1657 AÉ, 252ième
Ma cabine sur le Maxilien Roska.
Je n'ai pas chassé depuis ma dernière rencontre avec l'Autre.
L'essentiel de notre tâche a consisté à étoffer nos dossiers ; nous avons confirmé l'identité de davantage de télépathes puissants en quelques mois que depuis les débuts de l'unité. Le patient travail effectué depuis quatorze ans explose en rameaux qui bourgeonnent avec exubérance. Les informations remontées de nos enquêteurs convergent pour nous donner des certitudes de plus en plus nombreuses.
Nous possédons environ cent soixante dossiers maintenant ; je suis surpris - et soulagé - d'admettre que pas plus d'une quinzaine semblent dignes d'une surveillance attentive. Et encore, leurs ambitions ne paraissent pas dépasser la sphère locale. Je devrais être rasséréné de ne pas avoir à poursuivre de tueur en série invincible, de comploteur prêt aux pires formes de contrôle mental. Néanmoins, une vague irritation ne me quitte plus, à constater que ma précieuse protection, si chère payée, ne sert pratiquement à rien ces derniers temps.
Au-delà du « qui », nous nous intéressons également au « quoi ». Les scientifiques qui travaillent sur le vaisseau parviennent à communiquer à tous leur passion pour les pouvoirs hors du commun de ces individus singuliers. Ils répertorient, s'appuyant sur de petits indices, des coïncidences trop nombreuses, en les corroborant grâce aux informations que je leur transmets. J'ai eu plus d'occasions que quiconque d'approcher nos cibles et de constater leurs facultés monstrueuses.
Il semble que leur capacité à modeler le monde extérieur avec leur esprit ne connaisse pas de limites autres que leur imagination, l'endurance de leur enveloppe corporelle et leur savoir-faire. Ils doivent acquérir seuls ce dernier la plupart du temps, ce qui heureusement, les freine un peu.
Quand j'interroge l'Autre, il est souvent surpris, désarçonné par mon aptitude à fantasmer les accomplissements les plus improbables, puis il réfléchit avant de me répondre : « oui, je suppose que je pourrais... ». D'autres fois, il rit, puis me regarde avec malice : « Oui, je peux voler... je peux te faire voler aussi, tu veux essayer ? »
Il est rare qu'il m'ait dit non...
Coucou Rachael,
C’est intéressant de voir, si loin dans le journal, ce que Sengo ressentait au début de sa relation avec l’Autre. Ce partage de sensations doit être étrange pour lui. Surtout que l’Autre semble s’amuser à faire irruption dans sa tête sans crier gare. Je dis « semble » parce qu’il est difficile de savoir dans quelle mesure il maîtrise tout ça.<br /> J’aime bien la scène du massage, où Sengo apprécie d’expérimenter cette double sensation… jusqu’au moment où ça devient gênant pour lui. J’aime bien aussi comme l’Autre s’amuse du côté coincé de Sengo ; ça m’est familier parce qu’il y a parfois également ce genre d’interaction chez mes personnages.<br /> Je ne sais pas depuis combien de temps ils se connaissent, mais je trouve qu’ils sont très familiers l’un envers l’autre, comme des camarades de classe, comme s’il n’y avait jamais eu la barrière de la politesse ou du protocole entre eux.
C’est plutôt rassurant, en effet, de voir la petite proportion de dossiers qui les intéressent vraiment. Autrement, ça voudrait dire qu’ils pourraient aussi s’en prendre à des gens comme Kaelán ou Naelmo. Ce serait horrible, non ? Mais bon, le fait de réunir toutes ces informations sur les télépathes en général s’apparente à de la surveillance de masse. Sengo se sent utilisé comme un cobaye, mais l’Autre aurait de quoi se sentir observé comme une bête curieuse.<br /> Quand on y réfléchit, c’est quand même fou de suspecter tous les télépathes simplement parce qu’ils ont des pouvoirs. Finalement, chacun d’entre nous pourrait saisir un couteau de cuisine et tuer des gens avec ou décider d’écraser des piétons avec sa voiture ; pourtant, on n’y pense même pas. Mais si quelqu’un a des capacités hors du commun, on commence à imaginer les pires choses. C’était la minute de philosophie. ;-)<br /> Souvent, arrivée à la fin d’un chapitre, je me demande ce que je pourrais en dire. C’est que tu racontes les choses avec un tel naturel que tout semble couler de source. Il n’y a rien de forcé, rien de caricatural, tout sonne juste.
Coquilles et remarques :
cette liberté qui m'avait tant déconcertée [déconcerté]
Son admission désinvolte me fait frissonner de dégoût [Dans cette acception, c’est bizarre d’employer « admission » sans complément. Je dirais la même chose pour « reconnaissance ». Pourquoi pas « aveu » ?]
si chère payée [cher ; ici, il a fonction d’adverbe]
Il est rare qu'il m'ait dit non...[Je trouve la phrase bancale. Je propose : « Il est rare qu’il me dise non » ou « Il m’a rarement dit non ».]
Pour la familiarité, on peut penser que ce genre de rapprochement, même forcé, induit nécessairement une sorte de familiarité entre eux. Familiarité qui sera renforcée par la suite par une proximité plus physique...
Ah, ah, j'aime bien ta minute de philosophie, parce que c'est bien ce genre de réflexions auxquelles j'aimerais que le lecteur se livre (gagné pour toi !). Il y a quand même une différence de nature entre le télépathe qui pourrait faire un truc moche et le type ordinaire : la possibilité d'accomplir le "crime parfait" car indécelable...
Merci pour les compliments :-*)
(et pour les coquilles!)
rameaux printaniers qui se ramifient --> Rameaux ramifiés ; tu peux enlever le verbe et la phrase sera toute jolie ! <3
Je suis contente qu'une part de l'équipage montre de la fascination pour la télépathie... Parce que je le serais aussi ! Et voir Sengo interroger l'Autre est à la fois mignon (il se confie plus facilement mine de rien, il sait utiliser sa source d'information (que les autres de son unité ne connaissent pas du coup ? J'ai un doute)) mais aussi inquiétant d'une certaine manière. Ils ont vraiment des pouvoirs quasi sans limites !
Ce doit être fatigant d'être aussi capable en fait. Je voudrais tellement en savoir plus sur la vie de l'Autre, sur ce qu'il en pense, sur s'il souffre d'être si doué et de ne jamais pouvoir vraiment se laisser aller, ou s'il aurait aimé être ordinaire...
Rah ! T'es prête à nous faire un tome 2 de son point de vue ? xD
Non en effet, les autres de son unité ignorent tout du rôle de l'Autre. Peut-être faudrait-il que je le précise plus clairement en fait ?
Oui, on aimerait bien être dans les pensées de l'Autre pour savoir ce qu'il pense de tout ça... Tu as raison, ça doit être extrêmement lourd tout ça, par moment.
Un tome 2 ? Figure-toi que j'avais commencé ça pendant le pano, avec une alternance de points de vue. Mais la raison ayant prévalu, je laisse ça mijoter pour le moment. J'ai déjà trois textes en cours, plus je ne saurais pas gérer. Je vais d'abord jeter Arthen dans la fosse au lion (concours) et finir de reprendre et poster le journal, parce que sinon rien ne va avancer... Peut-être que le prochain pano pourrait être un moment propice ? (-_-)