Contraintes du défi : confronter trois personnages de Storybrooke choisis par son binôme (Slythounette <3) à leur version conte (Disney ou original).
Ici : Archie Hooper (Jiminy Cricket), M. Gold (Rumpelstiltskin, la Bête, le Ténébreux, le Crocodile et ma grand-mère) et Clochette.
* * *
Archie Hopper comprit très vite qu'on ne prenait pas en otage un preneur d'otage. Il cassa sa grève de la respiration (en réalité inconsciemment causée par son ennui) par une grande et profonde inspiration... qu'il espéra suffisamment bruyante pour être remarquée. Il fixa son ravisseur, assis en face de lui, avec une lueur d'avertissement conséquente dans le regard. Mais celui-ci ne s'aperçut de rien.
Agacé – mais s'efforçant toujours de rester courtois afin de trouver une issue pacifique à cette situation inconfortable –, le psychologue de Storybrooke ne dit rien et remonta ses lunettes sur son nez avant de compter mentalement jusqu'à dix. Pour se calmer. Ce qui devenait extrêmement délicat étant donné les circonstances.
Il avait toujours été un homme extrêmement patient, et ses vertus de sérénité ainsi que ses conseils avisés étaient salués de tous. Mais ces derniers jours avaient été particulièrement éprouvants. Il était assis – pour ne pas dire séquestré – derrière son bureau depuis si longtemps, sans pouvoir en sortir même cinq petites minutes, qu'il ne sentait plus ses jambes. Et il avait des crampes sur à peu près tout le reste du corps ; car non content de réquisitionner son lieu de travail (ainsi que son temps et sa constante attention), son geôlier l'avait forcé à y transporter des cartons remplis à ras-bord d'un contenu aussi hétéroclite qu'inutile. Des babioles en tout genre... qui ainsi accumulées pesaient très lourd.
Techniquement, tout ceci s'apparentait donc réellement à une prise en otage. C'était une forme de maltraitance physique, voilà tout.
Le brave homme leva un œil plein d'espoir vers Régina, adossée contre le mur près de la fenêtre. À côté de toutes les grosses boîtes qui hantaient les malheureux muscles d'Archie. Mais la belle brune était plongée dans ses pensées les plus tristes. Le visage si tourmenté... La pauvre avait à nouveau le cœur brisé. C'était d'ailleurs pour cette raison que son fils avait fortement insisté pour qu'elle assiste à leur réunion. Pour lui changer les idées.
Quand l'otage réussit enfin à croiser le regard de madame la maire, celle-ci se contenta de secouer la tête, se déchargeant de toute responsabilité. Puis elle se détourna pour scruter l'extérieur d'un air impassible. Archie se renfrogna. Aucune aide à attendre de ce côté-là.
Le geôlier comprit enfin qu'il commençait à perdre l'attention de son détenu :
– Archie ? le réprimanda Henry, penché sur les dizaines de papiers colorés qui s'étalaient devant lui. Tu m'écoutes ? Tout ceci est très important. Ça pourrait aider la ville. La sauver !
– La sauver de quoi, Henry ? demanda Archie sans parvenir à masquer totalement son exaspération. La malédiction a été levée, Peter Pan a été vaincu, Zelena aussi... Tout va bien.
L'enfant se borna à contempler le visage excédé de son ami. Sans rien dire. Comme si le poids de son silence signifiait quelque chose. Ses yeux brillaient mais pas à cause de larmes refoulées. Ils brillaient de la ferveur de celui qui croit en la cause qu'il défend. Archie patienta quelques secondes dans l'espoir que son jeune patient lui dirait enfin à quoi rimait toute cette mascarade qui s'éternisait...
– J'ai fini de répertorier les preuves dans les cartons. Quand doit arriver le prochain sujet ? lâcha finalement Henry tout en réorientant sa concentration sur ses fiches surchargées de notes et de gribouillages acharnés.
… en vain. Pourquoi Henry était-il aussi agité ? Et aussi... bavard ! Il n'avait cessé de palabrer sur tout et rien depuis qu'Emma était revenue de son aventure dans le passé. Peut-être avait-il tout simplement du mal à accepter que tout le monde était désormais sain et sauf ?
Enfin... presque tout le monde.
Sa mère – sa mère biologique, songea Archie en s'efforçant de ne pas regarder Régina – réagissait de la même façon, bien que de moins en moins violemment. Killian l'aidait beaucoup en ce sens. Elle s'ouvrait plus aux gens, à sa famille, elle reconstruisait petit à petit tout ce que la malédiction, les méchantes sorcières, et les conflits magiques lui avaient pris. Mais son fils, lui, semblait suivre le chemin inverse. Il perdait pied.
Mais après tout, il est celui qui a cru, à tout, en tout et tout le monde, sans jamais douter. Depuis le début. Après tout ce qu'il a vécu... Il décompense, voilà tout, se dit Archie le cœur palpitant d'attendrissement devant l'acharnement et le courage de ce jeune homme en devenir. Il n'avait pas osé confirmer ses théories en lui demandant s'il pensait toujours autant à son défunt père.
Bien sûr qu'il pensait à lui. Toujours.
Alors il se contenta de sourire, avec bienveillance, et de jouer le jeu en répondant :
– D'une minute à l'autre, probablement.
Henry retourna à ses papiers pour y farfouiller avec encore plus d'ardeur.
– Et non, Archie. « Tout » ne va pas « bien ». Les habitants de cette vie reproduisent encore et toujours les mêmes schémas de vie. Tu n'as pas remarqué ? Ils sont prisonniers de leur conte. Toi par exemple, tu continues à guider les gens, à faire appel à leur conscience... Ça n'a pas l'air nocif, c'est sûrement une bonne chose en fait, mais pourquoi le fais-tu ? Pourrais-tu changer de voie si ton destin devenait dangereux ou ne te plaisait pas ? Regarde Rumpelstiltskin ! Il « marchande à travers » sa magie. Tout le temps. Même quand c'est pour aider. Et surtout, il ment. Encore et toujours, quoi qu'il se passe. Il a encore menti à Belle au sujet d...
– Henry ! s'écria Régina, sortant soudainement de sa torpeur, affolée. Je t'ai dit de garder ta découverte au sujet de cet incident secrète... !
– Oui, Maman, je ne dirai rien c'est promis. Mais je peux, là, on est entre nous.
La maire le dévisagea avec inquiétude. Il n'avait pas levé le nez, ni cessé d'écrire, de lire, de classer, pendant qu'il leur tenait ce discours. Après un coup d’œil anxieux en direction du psychologue (qui hocha la tête d'un air entendu, pour bien lui faire comprendre qu'il ne révélerait rien en dehors de ce bureau lui non plus), elle vint s'asseoir à côté de son fils adoptif afin de pouvoir contrôler les choses si le débat venait à déraper. Inconsciemment, elle passa un bras protecteur autour de ses épaules.
– Personne ne peut évoluer dans ces circonstances, reprit ce dernier, enflammé. Personne ne peut vivre décemment s'il n'apprend pas de ses erreurs ! Alors je vais commencer par les confronter à leur version d'ici, du monde sans magie. Euh... (Il releva la tête pendant qu'il réfléchissait). De l'ex-monde sans magie. Tous.
– Oui. C'est ce que tu m'as dit quand tu es venu me trouver pour monter ce « club secret » comme tu l'as appelé... concéda Archie. Cependant, je suis le seul que tu aies confronté, pour l'instant. Je connais cette histoire de criquet et de Pinocchio par cœur. Et j'ai prêté ce fich... j'ai prêté serment de pas parler de tout cela, comme tu voulais. Huit fois. Alors pourquoi me garder ?
– Il y a un point dans ton histoire avec lequel je ne parviens pas à faire de correspondance. Un élément très très important.
– Lequel ?
– La lubricité, répondit-il d'un air songeur, le nez toujours plongé dans ses notes.
Régina étouffa un grand éclat de rire incontrôlable. Ses joues virèrent au rouge vif. Celles d'Archie également, mais en revanche, il était beaucoup moins amusé. Les yeux écarquillés, la bouche béate, il demanda très timidement :
– … Je te demande pardon ?
Henry, trop concentré pour faire attention au ton choqué de sa voix, ne répondit pas.
Régina eut énormément de mal à se reprendre, mais l'éducation de son fils passait avant tout. Elle se composa un air de réprimande et le questionna :
– Henry, sais-tu au moins ce que signifie « lubricité » ?
Le silence dura plusieurs secondes, qui parurent une éternité au pauvre Archie, qui affichait toujours un air d'éternelle perplexité.
– Non, admit l'enfant. Mais j'ai fait des recherches et il y a cette scène (il brandit en l'air une fiche particulièrement raturée) dans le dessin animé Disney où pendant que Pinocchio chante, Jiminy Cricket se trouve près d'une horloge d'où sortent des personnages de bois qui font un petit tour, chaque heure sonnante. Et quand il s'aperçoit que le dernier personnage est une sculpture de jolie fille, il la pourchasse !
Régina et Archie l'observent attentivement, sans réellement comprendre.
– Euh... ben, ce n'est pas normal, assène Henry en rougissant légèrement à son tour. Elle est en bois. Et puis, j'ai trouvé un site Internet qui analyse les dessins animés très en profondeur. Les gens insistaient particulièrement sur ce comportement qu'ils disaient antichrétien et pernicieux et...
Régina ferma les yeux. Il ne fallait pas surtout pas qu'elle rit. Henry était soit tombé sur un site où les gens s'amusaient sur ce thème de fictions à décortiquer et déliraient beaucoup, soit sur un de ces sites religieux extrêmement... eh bien, extrêmement extrêmes. Cela la contrariait car si cette méprise était pour le coup amusante, il existait sur le Net d'autres dangers qui pourraient avoir un impact beaucoup plus violent et malsain pour un garçon de son âge. Même s'il avait beaucoup grandi. Elle reconnaissait qu'elle avait beaucoup de mal avec les technologies sans limites de « l'ex-monde sans magie ». Il allait falloir remédier à tout ça.
En attendant, elle s'employa à expliquer subtilement à son fils en quoi ce qu'il venait de dire était déplacé, et il fit de sincères excuses à Archie qui – maintenant qu'il savait que Henry ne connaissait pas du tout la définition du mot « lubrique » – commençait à se détendre un peu.
– … C'était inquiétant, conclut Henry pendant qu'on frappait trois coups à la porte. Mais ininterprétable, j'ai compris maintenant. Que le nouveau membre s'avance.
Archie leva les yeux au ciel et alla ouvrir, soulagé à l'idée que l'attention acérée de l'adolescent s'attarde sur quelqu'un d'autre.
Mais il déchanta bien vite quand il vit qui était le futur initié en question.
– Bien, Régina, dit M. Gold en les rejoignant d'un pas vif, suivi par une timide jeune fille blonde qui veillait à garder ses distances. Je suis vraiment très occupé à l'heure actuelle, mais cela semblait important alors...
Il s'arrêta net quand il vit l'expression du psychologue. Et plus alarmant encore, celle de Régina. Chez les deux : la stupeur la plus totale, et une indicible gêne qui montait et commençait à saturer l'atmosphère.
– Henry... C'est toi qui a demandé à M. Gold de venir ? le gronda sa mère. De ma part, en plus ?
– Il l'a dit lui-même : c'est important.
– Une histoire de « terrible secret » et de « résidu de malédiction innommable », rappela M. Gold, intrigué. Qui me concernerait directement.
– Euh... hasarda une Clochette embarrassée. Je devais m'entretenir avec M. Hooper mais je peux revenir plus tard... ?
– Surtout pas ! s'écria Henry. Puisque vous êtes là, ça fait de vous la troisième sur la liste !
– P... pardon ? bredouilla la fée. La liste de qui ? Sommes-nous... en danger ? Encore ?
Henry – qui avait dès le début pris la précaution de placer trois fauteuils supplémentaires autour du bureau – s'empressa de faire asseoir tout le monde d'un geste.
– Allons donc, dit M. Gold en prenant place (et en s'efforçant d'ignorer que le garçon venait en quelque sorte de lui donner un ordre). Régina, qui vous ou votre famille avez-vous énervé cette fois-ci ?
– Personne, répondit immédiatement Henry alors que sa mère levait désespérément les yeux au ciel. Mais M. Gold...
L'adolescent se leva d'un bond et alla farfouiller dans un carton, puis un autre. Il collecta ainsi plusieurs objets qu'il déposa sur les genoux du sorcier. Il s'apprêta à lui demander de prêter serment à son tour, tout comme Archie, mais renonça en voyant son expression. Son enthousiasme était grand, mais il savait reconnaître ses limites.
– De la paille, un haricot, une... chaussure en peau de crocodile, et... mais qu'est-ce que c'est que ça ?! s'exclama M. Gold.
– Une peluche, asséna sobrement Henry. Une peluche de dessin animée à votre effigie.
Un profond silence s'abattit sur la pièce. Les mains d'Archie agrippèrent son siège et se crispèrent.
– Je ne me souvenais pas être aussi poilu, ironisa le puissant homme. (Tous les adultes accueillirent ce trait d'humour avec soulagement). Puis-je savoir où tu veux en venir ?
Henry réexposa la théorie dont il venait d'instruire sa mère et Archie. Il expliqua qu'il avait du mal à étudier l'histoire de M. Gold étant donné la multitude de personnages légendaires qu'il incarnait : le nain Tracassin (ou Rumpelstiltskin), le Ténébreux, le Crocodile du capitaine Crochet et la Bête (de la Belle et la Bête).
Puis il se tourna vers Clochette, explicitement médusée par son idée loufoque, et s'excusa de ne pas avoir pu mieux préparer son histoire à elle. Il lui apprit que dans son monde, la minuscule fée verte était connue pour être une bricoleuse de génie, une alliée de Peter Pan dont elle était secrètement amoureuse, et d'une jalousie maladive. En plus d'être dotée d'une personnalité spontanée et colérique. Il ajouta qu'il aimerait beaucoup lui poser quelques questions pour évaluer ces différents points.
Clochette eut un hoquet de stupeur. Elle ouvrit la bouche pour se défendre, mais Henry reprit une fois de plus les rennes de la conversation et déclara :
– Et finalement, pendant qu'on y est, ce serait bien que vous aussi prêtiez serment de ne pas divulguer ces informations – la nature de mes travaux – à qui que ce soit le temps que tout ceci prenne forme. Merci.
Régina ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais elle était ravie d'être venue. Et – secrètement – fière que son fils ait fait preuve d'un culot tel qu'il coinçait le grand, l'omniscient, M. Gold avec une expression aussi stupéfaite. Publiquement.
Elle retint un commentaire sarcastique à ce sujet afin de ne pas déchaîner sa colère, qu'elle ne connaissait que trop bien, et qu'elle savait potentiellement dévastatrice. Mais elle savoura pleinement l'instant.
M. Gold fit alors la dernière chose qu'on attendait de lui. Il éclata de rire.
– Jeune homme, sache que les histoires – et l'Histoire plus généralement – ne sont écrites que par les survivants, les vainqueurs, ou les rêveurs. Chacun possède sa propre version et la vérité, ainsi que le sens que tu recherches, ne peut être détenue par ceux qui en ont exploré toutes les facettes. Ces contes que tu as lus sont là pour aider les gens, en particulier les plus jeunes, à comprendre les problèmes existentiels du monde – des mondes – et à avancer. Ou du moins à trouver la force d'avancer, et de pouvoir se guider dans les cas les plus compliqués. Relis-les. Tu comprendras qu'un insecte peut représenter le bon sens que chacun détient au fond de lui, pour peu qu'il se donne la peine d'écouter sa conscience. Qu'une personne en apparence méchante et dépourvue de cœur cache en réalité une âme profondément blessée. Quant à ça...
Il leva à hauteur des ses yeux la petite peluche hirsute de façon à mieux l'éclairer.
– … Et bien, je ne vois pas où tu voulais en venir avec cette chose. Mais je pense pouvoir affirmer qu'il n'existe aucune personne dans tout l'univers qui soit réellement aussi moche. Ou aussi velue.
J’ai beaucoup aimé le début, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’humour avec la malheureuse victime et son geôlier qui se révèle être Henry ^^ Pauvre Archie, être retenu en otage par un Henry désireux de prouver sa théorie doit être une terrible épreuve…
Gold est tombé dans le « piège » : c’est vrai que pour le confronter à son alter égo Disney, il valait mieux lui parler de secret et de malédiction =) J’ai bien aimé sa réaction quand Henry lui a brandi la peluche hirsute sous le nez (pas de chance pour Gold, avec la Bête et le crocodile, on ne peut pas dire qu’il soit particulièrement gâté :P).
En tout cas, c’est toujours aussi plaisant de te lire et vivement la suite :D