Deus absconditus

Par Sebours
Notes de l’auteur : C'est le dernier chapitre! La conclusion de toute cette histoire. J'espère qu'elle vous aura plut même si ce n'est qu'un premier jet. Merci de m'avoir lu jusqu'au bout, cela m'a donné la motivation de continuer à écrire! N'hésitez pas à me partager vos impressions et des pistes d'amélioration potentielles. Je mets dans le chapitre suivant mes propres réflexion sur la réécriture de mon récit. La tâche m'apparait colossale!

Deus absconditus (expression latine signifiant « dieu caché », du verbe abscondere, « cacher ») En théâtre, c’est le dieu présent dans toute la pièce mais qui reste en retrait et n'intervient pas à la fin. Ce concept s’oppose au Deus ex machina, c’est à dire l'intervention d'une divinité étant à même de dénouer de manière impromptue une situation désespérée. L'expression peut être étendue à toute résolution d'histoire qui ne suit pas la logique interne du récit mais permet au dramaturge de conclure sa pièce de la manière qu'il désire. Elle peut, cependant, désigner la simple représentation sur scène d'une divinité.

 

Ome voulait juste mourir. Il voulait juste que son calvaire s’achève. Pendant des semaines, des tortionnaires elfes l’avait traîné dans une cage. Puis une fois arrivé à Limitium, ils l’avaient mené par une longue galerie jusqu’à une esplanade. Là, ils l’avaient arrimé à une croix. Un soldat l’avait lacéré sur les flans tandis que le reste de l’escorte soufflait dans des buccins. Depuis, le premier des hommes pendait. Sa respiration se faisait de plus en plus sacadée. Bientôt, si aucun dragon ne venait, il mourait d’asphyxie.

Et puis Ome regarda les gouttes de son sang qui perlaient sur le pavé. Ses larmes vinrent s’y mélanger. Nunn et les Sept ne possédaient-ils donc aucune compassion ? Le désespoir se transforma en colère. Pourquoi le sort s’acharnait-il contre lui ? Pourquoi devait-il mourir à vingt ans à peine alors que les autres races vivaient des siècles ? Malheureusement, il n’avait même plus la force de se débattre ou de crier. Crier pour qui de toute manière ? Il était seul. Personne n’était prêt à prendre le risque de se retrouver en face d’un dragon !

On avait traversé tout le royaume jusque sur cette esplanade, pour le sacrifier au centre du bouclier-monde. Si près du centre et si loin de tous. Ome ne voulait plus mourir, malgré la douleur lancinante et perpétuelle sur ses flancs, dans ses épaules et dans sa poitrine. Certes, le tribun déchu avait été trop lâche pour se laisser mourir de faim et de soif. Était-ce de la lâcheté ou l’instinct de survie ? C’était le désespoir qui l’avait poussé à des pensées mortifères. À nouveau, il s’accrochait à la moindre parcelle d’espoir. Il voulait s’en sortir par tous les moyens. Vivre pour se venger. Sa haine n’avait plus qu’un nom, Ugmar. Après avoir violé et fait assassiner sa mère, Fame, le grand chambellan cherchait à l’éliminer, lui, le représentant des proscrits.

A moins d’un miracle, il n’en avait plus pour longtemps. Les liens à ses poignets étaient trop solides. Pendant trois jours il tira dessus sans que le moindre jeu n’apparaisse. Il avait soif. Il avait mal. Il ne respirait plus que par un mince filet d’air. Ses instants de lucidité s’espaçaient progressivement. La flamme de son existence s’étiolait. Avant de s’évanouir une nouvelle fois, Ome aperçut une silhouette s’approcher. Son salut peut-être ... ou bien la mort elle-même ?

Le garçon reprit connaissance alors que la créature découpait les liens de sa deuxième main. Sa vision brouillée ne lui permettait pas de reconnaître son sauveur.

« Ome ! Comment te sens-tu ? Bois, mon poussin ! Ça va te faire du bien ! »

Cléandre ! C’était la bonne Cléandre qui venait à son secours au péril de sa vie ! L’eau qu’elle lui versa dans sa bouche entrouverte le régénéra quelque peu. Puis elle lui enfourna une date.

« Mange ! Mâche lentement ! »

Ome respecta la consigne de celle qui l’avait protégé comme une mère. Il mâcha le fruit sucré. Celui-ci le revigora suffisamment pour se remettre en station assis. La vénérable servante elfe caressa les cheveux de son protégé en sanglotant. Elle prit un linge pour panser ses plaies.

« Ome ! Mon petit ! Regarde ce qu’ils t’ont fait ! Tu peux marcher ? Viens, il faut partir vite ! Nous sommes en danger ici ! »

Cléandre se leva pour aider le jeune homme à faire de même et une flèche tombant du ciel lui transperça le dos. Sur la violence du choc, la pointe traversa la poitrine et gicla du sang au visage de Ome. La vielle elfe tituba un instant avant de tomber de tout son long. Le choc de la surprise passée, le garçon se précipita vers sa libératrice et la pris dans ses bras.

« Cléandre ! Non ! Tiens bon ! Je vais te soigner ! »

Il toucha la flèche par la pointe et par la tige. Comment la retirer ? Et qui avait pu tirer ce trait ? Ome connaissait tous les empennages et pourtant celui-ci lui était inconnu. Mais oui ! C’était la flèche d’Elduir-Khal, l’un des sept présents offert par la déesse du vent et des orages, une arme atteignant toujours sa cible ! Qui était le tireur ? Une fée ? Ugmar ? Ce terrifiant général orc ? Le destin lui avait pris sa mère et à présent, il lui arrachait Cléandre !

« Cléandre ! Je vais te soigner ! Ne bouge pas ! Je vais aller chercher du secours ! »

La mourante haletante le retint par le bras.

« Ome ! Tu es le dernier espoir ! Abath-Khal a quasiment gagné ! »

« Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes Cléandre ?!! »

« Abath-Khal est parvenu à placer l’un des siens à la tête de la majorité des peuples du bouclier-monde. N’oublie pas ! Il est le dieu de la guerre. Contrairement aux autres des Sept, il ne recherche pas la victoire mais le maintien d’un conflit éternel. »

« Comment peux-tu affirmer des telles choses Cléandre ? »

« Lorsque Batum-Khal a découvert que Abath-Khal, grimé en orc avait créé un fils en violant une noble elfe, le dieu de la science m’a confié la mission de surveiller l’enfant. Cet enfant c’était Ugmar ! Et il vient d’être élu roi suite a décès de Roll ! » Cléandre s’essoufflait. Elle cracha du sang puis se reprit.« Le dieu de la guerre ne s’est pas arrêté là. Il a eu plusieurs fils. Krim, enfanté avec Nomrad est promis aux plus hautes fonctions de l’infra-monde. Gal, un officier orc partage depuis peu le pouvoir de l’Orcania. Et Hector !Je ne sais pas comment, mais à présent j’en ai la certitude ! Abath-Khal a engendré un fils avec la princesse Epiphone pour unir les peuples élémentaires sous une bannière unique ! »

« Comment peux-tu dire ça Cléandre ?!! Pourquoi ?... »

« Les yeux, Ome ! Ils ont tous le même regard doré ! Mais je n’ai pu prévenir personne ! » Cléandre parlait de plus en plus doucement. Elle hoquetait. Sa voix n’était plus qu’un murmure. Ome rapprocha son oreille du visage de la vieille elfe. « Le dieu de la guerre à presque atteint son but ! Le peuple des hommes apparaît comme le dernier espoir car il demeure le seul non compromis ! »

« Alors, les dés sont pipés ! Tout était écrit depuis le début ! Tout ce que j’ai accompli , toute ma lutte n’a servi à rien ! »

« Si, Ome ! Elle a ouvert les yeux à ton peuple ! … Et à présent, tu sais qui est ton véritable ennemi ! Il reste tapi dans l’ombre, toujours, mais à présent, tu sais qui il est ! » Dans un ultime élan de vie, Cléandre pointa son index sur la poitrine de son protégé. « Tu es le dernier espoir du bouclier-monde ! Le dernier rempart à Abath-Khal ! Survie et continue la lutte ! »

La servante rendit son dernier souffle tandis qu’à l’horizon, un dragon noir piquait sur l’esplanade.

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