Dans les profondeurs ambrées

Par Rachael

Sans plus attendre, tous s'avancèrent et franchirent le passage d'un pas vif. Les roches déchiquetées comme des dents au-dessus de leur tête n'inspiraient aucune confiance.

- Naelmo, c'était grandiose, la félicita Thuen, une main levée dans un geste d'enthousiasme.

Ils étaient restés en arrière pour s'assurer que tous traversaient sans encombre.

Naelmo lui sourit. Elle se sentait extraordinairement bien, tout en se demandant combien de temps cela allait durer. À cet instant précis palpitait en elle la force de déplacer des montagnes. Littéralement.

- Nous ne sommes pas encore tirés d'affaire, s'angoissa Cléola, les ongles enfoncés dans ses poings serrés.

Elle réagissait avec effroi à l'hostilité des soldats. Rien d'illogique à cela, si l'on en jugeait par leurs intentions. Naelmo, elle, n'éprouvait que mépris pour ces hommes et une colère qui effaçait son inquiétude. Peut-être était-ce présomptueux, mais si plus tôt elle avait pensé avec terreur qu'ils étaient douze, elle considérait maintenant ce nombre avec beaucoup plus de sérénité.

- Ne reste pas en arrière, l'appela Cléola, déjà loin devant elle.

- J'arrive.

Naelmo marcha les yeux en l'air, fixant le plafond. Des fissures parcouraient la roche cristalline, cela ne dégageait pas une impression de grande solidité.

Elle s'arrêta une quinzaine de mètres après le passage critique et se concentra, laissant l'énergie la traverser. Des craquements retentirent, tandis que les cassures s'élargissaient et se propageaient au cœur de la roche. La partie déjà abîmée s'effondra.

La route était coupée, de nouveau, mais cette fois derrière eux.

À quelques mètres d'elle, Thuen la fixait, bouche bée. Après un instant de silence, il s'écria :

- Le couloir est bouché ! Nous sommes sauvés.

Une clameur s'éleva comme chacun manifestait son soulagement. Certains revinrent en arrière pour constater les dégâts, touchant Naelmo au passage et, pour les plus audacieux, lui tapant sur l'épaule, lui frôlant les cheveux ou lui prenant la main.

- Formidable !

- Tu es géniale.

- Notre sauveuse.

Elle se sentit devenir écarlate.

- Bah, arrêtez, je n'ai fait que ce que je savais faire, c'est tout. Rien de très héroïque là-dedans.

Thuen rit en la voyant aussi embarrassée :

- Eh, eh ! Ce sont tous tes fans, maintenant. Ezfra va être jaloux.

Naelmo se rembrunit. Pas la peine de lui rappeler Ezfra, alors qu'elle avait remis à plus tard le moment de décider si elle le haïssait un peu, beaucoup, ou passionnément...

 

****

 

Ils marchèrent encore pendant des heures, dans des paysages de plus en plus extraordinaires. L'eau s'écoulait en cascades mousseuses le long des falaises luminescentes. De gigantesques cristaux opalins élancés s'alignaient, formant des orgues naturels. Leur forme hexagonale donnait l'impression qu'un géant les avait taillés à coups de hache. Les gouttes, en tombant sur eux, les faisaient tinter sur tous les tons. Le vent s'insinuant entre les cylindres produisait des sons mélodieux. Naelmo évoluait au milieu d'un orchestre où chaque musicien interprétait une partition différente. Un peu discordant, étrange, mais pas désagréable.

La jeune fille marchait sans ressentir aucune lassitude, encore sous le coup de l'exaltation provoquée par ses exploits. En la traversant, la vague d'énergie qu'elle avait elle-même créée l'avait littéralement transportée au-delà d'elle-même, rétrécissant ses angoisses jusqu'à ce qu'elle en perde la trace. Elle éprouvait la même jubilation que sur Hevéla, à l'époque de ses petites expériences, mais sans la culpabilité qui y était associée.

Ses compagnons devaient bien se demander ce qui la rendait si joyeuse, car pour tous, la fatigue ainsi que le contrecoup de la peur commençaient à se faire sentir. Cléola était rongée d'anxiété pour Ezfra. Naelmo hésitait à la plaindre. Après tout, la mère du jeune homme n'avait-elle pas cautionné toutes ses actions ? À moins qu'elle n'ait subi son influence, elle aussi ?

Rien ne permettait de trancher.

Ezfra aurait beaucoup à expliquer...

La troupe suivait toujours des failles. Elle devait parfois passer de l'une à l'autre par des détours tortueux. Ils cheminèrent plusieurs fois derrière des structures cristallines musicales. En les touchant, Naelmo les trouva froides, si parfaitement lisses qu'elles semblaient avoir été produites par une industrie de précision et non par la nature.

La lumière tombant sur ces cylindres transparents se décomposait comme au travers d'un prisme, éclairant les marcheurs de couleurs changeantes. Naelmo loucha sur le pilier le plus proche d'elle, tâchant de distinguer au travers, mais elle ne réussit qu'à apercevoir des formes floues.

- Vous avez vu, des botvols ! cria une voix enfantine au même moment.

- Ils sont tout près !

D'autres gamins lui firent un écho enthousiaste et agitèrent les mains pour les saluer en riant à gorge déployée. Les petits aimaient bien les botvols, ils remplaçaient pour eux les oiseaux dans cet environnement qui en était dépourvu.

Naelmo n'avait appris le terme que quelques jours auparavant, toutefois elle connaissait déjà l'objet : de délicates machines, munies de plaques antigrav et de caméras, capables d'évoluer dans les airs en autonomie. Au village, on les employait pour étudier la flore locale, en particulier les plantes accrochées aux falaises, inaccessibles sinon. Les gens ici les appelaient les botanistes volants, les botvols, par moquerie affectueuse envers les scientifiques qui ratissaient le fond de la vallée à la recherche d'espèces rares.

Naelmo se précipita vers l'avant de la troupe et la sortie du passage protégé. Dehors, on apercevait en l'air des engins de petite taille munis de caméras qui s'intéressaient aux fuyards.

- Cachez vos visages ! ordonna Thuen. Sinon, ils seront capables de nous retrouver où que nous allions.

Naelmo les épia avec consternation, constatant qu'ils transmettaient en direct un flot d'ondes vers leurs propriétaires : les soldats qui étaient coincés plus bas, à n'en pas douter.

Hum ! En ce qui la concernait, cette identification n'était peut-être pas si négative ; elle pouvait permettre à son père de la localiser. À supposer qu'il la cherche...

Elle se tourna vers l'un des engins. Dès qu'elle eut capté son attention - ces mouchards étaient munis de programmes de reconnaissance faciale -, elle sourit et fit un clin d'œil montrant que tout allait bien.

- Il vous en faut du temps pour venir me récupérer, se plaignit-elle, les mains sur les hanches, un air d'indignation comique sur le visage.

Elle termina en tirant la langue, laissa au botvol le loisir de transmettre ses informations, puis se concentra pour le détruire, ainsi que ceux qui planaient en vol stationnaire à côté de lui. Sa force ne faiblissait pas ; quelle sensation extraordinaire !

Au moins tous ceux qui marchaient encore derrière les orgues étaient-ils restés hors de vue. Ils ne partageaient pas son intérêt à être identifiée.

Naelmo se sentit intellectuellement satisfaite de sa bouteille à la mer. Son père était l'homme le plus intelligent qu'elle connaisse. S'il tenait à elle, il trouverait un moyen d'accéder à ces images et s'arrangerait pour la retrouver. Au fond d'elle, elle n'était toujours pas certaine d'avoir une quelconque importance pour lui. En un sens, le hasard l'avait aidée à mettre au point le test parfait.

Quelque chose se noua dans son estomac ; elle eut soudain l'impression de retomber brutalement les pieds sur terre après un voyage sur les nuages. Ils lui manquaient tant, tous, avec une terrible intensité : Théola, Delum, Shielfen, son père. Même Talie...

Croyait-elle se tromper elle-même avec cette stupide idée de test ? Elle n'avait qu'une envie, que Kaelán vienne vite, qu'il l'emmène...

 

****

 

Il leur fallut pas moins de six heures pour atteindre le fond de la vallée, matérialisé par une cascade monumentale. L'eau plongeait de tout en haut pour frapper les pierres plusieurs centaines de mètres plus bas, si loin que l'on ne distinguait que la brume créée par la vaporisation du liquide. Les embruns de la chute rafraîchirent les marcheurs, desséchés par le vent chaud qui les enveloppait en permanence. 

Naelmo se dit avec un pincement qu'elle ne reverrait peut-être jamais cet endroit. Quel droit avait-elle de s'en plaindre, si l'on comparait à ceux autour d'elle qui y avaient bâti leur vie ?

Délaissant la vallée profanée, magnifique sous la glorieuse lumière argentée de ce milieu de journée, ils s'enfoncèrent dans des profondeurs ambrées.

À l'intérieur, les choses se compliquèrent rapidement. La fatigue sembla tomber avec lourdeur sur la troupe tout entière. Les enfants geignaient, leurs parents devaient constamment les réconforter ou porter les plus jeunes. À l'unisson, Naelmo se sentait comateuse depuis les jambes jusqu'à la cervelle. Sa barrière tenait bon, mais elle ne percevait qu'un brouhaha confus dès qu'elle s'ouvrait aux autres autour d'elle.

On ne distinguait plus, comme avant, une route assez évidente à suivre, mais de multiples embranchements creusés par l'érosion dans la roche cristalline. Toute cette croûte terrestre se présentait comme un assemblage de pièces que l'usure du temps avait désolidarisées, créant des interstices plus ou moins praticables : montées, descentes, coudes, ramifications.

Un rapide sentiment de désorientation s'empara du groupe, malgré l'assurance de Thuen qui prétendait connaître le chemin. Naelmo ne voyait d'autre choix que de le croire, surtout dans l'état de fatigue qui l'accablait à présent. Elle avait calculé presque machinalement la probabilité de prendre la bonne route au hasard. Déjà infinitésimale, celle-ci était encore divisée par deux à chaque nouvel embranchement.

Sans raison apparente, Thuen se refusait à révéler comment il procédait et où déboucherait leur itinéraire. Il se contentait de donner des indications laconiques :

- Ici à droite... là, il faut descendre.

Ou alors :

- On doit se faufiler entre les deux parois, là, pas suivre le couloir le plus large.

Naelmo n'y tint plus. Elle bouscula ses voisins pour atteindre leur guide :

- Comment sais-tu où aller, Thuen ? Tu ne dis rien, c'est agaçant à la fin.

Il haussa les épaules, comme si en toute sincérité, il doutait de la réponse. Sous le coup d'une intuition, Naelmo s'écria :

- Tu ne le sais pas. En fait, tu ne sais pas !

- Mais si enfin, je sais où il faut aller, protesta-t-il sans comprendre.

- Oui, mais tu ignores comment tu le sais, triompha-t-elle.

À ce moment-là, elle n'était pas la seule à le regarder avec perplexité. Tous se sentaient mal à l'aise dans ces boyaux étroits.

Il balbutia trois syllabes inaudibles, parut partir à la pêche aux mots puis finit par expliquer d'une voix hésitante :

- À chaque embranchement, je sais de quel côté je dois avancer. Je visualise la bonne route. Ezfra me l'a montrée.

Naelmo se retint de dire que cela ne clarifiait rien... ou plutôt cela mettait au jour un nouveau coup tordu d'Ezfra. Il s'était assuré que Thuen retrouverait le chemin, tout en demeurant totalement incapable de le décrire à quiconque.

- Si tu sais où aller, c'est le principal, jugea un des hommes proches d'eux.

- Thuen, grogna Cléola avec un air accablé, combien de temps devrons-nous marcher encore ? Les petits sont éreintés, et personne n'aime cet endroit.

- Quelques heures tout au plus. Nous y serons ce soir.

On entendit des soupirs de lassitude, des murmures de soulagement. Quelques heures, ça, tout le monde y arriverait, même en ayant faim, soif ou les pieds endoloris.

Bien que la fatigue émoussât ses perceptions, seule Naelmo devina dans ses yeux la vérité : il n'en savait rien. Rien de rien. En fait, il n'avait pas la moindre idée du temps que leur odyssée souterraine allait durer !

 

****

 

Ils arpentaient encore les tunnels le lendemain matin. Ils s'étaient arrêtés à la nuit tombée dans une salle un peu plus spacieuse que les couloirs parcourus tout le jour et s'étaient accordé quelques heures de repos. Il semblait plus prudent d'attendre que le jour se lève ; avec la nuit, les roches s'étaient éteintes. On n'y voyait guère : les lampes emportées par les uns ou les autres n'étaient peut-être pas aussi pâlottes que leurs propriétaires éreintés, mais elles étaient loin de suffire.

Une fois la pause décrétée, tous s'étaient assis avec lassitude, puis allongés. Les conversations s'étaient rapidement taries. La plupart avaient dormi, malgré la rareté des vivres et de l'eau, malgré l'angoisse et l'inconfort.

Naelmo avait passé une nuit agitée. Les inquiétudes des villageois s'additionnaient aux siennes, alors même qu'elle se sentait mal à l'aise de ne pas toutes les partager : tout bien considéré, son avenir était bien moins incertain que le leur. Il lui suffisait de retrouver son père et tout irait bien. Ironie : elle l'attendait comme un sauveur, pourtant elle aurait voulu se montrer tellement plus à la hauteur pour lui.

Elle y pensait avec morosité en marchant vers l'issue que Thuen leur avait enfin décrite : une large faille horizontale dans un canyon parallèle à celui qui abritait Tabarnt.

La tension chez les réfugiés faisait écho à sa propre nervosité. N'allaient-ils pas se trouver face à des soldats aussi hostiles que ceux qu'ils fuyaient ? Si les autorités avaient découvert une entrée, pourquoi pas l'autre ? Il leur suffirait d'attendre que la soif les pousse à sortir pour les cueillir comme des fleurs... ou les tirer comme des rats, selon le niveau d'optimisme avec lequel on envisageait ces hypothèses.

Un changement d'état d'esprit se faisait jour parmi les rescapés, s'intensifiant de minute en minute : ils paraissaient avoir ouvert les yeux sur la réalité, y compris ceux qui, la veille, suivaient avec docilité la troupe. Beaucoup se rendaient compte que leur association avec des télépathes leur valait cette situation pour le moins périlleuse. Résultat, une certaine hostilité envahissait l'air d'un relent douceâtre, comme si le cadavre du village, déjà putride, infectait ses habitants par contagion.

Est-ce que cela devait toujours mal finir entre humains et télépathes ? De toute façon, leur belle entente n'avait jamais été qu'une fiction orchestrée par Ezfra. Un rêve qui venait de virer très brutalement au cauchemar.

 

****

 

La jeune fille sentit l'approche de la sortie en même temps que certains des télépathes du groupe. Il y eut un mouvement d'arrêt collectif, quelque trois cents paires de pieds se figeant sur place à l'injonction d'un bras levé. Par réflexe, tous se turent, comme si leurs oreilles se tendaient vers un même son, ténu et indistinct, au milieu du bruit de fond ambiant. Le silence fut si parfait pendant un instant que Naelmo le trouva funèbre, comme un présage de mort. Puis un enfant cria, ranimant la vie autour d'elle. Elle souffla de soulagement, sans avoir eu conscience de retenir sa respiration. Elle tâcha de se concentrer, à l'instar des autres.

Ces roches la déconcertaient. Elles absorbaient ou reflétaient les pensées à des angles bizarres, créaient mille effets tournoyants. Pour les télépathes, c'était un vrai défi d'arriver à distinguer quoi que ce soit au travers de ce matériau. Dommage qu'il compose la majeure partie de la zone habitable de la planète !

- Il y a des gens, souffla Bertiz, un jeune homme timide et gauche que Naelmo avait surpris plusieurs fois à la regarder.

- Des soldats, confirma un homme trapu dont Naelmo ignorait le nom.

Une vague d'inquiétude traversa tout le groupe.

Trop sensible aux personnes autour d'elle, Naelmo ne voyait rien. Elle entortilla une de ses fines nattes sur son doigt, agacée. D'habitude, ce geste coutumier l'aidait à se concentrer, mais là, peine perdue. Tout se mélangeait, le proche avec le lointain, dans une même cacophonie inintelligible.

Soudain, son attention fut attirée par quelque chose de familier, noyé dans la confusion ambiante. Une présence très atténuée, presque invisible, n'apparaissant que par intermittence. Quand il lui semblait la sentir, elle s'échappait hors de portée. Quant à la saisir, elle en était loin.

Argh ! Quelle bonne à rien. Tout ça n'était probablement qu'un méchant tour de son imagination, elle qui espérait tant des retrouvailles avec les siens.

Par chance, personne ne paraissait attendre quoi que ce soit de sa part. Elle récolta bien un coup d'œil interrogatif de Cléola, mais elle y répondit par un haussement d'épaules et celle-ci n'insista pas.

- On dirait qu'ils se battent dehors, hasarda quelqu'un.

- On envoie cinq personnes devant, décida Thuen.

Il désigna ceux qui avaient avancé des hypothèses. Leur sensibilité était plus affûtée que celle des autres.

- Vous nous expliquez la situation dès que vous comprenez quelque chose. Ne vous mettez pas en danger.

Ils patientèrent tous de longues minutes, jusqu'à recevoir plusieurs messages télépathiques à peine audibles :

- Attaques aériennes à l'extérieur, mais ils se contrefichent de nous.

- C'est la révolution, là-haut !

- Je pense qu'on peut sortir ; en restant dans le fond de la faille, on ne craint pas grand-chose.

 

****

 

Quand la tête de la troupe déboucha à l'air libre, avec lenteur et prudence, un spectacle étonnant les attendait. Un combat aérien se déroulait dans le canyon, au-dessus et en dessous de l'anfractuosité où ils se serraient.

À vrai dire, ils furent assaillis par le bruit davantage que par les images. On ne voyait pas grand-chose, car tout se situait trop haut ou trop bas, ou traversait leur niveau trop vite. En revanche, on était assourdi par le vacarme. Quand les chasseurs s'entrecroisaient dans le canyon étroit, le vrombissement de leurs moteurs rebondissait contre les parois. Des explosions trouaient l'air. Les roches cristallines, agressées, protestaient par des cris suraigus.

Les oreilles douloureuses, le corps parcouru de vibrations, Naelmo était pourtant insensible aux échos saturés de la bataille. Elle était immergée dans un autre plan, celui correspondant à la débauche d'énergie résultant des assauts des adversaires. D'abord submergée, elle tenta de rétablir de l'ordre dans ce qu'elle percevait. Elle n'avait jamais connu avant un tel maelstrom de force pure et destructrice. Terrifiant ! Mais aussi terriblement excitant.

Seuls ses yeux avaient conservé un semblant d'autonomie face à l'envahissement de ses sens. Elle aperçut Thuen qui faisait rebrousser chemin à tous ceux qui avaient commencé à quitter l'abri des tunnels, avec force gestes, en hurlant des mots qu'elle n'entendait pas. Il lui adressa des signes, mais elle secoua la tête. Impossible de rentrer, alors que l'énergie tourbillonnait autour d'elle.

- Mets-toi à l'abri ! lui envoya quelqu'un.

Thuen peut-être ?

« Protège-toi », murmura en elle une voix qu'elle reconnut comme celle d'Ezfra. Elle se raidit, prête à fondre avec une fureur vengeresse sur lui. Mais ce n'était pas l'original, seulement un écho, une réminiscence de ce qu'Ezfra lui avait appris. La mémoire s'en déploya en elle : l'énergie autour d'elle ne la tuerait pas aussi longtemps qu'elle réussissait à en prélever une infime proportion pour se retrancher derrière un paravent, une carapace plus exactement, qui l'isolait. Ainsi parée d'une enveloppe indestructible d'énergie scintillante, Naelmo le petit ver à soie reposait dans l'abri de son cocon nacré.

À l'intérieur, le calme se fit. Elle rejeta tout en dehors : bruits, lumière, vibrations, pensées violentes des combattants. Les villageois près d'elle s'effacèrent. Elle partageait leur destin depuis la fuite, mais ils étaient les acteurs d'un drame, et elle, seulement une figurante de hasard recrutée malgré elle. Elle les oublia.

Elle oublia même Ezfra, laissa s'écouler sa colère et son indignation contre lui.

Seul importait ce qu'elle percevait au-dessus du canyon, dans l'embrasement de la surface d'Oolkyuth.

Elle leva les bras, en un signe universel de victoire. Son vaisseau planait là-haut. Il la cherchait, lui aussi.

Kaelán.

 

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Moje
Posté le 12/06/2017
Salut salut!
Bravo pour ton histoire, elle est vraiment intéressante, et d'une écriture d'une grande qualitée! Merci bien en tout cas de nous emmener si loin dans l'espace, et bonne continuation à toi!
Rachael
Posté le 12/06/2017
Hello,
 
Merci de ton passage Moje, et de tes compliments !
Bonne continuation à toi aussi :-) 
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