La sage Ormeau

J'étouffai un cri de surprise. La chaleur dans la salle était étouffante et ce n'était pas de l'eau, mais de la lave qui coulait le long des murs. Notre nez mi-humain mi-poisson nous permettait de respirer aussi bien dans l'eau que dans l'air mais je pense que je ne m'y ferai jamais.

L'air rempli de soufre me piquait le nez. Une goutte de sueur perla de mon front, je n'étais pas abituée à cette fournaise.

La salle était un long corridor de roche volcanique et tout au bout, trônait dans son siège une vielle dame: la sage Ormeau.

La porte derrière moi claqua, elle s'était refermée et à travers la fumée je ne distinguai pas de poignée. Je ne pourrais pas sortir d'ici avant que la sage m'en donne l' autorisation.

Oursin m'avait expliqué que ce dispositif avait été installé afin que personne ne soit tenté de partir avant la fin de l'entretien, la sage pourrait très mal prendre ce manque de politesse et pourrait rentrer dans une fureur incontrôlable.

En même temps que j'étais entrée, un torrent d'eau avait jaillit dans la pièce, formant une mare boueuse. Un crépitement se fit entendre et en quelques secondes, toute l'eau s'évapora sous l'intense chaleur.

Je risquai de m'approcher et avançai le plus doucement possible vers l'ancienne femme, mais, marcher avec mes nageoires, ma démarche devait plus ressembler à un poisson qui se tortillait par terre...J'essayai de garder mon calme mais mes mains ne purent s'empêcher de trembler.

Le sol était asséché et dans les craquelures, coulait des filaments de laves formant des ombres étranges dans le lieu sombre déjà bien assez effrayant.

Des rides marquées sillonnaient le visage de la sage Ormeau, elle avait une couronne de pics acérés et possédait un collier d'une pierre qui semblait contenir une flamme intense.

Sa queue de sirène avait été lacérée par de multiples griffures et marques de blessures.

La sage ne bougeait pas, comme endormie.

-Bon... bonjour, je suis Clam avec qui vous vouliez vous entretenir.

Ormeau laissa échapper un grognement sonore qui me fit sursauter.

Elle entrouvrit ses yeux d'un orange éclatant et me fixa.Je frémis et tentai un sourire qui ressemblait plus à une grimace. Je répétai:

-Bonjour, vous vouliez vous entretenir avec moi.

La sage grogna de plus belle.

Un long silence pesant s'installa dans la salle: elle semblait s'être rendormie. Je ne savais plus quoi faire. 

Alors que je commençais à ouvrir la bouche pour briser ce calme insoutenable, la vieille femme rouvrit soudainement ses yeux devenus d'un rouge flamboyant.

-Toi, jeune et belle sirène 

Un jour de lune entière,...commença la vielle femme d'une voie chevrotante.

Sa peau était devenue blanche tel un cadavre et son corps entier tremblait.

-Nous,

Ô peuple de la mer,

Un humain t'aidera

Seulement ne t'attache pas !

De ses yeux vitreux coula une larme de sang et des écailles semblaient la dévorer en s'étandant le long de son visage.

Sinon, le cycle continuera 

A l'aube tu partira

Les divinités de l'océan te montreront 

Vaillante, tu réussira

Et jamais plus nous serons chassés

Ravagée la mer finira sinon

A toi, on confie notre monde.

La vielle femme ne ressemblait plus qu'à un être diforme couvert d'écailles et ses mains levées vers le ciel semblaient essayer de sortir d'une souffrance insoutenable.

J' écarquillai les yeux de terreur devant le monstre qui s'était formé devant moi.

Un bruit de serrure me fit sursauter, la porte par laquelle j'étais entrée venait de s'ouvrir comme par sorcellerie. Sans réfléchir je me ruai vers la sortie.

Jamais je n'avais été aussi heureuse de rejoindre l'eau et de me retrouver avec des sirènes habituelles. Je pris une grande respiration et me laissai aller dans le calme courant de la mer. Je fermai les yeux et essayai de calmer mon coeur qui semblait battre à cent à l'heure. L'eau me semblait gelée après la chaleur étouffante de la salle. Je pris une nouvelle inspiration et rouvrit doucement les yeux savourant la fraîcheur sur ma peau. Je me retrouvais dans le gigantesque hall du palais lorsque je croisai Oursin.

-Alors? me questionna-t-il anxieusement.

-Je...je n'y retournerai jamais! Je m'exclamai.

Oursin éclata d'un rire sonore.

-J'ai l'habitude de ces remarques mais...qu'a-t-elle dit?

-Je...Je ne sais pas c'était...flou et effrayant!

Oursin se posa sur un banc de velours contre un mur et m'invita à m'asseoir.

-Te souviens-tu de ce qu'elle t'a dit?

-Et bien...elle a eu une vision.

-Oh! Ça à dû être assez effrayant pour une première rencontre!

J'esquissai une grimace: effrayant était un bien petit mot! Je commençais tout juste à reprendre une respiration normale et je devais encore être sous le choc.

-Une histoire d'humain, de cycle, de l'aube et de la lune ainsi que des divinités de l'océan. Je ne me rappelle plus des détails... tout s'est passé tellement vite! 

-Ah...mince!

-Comment ça? Ce n'est pas bon signe? je paniquai.

-Non! C'est juste qu'elle a fait exactement la même vision que ce matin. En t'envoyant la voir, nous espérions en apprendre plus sur cette mystérieuse révélation!

Tout était très étrange mais une question me tracassait.

-Les divinités de l'océan, qui sont-elles?

Je sentis le regard d'Oursin se perdre au loin. Il resta muet un moment puis se tourna vers moi.

-Tu devrais les connaître sous le nom des déesses des eaux.

-Les...les déesses des eaux...?

-Cela ne te dis rien?

Je fronçai les sourcils, si bien sûr que je les connaissais mais, elles n' existent que dans les contes pour enfants.

Oursin continua:

-Les déesses de l'océan que les humains prénomment baleines, les protectrices de notre planète. Ces êtres fantastiques qui règnent sur l'océan. Nous l'ignorons mais...

-Mais, elles possèdent des dons et une sagesse incroyable...Oui je connais ce passage par cœur, je l'ai tellement lu étant petite!

Je soupirai:

-Alors...elles existent vraiment?

Oursin hocha la tête. Je me relevai d'un seul coup.

-Mais alors pourquoi ne pas leur avoir demandé de l'aide depuis le début si vous connaissiez leur existence? La capture et la mort de centaines de sirènes auraient pu être évité!

Oursin plongea ses yeux verts dans les miens.

-Je comprends ta détresse Clam mais si tu affirmes avoir lu le conte et de le savoir par cœur tu devrais te rappeler les enjeux et les risques de les invoquer.

Il marqua une pause.

-Mais si la sage dit juste, tu devrais y arriver et tu serais notre seule chance de sauver notre peuple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Banditarken
Posté le 09/09/2024
C'est là que je me rends compte ne pas avoir bien compris quand se déroulait l'histoire, par rapport au Prologue. Mea Culpa si mon commentaire du chapitre 1 est aux fraises ^^'
Bref, en tous cas cette vieille sage est assez intrigante, on s'interroge sur sa nature, et sur celle de ses dons ! j'espère en apprendre plus dans les chapitres suivants ! :)
Eleaaa
Posté le 28/07/2024
J'aime beaucoup le fait que la sage soit dans une pièce avec de l'air. Et la démarche de la sirène m'a fait beaucoup rire ! La vision de Ormeau prouve que Clam va devenir une grande héroïne pour le monde des sirènes !!
Plum'enchantée
Posté le 29/07/2024
Merci pour ton commentaire !!! Oui c'est vrai que Clam est vraiment l'héroïne de l'histoire. Je suis contente si ce chapitre a aussi pû te faire rire !<3
Albanane
Posté le 11/03/2024
Coucou !
J'ai adoré ce chapitre ☺️ On s'attache bien à l'héroïne !
Les descriptions sont très bien écrites et l'action se déroule avec clarté et suspense. Moi j'ai plutôt du mal à captiver le lecteur en enchaînant les actions mais toi tu y arrives très bien ! Bravo 😄
À bientôt pour les autres chapitres !
Albane
Plum'enchantée
Posté le 29/07/2024
Merci beaucoup !!! J'espère que la suite te plaira aussi !
Nightbringer
Posté le 05/07/2023
Hello ! C'est encore moi :)

Ce nouveau chapitre est très intriguant ! On voit cette sage d'une façon très “négative” : elle a une apparence monstrueuse, effrayante. Je ne m'y attendais pas du tout !

Le rythme de ce chapitre est très bon, et l'équilibre entre descriptions et actions est bien mieux, je trouve, que dans le prologue ! C'est super :) (C'était déjà le cas dans le chapitre entre-deux.)

La fin du chapitre est également très bien écrite : j'aime bien ce dialogue qui “oppose” une personne qui est au courant de tout, Oursin, à une autre un peu perdue qui ne comprend pas bien ce qui se passe et qui est un peu perdue, Clam.
Et l'ouverture avec les déesses des eaux ! C'est très beau, à nouveau très poétique.

En parlant de poésie, la vision de la sage Ormeau est également super à mon goût ! Juste assez claire, juste assez floue !^^

Une seule petite chose m'a perturbée : au moment où Clam rencontre la sage, il répète sa phrase car la sage ne réagit pas. Et il la répète à l'identique, avec la même hésitation ! Cela me paraissait un peu étrange... Peut-être serait-il mieux de modifier (à peine) la deuxième réplique ?

Voilà, les petites fautes d'orthographe vont suivre ;) C'était un plaisir de lire ce chapitre.
Nightbringer
Posté le 05/07/2023
- “Je ne pourrai pas sortir d'ici” → pourrai[s]
(dans un récit au passé, le futur est exprimé au conditionnel. Exemple : je sais que cela arrivera / je savais que cela arriverait)

- “personne ne soit tenter” → tent[é]
(il s’agit ici d’utiliser le participe passé (vendu et pas vendre…))

- “Des rides marqués” → marqué[e]s
(ride est un nom féminin)

- “ses yeux devenus d'un rouges flamboyant” → rouge (sans “s”)
(accord au pluriel)

- “ses mains, levées vers le ciel semblaient” → “ses mains, levées vers le ciel[,] semblaient” ou alors sans aucune virgule
(on ne sépare pas le sujet de son verbe par UNE SEULE virgule. Toujours aucune ou plus qu’une, mais jamais une seule.)

- “J' écarquillai les yeux de terreurs” → terreur (sans “s”)
(c’est cette orthographe qui est habituellement utilisée, à part si elle a plusieurs terreurs différentes… x) )

- “me retrouver avec des sirenes habituelles” → sir[è]nes

- “me questionna-t'il anxieusement” → questionna-t[-]il
(ce n’est pas une apostrophe mais un tiret qui est utilisé. J’ai pas d’explication plus complète haha.)

- “J'ai l'habitude de ses remarques mais...qu'a t-elle dit” → [c]es (je pense, mais à vérifier avec le contexte…) // qu’a[-]t-elle dit

- “m'invita à s'asseoir” → m’invita à [m]’asseoir
(si l’on parle d’un sujet en particulier, il faut adapter le pronom utilisé.)

- “si vous connaissiez leurs existences? La capture et la mort de centaines de sirènes auraient pu être évité!” → leur existence (sans les “s”) // évité[es]
(Pour une chose qui appartient à plusieurs personnes, on dit “leur chose”, et pour plusieurs choses qui appartiennent à plusieurs personnes (que ce soit une par personne ou non) on utilise “leurs choses”. Mais ici, c’est plus compliqué : est-ce une seule existence de plusieurs baleines ou leurs existences respectives ? Il me semble que ce serait plutôt “leur existence”, dans le sens de l'existence de toutes ensemble.)
(accord avec “la capture et la mort”)
Plum'enchantée
Posté le 05/07/2023
Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis toujours ravie de recevoir des conseils et cela me permet de corriger les (nombreuses (^^))
Plum'enchantée
Posté le 05/07/2023
...Fautes d'orthographes (oups j'ai envoyé le commentaire sans finir ma phrase !!!)
J'espère que la suite sera à la hauteur de tes attentes !
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