De retour - Chapitre 8

Par Sad

 

Lorsque le matin filtra par la fenêtre, il n’avait pas dormi. Il déposa un baiser sur le front de sa princesse et se leva en essayant de ne pas la réveiller, puis chercha ses vêtements.

- Tu t'enfuis avant l’aube ? murmura Amélie d’une voix endormie.

- Avant que ta servante n’arrive, répondit-il en fermant sa ceinture. À moins que ça ne te fasse rien qu’elle ne me trouve nu dans ton lit.

- Tu m’emmènes avec toi ? demanda-t-elle en le regardant faire.

Enroulée dans son drap froissé, elle frissonna à cause d’un courant d’air. Regarder Adam s’habiller après avoir passé la nuit contre lui sans aucun tissu pour les séparer était plus érotique encore que s’ils avaient fait l’amour. Tout se passait dans l’imagination et Amélie n’en manquait pas. Elle lui sourit paresseusement, les yeux brillants de malice. Adam la trouva divine.

- T’emmener dans mes appartements en passant par le balcon ? demanda-t-il.

Elle rit.

- Bon d’accord. Si tu me manques, je te rejoindrai, en passant par les couloirs et en ouvrant des portes, et non des fenêtres. Mais d’ici que je sois prête, il sera déjà l’heure de rejoindre mon père.

Il acquiesça, en enfilant sa veste, puis revint vers elle pour l’embrasser tendrement.

- À tout à l’heure, ma reine.

- À tout à l’heure. Je t’aime.

Elle l’embrassa encore puis le laissa filer. Elle se sentait bien, à cet instant, elle se sentait pleine et épanouie, juste grâce à une bonne nuit dans les bras de l’homme qu’elle aimait. Tout allait bien se passer, tout ne pouvait que bien se passer quand elle se sentait comme ça. La servante entra, et Amélie se leva, sans s’inquiéter d’être nue. Elle se laissa laver, parfumer, coiffer, parer… le tout avec un sourire indélébile sur les lèvres. Elle fit la conversation avec sa servante, sourit aux gardes, et peu à peu commença à s’éveiller vraiment tandis qu’elle se dirigeait vers la salle du trône. Rien n’était encore joué. Elle avait assez rêvassé, et s’il fallait se battre, elle était prête.

- Bonjour, père, salua-t-elle avec un sourire radieux. Avez-vous passé une bonne nuit ? 

Altaïr posa sur elle un regard morne. Apparemment non.

- Bonjour ma fille, répondit-il.

Elle s’approcha de lui et s’installa à ses côtés.

- Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle.

- Rien… Tout va bien. Comptes-tu revenir à la charge ce matin également ?

Elle plissa les yeux.

- Si tu me dis ça, c’est que tu n’as toujours pas changé d’avis. Moi non plus.

Ça y est, sa bonne humeur venait de s’envoler d’un coup. Elle n’arrivait pas à croire qu’il soit aussi obstiné.

Adam fut annoncé. Il s’avança jusqu’aux trônes et mît un genou à terre.

- Mon roi… Commença-t-il.

- Je t’avais ordonné de retourner à Saad, comte, le coupa-t-il d’une voix froide.

- S’il vous plait mon roi. Que puis-je faire pour vous faire changer d’avis à mon encontre ? Que puis-je faire pour être à la hauteur de votre fille ?

- Il n’est rien que tu puisses faire pour la mériter. Jamais elle ne sera à ta portée.

- Père ! intervint Amélie.

Rien qu’à l’entendre parler, son cœur s’était gelé. C’était impossible. Pourquoi était-il aussi buté ? Pourquoi n’y avait-il aucun moyen de lui faire changer d’avis ? Elle posa sur lui un regard blessé et froid.

- Vous êtes injuste. Vous parlez à un homme qui vous sert loyalement depuis des années. En quoi est-il moins bon qu’un baron qui lève la main sur moi au bout d’une minute en ma compagnie ?

- Tu n'es pas objective, répliqua le roi. Ne peux-tu me faire confiance ?

- Je te fais confiance. Mais cette fois, tu as tort, et c’est toi qui n’es pas objectif, affirma-t-elle avec aplomb. Ne peux-tu me faire confiance, à ton tour ?

- Amélie...

- Je vous en prie, votre altesse, intervint Adam. Éprouvez-moi. J’accepterais de renoncer au trône si seulement vous m'accordiez la main de votre fille. Il n’est rien d’autre que je désire et rien que je craigne d’affronter pour elle.

Le roi les dévisagea tour à tour, impassible.

- Très bien, lâcha-t-il finalement. Je veux bien considérer la question.

- Tout ce que vous voudrez, mon roi, répondit Adam.

- Tout ce que tu voudras, père, approuva Amélie avec espoir.

- Je consentirai à votre union si dans un délai de… disons deux mois. Oui. Tu as deux mois pour m'amener sur un plateau une alliance avec les terres barbares de l’Est.

Il eut un sourire carnassier.

- Une broutille pour un fils du Mur tel que toi.

Adam accusa le coup, impassible.

- Si tel est votre bon vouloir, mon roi. Ce sera fait. Mais je désire poser moi aussi une condition.

- Laquelle ? fit le roi agacé.

- Je veux que nos fiançailles soient scellées et annoncées avant mon départ. Si je ne remplis pas votre exigence, alors, vous pourrez les briser.

Le roi médita la question. Amélie observait la scène, inquiète, étrangement détachée. Quelque chose n’allait pas, quelque chose n’allait vraiment pas…et elle ne pouvait rien faire.

- C’est d’accord, décida le roi en se levant. Dans ce cas, allons acter cela sur le champ. Une fois ce point réglé, je veux que tu quittes ce château.

Adam hocha la tête.

- Très bien, mon roi.

Il le suivit jusqu’à son bureau où l’on rédigea l’acte qu’ils signèrent tous les deux.

- Amé ? demanda Adam en se tournant vers elle. Tu veux bien ? Je tiens à ce que tu signes.

Elle lui sourit, toujours pas rassurée. Elle lut du premier au dernier mot le contrat se moquant royalement de faire attendre les deux hommes et une fois sure de ce qu’il contenait, n’y trouvant rien à y redire, elle signa. Elle s’écarta alors pour prendre la main d’Adam dans la sienne et la serrer. Il répondit à son geste, le sourire aux lèvres.

- Très bien. Ton voeu est exaucé, ma fille. Te voilà fiancée avec l’homme que tu aimes. Mais nous ne fêterons cela que lorsqu’il reviendra victorieux de sa quête, ajouta-t-il avec un sourire goguenard. Maintenant, fais-lui tes adieux. Je veux qu’il soit parti avant le déjeuner.

Sur ses mots, il quitta la pièce avec son secrétaire, les laissant seuls. Adam poussa un long soupir en enroulant sa copie du parchemin.

- Dis-moi franchement, Adam, demanda Amélie dans le silence du bureau. Est-ce que tu as une chance de réussir ? Une alliance avec les barbares… si c’était possible, ton père et toi l’auriez déjà fait depuis des années, non ?

Adam secoua la tête en prenant ses mains dans les siennes.

- C’est impossible. Et ton père le sait. C’est bien pour ça qu’il a proposé cet accord, mais…

Il lui adressa un regard tendre, rempli d’amour.

- Pour toi rien n’est impossible. Si pour être à toi il faut traverser le Mur, rallier les sept clans et négocier la paix, je le ferai. Crois-moi.

Elle se rapprocha de lui et l’embrassa tendrement.

- Je te crois, murmura-t-elle contre ses lèvres. Est-ce que je peux t’aider d’une manière ou d’une autre ? 

- M’attendre, sourit-il. Deux mois, c’est long…

- Ne t’en fait pas pour ça, je t’attendrai, répondit-elle avant de l’embrasser encore. Je ne passerai pas un seul jour sans penser à toi, je te le promets.

- Tu vas me manquer, murmura-t-il en la serrant fort contre lui.

- Toi aussi. Tu vas me manquer à la folie. Je t’aime, je t’aime tant ! 

Il l’embrassa longuement, la soulevant de terre.

- Ça y est, murmura-t-il en la reposant sur ses pieds. Nous avons réussi. Nous sommes officiellement fiancés.

- Oui.

Elle lui sourit, tendre.

- Tu as deux mois pour que ces fiançailles se concrétisent. Dans deux mois, toi et moi, nous nous retrouverons, et il n’y aura plus rien pour nous obliger à rester abstinent, ajouta-t-elle moqueuse.

- J’ai hâte, murmura-t-il en sentant un long frisson lui remonter le long de l’échine.

Il l’embrassa une dernière fois, puis s’écarta à regret.

- Il faut que je parte, maintenant. Je n’ai pas une minute à perdre…

- Oui.

Elle le prit par la main, l’embrassa encore et l’entraina dehors.

- Je t’accompagne.

- D’accord. Tu viens jusqu’à l’auberge où logent mes serviteurs ?

- D’accord.

Main dans la main, ils traversèrent le château, mais dès qu’elle fut aux portes, les gardes leur barrèrent la route.

- Vous n’avez pas l’autorisation de sortir du château, princesse, expliqua l’un des gardes.

Amélie releva les yeux vers Adam, dépitée. Il pinça les lèvres. Pour lui aussi la séparation était trop rude, trop brutale. Il n’avait pas eu le temps de se faire à l’idée. Mais pour encourager sa princesse, il se força à faire bonne figure.

- Tant pis, dit-il avec un sourire. Nous ferons ça ici.

Il la serra fort contre lui et l’embrassa langoureusement.

- Je t’aime, dit-il le souffle court tout contre ses lèvres. Je serai vite de retour.

- Tu as bien intérêt, sinon, c’est moi qui viendrai te chercher, promit-elle. À bientôt mon amour.

- À bientôt, ma reine.

Il s’écarta difficilement.

- Tu m’offres un souvenir ? demanda-t-il.

- Tu veux dire… comme une faveur ?

- Exactement. Ça me portera chance.

Elle hésita un instant puis le sourire aux lèvres s’écarta de la porte.

- Je suis désolée, je n’avais pas prévu, commença-t-elle.

Et juste sous ses yeux, hors de vue des gardes, elle retira sa culotte bouffante avant de lui offrir.

- Ça a intérêt à te porter chance, rit-elle en la lui cédant.

Il la prit et l’empocha rapidement, un sourire rêveur aux lèvres.

- Pour la deuxième fois de ma vie, me voilà devenu immortel.

Il s’inclina profondément devant elle.

- Ma reine, ma promise… À dans deux mois.

- À dans deux mois, mon promis, répondit-elle en s’inclinant profondément devant lui.

Sans plus s’attarder, Adam franchit les portes avant de ne plus pouvoir. Pour la deuxième fois de sa vie, il avait l’impression qu’on lui arrachait le coeur de la poitrine. Et il ne connaissait rien de plus douloureux.

Amélie regarda Adam partir puis se détourna, le cœur en miettes. Il ne lui restait plus qu’une seule chose à faire, attendre, car Adam seul pouvait les sauver.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez