Il observait tous les volontaires avec une certaine satisfaction. Trois jours qu’il attendait que les battues se dirigent vers la rivière. Bien entendu, il avait accepté de participer aux recherches. Tout habitant de Bluebell Hill qui refuserait serait automatiquement considéré comme suspect. Être sur le terrain lui apportait un autre avantage : celui d’entendre les hypothèses formulées au sujet d’Ashleigh.
Il savait que le canoë allait être trouvé. Ce n’était plus qu’une question de minutes. Après deux heures et demie de marche, ils atteignaient enfin l’endroit où il l’avait abandonné.
Il se retient de sourire. Il ralentit et fit mine de s’intéresser à un bout de plastique accroché à une vieille souche. Il ne devait pas être le premier sur place. Surtout pas.
L’une des étudiantes qui l’accompagnait l’interpella :
— Vous avez trouvé quelque chose ?
— Non, c’est juste un déchet. Continuons.
Et il les entendit. Les deux coups de sifflet. Autour de lui, tout le monde se mit à courir, à crier. Des voix les guidaient vers la berge, là où la rivière s’enfonçait un peu plus dans les terres, là où il avait abandonné l’embarcation et son précieux contenu.
Lorsqu’il aperçut le canoë, il remarqua que ce dernier, grâce aux pluies diluviennes, était à moitié rempli d’eau. Le sac à dos d’Ashleigh était presque entièrement immergé. Comme il l’avait laissé, volontairement, ouvert, son contenu avait dû subir les ravages des intempéries. C’était parfait. Vraiment parfait.
Il observa, avec une certaine satisfaction les parents d’Ashleigh fondre en larmes lorsqu’ils reconnurent la besace trempée. Puis, il se crispa lorsque le shérif et ses adjoints arrivèrent sur les lieux. Il ne les quitta pas des yeux, tandis qu’ils hurlaient aux volontaires de ne toucher à rien.
Il aurait aimé rester plus longtemps près du canoë mais la police demanda à tout le monde de quitter les lieux.
Il incita tous les volontaires à obéir et il se joignit au groupe des élèves les plus proches d’Ashleigh. Ils étaient perdus. Ils ne comprenaient pas comment son sac avait pu se retrouver dans cet endroit reculé, de l’autre côté de la ville, bien loin de son domicile et du lycée.
Il prit alors part à la conversation :
— Vous saviez si elle aimait se promener en canoë ?
— Elle détestait ça. Tous les sports d’eau. Elle n’aurait jamais grimpé de son plein gré là-dedans. Dites, qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ? demanda l’une des filles.
— Je présume que la police va faire analyser le sac et son contenu, vérifier s’il y a des empreintes digitales, des traces de sang dans la barque, ce genre de chose.
— Vous pensez qu’elle aurait pu se noyer ?
— Aucune idée. En fait, ça ne me semble pas possible. Le bateau était attaché à un arbre. Si elle était tombée à l’eau…
— Si elle n’était pas seule, son ravisseur aurait pu la pousser et abandonner le canot ensuite.
— Oui, c’est vrai.
— Mais qui lui en voulait ? Qui l’a enlevé ? Ashleigh est une fille tellement géniale ! s’emporta la lycéenne.
— Je ne comprends pas non plus.
Il raccompagna les étudiants au lycée tout en se remémorant la soirée, quatre jours auparavant, où tout avait basculé.
Ashleigh n’avait jamais figuré sur sa liste. Elle avait juste eu le malheur de voir ce qu’elle n’aurait jamais dû voir. Il n’avait pas eu le choix : elle devait disparaître.
Il ignorait si elle était toujours en vie. Depuis qu’il l’avait enfermée dans ce petit chalet au beau milieu des bois, il n’avait pas eu l’occasion d’y revenir. Et cela l’angoissait.
Il tenta de se rassurer : il l’avait attachée solidement, l’avait bâillonnée et enfermée dans l’unique armoire que comportait la cabane dont il possédait la clé.
Personne ne le savait. Et pour trouver l’endroit, il était nécessaire de s’éloigner du chemin de randonnée de plus de cinq kilomètres, de marcher dans les ronces et les buissons épais avant d’arriver sur les lieux. De plus, le chalet était pratiquement dissimulé à la vue de tous par les nombreux arbres qui l’entouraient.
Non, personne ne pourrait le trouver.
Mais il devait s’en assurer. Et se débarrasser du corps. Surtout se débarrasser du corps.
Il avait besoin de trois bonnes heures de tranquillité. Sauf qu’il se retrouvait face à un problème de taille : son père. Comment allait-il tromper sa vigilance ?