À l’entrée, Françoise et Sabrina suivaient la cadence des arrivées. Pablo laissait entrer les clients au compte-goutte, vérifiant d’un coup d’œil leur vivacité d’esprit et de l’autre, leur carte d’identité. À cette heure-ci, les gens n’étaient pas encore trop alcoolisés, mais la méfiance était toujours de mise en cette soirée du nouvel An.
Soudain, un rugissement sourd se fit entendre. Une berline d’un noir étincelant venait de faire son entrée sur le parking. Un homme en sorti et se dirigea d’un pas enjoué vers l’établissement.
− Bonsoir Nicolas, quelle bonne surprise ! Je me demandais si tu allais venir ce soir, s’exclama Pablo, accueillant chaleureusement ce dernier.
− Bonsoir Pablo, tu sais bien que je ne rate aucune soirée du nouvel an, répondit Nicolas d’un air entendu. Chaque année, il s’y passe toujours quelque chose d’amusant.
− Si tu parles des flics de l’année dernière, j’en garde un souvenir moins agréable, rétorqua Pablo, un sourire en coin.
Nicolas entra dans la discothèque et salua les employés. C’était un homme d’une quarantaine d’années avec un certain charme, il portait un costume en velours bleu marine avec une chemise blanche, sans cravate pour une allure plus décontractée. Il avait connu et beaucoup fréquenté La Chaumière durant sa jeunesse et avait gardé l’habitude d’y retrouver quelques amis pendant la période Noël, pour y boire un verre et discuter des dernières nouvelles. Il s’approcha du bar tenu par Jessica et Joséphine et commanda un Gin tonic bien frais avant de rejoindre le groupe de quatre personnes qui sirotaient leur punch de Noël assis sur des banquettes en simili cuir couleur bordeaux.
− Te voilà enfin Nicolas, on ne t’attendait plus ! s’exclama Emmanuel, un grand barbu chauve habillé d’une chemise de la même couleur que la banquette.
− Je suis désolé les amis, j’ai eu un contretemps au boulot, ça a traîné bien plus que prévu. J’ai dû prendre le train suivant et le temps de me préparer puis de venir, il était déjà tard, s’excusa Nicolas, se faufilant pour gagner la place que ses amis lui avaient soigneusement gardée.
− Les gens ont vraiment besoin d’ouvrir un compte bancaire un 31 décembre ? Ils ne peuvent pas te lâcher un peu la grappe ? s’enquit ironiquement Marie, les joues rosies par le punch de Noël que Joséphine avait peut-être un peu corsé pour l’occasion.
− Mon travail ne consiste pas vraiment à ouvrir des comptes bancaires Marie, répondit Nicolas, un peu vexé et ayant l’impression de réentendre ses parents lui exprimer leur incompréhension face à leur grand garçon passant plus de temps enfermé dans une tour de la Défense que chez lui. Je gère plutôt les affaires juridiques de l’entreprise, c’est assez intéressant quoique très prenant. Enfin, ne parlons pas de travail, trinquons plutôt à nos retrouvailles, non ?
À peine les cinq amis eurent-ils le temps de porter un toast qu’un homme surgit d’un côté de la banquette, un mètre à la main.
− Désolé m’sieur Dame, grommela-t-il, à genoux en prenant des mesures de la table sur laquelle se trouvait les boissons.
− Ne vous gênez surtout pas, si vous avez besoin d’un coup de main, j’ai un niveau à bulle dans le sac, rétorqua Emmanuel, irrité par un tel comportement.
Nicolas observa un instant cet homme à l’affreuse chemise saumon et à la mine rustre, ce dernier lui rappelait vaguement quelqu’un. Était-ce peut-être finalement l’archétype du gougnafier tout droit sorti du film « Le père Noël est une ordure » ? À cette pensée, Nicolas sourit. Il semblait avoir déniché le sujet de divertissement de cette dernière soirée de l’année.