Défi n°2 (Slyth) : Tête à tête

Contrainte du défi : imaginer une confrontation entre Killian (Crochet) et David (Charmant)

Tête à tête

« Tu as échangé ton bateau pour moi ? »

Le sourire de la jeune femme blonde s'était effacé, laissant place à une expression beaucoup plus sérieuse. Face à son trouble, le pirate sentit son cœur louper un battement. Sans savoir ce qui s'ensuivrait, il hocha lentement la tête et avoua la vérité dans un souffle. Emma ne répondit rien, se contentant de le dévisager. Seule sa bouche légèrement entrouverte trahissait sa stupeur. Deux secondes s'écoulèrent ainsi, s'étirant si longtemps qu'il crut que cela durerait une éternité.

Puis, finalement, la demoiselle commença à amorcer un mouvement dans sa direction. Ses yeux fixés dans les siens, comme hypnotisée, elle se pencha doucement vers lui. Anticipant inconsciemment ce qui allait suivre, Killian s'avança à son tour et clôt ses paupières, laissant leurs lèvres se rencontrer.

Ce baiser-là se révéla très différent de celui qu'ils avaient échangé au Pays Imaginaire. Le feu de l'instinct et du désirs bruts avait laissé place à la douceur maladroite qui accompagne les sentiments partagés. Le pirate osait à peine croire à son bonheur : malgré les embûches et les rejets parfois très marqués de la belle blonde, il était resté. Envers et contre tout, affrontant vents et marées, il avait assuré une présence inébranlable auprès de celle qui faisait désormais battre son cœur. Et puis était venue la preuve ultime : le Jolly Roger. Son refuge, son foyer, le symbole de l'homme qu'il avait été et de celui qu'il était devenu. Un lien d'une puissance jusque là inégalée qu'il avait pourtant choisi de rompre. Pour elle. Ç’avait toujours été pour elle.

Et voilà qu'enfin, la dame de ses pensées semblait prendre véritablement conscience de sa présence et de tout ce qu'il avait accepté de sacrifier et de changer pour elle. Emma disait qu'elle n'avait jamais eu l'habitude que quelqu'un la fasse passer en premier : eh bien, il était déterminé à lui prouver qu'il était prêt à le faire. A n'importe quel prix.

Effrayé à l'idée qu'il puisse être en train de rêver, Killian ouvrit les paupières. Il plongea aussitôt dans les prunelles vertes de sa partenaire et tous deux échangèrent un sourire. A cet instant, le pirate sut que ses espoirs n'avaient pas été vains : Emma avait choisi de lui accorder sa confiance et, plus encore, de lui ouvrir un chemin vers son cœur. Il eut l'impression qu'un poids immense quittait enfin ses épaules et que la possibilité d'une fin heureuse s'offrait pleinement à lui.

Les deux jeunes gens prolongèrent encore leur baiser, exploitant l'intimité de ce moment. Ils se découvrirent sans se presser, laissant leurs souffles se mêler à l'infini. Puis, leurs lèvres se séparèrent, presque à regret, et ils demeurèrent là, front contre front, simplement heureux de pouvoir profiter de la présence de l'autre.

Sans pouvoir dire combien de temps s'était écoulé, Emma se détacha gentiment de la douce étreinte du pirate avant de se mettre debout. Son compagnon se redressa à son tour, l'air serein, attendant la suite des événements.

« On devrait peut-être retourner à l'intérieur, suggéra-t-elle doucement.

— Si tel est ton souhait princesse, murmura-t-il en retour avec l'un de ses sourires en coin dont il avait le secret. »

Ce disant, il tendit sa main et vint envelopper celle de la jeune femme, laissant leurs doigts s'entremêler naturellement. Les lèvres de la Sauveuse s'étirèrent légèrement avant qu'elle ne l'entraîne vers l'entrée du restaurant. Ils avaient à peine atteint le perron que la porte s'ouvrit brusquement, laissant apparaître David. L'air soulagé qui était apparu en se posant sur sa fille disparut bien vite lorsqu'il vit qui l'accompagnait. Les yeux du prince devinrent immédiatement plus suspicieux tandis qu'il ne manquait pas de noter les mains entrelacées des deux jeunes gens.

« Oh non, ne me dis pas qu'on va avoir droit au sermon du paternel inquiet et protecteur ! soupira aussitôt Emma. »

Son père la fixa le plus sérieusement du monde et elle leva les yeux au ciel, l'air faussement exaspérée.

« Très bien vas-y, capitula-t-elle. Je t'écoute.

— En fait, c'est à lui que je voulais parler, répondit-il en désignant le pirate d'un signe de tête. »

Le sourire moqueur qui était venu étirer les lèvres de Killian à la vue de cette altercation familiale s'évanouit d'un coup. Légèrement inquiet, il croisa rapidement le regard du prince avant de chercher celui de sa compagne, en quête de soutien. Mais cette dernière se contenta de lui retourner un sourire espiègle qu'il jugea de mauvais augure.

« Oh mais ça change tout alors ! s'exclama-t-elle, ravie. Dans ce cas, je vous laisse entre hommes ! »

Abasourdi, le pirate ouvrit la bouche pour tenter de la retenir mais les mots lui manquèrent. Avant même qu'il n'ait eu le temps de réfléchir à ce qu'il allait bien pouvoir dire, elle lui lâcha la main et s'engouffra dans le restaurant, non sans lui lancer un dernier clin d’œil qu'elle voulait certainement encourageant. La porte se referma et Killian sut alors qu'il ne lui restait plus d'autre choix que de faire face.

« Eh bien, on dirait qu'il n'y a plus que toi et moi, camarade ! déclara-t-il d'un ton faussement enjoué. »

Comme d'habitude, il utilisait l'humour pour masquer sa gêne. Toutefois, sa tentative se solda par un échec : son interlocuteur ne se dérida même pas, se contentant de lui poser une main sur l'épaule et de le guider, gentiment mais fermement, vers l'une des tables de la terrasse. Il le fit asseoir à la même place où il s'était tenu quelques minutes plus tôt et, si l'ambiance n'avait pas été aussi tendue, le capitaine aurait pris un malin plaisir à mentionner l'ironie de la chose. Cependant, l'affaire était sérieuse et il s'efforça donc de tenir sa langue, attendant anxieusement la suite des événements. David s'installa à son tour et, croisant les bras sur sa poitrine, observa l'homme qui lui faisait face d'un œil critique, laissant un silence pesant s'établir.

« Il va falloir que tu clarifies franchement tes intentions envers ma fille, pirate, finit-il par annoncer.

— Mince, moi qui pensais justement pouvoir éviter cette étape ! ironisa le concerné, hilare. »

Charmant haussa un sourcil, apparemment pas d'humeur, et Killian ravala aussitôt ses propos, se frottant nerveusement derrière l'oreille dans un geste devenu automatique.

« Je ne plaisante pas, reprit calmement le prince. Ça fait un moment que je te vois lui tourner autour et je veux savoir à quoi je dois m'attendre.

— J'ai bien peur de ne pas pouvoir t'être d'une grande utilité puisque je ne suis pas certain de le savoir moi-même.

— Que veux-tu dire ?

— J'ai beau avoir quelques années d'expérience derrière moi, c'est la première fois que je vis une telle chose. Mais nous en sommes à peine au début.

— Nous ? C'est donc sérieux ?

— Pour tout t'avouer, je crois que je viens à peine d'en avoir la confirmation. »

Le prince lui lança un regard interrogateur devant lequel il se sentit obligé d'ajouter que rien de "trop sérieux" ne s'était passé.

« A la vérité, j'avais même l'intention de vous en parler à toi et à ta charmante épouse avant d'aller plus loin.

— Vraiment ?

— Je suis peut-être un pirate mais je reste un gentleman avant tout, camarade ! plaisanta Killian.

— Alors c'est officiel ? Tu me demandes la permission de courtiser ma fille unique ?

— Je sais bien que je suis loin d'être le gendre idéal mais... il n'y a rien que je souhaite plus au monde, finit-il par avouer dans un murmure. »

Il baissa humblement les yeux tandis que David le scrutait intensément, comme s'il voulait l'évaluer.

« Je me souviens d'un certain prince Charles qui m'avait l'air bien déterminé. »

Stupéfait, le capitaine redressa la tête, juste à temps pour apercevoir le sourire amusé de Charmant.

« J'ignorais que...

— Je m'en souvenais ? Il faut dire que tu es du genre à laisser une sacrée première impression !

— Écoute prince, tout ce que j'ai dit ce soir-là était...

— Sincère, je sais. De même que je me suis montré parfaitement honnête avec toi.

— Est-ce que ça signifie... hésita Killian, n'osant trop s'avancer.

— Tu peux te détendre, pirate. »

Cette confirmation l'apaisa plus qu'il ne l'aurait cru et il laissa échapper un soupir de soulagement. David affichait un large sourire, apparemment fier de son petit effet.

« Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux d'entendre ça, camarade. Tu fais de moi un homme comblé... sans mauvais jeu de mots bien sûr ! »

Le prince secoua la tête, amusé, et agita vaguement la main pour indiquer qu'il ne lui en tenait pas rigueur. Puis, il retrouva son sérieux et posa ses avant-bras sur la table, signe qu'il n'en avait pas encore fini.

« Ne t'avise pas de la faire souffrir, sinon je te jure que ce n'est pas un simple coup de poing que tu recevras !

— Je n'en ai pas la moindre intention.

— Elle a déjà suffisamment souffert par le passé.

— J'ai tout abandonné pour elle, je ne vais pas la laisser maintenant. Je n'irai nulle part.

— Bien, déclara David en hochant la tête.

— De toute manière, pourquoi diable voudrais-je partir alors que je côtoie un prince qui m'apprécie plus que de raison et que je sors avec sa sublime et précieuse fille unique ? se vanta Killian. »

Son interlocuteur plissa les yeux, l'air de dire : « mesure tes paroles ! » mais ses lèvres s'étirèrent légèrement, brisant net l'effet menaçant qu'il avait tenté d'instaurer. N'ayant rien manqué du spectacle, le capitaine éclata de rire : décidément, cette soirée était pleine de bonnes surprises !