Deux lanternes et leurs cernes orangés repoussaient de leur lueur vaporeuse la noirceur du boyau. Ces pupilles enflammées charriaient les ombres étouffées de silhouettes aventurières. Des toiles d'araignées s'agrippaient aux chevelures ou aux crânes dégarnis, pour les prolonger en des voiles de dentelles. À tâtons et en enfilade, cinq paires de mains et autant de jambes, avançaient dans une prudence biaisée par l'urgence de la situation. La voix froide et autoritaire du membre en queue de la procession apostropha ses camarades :
— Êtes-vous certain de vous, écuyer ? Cette escapade m'a l'air aussi alambiquée que votre esprit tordu.
— Pas d'écuyer qui tienne ici, Justicière. Admirez le seigneur souterrain en son royaume. N'entendez-vous pas le bruit des sabots et des bottes qui frappent dix toises au-dessus de nos têtes ?
Un raclement de gorge et une voix fluette s'invitèrent dans la dispute en basse-fosse :
— Dois-je rappeler que ce titre ne vous appartient plus, Guide des ombres ? Vous nous devancez de vos courtes pattes mais n'oubliez jamais que vous précédez votre monarque.
L'humidité suintait de la roche, les nappes phréatiques proches escomptaient participer à l'expédition au goutte à goutte, le cuir des bottes s'humectait de cet environnement aqueux. Fil ignora la revendication et préféra interpeller son cadet, qui n'avait pourtant rien demandé à personne, pour l'introduire dans la danse de la querelle :
— Et toi, Gamin, as-tu des griefs à me soumettre maintenant que le cahier des doléances a été ouvert ? Tu dois pourtant être comblé, ta dulcinée à ton bras. Elle aurait pu rester au prieuré. Avec sa voix angélique elle aurait formé une chorale remarquable avec la pastourelle.
Le soupir d'exaspération ne vint pas de l'interpellé mais de la concernée :
— Je suis une tique et vous un cabot. Quoi de plus naturel à ce que je m'agrippe à vous et ne vous quitte plus d'un pouce ?
— Et que vous suciez mon sang royal ?
— Princier. N'oubliez pas que vous m'aviez promise en mariage à votre roi souterrain. Ce qui fait de moi votre reine. Écuyer.
L'esclaffle sans retenue de Fil envahit, sans partage, le souterrain. Trop heureux de la repartie piquée d'orgueil de la demoiselle, il s'exclama :
— Pas de reine sans un mariage consommé ! Profitons de ce charmant endroit pour que les époux jouissent de leurs noces. Nous serons les témoins discrets et les garants honnêtes de l'union de ces deux êtres. Allez Savonnette, déboutonne ta salopette, ta reine veut que ton glaive soit rangé dans son fourreau.
Ce crime de lèse-majesté crispa Ombelyne. Le temps n'y changerait rien, jamais elle ne s'entendrait avec le rustre bûcheron. L'irritation naissante s’apaisa aussitôt : dans l'intimité de l'obscurité, une main chaude enlaça la sienne. Définitivement, elle supporterait tous les outrages pour un jour, elle en était certaine, porter la descendance de ce maréchal qui s'ignorait.
La marche dura une éternité sans savoir qui du jour ou de la nuit veillait sur Baëlys-la-Belle et sa campagne. Le chaos orchestré en surface ignorait l'infiltration. Les petits insectes remontaient l'intestin à la recherche de la bouche qui les rapprocherait du Parakoï. Un pas s'ajoutant à un autre, les toises se multipliant, la virée sous terre toucha à son terme. Au lieu d'une porte à pousser ou d'un escalier à remonter, la petite troupe butta contre une paroi.
— Si ma mémoire est bonne, et elle l'est, ces briquettes joliment superposées n'étaient pas là lors de mon premier passage.
L'évidence de la révélation accompagna un nouveau caprice du destin qui souhaitait pimenter l'aventure. Les lanternes, en harmonie, consumèrent leurs dernières réserves d'huile. Un rideau d'opacité s'abaissa sur la troupe, devenue aveugle.
La voix fluette et joviale de Bulle de Savon fut la première à combler ce vide angoissant :
— Ayons une pensée émue pour le Grand Maréchal avec qui nous partageons désormais l'anxiété de la vue perdue.
La voix rocailleuse de Fil répondit, non sans moins de légèreté :
— J'envie la bénédiction de sa surdité. Au moins lui, n'est plus obligé d'écouter tes fariboles.
Les bribes de la chamaillerie s'effilochèrent sans que Krone n'en saisît un brin. Il tendit le bras derrière lui et empoigna la lanterne éteinte que sa sœur tenait à la main. Sans s'annoncer, il lança droit vers la voix de son aîné le projectile en fonte. Son univers de marbre invoqué et aussitôt rappelé donna à la lanterne, dans le monde des communs, sa vitesse dévastatrice. Comme la porte du Cercle et le navire de l'Émissaire, le mur de briques vola en éclats. Un faisceau de lumière s'engouffra dans le tunnel et éclaira la nébuleuse de poussières.
— Gamin ! Réfléchiras-tu un jour avant d'agir ? Une tête plus bas et il ne resterait plus rien de ma figure angélique.
La Justicière abaissa le bras qu'elle avait porté, par réflexe, au visage. Elle épousseta son tabard et se permit une pique enrobée de flegme :
— Votre stature princière vous a sauvé la mise, écuyer. Une couronne royale vous aurait arraché le sommet du crâne.
Dans les débris de mortier et de roche ocre, des copeaux dansaient, petits phasmes portés par le vent. Échardes et squelette de bois témoignaient qu'un placard avait été adossé à la maçonnerie. Dans l'antichambre fraîchement ouverte au courant d'air, une dizaine d'adorateurs en toge, effarés par l'entrée tonitruante, se tournèrent vers les invités de l'ombre. Du onzième, face au trou béant, ne restaient que le tronc et les bras. La lanterne meurtrière enfonçait dans le mur auréolé de bouts de cervelle et de sang ce qu’il subsistait de sa tête.
— Fichtre de bougre. Notre discrétion n'aura pas duré plus longtemps que le ravissement d'un pet parfumé.
Les mantes blanches se figèrent, les capuchons noirs s'abaissèrent. Ce ne fut pas trois démons mais bien cinq qui interrompirent les agapes en cours. L'armée prodigieuse du roi d'Outremonde investissait la capitale du Parakoï avec toutes ses forces.
La reine démoniaque et sa démarche majestueuse prirent l'initiative des présentations. Deux pas en avant suffirent à monopoliser l’attention des adorateurs. Son air impérieux ordonna une écoute certaine :
— Pardonnez cette entrée sanglante. L'ouverture d'un portail depuis l'Outremonde requiert le sacrifice d'un homme innocent.
Pendant que le discours officiel tentait d'apaiser une tension qui ne pouvait l'être, Bulle de Savon, en retrait, souffla vers un Krone plein de remords :
— Tout va bien, artificier. Ce n'est pas le Parakoï que tu as raccourci. Il aurait été ironique que notre course se termine comme ça, une légende sans queue ni tête.
Fasciné par la projection cérébrale sur le mur et sa coulure en saccades, le petit démon insensible murmura une exclamation admirative qui enfonça un peu plus le jeune homme dans l'accablement.
— ...mon époux, le roi d'Outremonde, le Tout-Puissant, m'envoie avec sa garde rapprochée pour tenir la promesse qu'il lui avait faite. En somme, nous venons exfiltrer votre vénéré Parakoï. Continuez votre médianoche sans vous préoccuper de nous. Nous ne faisons que passer. Interposez-vous et vous mourrez.
Ombelyne prit congé, son aura royale balayant la soumission divine. Sa suite greffée à sa traîne, la reine d'Outremonde ouvrit une porte pendant que Fil marmonnait son agacement. Il n'acceptait pas de se faire spolier une deuxième fois son entreprise démoniaque, encore moins par la jeune demoiselle.
Un monde vertigineux imposa sa magnificence aux êtres souterrains. Le temple d'adoration fit lever les yeux vers des cieux minéraux. Des piliers de marbre rose s'élevaient jusqu'à des croisées d'ogives en or blanc. Le chef-d'œuvre architectural fit taire Fil, obligé de reconnaître, par son silence, le prodige des Hommes. La dévotion spirituelle prenait une consistance matérielle qui forçait l'admiration, même celui d'impies. Ces merveilles vouées à traverser les âges fixaient, pour une éternité éphémère, le génie humain.
Les nuques à la renverse, les cinq infiltrés s'accordèrent une pause contemplative. Bulle de Savon, perdu sous l'immensité d'une coupole de jade piquée d'or, souffla d'envie :
— J'espère que les pécules que le précédent souverain m'a laissé en héritage me permettront d'ériger un édifice si éclatant à ma gloire. Connaissant sa Fortune, j'en doute.
La splendeur de robustesse et de finesse rayonnait de pierreries et de façades entièrement composées de miroirs colorés et de vitraux polychromes. Le kaléidoscope monumental diffusait une myriade de coloris pastellisés. Un bain de lumière sacrée fardait les fidèles d'une brume irisée : le Parakoï plongeait les visiteurs dans sa lumière ineffable.
Derrière une colonne couverte d'une mosaïque en topaze qui camouflait l'armée d'Outremonde, les capes démoniaques furent enlevées. La panique que susciterait leur présence en ce lieu saint s'ébruiterait préjudiciablement. La Justicière replaça son glaive d'or miniature en évidence et resserra sa natte d'un geste expert.
— Désormais je marcherai en tête. Mon insigne nous ouvrira toutes les portes. Nous ne savons pas dans quel état nous trouverons la cité. Soyons prudents.
— J'vous trouve bien confiante Justicière. Votre camelote autour du cou ne nous a été d'aucune aide la première fois que nous avons frappé aux battants de la cité. Je n’vois pas pourquoi il en serait autrement aujourd'hui. Le ver Loren a pourri tout le fruit. J'vous l'dis moi, ça sent l'grabuge.
Krone enroula les capes et les entassa dans un sac porté en bandoulière. Une légère fatigue offerte par l'usage rapide de son Don lui pesait encore sur les paupières. Son exploit assassin en pensée, il murmura :
— Je suis d'accord. Ce temple est anormalement vide. Cela présage de mauvaises surprises dehors.
Velya entendit les deux remarques mais n’y répondit pas ; elle poussa un panneau taillé dans l'immense portail voûté. La lumière blanche du soleil les éblouit, l'armée souterraine investissait enfin les rues de Baëlys-la-Belle.
Au lieu de l'agitation militaire qui animait une ville assiégée, la cohorte démoniaque ne rencontra que le souffle dominant du vent, le pavé déserté et des volets clos. Les hautes murailles visibles depuis le parvis du temple semblaient abandonnées, comme les tourelles et les fortifications. Les quelques nuages en patrouille dans l'immensité du ciel bleu dominaient une capitale aux défenses oubliées.
L'esplanade rugissait un silence accablant. Bulle de Savon quitta la formation et sautilla joyeusement les bras levés vers les balcons dépeuplés :
— De Myr jusqu'à Baëlys, quand le véritable roi arrive, toute la populace l'acclame à grands cris.
Une ovation bien réelle déferla en une vague renversante. Submergeant les remparts, le brouhaha inonda la capitale et la place. Le tsunami de résonnances semblait provenir de toutes les directions à la fois. Bulle de Savon dansota sous les hourras et fondit vers les murailles à la rencontre de ce peuple dévoué. Ses grands bonds de petit homme le menèrent dans l'ombre de la fortification où, devant les degrés, il attendit ses compagnons.
De l'autre côté du mur, les acclamations faisaient vibrer la pierre blanche. Le nouveau roi souterrain posa sa main et sa joue sur la paroi et écouta le battement de la roche. L'imagination en évasion, il soupira d'aise.
— Savonnette, c'n'est vraiment pas l'moment de s'la jouer en solitaire. Heureusement que tes grandes moustaches trainent dix pieds derrière toi.
Un ton sérieux, inhabituel au petit homme, sortit de ses lèvres étirées :
— Je crois que nous arrivons trop tard.
Fil avança vers le mur et y plaqua son oreille. Une moue dubitative accompagna sa réflexion ingénue :
— Je n’sais pas c'que te raconte ce gros tas de cailloux, en tout cas moi, il m'dit rien.
L'écoulement festif d'une fontaine proche répondait à l'effervescence extramuros. Velya posa le pied sur la première marche et ordonna :
— Vous ressemblez à deux moules contre une falaise. Montons voir de quoi il en retourne.
À mesure que l'ascension essoufflait l'endurance de Fil, les toits de la cité apparurent : le dôme en or du temple d'adoration brillait. Comme une mère veillant sur sa progéniture, elle surplombait un océan de tuiles rosées. Depuis le centre de la capitale, surgissant des entrailles de la terre, la flèche immaculée de la tour du Parakoï transperçait le ciel azur en un point infini. Ce tronc avec son écorce de marbre écrasait de sa haute splendeur Baëlys-la-Belle et les Trois pays.
Les vivats s'intensifiaient, les poumons de Fil sifflaient. Cependant, portées par son orgueil démoniaque, ses courtes jambes ne flanchaient pas. Ombelyne le devançait de plusieurs marches, jamais il n'offrirait à la demoiselle une occasion d'user de sa langue hautaine. Cette intention quelque peu puérile l'obligea à allonger la foulée. Malgré la fraîcheur d'un hiver qui commençait à tirer sa révérence, Fil transpirait à grosses gouttes. Son combat personnel obstruait pour quelques instants la bataille de Baëlys, la guerre des Trois pays contre l'Empire. Pourtant, malgré ses efforts intenses, ce fut les mains sur les genoux et bon dernier qu'il atteignit le chemin de ronde. Le persiflage ne vint pas, Fil redressa la tête. Il vit ses quatre partenaires de voyage comme hypnotisés par un spectacle incroyable.
À travers les meurtrières ou par-dessus les merlons, chacun observait en silence l'immensité d'acier. À perte de vue, fanions de l'Empire et étendards étoilés de la famille Lostaleau communiaient au vent. Des douves à l'horizon, les cuirasses, heaumes et piques scintillaient comme le reflet du soleil sur la mer frétillante. Des collines sur la dextre aux bois sur la senestre, la plaine bouillait sous les armures qui s'entrechoquaient d'effusions amicales. Car chacun, bras dessus bras dessous, participait aux réjouissances d'une représentation macabre.
Un char en or tiré par quatre chevaux blancs fendait la masse. La foule s'écartait sur son passage et l'acclamait. La finesse de la voix de Bulle de Savon vint caresser les créneaux et commenter le tableau lugubre :
— Le vieillard en décomposition assis confortablement sur le char, voilà l'Émissaire Ydone de Legane de Antunes.
Fil plissa ses yeux vers le charriot scintillant. Son cœur s'arrêta. Les mots restèrent bloqués dans la gorge par une haine d’antan. Sa plaie purulente n'en finirait jamais de le supplicier. Fil déglutit. Après un combat intérieur intense, il parvint à grommeler :
— Le grand dadet à côté, avec son foulard de coquet poudré, c'est Loren. Nous avions juste depuis le début, le scélérat était de connivence avec l'ennemi.
Krone mit une main compatissante sur l'épaule de son ami, il connaissait ses faiblesses et ses blessures. Il le sentait frissonner, sa rage menaçait d'exploser. À défaut de l'apaiser, le jeune homme lui témoignait son soutien qu'il lui savait indispensable.
Au sommet des murailles de Baëlys-la-Belle, les deux compagnons fixaient le même point. Entre fureur contenue et déception affichée, craignant une réponse qu'il ne voulait pas concevoir, Krone posa la question que toute la horde se posait :
— Et la tête plantée au bout de la pique tenue par l'Émissaire ?
Velya, aussi tranchante que la hache d'un bourreau, annonça la sentence :
— Le Parakoï.
***
La liesse de la journée se déversait dans les rues de Baëlys-la-Belle. La fièvre d'un souverain renversé se répandait dans les venelles d'une cité en fête. La nuit apportait avec elle ses lots d'excès. Les pichets débordaient, les rigoles se remplissaient, les statues à l'image du Parakoï s'effondraient. Un autodafé de toutes les représentations de l'ancien monarque illuminait la capitale. Ce feu de joie consacrait la chute d'un impuissant. Son œuvre était minutieusement effacée de l'Histoire des hommes. Les profanations se multipliaient où chacun rivalisait d'ingéniosité dans l'outrage et le blasphème. Les coups de masse et les jets d'urine introduisaient des flammes destructrices. La ville était préservée, seule la figure de celui qui s’était pris pour le créateur était souillée, écrasée, éradiquée. Le règne d'une religion centenaire fut ainsi balayé en une nuitée de purge. Les adorateurs, fidèles jusqu'au bout à leur faux dieu, servirent de combustibles à la destruction de reliques et d'effigies. Les vivats faisaient battre le cœur d'une cité euphorique. Dans ce déchaînement sans limite, les murailles accueillaient de nouveaux pensionnaires, pathétiquement reliés aux créneaux. Descendance du Parakoï, proches conseillers et sa cour soumise se balançaient désormais aux côtés d'une dépouille pendue par les chevilles.
Haut dans le ciel, au-delà de la sauvagerie humaine, le silence veillait sur le sommet de la tour parakoïale. Du point culminant de la flèche, un observateur ne saurait dire qui du ciel ou de la terre brillait, en cet instant, de mille éclats célestes.
Depuis la dernière terrasse de l'édifice, Loren contemplait son œuvre, la consécration d'une machination méticuleusement planifiée. De l'éviction du Premier Sujet Galien jusqu'à la parade humiliante de la tête du Parakoï, ses ambitions n'avaient souffert d'aucun accroc. Ne restait désormais qu'à soumettre l'armée du Premier Sujet Cazoel et l'ost du Grand Maréchal pour l'avènement de son nouveau titre. Avec le soutien des forces infinies de l'Émissaire, nul doute que les Trois pays seraient pacifiés, soit par l'argument des lames, soit par le compromis raisonné. Le Parakoï n'était plus : son escroquerie révélée, la légitimité de son pouvoir s'effondrait. Dans une Lune, tout au plus, l'autorité de l'Empereur s'imposerait sur cette nouvelle province de l'Empire Couchant. Loren, Provicci impérial, gouvernerait en son nom sur ces terres nouvellement libérées.
Loren posa ses mains sur la balustrade de marbre et inspira l'air frais de sa réussite. Son bouc tressé frémit, si ce n'était d'extase intérieure, sous le vent de la nuit festive.
— Sire Vermine, je n’vous salue pas.
Loren se retourna. Il aperçut derrière la danse légère des voilages de ses nouveaux appartements, la silhouette ramassée d'un inconnu. Trop surpris pour manifester son mécontentement, il n'eut le temps de répondre à cette entrée surprise.
— Ne vous fatiguez pas. Mes amis s'occupent de votre garde rapprochée. Laissons-les batifoler, après tout, c'est nuit de bombance. Personne ne viendra nous déranger.
La silhouette sortit alors des ombres pour s'afficher dans le halo des flambeaux de la terrasse. Loren, identifiant une menace, siffla :
— Qui êtes-v...
La question mourut sur ses lèvres. L'invisible lui serrait la gorge.
— Qui je suis et ce que j'veux, ne vous inquiétez pas, vous le saurez bientôt.
Soudain, poussé par une force incroyable, Loren bascula par-dessus la balustrade. Horrifié par une fin si soudaine qu'incomprise, il tomba dans le vide. Le souffle de la chute et de la mort vibra dans ses oreilles. Les bras tendus vers une accroche inaccessible, il voyait la terrasse rétrécir et sentait le sol grossir. Le cœur prêt à lâcher, il poussa un ultime cri, redoutant l'impact à venir.
Trente toises plus haut, Fil tira alors ses fils invisibles qui se tendirent. Puis, dans un effort aussi exténuant que pervers, il remonta la charge dont la première main tremblante vint finalement saisir le rebord du garde-corps. Le visage mortifié de Loren et ses yeux emplis d'effroi lui apparurent. Après avoir passé une jambe sur le parapet, le seigneur Lostaleau pivota et se laissa choir sur le marbre de la terrasse. Fil profita de ce sauvetage inespéré et de l'incompréhension de ce retour en arrière pour payer son Coût. La paralysie passée, il avança vers le rescapé. Il sortit un surin de sa manche. Loren tenta de se relever. Affolé par tant de mystères, il ne réussit qu'à s'assoir contre le parapet quand la lame vint lui caresser la joue.
— Les présentations ne sont pas encore faites, Sir Vermine. Avant tout, commençons par assouvir une envie qui me bouffe depuis des lustres.
D'un geste vif, Fil empoigna la longue barbichette tressée qu'il trancha nette avec son arme. Le dédain dans le regard, il ouvrit la main. Le bouc s'envola et se perdit dans la nuit. Accroupi face à cet homme qui le hantait depuis tant d'années, il ressentit du dégoût devant sa faiblesse. Ce minable, ce résidu de fientes tremblait comme un gamin devant la mort qu'il incarnait. Quelle déception. Aurait-il souhaité croiser un regard bravache pour le lui faire ravaler aussitôt. Ne manquerait plus qu'il se fît dans les culottes pour parachever ce misérabilisme pathétique. Fil cracha, littéralement, sa haine au visage de Loren. La glaire coulait sur le visage inondé de larmes apeurées. Un premier soufflet claqua sur la joue pour exprimer sa déception face à cette couardise, puis un autre, du revers de la main pour soulager une peine immense. Un poing rageur vint s'écraser sur le nez pour enfoncer sa fureur si longtemps contenue. Un craquement sec, une giclée de sang et un cri de douleur vinrent apaiser quelque peu les tourments du pérégrinateur forcé.
— Sire Vermine dit le Sans-Bouc, j'vous présente une partie de la considération que j'vous porte. Arrêtez de gémir, j'serai sourd à vos supplications, comme vous le fûtes à ceux de Maydine.
Un nouveau coup de poing enflammé empocha l'œil droit.
— Maydine !
Un autre foudroyant percuta l'œil gauche.
— Maydine !
Un coup de tête féroce explosa ce qu'il restait du nez.
— Maydine !
Les larmes de tristesse du malheureux reflétaient celles, souffrantes, du supplicié. Fil agrippa le col de Loren. Il l'obligea à redresser la tête qui flanchait sous les coups. Son regard noir plongeait dans celui, tuméfié, de sa victime. Deux boules de chair violacée remplaçaient les yeux de fouine.
— Tu me l'as volée ! Tu as détruit ma vie ! Elle était rayonnante et tu l'as humiliée...
Poing contre dents.
— Rabaissée !
Poing contre larynx.
— Tuée !
Sanglots contre gémissements.
— Elle était la beauté de San-la-Clairière. Elle était mon bonheur. Elle était et sera à jamais mon futur.
Ce déluge de violence attrista davantage Fil. Malgré la rage extériorisée, sa peine restait intacte. Le simulacre de visage qui lui faisait face n'apaisait pas son âme meurtrie, seule une mort salutaire réconforterait une douleur inconsolable. Il le balancerait du haut de sa tour et cette fois-ci, il ne le remonterait pas. Même son œuvre révolutionnaire lui avait été volée par ce misérable. Qu'il s'écrasât cent toises plus bas serait la moindre pénitence.
Un filet de sang et de bave dégoulinait des lèvres gonflées. Un léger mouvement laissait penser que Loren souhaitait s'exprimer. Difficilement, il parvint à articuler des mots effroyables. Un souffle, un chuintement inconsistant ébranla la volonté de fer de Fil :
— Elle... n'est... pas morte.
Une rage nouvelle emporta Fil. Cet espoir offert par le perfide le blessa plus irrémédiablement que jamais. Il éructa contre cette manœuvre grossière :
— Mensonge !
— Maydine de San-la-Clairière est… vivante. Prénom bien atypique pour qu’il y ait erreur sur la personne.
Un sourire malsain s'étira sur la figure saccagée. La perversité en éveil redonna une vigueur fragile à Loren.
— Mensonge !
Les postillons hargneux de Fil aspergèrent le fourbe, le malicieux. Jamais il ne se laisserait berner par cette révélation absurde. Pourtant, il se sentit dans l'obligation de confondre ce mensonge évident :
— J'ai senti son corps froid. J’l'ai serré contre moi jusqu’à souiller ma tunique de son sang. Son souffle n'était plus ! Son cœur ne battait plus !
L'espoir insensé retint son bras. Il devait entendre ce que ce démon avait à lui dire. Un rire soufflé se mélangea aux premiers mots de Loren :
— Sa mère.
Une euphorie nerveuse s'empara du seigneur et irrita Fil qui ne pouvait contenir son impatience. Violemment, il bouscula Loren qui n'en finissait plus de s'esclaffer.
— Quoi sa mère ! Parle ou j’te jette cul par-dessus fesses !
Entre deux rires et deux souffles difficiles, le seigneur déclara :
— Elle l'a ramenée à la vie en échange de la sienne. La bouseuse possédait un fichu Don. Ta Maydine est revenue d'entre les morts et y a précipité sa mère.
Devait-il croire cette misérable ineptie ? Serait-ce une nouvelle fourberie désespérée ? S'il n'était familier des Dons et de leurs exploits, il aurait ri de bon cœur devant tant d'absurdité. Le doute s'immisça et se renforça lorsqu'un sifflement supplémentaire sortit de la mâchoire déboîtée :
— Je sais où elle habite. Loin de ta bourgade de gueux, dans un trou perdu mais clair à mon esprit. Alors, inconnu, que vas-tu faire ? M'offrir la vie ou le vide ?
Le Destin se moquait-il de lui ? Éprouvait-il sa volonté ? Seul un demeuré tomberait dans ce chantage ridicule. Il n'était pas né de la dernière pluie. Les fourberies coulaient dans ses veines, les filouteries battaient dans ses artères, la truandaille pulsait dans son âme.
Fil releva Loren et le maintint en équilibre précaire sur la rambarde entre une mort abyssale et une survie improbable. Une légère poussée et le monde se libérerait d'un être maléfique. Les feux de joie en contre-bas, petits points infernaux, ouvraient la voie jusqu'à la dernière demeure de cet ennemi viscéral. Il suffisait d'écarter les doigts, lâcher prise et la gravité finirait la besogne.
— Alors inconnu, gâcherais-tu l'occasion de retrouver Maydine, cet amour unique ?
Fil grogna. Son cœur tempêtait. Sa volonté vengeresse ferraillait avec son espérance éternelle. Pousser ou retenir ? En finir avec cette pérégrination punitive ou en débuter une nouvelle, les désillusions en menace ? La bataille intérieure toujours en cours et incertain des conséquences de son ultime geste, Fil cracha son indécision :
— Vermine.
Fin de la première des pérégrinations
La fameuse fin et la plus belle arnaque de Fil !
Autant je m'attendais à l'irruption de la petite troupe démoniaque pour arriver dans le feu de l'action, autant je n'ai pas suivi les raccourcis pris pour l'effet "This is the end". Ombelyne ouvre le bal de leur arrivée sur la scène finale avec grâce et élégance puis... rien.
Première frustration car on ne sait rien du Parakoï et le problème semble être réglé avec une pique. Même s'il s'agit de la ville placée sous l'autorité du Premier Sujet Loren, je m'attendais tout de même à une quelconque résistance. On parle du Parakoï, de la plus haute sphère du pouvoir des 3 pays et y a rien pour le protéger ? Pas de garde rapprochée ou d'un super garde du corps doté d'un Don ? L'Émissaire débarque, libère ses fioles et joue avec son espérance de vie, Loren vient faire son "coming out de la loyauté", privant Fil de son complot révolutionnaire et rien. Si encore la ville était champs de ruines, désolations et morts, cela aurait pu passer. Mais là, tu nous dresses une foule en effervescence, sauvée du Parakoï qu'elle idôlatrait pour certains. Mais qui acclame-t-elle au final ? La victoire éclair de l'Empereur ? Le traître Loren ?
Personnellement, si la foule doit accueillir en liesse quelqu'un, cela doit être l'armée démoniaque qui aurait été précédée par les réputations et les hauts faits d'armes. Là, j'ai trouvé la prise de la ville trop rapide :
1) L'Émissaire vient dire bonjour, Loren salue à ses côtés,
2) Le grand Parakoï est déjà tué, circulez, y a rien à voir,
3) La foule acclame les "sauveurs" comme s'ils venaient de finir un concert de K-pop !
Mais c'est assez énervant. Ne me dis pas qu'ils ont passé des semaines dans leur tunnel là... Je veux bien qu'ils arrivent en retard, mais là, on dirait que Krone est passé de l'autre côté pour leur faire gagner du temps.
Quant au dilemme... je l'ai trouvé insupportable. Pourquoi forces-tu le lecteur à lui offrir un "choix". "Le dilemme" est le titre du chapitre, Loren rajoute une couche avec son "Alors, inconnu, que vas-tu faire ? M'offrir la vie ou le vide ?". Mais non, vraiment non...
Quel est l'intérêt de se souvenir subitement de Maydine s'il oublie le Fil inconnu ? Pour quelle raison Fil devrait hésiter ? Car il agit avant de réfléchir ? Y a pas matière à s'éteniser s'il doute ne serait-ce qu'une seconde : on le torture et on le jette par dessus bord.
J'ai vraiment eu la sensation de lire la fin d'un arc narratif, d'un chapitre.
Tu as crée un excellent univers, très complet. Cerise sur le gâteau tes personnages sont tous très bien réfléchis et approfondis. Ta narration est de grande qualité. J'ai adoré ton style au final malgré quelques lourdeurs qui s'estompent en fin de roman. Puis regarde, j'ai fini par apprécier le Fil :)
Au grand plaisir de t'aider à parfaire ton oeuvre. Tu as réussi à mener de bout en bout ton histoire côté auteur : félicitations très sincères !
A bientôt dans tes nouvelles :)
Merci à toi d'être arrivé au bout de ces Peregrinations ! Je suis désolé que la fin ne t'enchante pas ! Je pensais donner réponse à tes questions dans le chapitre. Pourquoi Fil hésite-t-il ? Car l'envie débordante de retrouver Maydine immisce en lui le doute. Il ne peut pas se permettre d'avoir ce doute qui le suit et le ronge le restant de sa vie. Si c'était vrai ? Il s'en voudrait. Meme si les arguments de Loren sont très tirés par les cheveux, comme dit dans les commentaires des autres plumes, et même si on sait tous, lecteurs compris, que Loren est un vil menteur, ce petit doute est quand même présent... non?
Pourquoi lourd comme dilemme? Je comprends pas trop cette remarque. Car c'est mentionné dans le titre, ou c'est la scène en elle-même qui est lourde ? En tant que lecteur on a pas envie de savoir ce que va faire Fil ?
J'avais envie qu'à la fin on se dise : mais que va t il faire ??? On veut la suiiiiite...
En attendant la suite, je rédige mes Petites histoires :p
Merci encore à toi, toutes tes remarques étaient judicieuses et me sont très utiles. J'espère te relire très vite, dans les Trois pays, ou ailleurs !
Je suis sur le popotin XD
Alors oui, ça fait plus fin de "partie" que de "tome", mais pour moi ça reste un gros chapitre de bascule: échec de la mission "sauver le parakoi", échec de la mission "venger Maydine", semi-échec de la mission "tomber le Parakoï pour rétablir une certaine justice".
Intéressant ^^
J'espère que la suite ne tardera pas !
Par contre en effet, si un jour tu envisages de soumettre à publication je pense qu'il te faudra revoir là où tu souhaites découper tes tomes parce que si je finis un livre papier comme ça, je te dis pas l'état de frustration dans lequel ça me met XD
Sur les deux arcs "clos", un petit retour :)
> "Sauver le Parakoï et les 3 Pays"
>> Je trouve que c'est assez satisfaisant, et puis c'est sympa, pour une fois, de finir sur un échec. Par contre, tuer Loren ne libère pas les 3 Pays, et vu que personne n'a l'air de penser que l'Empereur fera un meilleur dirigeant, je trouve ça un peu dommage de ne pas sentir que du coup, la bascule se fait vers "virer l'envahisseur"
> "Venger Maydine"
>> Je me souvenais bien de son désir de vengeance, et c'est super je trouve, ce moment où lui cogne dessus, mais où il se rend compte que ça ne le soulage pas. Par contre je suis désolée mais le retournement du "finalement elle n'est pas morte", je trouve que ça fait un peu deus ex machina. En plus, du coup, Maydine aussi a un Don alors que c'est censé être rare... Et pourquoi ne serait-elle pas partie à la recherche de Fil ? Le bébé a-t-il survécu ? Pourquoi Loren est au courant de ses faits et gestes ? Pourquoi personne au village n'a tenté de prévenir Fil ? Bref, ça tue un peu le super travail que tu as fait sur le début de cette scène de vengeance. Soit il faut le modifier, soit il faut que tu laisse entendre longtemps avant que finalement il se pourrait qu'elle ne soit pas morte, qu'elle cherche Fil, et que peut-être lui s'obstine à penser qu'elle est morte parce que après tant d'années à chercher comment se venger il ne sait pas comment juste laisser tomber et faire face à Maydine ?
> "rétablir l'équilibre"
>> Du coup cet axe est pour moi le plus faible, on n'a pas vraiment de "fil conducteur" sur cet arc. Il a été mis en suspens à l'invasion, ok, ça me paraît logique, mais ensuite on a l'impression que c'est "oublié", et c'est dommage. En "fin d'histoire" comme ça on aimerait une indication: vont-ils vraiment laisser tomber cet objectif, partir chercher Maydine ou tuer l'Empereur ou dieu sait quoi ?
Dans tous les cas, féilicitations pour tout le travail et merci pour cette histoire!
Je me suis bien amusée, tes personnages sont hauts en couleur et attachants (même Fil), ton style est cohérent avec l'histoire et les personnages. Pour moi tu pourrais renforcer le traitement de tes thématiques, et ajuster le niveau de "loufoque" des scènes d'action, mais globalement l'intrigue tient.
J'ai hâte de découvrir la suite et tes autres écrits !
Je ne dis pas que Maydine est revenue à la vie. C'est ce que Loren tente de faire croire à Fil pour qu'il le laisse en vie. (Petite précision, Loren, dit que c'est la mère de Maydine qui avait un Don et qui l'a ramené à la vie.) Est-ce vrai? Est-ce faux? C'est à Fil de décider. A la fin, Loren n'est pas encore mort. Je laisse la décision de le pousser dans le vide en suspens. On ne sait pas quel choix fait Fil réellement.
Comme signalé dans les autres commentaires, que Maydine soit vivante et revenue des mortes laisse place à plein d'incohérences. Encore une fois, c'est peut-être un mensonge de la part de Loren. Je ne dis pas en tant qu'auteur que c'est la réalité et que c'est vraiment arrivé.
Mais bon, dans le doute, Fil peut-il laisser échapper sa chance de retrouver celle qu'il aime?
J'aime bien les histoires qui ne finissent pas forcément bien. Là, clairement, leur plan révolutionnaire en prend un sacré coup.
J'écrirai un tome 2 à tout ça, en attendant, je publie des petites nouvelles sur l'univers des Trois pays qui permettent d'apporter des informations supplémentaires :)
Merci en tout cas d'être arrivé jusqu'au bout, tous tes commentaires m'ont fait chaud au coeur!
J'espère te revoir très bientôt, dans les nouvelles ou dans la suite des Pérégrinations !
A très vite !
Dans ce dernier chapitre, on apprend que le Parakoi est mort et que Loren s’est presque fait tué par un autre avant d’être sauvé …par Fil ! Il lui dit que sa femme est en vie.
Alors je t’avoue que je trouve que ton dernier chapitre ne fait pas dernier chapitre. D’une, ils étaient tous au sein d’une armée, celle du Parakoi, il y a 3 chapitres à peu près. Fil était l’écuyer de Velnya et ils venaient au secours du Parakoi. Fil ne lui en voulait plus, ni à Velnya, ni au Parakoi (j'avais perso pas compris pourquoi). Ensuite, ils se retrouvent dans une sorte de sous-terrain qui mène à une Église. Ça m'a un peu fait l'effet qu'ils s'y sont téléportés. J'ai eu du mal à comprendre leurs objectifs et ce qu'ils faisaient. Personne d’autre n’est au courant pour ce sous-terrain ? Pourquoi ? Ce serait pratique pour briser le siège ?
Puis ils marchent dans la ville et ils voient Loren se faire presque tuer, mais Fil le tabasse et Loren lui avoue que sa femme n’est pas morte. Déjà, comment Fil peut maîtriser Loren sans son Don. Loren est un guerrier entraîné, la main droite du Parakoi. Or Fil, il était pas fermier ou un truc du genre ?
Loren est un noble qui gravite à la cour de la capitale. En quoi le destin d’une fermière quelconque l'intéresse ? J’ai du mal à croire qu’il se soucie de toutes les familles des gens qu’il a tué et violé sur son chemin. De plus, il n'y a pas le téléphone. Cela lui demande des efforts et des moyens phénoménaux de garder contact avec les personnes violées. Qui ferait ça ? Donc Velnya, quand elle tue le maire et ses hommes, elle garde un œil sur leur famille ? Ils la détestent non ? Ça n’est pas logique pour moi.
Aussi, tu ne parles plus jamais de la femme de Fil de tout le livre (la dernière fois, pour moi, c’était au chapitre 2). Donc cette révélation tombe comme un cheveu sur la soupe. J’étais complètement détachée de la scène. Je ne me souvenais même plus du nom de la femme de Fil. Avec cette révélation, tu veux nous dire que tout le livre est vain ? Que Fil a mené une révolution contre le meurtrier de sa femme qui n’a pas tué sa femme et révolution qu'il a abandonné en retournant sa veste ? Je peine à suivre.
Il y a tant d’arcs ouverts, tant de questions. Ombelyn ? Krone ? Velnya ? Bulle de Savon ? À quoi auront-ils servi ? Quels sont leurs arcs narratifs et en quoi sont-ils attachés à celui de Fil ?
Pour moi, ce n’est pas possible que ce soit la fin. J’ai un grand sentiment d’inachevé.
Mes notes :
« La reine démoniaque”
> Je ne comprends pas ce que fait Ombelyn avec eux ?
« Le Parakoï n'était plus : son escroquerie révélée, la légitimité de son pouvoir s'effondrait. »
> Je ne comprends pas : de quelle escroquerie tu parles ??
« La paralysie passée, il avança vers le rescapé. »
> Il a vraiment de moins en moins de Coût, plus on avance dans l’histoire.
« Le bouc s'envola et se perdit dans la nuit. »
> Mouais, c’est pas hyper spectaculaire de lui couper le bouc non ? Ça m’a fait lever un sourcil disons.
« comme vous le fûtes à ceux de Maydine. »
> Ce nom, on ne l’a entendu qu’au deuxième chapitre du livre (il y a trèèès longtemps). Pour être honnête, j’avais carrément oublié cette femme et cette loop. Du coup, la scène me laisse de marbre.
« Fil agrippa le col de Loren. »
> Il est toujours lié par son fil magique ? Sinon, pourquoi Loren ne se lève-t-il pas ? Il domine Fil de plusieurs têtes et au combat aussi. Il n'en ferait qu'une bouchée.
« Elle l'a ramenée à la vie en échange de la sienne. La bouseuse possédait un fichu Don. Ta Maydine est revenue d'entre les morts et y a précipité sa mère. »
> Comment ça se fait que Loren, un noble proche du Parakoi, vivant très loin du village de Fil où il n’est passé qu’une fois, bourré en plus, soit au courant de cette info et pas Fil ?
« M'offrir la vie ou le vide ? »
> Il lui suffirait de se lever et de jeter Fil par-dessus bord.
C'est pas une fin ouverte que tu nous proposes, c'est comme si t'avais coupé à un moment et il se trouve que c'est là ?
(désolé, mon ressenti sur ta fin n'est pas très positif, mais pour toutes les raisons dites plus haut, elle m'a frustrée)
Je crois que tu n'as pas compris la scène finale. Loren n'est pas presque tué par quelqu'un et sauvé par Fil... C'est Fil depuis le début qui le pousse dans le vide, et le remonte pour le "plaisir" de le torturer.
Comme je l'ai dit à Flammy, tout ce que raconte Loren n'est peut-être pas vrai. C'est ce que raconte Loren pour essayer d'avoir la vie sauve. Est-ce vrai? Est-ce faux? C'est justement au lecteur de s'imaginer ce qu'il ferait à la place de Fil. Doit-il tuer Loren ou le garder en vie dans l'espoir de retrouver Maydine? Car en effet, toutes les incohérences que ça sous-entend (pourquoi Loren ferait-il suivre une fille lamba dont il a abusé?) ferait pencher la balance du côté de "c'est un mensonge". Encore une fois, je ne dis pas que ce que raconte Loren est la vérité, il tente - ou non - un coup de bluff. La vérité apparaitra en effet dans un tome 2. Fil doit cogiter et se poser les mêmes questions que toi. Alors, doit-il le croire et le laisser en vie, ou ment-il effrontément car tout ça n'est pas logique et donc le pousser dans le vide? Je ne cherchais pas une cohérence dans la révélation du retour à la vie de Maydine, mais plutôt un argument qu'avancerait un homme qu'on menace de plonger dans le vide pour essayer de se sauver. Bien sûr que c'est bancal son explication, mais ça peut aussi être plausible, surtout pour quelqu'un qui rêverait de retrouver son amour. Ne doit-il pas tenter de le croire, on ne sait jamais...
Le début du tome 2 pourrait être la réponse à cette question : Bon Fil, as-tu poussé Loren ou l'as tu laissé en vie?
Je suis désolé que cette fin t'ait frustré, ce n'était clairement pas le but ^^
Et si Fil en finit avec lui, pourquoi arrêter la scène ici ? (il est certain que si tu le fais, c'est qu'il ne tue pas Fil, le suspense n'est pas à son comble à mon avis, pas assez pour attendre un tome 2 pendant des années).
Et qu'en est-il des autres arcs narratifs ? J'ai l'impression que tous les autres persos à part Fil n'ont servi à rien. Fil aurait très bien pu accomplir tout ça seul non ? Et encore qu'a-t-il accompli ?
J'ai mis un peu de temps à commenter avec tout ce que je devais gérer, mais j'ai enfin un peu de temps donc me voilà !
Bon, mon commentaire va être un peu dans la lignée de ce qu'il y avait avant ^^' C'est pas tant que le chapitre est mauvais en soit, c'est toujours bien écrit, bien décrit, on sent bien les dynamique entre perso (l'entrée d'Ombelyne dans la capitale <3 ) mais pour moi, il y a un souci de structure et de rythme.
Déjà, je pense que tu devrais être un peu plus franc/honnête sur le fait que c'est le premier tome d'une série. On en avait déjà parlé, tu m'avais présenté ça comme une fin ouverte, mais pour moi (et après, ce n'est que mon avis), ce n'est pas une fin ouvert. Il y a vraiment beaucoup d'arcs et d'enjeux qui ne sont pas clos et en plus, tu balances une bombe à la fin, clairement, ce livre ne peut pas se lire seul, il appelle clairement une suite, donc autant être explicite que c'est un T1, non ? Personnellement, et c'est un avis personnel, c'est quelque chose que je n'apprécie pas trop de découvrir en cours de lecture que l'histoire se termine pas vraiment au bout du livre et qu'il faut lire la suite ^^' Lire des séries ne me dérange absolument pas (Sanderson <3 ), mais j'aime être prévenue.
Ensuite, pour la révélation de fin, j'avoue que ça m'a aussi un peu laissée perplexe, et ça n'a pas trop marché sur moi, désolée ^^' C'est quand même un gros truc, et il n'y avait rien qui le préparait avant. Et même, pourquoi Loren est au courant de la vie /mort / vie d'une fille random qu'il a violé ya des années ? Il avait placé un homme à lui pour surveiller même après sa mort ? Pourquoi il l'a fait suivre pour voir où elle habitait maintenant ? Il continue de la faire surveiller plus de dix ans après ? Et comment il a eu l'idée de la faire surveiller après sa mort ? C'est quand même pas anodin quoi, et il donnait l'impression d'être du genre à violer une fille dans chaque village où il passait, il fait ça pour toutes les filles qu'il a violé ? Bref, le retournement sur sa survie était un peu brutal pour moi, et surtout, je crois que ce qui m'a le plus perturbé, c'est comment Loren peut être au courant de ça ^^'
Autre truc, j'ai u du mal un peu à suivre ce qui se passait et à comprendre ce qui se passait à partir du moment où la troupe sort du temple, mais c'est peut-être moi parce que j'ai lu un peu vite ce passage dans les transports ^^' Mais dans tous les cas, je trouve le retournement de la population très violent. On passe de "On adule le Parakoi comme un dieu" à "on se réjouit de sa mort, on fait la fête, on détruit toute trace de son existence" en deux deux, pour moi, c'est trop rapide. Même si le petit peuple avait des raisons de pas aimer le Parakoi, il y avait quand même tout un aspect propagande, lavage de cerveau sur des dizaines d'années. Et dans la capitale, c'est là où ça devait être le plus impressionnant, là aussi où la situation devait être la plus privilégiée, avec des personnes "proches" du Parakoi, sa cours, un peuple vraiment sous sa domination et son influence direct. J'ai du mal à croire que dans cette ville, où il devait y avoir tous ses plus grands fanatiques, on retourne sa veste aussi vite, surtout qu'on acclame aussi vite l'envahisseur. Ca reste un envahisseur, un étranger, un inconnu, et vu comme les trois pays ont été repliés sur eux-même, vu comment ya eu pleins de gens morts sur le Bouclier, j'ai du mal à comprendre comment cet envahisseur peut être traité en héros libérateur :/ Ya même pas un minimum de xénophobie ? Ah, et pendant que j'y pense, si le Parakoi a réussi à arriver au pouvoir et à se maintenir aussi longtemps, c'est qu'il devait avoir des capacités, un Don, être intelligent... quelque chose qui explique ça, c'est dommage je trouve de pas nous le montrer avant sa mort, mais ça pareil, c'est un regret totalement personnel.
De manière un peu plus générale maintenant, j'ai l'impression qu'il y a un problème avec le structure de la fin. En tout cas, c'est mon ressenti, après, j n'ai pas la vérité absolue, mais j'ai été un peu frustrée par la fin. Tu aurais pu avoir une montée en puissance depuis le moment où la petite troupe quitte le gros en armée, une montée de l'anxiété, de l'angoisse, est-ce qu'on va arriver à temps, vraiment vivre les détours avec les personnages, l'espoir d'une solution, la course contre le temps, mais au final, je ne l'ai pas senti. Tout ce passage là est très fragmenté, avec des points de vues/choix de scène qui pour moi casse la tension que tu pourrais construire à la fin. Par exemple, la scène aux dés où Bulle devient roi des Ombres. La scène est bien en tant que tel, elle est drôle, bien écrite, mais à l'endroit où elle est mis, pour moi, c'est trop léger, trop drôle et ça fait qu'il n'y a pas de tension provoqué par "est-ce qu'on va réussir à sauver le Parakoi ou pas ?". Pareil, le passage après du point de vue du religion, c'est bien écrit, mais tu passes beaucoup de sources d'angoisse/stress sous silence, tu nous mets du point de vue de quelqu'un qui n'a pas du temps ces appréhensions. idem avec le souvenir, où on est toujours pas dans la montée finale. Et là, dans ce chapitre, on arrive juste après la fin de la bataille, c'est déjà perdue avant même qu'ils arrivent, mais au final, vu qu'il n'y avait pas eu toute la construction de la tension avant, mais c'était juste "ah, dommage", alors que ça aurait dû être un élément très fort de cette fin, ils ont échoué.
D'ailleurs, en réfléchissant à la structure même de tout le livre, je trouve qu'on met trop de temps à comprendre où on va. C'était quoi le but de ce T1 ? Ca devait livrer quelles informations, amener les personnages où ? J'ai l'impression comme ça que c'est à ce résultat d'invasion qui a fonctionné, mais du coup, ça arrive trop tard pour moi, et c'est longtemps relégué au second plan. Mais je suppose que c'est bien ça vu que c'est le seul arc réellement fermé dans ce tome, tout le reste pour moi, c'est pas vraiment fermé. Tu as mis en place pleins de choses, notamment des relations entre persos, ya énormément de choses, mais c'est surtout des pistes ouvertes pour la suite (ce qui n'est pas un mal hein).
Bref, désolée, ça fait beaucoup de critiques ^^' Pour moi, il y a vraiment beaucoup de bonnes choses, des bonnes idées, c'est bien écrit, j'aime beaucoup le ton et ya des personnages très intéressants, mais il faudrait revoir la structure au moins de la fin, et peut-être aussi avant, et peut-être le rythme, parce que jusqu'à pas très longtemps avant la fin, je ne comprenais pas trop où on allait, et c'est un peu dommage je trouve, surtout que pour moi, les éléments sont là, ils sont juste sous exploités.
En tout cas, bravo pour avoir fini ce livre =D C'est un énorme travail, un beau bébé et tu peux être fier de toi =D Au plaisir de lire la suite un jour ^^
Merci d'être arrivée jusqu'au bout de ce roman ! J'espère que malgré la fin bancale tu as passé un bon moment en la compagnie de notre trio :)
J'envisage effectivement de faire une suite à ces premières pérégrinations, même si en véritable jardinier que je suis, je n'ai pas encore vraiment la suite en tête :D Mais bon, on m'y mettant, je pense que je pourrai en faire quelque chose. En l'état, je te rejoins, beaucoup d'arc n'ont pas de réponses qu'on attend en tant que lecteur. On veut effectivement savoir si Krone et Ombelyne vivront heureux dans un palace, entourés de marmots aimants, avec tata Velya et Papi Fil tout gaga de la progéniture d'Ombelyne... hmm...
Tout le questionnement que tu as sur Loren est parfaitement sensé et exacte, mais ce que j'ai voulu mettre en place ici c'est un jeu du "menteur/ou pas". Tout ce qu'il raconte n'est pas forcément vrai, et toutes les questions que tu te poses, Fil devrait se les poser pour savoir s'il raconte la vérité. Là encore, je ne dis pas que Maydine est vivante et qu'elle a vraiment été ramené à la vie par sa mère. C'est que balance Loren pour essayer de sauver sa peau. Est-ce vrai? (Si c'est le cas, en effet, tout ce que tu dis poserait problème) Est-ce faux? (Mais du coup, dans le doute, Fil peut-il vraiment se permettre de le balancer dans le vide?) A ce stade du récit, c'est au lecteur de se dire qu'elle est la bonne réponse. Je dirais que pour toi, tu es du côté du "non c'est du pipo" donc tu pousserais Loren dans le vide. Je voulais que le lecteur se mette à la place de Fil. QUe ferais-je à sa place? Je crois LOren, même si ça a l'air trop suspect, et je le garde donc en vie, ou alors je le pousse, car gros mytho?
Clairement, le jour où j'écrirai la suite, tout ce questionnement sera approfondi. (une réponse n'empêchant pas l'autre, Fil peut pousser Loren alors qu'il dit en partie la vérité...)
Pour la montée de la tension, je regrette de ne pas avoir réussi à te transmettre ce sentiment. J'espérais que la "chute" du "mince le Parakoï est mort alors qu'on l'a jamais vu" soit plus efficace que ça...
Je voulais justement faire monter la pression sur le "il faut repousser les envahisseurs, comment nos héros vont faire pour réussir à gagner" pour que finalement justement, ils n'y parviennent pas et que les "méchants" gagnent. En tout cas, à ce stade là de l'histoire... Tu as souvent "reproché" que tout se passait bien dans les plans de Fil... Pour le coup, je pensais qu'ici on avait un cas où tout a foiré, que tout ce qu'ils ont mené et mis en place dans leur aventure a finalement servi à rien... Leur Parakoï est mort, leur Révolution, en mauvaise posture... Alors clairement, je te rejoins, l'histoire ne peut pas se terminer là, nos personnages vont être confrontés à des choses qu'on ne peut pas taire ou laisser entièrement à l'imagination des lecteurs... Je voulais un petit retournement qui va un peu à l'encontre de ce qu'on lit habituellement.. Non, tout ne va pas selon les plans des gentils, les méchants gagnent aussi...
Je pense poster des petites nouvelles qui se passent dans l'univers des Trois pays avant de passer à la suite de cette histoire. J'espère que ça te plaira...
Merci encore pour ta lecture attentive et fidèle ! Ca fait plaisir d'avoir eu tes retours ! J'espère te revoir bientôt dans de nouvelles histoires !