"Mais si la sage dit juste, tu devrais y arriver et tu serais notre seule chance de sauver notre peuple."
Les paroles d'Oursin ne cessaient de tourner en boucle dans ma tête.
Je regardai notre ville par les grandes fenêtres du palais.
Depuis que les humains ont connu notre espèce notre monde s'était écroulé. Les rues n'avaient jamais été aussi tristes et désertes, les habitants de la cité étaient effrayés et n'osaient même plus sortir dans la rue et les disparitions de villageois étaient de plus en plus fréquente.
Je soupirai: je me devais d'aller voir les déesses des eaux, pour le bien de notre peuple. Mais...où se cachent-elles? Au confin de l'océan, comme le dicte le conte pour enfant? Et quels sont les réels prix à payer pour leur formuler un vœu?
Je pris un énième couloir pour regagner la sortie, des bureaux identiques étaient alignés le long de l'allée et un brouhaha assourdissant y régnait.
-Excusez moi !
Une voie perçante me sortit de mes pensées et je me décalai juste à temps pour laisser passer une sirène croulant sous les documents et tas de papiers.
Un crayon derrière l'oreille, le jeune garçon ésquivait avec légèreté la foule mouvante.
-Attention! Attention!
Une autre sirène aux longs cheveux d'or me bouscula et rentra en trombe dans bureau en désordre.
-Un nouveau disparu! cria-t-elle à travers l'assemblée.
Je revins sur mes pas, interpellée, et épiai la conversation du couloir.
-Encore! Depuis combien de temps dis-tu? répondit une voie grave.
-Une heure environ, il ne serait pas rentré de la chasse.
Du coin de l'oeil, j'aperçus la fille accrocher un portrait dessiné au crayon sur un immense mur. Celui-ci était recouvert de centaines d'autres affiches identiques. Il yavait des dizaines de visages alignés et recouverts encore par de nombreuses autres: les disparus.
J'étouffai un cri de surprise: ce visage m'était si familier!
Mon cri résonna dans tout le couloir. Ce n'est pas possible! Ce n'est pas possible! Je sortis du palais en trombe et nageai le plus rapidement possible jusqu'à la ville en contre-bas. Le soleil s'était couché et sans les quelques rayons de lumière, la cité était plongée dans l'obscurité.
Entraînée par la vitesse, je me rapai contre les multiples bâtiments en tournant. En hâte j'ouvris la porte de ma maison et me ruai à l'intérieur.
-Haliotis! Haliotis!
Je passai en courant devant ma mère effrayée par ce vacarme.
-Haliotis!
Mes cris se fondaient en pleur mais je continuai désespérément de fouiller les quelques pièces de la bâtisse.
-Clam! Ça ne sert à rien! s'époumona ma mère.
Mais je refusai de croire à cela.
-Haliotis! Je tentai vainement.
Ma mère posa une main bienveillante sur mon bras. Et je me blottis dans le creux de son épaule secouée de sanglots.
-Ce n'est pas possible...je chuchotai.
Cauris, attirée par tout ce vacarme, sortie sa petite tête par l'entrebâillement de la porte de la chambre.
-Clam?...tu pleures?
-Cauris...
Je l'invitai à se joindre au câlin familial.
Je déposai un bisou sur la tête de ma sœur et lui expliquai d'une voie la plus calme possible.
-Tu dois savoir que Haliotis n'est pas rentré de la chasse.
Cauris esquissa un sourire qui se voulait rassurant:
-Ce n'est pas grave! Haliotis m'a promis de ramener le plus gros poisson de l'océan ! Il doit en mettre du temps pour le ramener tellement il doit être lourd!
-Je...ne suis pas sûr que cela soit la cause de son retard Cauris.
Ma mère se baissa pour se mettre à la hauteur de ma petite sœur et continua:
-Tu connais la cause des nombreuses disparitions de ces temps-ci...
Nous faisions parti du quartier le plus pauvre de l'immense cité. Et sans Haliotis qui ramenait la nourriture nécessaire pour notre restaurant, nous n'aurons même plus de quoi nous acheter de quoi manger. Ma mère nous avait élevée seule et chaques mois, elle s'en sortait de justesse financièrement. Nous avions déjà très peu de clients en ce moment.
La situation devenait grave et il était devenu urgent de réagir face à la menace que représentait les humains.
Je n'étais pas arrivée à fermer l'œil de la nuit, et sans plus tarder, je sortis de la chambre à pas de loup. La porte émit un grincement lorsque je l'ouvrit et j'esquissai une grimace. Je vérifiais en jetant un coup d'oeil dans la pièce que ma mère et ma sœur ne s'étaient pas réveillées.
Discrètement, je rejoignis l'étroite cuisine. Les courants marins froids s'engoufraient dans la maison par les multiples fentes dans les murs.
Je ramassai un coquillage et un stylo et pris une grande inspiration: étais-je capable de les sauver? Oui, je devais essayer. Sans réfléchir, je griffonai hâtivement quelques mots.
Je sortis dans la rue sans regarder mon foyer où dormaient encore paisiblement ma mère et Cauris. Les reverrai-je?
La ville était comme gelée, sans vie. L'obscurité dévorait les lieux et les ruelles de notre quartier ne m'avaient jamais semblées aussi sales, aussi pauvres.
Je pris de la hauteur, et distinguai bientôt le palais caché en hauteur dans un massif rocheux aux pointes aiguisées.
La ville était immense en contrebas. Notre pauvre famille n'en était qu'une parmis tant d'autres. Des milliers de maisons s'étandaient dans la vallée cachée. Cachée certe mais peut-être pas pour longtemps.
Le palais était désert, plongé dans une noirceur inquiétante. Des lueurs fantomatiques se mouvaient contre les murs à la lueur de flammes enfermées dans des bocaux d'airs.
Oursin m'avait indiqué son bureau, je me dirigeai vers celui-ci en nageant dans les sombres couloirs.
Je toquai discrètement à une porte massive et l'ouvris pour découvrir une salle au haut plafond. Un imposant bureau prenait les trois quart de la place. Oursin enleva ses lunettes et releva la tête d'importants documents.
-Clam.
Il m'invita à m'assoir en face de lui.
-Tu as pris ta décision?
Il me fixa de son regard sérieux.
-Je crois...
La vérité, c'est que je n'en savais rien du tout.
Je n'étais sûr de rien, mais je devais le faire, pour la cité toute entière, pour les disparus...et pour Cauris.
Sa maladie la dévorait un peu plus chaques jours et si elle se retrouvait capturée, elle ne pourrait y survivre.
-Oui j'accepte, j'essayerai et je ferai tout pour y arriver.
Oursin hocha la tête et me fit signe de le suivre.
Sa cape majestueuse ne l'avait pas quitté. Il s'engouffra dans un couloir étroit: le palais était un véritable labyrinthe.
Il s'arrêta soudainement devant un immense tableau. La toile représentait un portrait d'une magnifique femme à la peinture. L'artiste avait représenté la sirène dans les moindres détails, jusqu'à la finesse des bijoux.
-Une ancienne reine? Je tentai.
Oursin haussa des épaules.
-Je ne sais pas et peu importe: je ne suis pas venue ici pour te montrer cette peinture.
Il tapota six fois sous le cadre et soudainement, le tableau s'anima.
-Qui ose me déranger durant mon si paisible sommeil?
Je restai bouche-bée devant le tableau qui s'animait comme par magie.
La sirène scruta Oursin d'un œil mauvais.
-Oh, c'est toi Oursin. Ça faisait longtemps...
Elle me dévisagea d'un regard curieux.
-Et donc, qui est-ce? Ta petite copine?
-Hein? Absolument pas! C'est une amie, cesse donc tes plaisanteries! s'écria Oursin rouge comme une étoile de mer.
Je me retins de rire devant son visage grimaçant de honte.
-Oh, c'est bon j'ai compris je vous ouvre! ricana le tableau.
Celui-ci bascula sur le côté, révélant un étroit tunnel. Je m'engoufrai dans le passage sombre à la suite d'Oursin.
-Bienvenue à la gigantesque et somptueuse bibliothèque du palais d'Ormeau.
-Oh, rien que ça?
Je me relevai fascinée et contemplai émerveillée l'immense salle qui s'étendait devant moi. Des gigantesques étagères pleines à craquer de vieux romans, des rayonnages démesurés croulants sous les anciennes histoires et légendes. Le plafond s'élevait si haut. Tout était immense et on ne pouvait pas deviner une seule place de libre.
Des plantes en tout genre s'étendaient le long des murs: certaines lumineuses, d'autres à rayures ou d'un orange éclatant. Et des algues colorées tapissaient le sol. Était aussi prévu d'immenses fauteuils, des bureaux de toutes tailles avec des loupes, des boussoles ou des cartes.
-Combien y a-t-il de livres ici? je demandai fascinée.
-Il faudrait être fou pour essayer de les compter, il y en a un de plus à chaques secondes environ. Voilà les livres du monde entier réunient ici. Les moindres petites notes, pense-bêtes, journaux ou lettres jusqu'aux romans, et documents de la plus haute importance sont regroupés ici.
Les rayonnages au dessus de moi s'étendaient à l'infini : impossible d'en distinguer la fin.
-C'est...
Je ne pouvais trouver les mots pour décrire cet endroit.
-...magique... completa Oursin. Alors maintenant au travail!
J'ai encore adoré ce chapitre ^^ On en apprend un peu plus à chaque fois sur le monde marin. Je me demandais juste comment étaient les maisons des sirènes. Est-ce qu'elles sont comme celles des humains ?
Je vais lire le prochain chapitre !
Albane
C'est vrai que je ne me suis jamais imaginé les maisons des sirènes !🤣 Je dirai qu'elle sont similaires aux nôtres mais légèrement rondes, en coquillage et en terre... Un peu comme les maisons des hobbits mais sous l'eau ?
Merci en tout cas pour tes commentaires !!!
Super idée les maisons en coquillage pour les sirènes !
Avec plaisir !