La traversée s'avère chaotique. Bringuebalés comme dans une lessiveuse, ils atterrissent de l'autre côté du psyché avec l'impression d'être sortis tout droit d'un manège à sensation. Théo doit retirer ses cheveux collés de son visage pour analyser le lieu où ils se trouvent.
— Merde ça n'a rien fait, on est encore dans le grenier !!! Théo semble déçu.
— Rien fait ?! Mais t'as vu dans quel état on est !! Mon sac s'est ouvert en grand !! On est encore dans le grenier mais quelque chose s'est passé. Je me sens bizarre, j'ai comme la nausée.
— Oui tu as raison moi aussi je suis un peu barbouillé.
Le psyché est toujours là, tout semble à sa place dans le grenier. Théo touche le miroir par lequel ils sont arrivés. Rien ne se passe. Théo se dirige alors vers l'escalier, il veut vérifier qu'ils sont bien dans leur maison et voir si rien à changer. Sam le suit désemparé. Dans le salon, ce dernier s'approche de la fenêtre pour jeter un œil à l'extérieur. Son œil atterrit sur un paysage ahurissant. Pris de vertige, il fait un pas en arrière, obligé de reculer pour ne pas avoir un haut le cœur. De la bile remonte de son estomac. Il va vite s'asseoir sur une chaise de la cuisine pour boire un verre. Ses yeux sont vitreux. Théo curieux de sa réaction se dirige droit vers la fenêtre. Ses yeux s'agrandissent au-delà du possible, il n'en revient pas. Ils ne sont plus dans leur maison. Bien que cela y ressemble, ils se trouvent apparemment dans un appartement puisqu'il surplombe une ville gigantesque. A quel étage sont-ils ? La vue paraît s'étendre plus loin que l'horizon. La ville est coupée en deux par une rivière qui coule au fond d'un canyon. Au loin, Théo aperçoit une étendue bleue qui ressemble à la mer. La rivière semble s'y jeter. Tout est un peu flou, la lumière extérieure est éblouissante, comme celle d'un néon. Cela lui brûle les yeux.
— Sam tu as vu, c'est extraordinaire !!!
Sam ne dit rien, la couleur de son visage tire sur le jaune, il n'est pas bien. Il a peur, peur de ne jamais retourner dans son monde, peur de ne jamais plus revoir ni ses parents ni Léana, peur de ce monde nouveau qui les attends en bas. Ses jambes tremblent, ses ongles dansent dans sa bouche. Son corps bascule d'avant en arrière. Il ressemble à un fou. Théo le surprend dans cette position.
— Sam oh réagis là !!! Tu vas pas me lâcher maintenant ! Il faut qu'on aille visiter cette ville.
La panique régit toujours le corps de Sam. Il doit prendre sur lui et puiser dans ses forces pour réussir à se lever. Théo, quant à lui, est impatient de découvrir cette ville qui a l'air démente à ses yeux.
— Je te conseille de prendre tes lunettes de soleil Sam si tu ne veux pas te bousiller les yeux !
Sam obéit, il est comme télécommandé par Théo. Il récupère ses lunettes de soleil dans sa chambre. Que c'est étrange, tout a l'air comme avant. Il aimerait aller se coucher sous la couette, dans son lit et dormir en espérant que tout ceci ne soit qu'un rêve.
— Sam viens voir, y a un ascenseur dans la maison !! La voix de Théo résonne au loin, Sam a l'impression d'être au fond d'une grotte. Finalement, il préférait être dans les entrailles de la terre que de devoir affronter ce qui les attend en bas. Il se surprend à réagir ainsi, à flipper autant.
Sam rejoint son jumeau près de l'ascenseur qui se situe derrière la porte d'entrée de leur maison. Théo entre dedans. Les parois sont transparentes, ce qui déstabilise un peu plus le jeune homme. L'immensité de la ville paraît irréelle. Cependant, les délimitations de la cité sont très claires. La ville ne s'étend pas en largeur mais en longueur de part et d'autre du profond canyon. De chaque côté, un désert s’étire à perte de vue. Sam hésite à entrer dans l'ascenseur. C'est comme s'il devait se jeter dans le vide. Cela lui paraît insurmontable lui qui souffre de vertige.
— Allez Sam bouge toi on va pas rester là, tu ne peux plus faire machine arrière maintenant que tu es là !
Sam prend une grande respiration et saute dans l'ascenseur. Ça y est l'aventure commence pour tous les deux.
L’ascenseur arrive en bas à la vitesse d'une chute, ils n'ont pas eu le temps de contempler la ville. Tout à défiler à la vitesse d'un éclair. Quand les portes s'ouvrent, ils sont de suite immergés dans l'agitation citadine, plongés dans un tumulte de bruits mécaniques et de cris provenant d'une foule d'individus en mouvement. Un odeur indéfinissable leur irrite la cloison nasale, Sam éternue. Une fumée blanche sort par intermittence de ce qui ressemble à des bouches d'égout. La lumière étincelante qui avait aveuglé Théo ricoche contre les façades des immeubles, couvertes de miroir sans tain. Cette lumière aveuglante leur paraît tout droit sortie d'un bloc opératoire. Ils se sentent tout petit dans ce décor voire pris au piège. Au dessus de leurs têtes, des engins volants de tous types s'entrecroisent ; une parade de montgolfières et de dirigeables défile comme des rapaces qui planent au dessus des falaises ardéchoises. Ce nouvel environnement les agresse. Cela leur rappelle l'insupportable Marseille et ses bruits de klaxons. Personne ne semble les avoir remarqué, chacun des passants a la tête dans ses préoccupations. Sam fait pourtant tâche avec son pull jaune au milieu de cette foule incolore. En effet, chaque individu est habillé soit en gris soit en noir ou les deux pour les plus rebelles au code vestimentaire en vigueur. Leur vêtement s'apparentent à des guenilles d'un autre temps, troués et tachés comme ceux portés par les habitants des grandes bourgades du moyen âge. Théo et sa dégaine de gothique évolue comme un caméléon au milieu de ces moyenâgeux. Les jumeaux se suivent de prés dans les ruelles miteuses, sales et oppressantes au pied des buildings menaçants qui obstruent le ciel. Ils ont du mal à respirer, leurs poumons sont contaminés par l'air vicié et malodorant qui émane des égouts.
— On va où ? Demande Sam comme si Théo avait une réponse toute faite à ce sujet. Il est obligé d' hurler pour se faire entendre au milieu du brouhaha ambiant.
— Je ne sais pas Sam, je suis autant perdu que toi !! Je pense qu'il faut sortir d'ici et trouver un abris pour se cacher !! s'époumone t-il en toussant le surplus de la pollution des bas fonds.
Les deux frères continuent leur déambulations au cœur de cette cité sortie tout droit de leur livre d'histoire avec pour seul objectif : trouver un refuge. Ils cherchent à s'isoler ce qui semble impossible ici. Y a du monde partout et tout le temps. Soudain, des hommes chancelant d'ivresse chantent à tue-tête, leurs voix de crécelle transpercent les tympans de Théo et de Sam. Quand ils finissent par les croiser, l'un d'entre eux perd l'équilibre et se renverse sur Théo qui entraîne Sam dans sa chute. Les deux garçons se retrouvent au sol. La fatigue ainsi que le contexte provoque un fou rire chez les jumeaux. Leur rire nerveux prend fin quand Théo aperçoit au loin la rivière.
— Sam regarde la-bas la rivière, y aura peut-être moins de monde.
Sam n'en est pas convaincu mais faute de mieux, il le suit. Ils se dirigent vers la rivière où peu à peu les piétons se font de plus en plus rares. Ils descendent le long de la berge et découvre un renfoncement creusé dans la terre. Ce lieu leur ouvre les bras au moment propice car la pluie s'abat sur eux telle un torrent. Ils se jettent sous l’abri de fortune qui fera l'affaire pour le reste de la journée. Sans prévenir, la lumière éblouissante a fait place à l'obscurité. Et alors qu'ils ont l'impression d'être enfin en sécurité, une puissante alarme retentit dans tout le canyon. L''écho rebondit sur les falaises pour s'enfuir vers le ciel comme si un monstre enfoui dans les entrailles de la terre était en train de rugir et qu’il s’apprêtait à sortir.
Je suis intriguée par le lieu où ils ont atterrit. J'ai hâte d'en apprendre plus sur cet endroit, mais j'appréhende aussi la suite pour les deux frères...
Aussi, j'aime beaucoup la métaphore à la fin du chapitre !
Je m'en vais lire la suite !
contente que tu es appréciée la métaphore