De pire en pire (1ère partie)

Par deb3083

Amalia devait rencontrer Estelle Neffrey en fin de journée. Pendant les dix derniers jours, la jeune femme, avait été le témoin d’injustices toutes plus cruelles les unes que les autres de la part de Joachim de Bourbon-Conti et elle avait dû se faire violence pour ne pas grimper les escaliers quatre à quatre et coller une bonne paire de claques à cet insupportable prince héritier.

Constance, la troisième jeune femme à devoir s’occuper de l’antre de la bête depuis l’arrivée d’Amalia au palais, donnait l’impression d’être plus résistante que les deux employées qui l’avaient précédée.

Parmi les domestiques, où la solidarité n’était pas toujours de mise, il se murmurait que son physique attrayant et sa ressemblance assez frappante avec la meilleure amie du prince devaient y être pour quelque chose.

Naturellement, les rumeurs enflèrent de jour en jour sans que la principale intéressée ne cherche à les démentir. Qu’on la dise proche de l’héritier ou qu’on la soupçonne d’avoir couché avec lui ne semblait même pas l’atteindre.

Amalia elle-même commença à y croire lorsqu’un jour, elle se décida à aller faire le tour complet de l’aile où logeait le prince Joachim. Eugénie lui avait expliqué qu’il s’agissait d’une des plus belles parties du château et la jeune femme était entièrement d’accord avec elle.

Les lieux avaient été érigés au 17ème siècle et voulaient se rapprocher de l’esprit du château de Versailles.

Amalia, qui avait déjà visité le célèbre bâtiment, nota qu’effectivement, d’un point de vue architectural, les ressemblances étaient troublantes. Elle trouva cependant que cette partie du palais avait surtout l’esprit des anciens palaces parisiens. A l’architecture élégante de l’endroit se mêlaient dans une parfaite harmonie le confort et les équipements modernes.

Amalia songea que, dans un environnement pareil, il n’était pas étonnant que l’héritier de San Gavino soit en total décalage avec la réalité.

Pour rejoindre les lieux, la jeune femme avait emprunté un escalier monumental dont la rampe en fer forgé était recouverte d’une main courante en cuivre et son tapis de marche était retenu par des barres en laiton.

L’atmosphère feutrée et les décorations raffinées de cette partie du palais royal l’avaient véritablement impressionnée. Curieusement, et sans doute en raison du sombre caractère de Joachim de Bourbon-Conti, Amalia ne s’attendait pas à se retrouver dans un endroit baigné de lumière.

Dans les vastes couloirs où elle avait pu remarquer les boiseries fines et les tentures aux délicates teintes pastel, elle s’était arrêtée pour admirer plusieurs peintures de Claude Monet et c’est à ce moment-là qu’elle entendit la voix grave de Joachim de Bourbon-Conti.

Alors qu’elle aurait dû le saluer puisqu’elle l’avait aperçu, la jeune femme fit semblant d’être absorbée par ses notes et le tableau qu’elle examinait.

Étrangement le jeune homme ne réagit pas car il était lui-même plongé dans l’examen de divers documents.

Constance sortit à ce moment-là de la chambre de l’héritier et d’une voix douce elle l’interpella pour lui indiquer qu’il avait oublié sa cravate sur son lit.

Amalia manqua tomber à la renverse lorsque l’héritier de San Gavino se retourna vers la domestique et lui adressa un sourire bienveillant :

— Je vous remercie Constance.

 

Je vous remercie Constance ?

 

Interloquée, la jeune femme regarda le prince retourner dans ses appartements puis remercier à nouveau son employée en la gratifiant d’un sourire charmeur.

Depuis quand ils fricotent ensemble ces deux-là ? Et depuis quand ce connard fini s’intéresse-t-il aux servantes ?

 

Bien décidée à connaître le fin mot de l’histoire, Amalia s’était ensuite arrangée pour prendre tous ses repas avec Constance mais celle-ci avait systématiquement gardé le silence au grand désappointement de la jeune femme.

Quelques heures avant sa rencontre avec Estelle Neffrey, Amalia croisa Constance à la sortie des cuisines et celle qui était chargée de veiller à l’entretien des appartements princiers semblait dans tous ses états. Elle était accompagnée de Louise qui essayait de la réconforter mais la domestique était au bord de la crise de nerfs.

Le prince Joachim exigeait que ses draps et oreillers soient parfumés tous les soirs avec de l’huile essentielle à la lavande et malheureusement, Constance s’était trompée en choisissant le flacon dans la réserve et elle avait pris celui qui était destiné à la Reine Sofia.

Amalia se demanda comment le prince Joachim allait réagir et elle ne dut pas attendre longtemps pour le savoir.

Il convoqua l’ensemble du personnel dans le vaste hall d’entrée et il entreprit de dénigrer Constance devant tout le monde. C’est ainsi qu’Amalia comprit qu’il s’était moqué d’elle, qu’il l’avait encouragée à se dévoiler sans qu’elle ne se rende compte qu’en réalité il jouait avec elle. La pauvre fille était tombée dans le panneau et à présent, humiliée devant tous, elle ne pouvait retenir ses larmes.

— Vous croyez que je n’ai pas vu clair dans votre petit jeu ? Vous êtes sans doute la plus stupide de toutes les domestiques du palais et la plus désespérée aussi. Je savais que les servantes n’avaient pas de cervelle mais vous…Je reconnais que vous vous êtes donné du mal pour me faire voir votre décolleté plongeant sans jamais vous rendre compte que vous étiez grotesque. Vous croyiez sans doute qu’en me flattant sans cesse avec vos airs de petite sainte nitouche, vous vous retrouveriez dans mon lit ? Malheureusement pour vous, j’ai tout de suite compris vos intentions pauvre sotte. Ah et… je crois que ceci est à vous. Je l’ai retrouvé dans ma garde-robe entre deux caleçons. Vous n’êtes pas très douée pour écrire des lettres d’amour. Mais j’y pense, il y avait aussi…ceci…

 

Quelques rires étouffés parvinrent aux oreilles d’Amalia qui constata que le prince Joachim tenait, en plus d’une lettre froissée, une petite culotte rose pâle dans sa main.

Il la jeta alors négligemment aux pieds de Constance qui la ramassa en tremblant.

Puis, il déchira la lettre et avant de retourner dans ses appartements, l’héritier de San Gavino fixa la pauvre domestique droit dans les yeux :

— Je pense qu’il est inutile que je vous montre la sortie ?

 

Kylie qui se trouvait non loin d’Amalia lui chuchota alors à l’oreille :

— C’est de pire en pire. Chaque fois que Son Altesse se rend à l’extérieur de la ville pour faire cette randonnée, les semaines qui suivent sont épouvantables. Comme s’il voulait…en fait je ne sais même pas ce qu’il cherche. Est-ce un jeu pour lui de se faire haïr de tous ?

 

Amalia secoua la tête en soupirant : elle non plus ne comprenait pas.

 

En sortant du palais royal pour se rendre à son rendez-vous, la jeune femme se rendit compte qu’elle était bien trop à l’avance. Elle décida alors de flâner jusqu’au port et pendant de longues minutes elle observa les yachts de luxe amarrés aux différents pontons.

Amalia se rendit jusqu’à l’extrémité du débarcadère dans l’idée de rejoindre ensuite la petite plage qui se trouvait à une cinquantaine de mètres du port.

Elle emprunta un petit escalier en fer puis, lorsque ses pieds se posèrent sur le sable elle remarqua qu’un bateau plus imposant que les autres venait de faire son apparition dans la baie.

Amalia reconnu très vite les armoiries de la famille royale de San Gavino et quand elle aperçut Joachim et Victoria de Bourbon-Conti marcher d’un pas rapide sur l’un des pontons, la jeune femme sortit rapidement son smartphone.

Elle resta sur la plage plus d’une demi-heure, jusqu’à ce que l’imposant navire quitte le port. Estelle Neffrey allait être contente.

Amalia avait rendez-vous dans un autre café : en réalité, chaque entrevue se déroulait dans un lieu différent car Estelle Neffrey tenait à ne pas être repérée même si Castello di Gavino étant une grande ville et qu’il y avait peu de chance que les deux jeunes femmes rencontrent à plusieurs reprises les mêmes personnes.

Comme Amalia s’y attendait, Estelle Neffrey eut du mal à cacher son excitation lorsqu’elle découvrit les clichés réalisées par la jeune femme.

— Tu es bien plus douée que ce que je pensais. Je pense que nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses.

— Aux…choses sérieuses ?

— Hum…Tiens, c’est une entrée pour la soirée d’inauguration du Yachting Festival vendredi soir. Et…tu passeras dans la boutique Ralph Lauren de l’Avenue de Vérone. J’ai loué une robe à ton intention. J’avais pour projet de t’accompagner mais j’ai un empêchement de dernière minute. J’aimerai que tu te renseignes pour moi au sujet de deux modèles de bateau. Voici les infos à ce sujet. Naturellement, tu n’y vas pas seulement pour boire du champagne et manger des petits fours, nous sommes bien d’accord ?

 

Amalia n’eut pas le temps de placer un seul mot qu’Estelle avait déjà réglé la note. Puis, elle partit en coup de vent.

La jeune femme regarda ensuite le carton d’invitation : une soirée mondaine, quelle horreur !

 

 

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