arrêtée et que la fumée s'est dissipée, il y avait le tonnerre et son trône, et sept anges espagnols ont ramené un autre ange à la maison. Elle a tendu la main et a pris le pistolet qui fumait dans sa main. Elle a dit: "Père, veuillez me pardonner. Je ne peux pas y arriver sans mon homme.". Et elle savait que l'arme était vide, et elle savait qu'elle ne pouvait pas gagner. Mais sa prière finale fut exaucée et quand les fusils ont tiré à nouveau, il y avait sept anges espagnols, à l'autel du soleil. Ils priaient pour les amoureux, dans la vallée des flingues, quand la bataille s'est arrêtée et que la fumée s'est dissipée.
Seven Spanish Angels
Troy Seals, Eddie Setser
Ray Charles, Willie Nelson
* * *
Au petit matin, le lendemain de la soirée au Stackolee, Betty et Joe dormaient encore dans les draps humides et défaits. La lune gibbeuse était couchée et le soleil du désert commençait à darder ses premiers rayons sur Stackolee City. Les premiers camions traversaient la ville. L’homme noir en costume trop grand n’était plus adossé au mur du pub.
Snakeheart s’approcha de la chambre du jeune couple. Il jeta un coup d’œil autour de lui et s’attarda quelques secondes sur la Fastback, garée près du pub. Ils devaient encore être dans leur chambre. Il saisit la poignée et la tourna sans un bruit. Les pênes jouèrent. Snakeheart savait que la porte ne serait pas verrouillée. Il entra sans un bruit, referma la porte et recula d’un pas, pour se retrouver dans le coin le plus sombre de la pièce. Il y avait un beau bordel dans la chambre. Des fringues éparpillées partout, quelques bouteilles de bières trainaient à même le sol. Et sur le lit, gisait le couple, nu. Joe, allongé sur le ventre passait un bras au-dessus de Betty, comme pour la protéger ou la toucher encore pendant son sommeil. Betty était étendue sur le dos, son visage tourné vers la fenêtre. Les rayons rougeâtres du soleil levant venaient se mélanger à sa chevelure rousse. Betty était abandonnée, à demi-nue, protégée par la pénombre du petit matin et le drap en boule qui recouvrait une partie de son corps. Snakeheart la regardait et profita de ce moment comme d’un moment de prière, de quiétude. L’amour et la beauté étaient allongés sur ce lit, devant lui et il allait tout détruire. C’était le boulot ! Il s’attarda un moment sur les tatouages de Betty et admira la rose sur son épaule. Ce matin la rose était seule.
Quand Betty ouvrit les yeux, elle était heureuse. Elle ressentait encore dans son corps et dans son cœur les sensations de la nuit. Elle sentit le bras de Joe sur elle et était légèrement éblouie par le soleil qui se levait. Doucement elle tourna la tête pour éviter les rayons éblouissants. Quand sa vue se fut adaptée à la pénombre de la chambre, elle aperçut dans l’angle de la porte un homme qui la fixait. Il portait un costume blanc, un chapeau de ranger. Il se tenait droit, les bras tendus et les mains croisées entre ses cuisses. Au bout de ses mains Betty vit qu’il tenait un revolver. Elle ne paniqua pas. Elle fixa l’homme dans les yeux avec un regard de défi, de colère. Subitement, Snakeheart vit en elle une bête traquée, prête à bondir pour sauver sa peau. Il se tendit, prêt à réagir.
Doucement, Betty secoua Joe pour qu’il se réveille. Il grogna et essaya de se coller contre son amante, mais Betty l’interpella sèchement :
– Joe !
Joe sentit l’urgence dans ce ton que Betty n’utilisait pas souvent. Il se redressa et aperçut à son tour Snakeheart dans le coin de la porte. Il reconnut l’homme qu’il avait croisé hier soir, au Stackolee, et sans un moment d’hésitation, il se tourna sur son coté du lit et se jeta au sol, vers son sac où était caché son arme. Il eut le temps de la saisir, de se retourner sur le dos et de la pointer vers le visiteur. Quand il fit face à Snakeheart, allongé sur le dos, sentant le rugosité de la vieille moquette lui frotter le dos, il vit que l’arme de son agresseur était déjà tournée vers lui, prête à tirer.
Snakeheart, ne fut pas surpris de la réaction, plus masculine, de Joe. Les hommes ont tendance à croire qu’ils sont immortels et que leur force et leurs réflexes pourraient les sauver de n’importe quelle situation, comme celle d’aujourd’hui. Le scène, pour lui, se déroulait un ralenti, comme dans un vieux film. Comment Joe pouvait-il espérer avoir le temps de réaliser toutes ces actions, alors qu’il le tenait déjà en joue. Snakeheart décida de lui laisser un peu d’espoir et de le laisser aller au bout de son action. De toute façon, il aimait tirer face à ses cibles et il aimait par-dessus tout tirer droit au cœur pour tuer directement toute chance de rédemption à ses victimes.
Il laissa donc Joe se retourner avec l’arme en main. Snakeheart avait maintenant un bon angle de tir sur le cœur de Joe. L’arme de Joe continuait à se tourner vers Snakeheart et ce dernier décida que le moment était venu. Avant que Joe n’ai terminé de lever son arme, Snakeheart pressa la détente. La balle eut le temps d’atteindre le cœur de Joe avant que celui-ci de s’en rende compte et son cœur explosa. Joe, sans un cri, s’effondra contre le mur de la chambre, les jambes encore à moitié sur le lit, son arme était tombée près de Betty, restée immobile.
Snakeheart tourna ensuite son arme vers Betty qui le fixait, toujours. immobile Elle avait encore ce regard fauve, noir, mais quelque chose avait changé, une lumière, une envie de vivre s’était éteinte. Elle jeta un regard sur l’arme de Joe qui avait échoué près d’elle. Snakeheart lui parla :
– Ne pense même pas à prendre cette arme. Tu ne fais pas partie du contrat. Si tu veux vivre, tu peux continuer à vivre. Tu laisses cette arme où elle est, je franchis cette porte et tout s’arrêtera ici.
– Oui tout s’arrêtera ici. Répondit Betty en prenant l’arme sans précipitation.
Ignorant l’arme pointée vers elle, elle saisit l’arme de Joe. Sa tête se remplit d’émotions, de force, de bruits dont elle ignorait la source. Ils ressemblaient à des corps de chasse et des cuivres mexicains, tonitruants, annonçant la fin du monde. Elle eut l’impression qu’elle ne commandait plus son corps, de voir la scène de l’extérieur. Elle se vit lever l’arme et la pointer vers l’assassin. Snakeheart ne bougeait toujours pas. Quand l’arme fut assez haute elle entendit une détonation au milieu du tumulte de ses émotions et son cœur explosa également. Elle s’effondra contre le corps de Joe, les amants se serrant une dernière fois.
Snakeheart remit son flingue à sa ceinture et se dirigea vers la table de nuit. Il saisit le téléphone et composa un numéro à Chicago. Le Français répondit.
– C’est fait, dit Snakeheart.
Et il raccrochât le téléphone.