Chapitre 3 : Du sang et de la poussière
Forteresse Alpine, une semaine plus tard.
« L’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs. » Oscar Wilde
La blancheur de la neige des Alpes avait quelque chose de magnifique. Une pureté difficile à trouver dans ce monde ravagé. Veronica observait le paysage, Reiss à ses côtés. Elle tourna la tête vers lui pour ensuite lui offrir un sourire. Reiss haussa un sourcil. Elle était stressée. Il commençait à bien connaitre ses mimiques et de ce fait, il n’avait aucun doute sur l’état de la jeune fille. Cette dernière capta son regard puis lui assena un coup de coude, le coup produisant un son caractéristique dans la salle.
-Alors, pas trop nerveux ?
Le jeune homme poussa un long soupir, réajustant son casque sous son bras avant de répondre.
-Non, là dehors ils auront de la pitié. Pas comme toi sur le ring.
Veronica fit la moue, lui assena un second coup de coude plus violent, puis lâcha d’un ton embarrassé :
-C’était ta faute. Ça ne t’arrivera plus comme ça. La douleur est un excellent moyen mnémotechnique.
Reiss laisse échapper un rire puis sourit à Veronica avant de lui tendre la main. Elle haussa un sourcil, essayant de repérer un piège, mais se décida finalement à serrer la main gantée de son ami.
Ils se trouvaient dans une des zones réservées aux soldats au niveau des points de passage et de douane. Une salle contenant des rangements pour les soldats sur le départ, un distributeur d’eau et des bancs sommaires. Une table et quelques chaises au centre de la pièce permettaient aux personnes utilisant la salle de préparer leur expédition ou de mettre en place un plan d’action.
Alors que Veronica allait se servir un verre d’eau, la porte s’ouvrit. Un Hellvétique portant un insigne de caporal s’avança. Veronica se mit au garde à vous, suivie immédiatement par Reiss.
-Repos…
Dit l’homme d’un ton las avant de fixer le duo. Il s’avança jusqu’au distributeur pour prendre lui aussi un verre d’eau pour ensuite s’affaler sur un banc. Il leva les yeux au plafond quelques secondes avant de reporter son regard vers les jeunes soldats.
-Bien… Appelez-moi caporal ou monsieur. Mon nom n’a pas d’importance. Pas besoin de répondre et suivez-moi. On se met en route.
Après un échange de regards, Veronica et Reiss enfilèrent leur casque avant de suivre leur supérieur pour cette mission. Une simple escorte de caravane marchande. La plupart du temps, la simple présence d’Hellvétiques décourageait les bandits. Les contrats pour engager des escouades réduites affluaient en permanence et c’était une bonne chose pour la forteresse. Des rentrées d’argent et de l’expérience pour les recrues, c’était tout ce dont ils avaient besoin.
Veronica et Reiss suivirent le caporal. Il les emmena vers la sortie de la zone de douane réservée au personnel autorisé. Une fois la porte de sécurité passée, ils adressèrent un signe de tête aux gardes en faction avant de sortir. Ils ressentirent un froid mordant et une bouffée d’adrénaline. Ils quittaient leur zone de confort pour la première fois depuis plus d’un an…
Devant eux, une file de personnes, de charrettes en tout genre, d’animaux et de marchandises. Des ferrailleurs, assis sur des charrettes motorisées, jetèrent un coup d’œil dans leur direction avant de reprendre la discussion qu’ils avaient précédemment. Une vieille femme tenait un stand à une cinquantaine de mètres de l’entrée et y vendait des boissons chaudes. Un petit attroupement s’était formé autour de ce dernier. Ils riaient et discutaient autour d’un verre.
Lorsqu’ils passèrent à côté, Veronica et Reiss purent sentir une douce odeur d’épice. Elle avait un parfum d’inédit plutôt agréable malgré la piètre qualité du breuvage. Les Hellvétiques devaient faire vœu d’austérité. Mais cela ne les empêchait pas de dépenser leur paye à ce qui leur convenait le mieux.
Le caporal les emmena vers un chemin d’accès secondaire des entrepôts de la forteresse. C’était là qu’ils devaient rencontrer la caravane avant de se mettre en route. Cependant, quelque chose n’allait pas. Reiss et Veronica avaient développé une certaine complicité et de ce fait, ils n’avaient pas toujours besoin de se parler pour se comprendre. Cette fois, il s’agissait de leur officier supérieur… Il semblait agité, tournait la tête subitement pour fixer un coin vide et se déplaçait nerveusement. Les deux jeunes gens n’avaient aucune idée du pourquoi du comment mais, ils avaient un mauvais feeling. Après si peu de temps passé en compagnie de ce dernier, c’était tout de même mauvais signe.
Wicht leur avait bien entendu donné le nom de cet officier : Skatler. Ils n’avaient pas osé demander plus d’informations sur ce dernier mais peut-être auraient-ils dû… C’était ce qu’ils pensaient en ce moment. Mais de toute façon, il faudrait faire avec. Impossible de rebrousser chemin pour « un mauvais pressentiment ». Ils étaient désormais des soldats hellvétiques, pas de simples gamins. Cette mission leur avait été assignée pour leur octroyer une chance de faire leurs preuves. Pas question de se débiner.
Après les salutations d’usage, le convoi se mit en branle. Il était composé de deux charrettes bâchées et d’une dizaine de personnes. Il fut convenu que Veronica se chargerait de surveiller l’avant, le caporal se placerait au milieu pour assurer le renfort rapide d’un côté ou de l’autre, et Reiss surveillerait l’arrière. « Fut convenu » ne rend pas vraiment hommage aux efforts de discussions composés d’un seul et unique ordre aboyé sèchement par Skatler. Veronica jeta un coup d’œil à Reiss alors que ce dernier allait prendre position.
Le chef de la caravane, un marchand du nom de Cassio, leur proposa de prendre place dans les charrettes. Veronica hésita un instant, puis remarqua que le caporal était déjà monté à l’arrière du premier chariot, et que Reiss regardait dans sa direction. Elle savait que ce dernier devait prier intérieurement pour qu’elle accepte et donc, en faisant une moue derrière son casque, elle monta à l’avant de leur moyen de transport de fortune, immédiatement imitée par Reiss sur la seconde charrette.
Cassio était un homme légèrement bedonnant. Il portait des cheveux noirs et une moustache courte. Sa manière de s’exprimer horripilait Veronica. Il parlait d’une voix mielleuse et en faisant des ronds de jambes. Il utilisait en quelques minutes le nombre de compliments que Wicht utilisait à l’année.
Plus on fait de compliments, moins ces derniers ont de la valeur. Voila comment pensait la jeune fille. Cependant, elle devait reconnaitre que Cassio avait fait des efforts pour leur faciliter le voyage. Marcher en portant une armure lourde et un paquetage était éreintant. Durant leur entrainement, ils avaient appris à se déplacer dans leur harnais. A combattre dans leur harnais. À vivre et manger dans leur harnais. Ils savaient donc parfaitement l’utiliser… Mais ils ne crachaient jamais sur un moyen d’économiser leurs forces.
Après trois heures de voyage, la neige et le terrain commençaient à changer. C’était le printemps et ainsi, une partie des neiges fondait pour aller alimenter les cours d’eau alentours, donnant une nouvelle respiration à la nature et aux plantes locales. Alors que la caravane passait sur une allée rocheuse en bord de crevasse, Veronica laissa dériver son regard et son attention quelques instants. Le paysage était d’une beauté à couper le souffle… Dans la vallée en contrebas, une bourgade composée d’une douzaine de bâtiments et d’un immense champ de céréales dorées. Au centre du champ se trouvait un moulin dont les pales tournaient lentement. De là où elle était, l’Hellvétique ne pouvait qu’apercevoir les petits points qui s’agitaient autour. Elle se contenta d’observer les ailes de bois tourner, respirer l’air frais…
Elle se raidit subitement, qu’était-elle en train de faire ? Sa mission passait avant tout. Et si un ennemi utilisait son manque d’attention pour attaquer ? Elle tourna la tête pour observer l’intérieur de la charrette et aperçut Skatler. Difficile de dire s’il dormait ou si simplement il observait l’arrière du convoi. Son casque empêchait de voir ses yeux, mais il semblait bien moins nerveux que tout à l’heure. Peut-être que la beauté printanière de ce lieu lui avait rafraichit les idées ? Elle en doutait un peu, mais elle-même avait succombé quelques instants aux douces avances du paysage.
Des heures passèrent encore. Ils étaient partis au petit matin. Veronica décida de quitter le confort du chariot et de marcher avec les membres de la caravane. Un groupe de femmes discutait non loin d’elle. Elles riaient et mangeaient des petites galettes de céréales. La jeune fille les dévisagea pendant un long moment, suffisamment long pour que, même avec son casque, elles puissent se rendre compte qu’elles étaient observées. Elles s’arrêtèrent subitement, comme apeurées. Veronica s’avança alors vers elles. Elle ne voulait certainement pas que sa présence incommode leurs employeurs. Une fois campée à côté d’elles, la jeune fille sentit leur inconfort. Elle n’avait pas voulu être blessante. Elle jeta un coup d’œil aux alentours, vérifiant la zone. Puis retira minutieusement son casque. Son visage et sa chevelure dévoilés, les femmes eurent un mouvement de recul et une réaction de surprise notable. Puis leurs visages s’adoucirent.
-Désolée, je ne voulais pas vous déranger. C’est la première fois que je sors de la forteresse depuis… Longtemps.
Le petit groupe afficha alors un air énamouré. Veronica sentit ses joues s’empourprer mais ne dit mot. Une des femmes s’approcha alors et déposa une galette dans sa main. Veronica lui lança un regard intrigué.
-Mangez un peu. Vous devez avoir l’âge de ma fille… Cela fait des heures que vous surveillez les alentours. Vous avez bien le droit à une petite pause.
La caravane s’arrêta alors. Elle cru d’abord à une attaque ennemie mais en voyant Cassio quitter sa charrette avec un petit sac à provision… Elle n’eut plus aucun doute sur l’heure qu’il était. En se souvenant d’une bribe de conversation entre le chef de la caravane et leur caporal, elle se souvint qu’une halte avait été prévue à midi. Il leur fallait rapidement se sustenter avant de reprendre la route. Veronica acquiesça alors et voulut se mettre en marche mais elle s’arrêta après un pas. Elle se tourna vers le groupe de femmes qui l’observait et demanda.
-Je… Je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse… Mais est-ce que vous pourriez me donner une deuxième galette. Mon ami surveillait le fond du convoi… Et il est du genre à… Enfin…
Les femmes échangèrent un regard avant de se fendre d’un immense sourire et de déposer dans les mains de la jeune fille un paquet de galettes. Elle ne savait pas pourquoi, mais quelque chose dans leur sourire l’énervait un peu. Elles semblaient particulièrement amusées et Veronica, le visage rouge de honte, partit sans demander son reste pendant qu’elles éclataient de rire et reprenaient leur conversation.
En se dirigeant vers le fond du convoi, elle passa devant Skatler. Il avait retiré son casque et mangeait en compagnie de Cassio. Du pain et de la charcuterie locale. Normalement, ils avaient emporté avec eux des rations de survie mais il valait effectivement mieux les économiser. De toute façon, ces cubes contenaient certes toutes les vitamines et les minéraux dont avaient besoin leurs corps pour fonctionner mais ils avaient un goût... Non, plus précisément, ils ne goûtaient presque rien, ne remplissaient pas l’estomac et fondaient dans la bouche en un temps record. L’idée de repas était secondaire, il fallait avant tout pouvoir continuer de se battre. C’est pourquoi tout supplément était le bienvenu. Reiss était du genre à manger tout et n’importe quoi, pour essayer. Et il lui avait quelque part refilé ce trait.
-Alors miss, on quitte son poste pour venir voir son camarade ? Ce n’est pas très…
Il fut interrompu par une galette. Plus précisément, Veronica qui « glissait » une galette dans sa bouche. Son large sourire contrastait un peu avec la violence du choc qui selon l’intéressé aurait probablement pu lui faire perdre quelques dents. Il haussa un sourcil et mâcha ce qu’il avait en bouche. Une étincelle brilla dans son regard au moment où sa partenaire déposa la moitié du paquet de galettes à côté de lui.
-Ho ! Tu as fait tout ce chemin juste pour m’apporter à manger. Tu es vraiment parfaite. Tu veux m’épouser ?
-Mange ça et étouffe toi avec.
Lui répondit-elle avant de s’installer à côté de lui pour manger sa portion. Elle récupéra une gorgée d’eau dans sa gourde et commença à discuter du paysage avec le jeune homme. Après quelques minutes de discussion, la caravane se remit en route. Veronica quitta alors Reiss pour retourner à l’avant du convoi. Ce dernier lui offrit une moue attristée avant de remettre son casque.
Quelques heures supplémentaires s’écoulèrent. Le groupe avançait sans difficulté et bientôt, les superbes paysages laissèrent place à une zone bien moins accueillante. Veronica semblait se souvenir que durant l’un de ses cours, le professeur avait parlé du Châtiment de la Faucheuse, une énorme fracture tectonique qui passait du nord de la Borca jusqu’au sud du Purgare. Ici, elle était souterraine mais elle avait néanmoins une influence sur la faune, la flore et le décor. Reiss en savait probablement plus mais elle n’allait pas le déranger pour cela et surtout elle n’allait pas quitter son poste. Elle était désormais bien trop occupée à surveiller les nombreuses failles rocheuses situées autour du chemin.
Reiss observait la zone. Ce chemin ne lui plaisait pas. Mais quelque chose attira subitement son attention. Quelqu’un semblait avoir jeté quelque chose depuis le convoi et cela roulait au sol… Il se pencha et s’en empara habilement avant d’y jeter un coup d’œil. Il s’agissait d’un petit bourgeon… Creux et percé d’un côté. Quelque chose n’allait vraiment pas…
Une heure supplémentaire s’écoula. Puis une deuxième. Quelques nuages vinrent obscurcir le soleil de l’après-midi. Veronica fixait, sous son casque, le chemin d’un air morne. Ce qu’elle voyait ne lui réchauffait plus le cœur comme avant et de ce fait, elle s’était remise à surveiller uniquement le chemin et les points d’embuscade potentiels. Quelque chose attira cependant son attention au loin. Une forme vaguement humaine au milieu du semblant de route que la caravane empruntait. Elle se tourna vers Skatler dans la charrette.
-Caporal. Il y a une personne sur la route. Peut-être un civil. Que fait-on ?
Le caporal tourna la tête vers elle et lui répondit d’une voix parfaitement calme. Un peu trop d’ailleurs. Il semblait presque doucereux…
-Nous sommes sur le territoire hellvétique. Proposons-lui de faire un bout de chemin avec nous ou de quoi se restaurer. Je m’en occupe, n’arrêtez pas le convoi.
Il quitta alors sa place assise et se dirigea vers la silhouette. Veronica sentait que quelque chose clochait… Elle pose son arme sur ses genoux et la vérifia rapidement en jetant des coups d’œil à Skatler qui avançait. Cassio, qui conduisait la charrette, semblait préoccupé.
-Un homme étrange, votre chef. Il m’avait fait une tout autre impression avant que nous partions mais maintenant… C’est presque un saint-homme. Je ne veux pas sembler impoli mais…
-Oui, c’est étrange. Si nous sommes attaqués, prenez vos gens et cachez vous dans les charrettes ou derrière des rochers.
Cassio blêmit et déglutit, continuant de tenir les rennes. Veronica pensait qu’il prendrait la fuite. Un point pour le gros.
La silhouette était en fait un vieil homme. Il se tenait sur un bâton et avançait sur le chemin. La tête du convoi était à moins de cent mètres de lui et même Reiss pouvait l’apercevoir. Il aperçut surtout une lumière brillante suivie d’une gerbe de flamme éclater sous le premier chariot. La déflagration fit basculer ce dernier, brisé en deux. Il resta une seconde à contempler ce spectacle avant de se ruer sur le chemin avec une seule pensée en tête… Sauver son amie.
Veronica avait mal. Elle était étendue au sol, un goût métallique désagréable en bouche. Elle roula sur elle-même pour se mettre ensuite à genoux et tenter de se redresser. Elle avait l’impression d’avoir les oreilles bouchées et un bourdonnement lancinant l’empêchait de se concentrer. À tâtons, elle se hissa sur un morceau de bois qui était en fait une roue brisée de la charrette dans laquelle elle se trouvait.
En regardant autour d’elle, toujours sonnée, elle remarqua le cratère dans le sol. Une explosion avait dû la propulser hors du chariot… Elle vérifia l’état de son corps et poussa un soupir soulagé. Elle s’en sortirait avec quelques bleus.
Une nouvelle fois, elle manqua de s’insulter pour son manque de vigilance. Elle faisait une cible parfaite au milieu du chemin. Des bruits de pas derrière elle attirèrent son attention. Elle se tourna en braquant son Défricheur pour tomber nez-à-nez avec Reiss. Ce dernier sentit son cœur se serrer une seconde devant la vision de son amie couverte de poussière et d’un peu de sang. Mais visiblement ce n’était pas le sien. Il l’attira derrière les restes du chariot à proximité et fit signe aux personnes derrière lui de reculer.
-Reiss… ? Qu’est ce qui se passe… Le caporal ?...
-Il… Écoute, oublie la chaîne de commandement. On doit agir par nous-mêmes. Il n’est pas en état.
-Qu’est-ce que tu racontes… ?
-Je n’en suis pas certain mais tu dois me faire confiance d’accord, Ver… ?
Il n’utilisait son surnom que quand ils étaient seuls. Ou qu’il était sérieux. Elle hocha donc la tête avant de la pencher sur le côté. Elle aperçut Skatler qui avançait désormais vers un petit groupe d’individus… Armés.
-Il va se faire tuer… on ne peut pas le laisser…
Elle commençait à récupérer et, qui plus est, elle avait raison. Reiss poussa un léger soupir. À cet instant précis, il aurait pris Veronica et se serait enfui avec elle. Cette caravane lui importait peu et il échangerait sans hésiter tous les gens qui la formaient contre son amie.
-D’accord. On y va ensemble alors. Prête ?
Pour toute réponse, elle se releva et se dirigea vers Skatler, en se servant autant que possible de la couverture offerte par le chariot renversé. Après quelques pas, elle aperçut leur caporal retirer son casque et faire des signes d’apaisement avec ses bras à la dizaine de personne qui s’approchaient de lui. C’était juste avant qu’un coup de feu résonne et que son crâne éclate. Veronica porta sa main à sa bouche pour réprimer un cri d’horreur alors qu’elle le contenu de la boite crânienne de son officier supérieur se déversait au sol. Elle voulait hurler et tirer, mais son corps ne lui obéissait plus.
Son compagnon lui aussi avait vu la scène. L’un des bandits avait sorti un révolver et abattu l’Hellvétique. Reiss posa son fusil sur un morceau de bois et tira une cartouche sur cet homme. Son air satisfait se transforma en cri de douleur alors qu’il s’effondrait. La foule se dispersa et, très vite, des balles sifflèrent autour du jeune homme. Il pesta et fit une roulade sur le côté droit pour se mettre à l’abri derrière un rocher.
Veronica sursauta en entendant le coup de feu. Elle tourna la tête vers Reiss qui venait de rouler sur le côté avant d’elle-même avancer vers un nouveau couvert. Elle plaça son doigt sur la détente et pointa son arme vers l’un des assaillants. Il portait un jean et une simple veste en cuir et se ruait vers elle en brandissant une longue lame… Elle observa quelques instants son visage couvert de peinture rouge et bleue avant de d’appuyer sur la gâchette. Et quelques secondes plus tard, il dormait la main sur la poitrine. Tranquille, un trou rouge du côté droit.
Après quelques secondes, elle reporta son attention sur les autres ennemis. Ils avançaient à couvert des rochers pour tenter d’éviter de subir le même sort que leurs camarades déjà tombés. Veronica prit une inspiration et déporta son arme sur la droite. Elle préférait les cibles mobiles après tout. Après un claquement sec et une détonation, un autre corps s’effondra. Elle pouvait le faire… Huit cartouches, sept cibles et un vieil homme accroupi au sol. Avec Reiss, ils se sortiraient de cet enfer. Elle entendait les balles siffler et son ouïe n’était pas encore entièrement remise de l’explosion avec tous ces tirs. Impossible de savoir combien de balles disposait son ami. Mais elle avait confiance en lui…
Reiss poussa un grognement. Une balle venait de heurter la plaque d’armure au niveau de son épaule. Elle lui faisait désormais un mal de chien… Il tourna la tête vers Veronica pour vérifier son état et fut rassuré de la voir entière.
Un jour, le jeune homme était tombé sur un vieux livre alors qu’il explorait les décombres d’une ruine près de son village natal. Par chance, ce dernier était écrit dans une langue qu’il ne connaissait pas mais que son grand-père avait connu. Ce dernier lui avait expliqué, avant sa mort, le contenu de l’ouvrage. Il parlait d’ancienne mythologie, celle de l’ancien monde, et plus précisément de la mythologie du nord. Il avait passé une partie de sa jeunesse abreuvée des histoires de ce livre et en avait oublié quelques-unes. Mais celle dont il se souvenait actuellement était l’histoire des valkyries. Des divinités mineures qui dirigeaient les batailles et répandaient la mort. À cet instant précis, il se demanda si son amie n’en était pas une.
La jeune fille venait une nouvelle fois de lever son arme et de tirer. Un nouvel ennemi tombant pour rejoindre ses alliés morts ou mourant. Elle bondit de sa couverture pour prendre place dans un creux entre deux rochers et le garçon ne pouvait s’empêcher d’imaginer la mine renfrognée de son amie. Il préférait l’imaginer ainsi qu’avait un visage transi de peur, luttant pour sa survie. Cela au moins lui donnait du courage.
Même s’il était encore plein de rêveries, le jeune homme savait néanmoins que leur avantage s’étiolait. L’instant décisif arrivait… Ils étaient avantagés par le harnais et le fusil qu’ils portaient. Mais si leurs ennemis arrivaient au corps à corps…
Reiss tira alors une nouvelle fois. Manqué. Il enchaina avec un second tir et ce dernier fit mouche. Il ne restait plus que 5 cibles armées désormais. La perte de la moitié de leurs effectifs avait ralenti les bandits mais ne les avait pas découragés. De plus en plus proches, arriverait bientôt le moment tant redouté.
La sueur perlait sur le front du soldat. Il n’allait bien sûr par retirer son casque pour l’enlever mais la désagréable sensation d’humidité et les gouttes qui tombaient sur ses cils et devant ses yeux le gênaient. Il s’apprêtait à tirer sur une nouvelle cible lorsqu’il entendit un cri de douleur. Il aurait reconnu cette voix entre mille…
Veronica avait fait une erreur. S’avancer ainsi n’était pas une bonne idée. Un des bandits s’était approché furtivement et avant s’était jeté sur elle. Elle l’avait repoussé, s’était relevé, tout ça pour voir une masse foncer droit sur sa tête. Dans un réflexe, elle s’était protégée avec son bras gauche. Mauvaise idée, elle aurait mieux fait d’esquiver. Cette pensée lui traversa l’esprit alors qu’une intense douleur irradiait désormais de son avant-bras. Elle venait de pousser un cri de douleur et de s’effondrer au sol, avec une fracture sur son bras porteur. Elle tenta de se relever mais son bras droit tenait toujours fermement son arme et à peine avait-elle posé le gauche au sol qu’une douleur horrible manqua de la faire hurler une seconde fois. Elle croisa alors le regard de son adversaire qui la fixait d’un air triomphant. Il s’apprêtait à abattre sa masse sur la jeune fille pour la deuxième fois. Elle poussa un cri rauque uniquement motivé par la peur et leva son arme. Une rafale meurtrière de 3 cartouches vint frapper l’homme à la bouche, la gorge et la tête. Des morceaux d’os, du sang et des dents se mirent à pleuvoir sur elle alors que le corps désormais sans vie claquait contre son armure. Une vue atroce lui était offerte sur le cadavre qui se vidait littéralement sur elle. Elle manqua de vomir et se rappela son entrainement. Des heures à ramper dans une tranchée remplie d’entrailles d’animaux faisandées en tenue complète. Elle avait déjà vomi une fois dans son casque et elle s’était jurée de ne jamais recommencer. Elle tremblait comme une feuille sous le corps inerte et n’arrivait pas à se dégager. La visière de son casque était couverte de choses que son cerveau ne voulait pas identifier. Son bras gauche ne répondait plus et elle appuyait de toutes ses forces avec le droit pour tenter de quitter ce charnier. Ses jambes raclaient la terre et la poussière mêlée au sang alors qu’elle entendait des détonations et des bruits autour d’elle. Son cœur allait exploser et elle sentait le sang battre dans ses tempes. Avec un dernier effort et un râle de douleur, elle finit par repousser ce qui la bloquait pour finalement se mettre à genoux.
Reiss avait vu l’entièreté de la scène. Il vida la moitié des cartouches dont il disposait encore sur les positions des assaillants. Un mourut frappé d’une balle dans la tête, un tir chanceux. Reiss redressa son arme et se mit à courir vers Veronica. Il vit une femme se jeter sur l’arme de Skatler et la lever vers lui. Son visage était tout aussi sale que sa tenue. Elle semblait désespérée jusqu’à ce que son corps s’amollisse subitement, frappé par une balle de Défricheur. Le temps qu’il reporte son attention sur son amie, un petit objet avait atterri à trois mètres d’elle. Une grenade… Reiss n’avait que très peu de temps. Il n’arriverait probablement jamais jusqu’à elle avant l’explosion et dans son état, elle ne l’entendrait pas même s’il se trouvait juste à coté d’elle. Il savait ce qui lui restait à faire. Il lâcha son fusil et se précipita sur la grenade. Il sauta sur cette dernière et pressa son harnais contre.
Veronica entendit un léger bruit. Elle tourna la tête en direction du faible son sans trop comprendre ce qu’il signifiait et aperçut Reiss. Il était si proche d’elle, deux pas et elle aurait pu le toucher. Une demi-seconde après que cette pensée eut traversé son esprit, un flash illumina sa visière et elle fut une nouvelle fois projetée sur le côté. Après une minute, elle put enfin retirer son casque. Elle n’arrivait pas à nettoyer sa visière et elle n’y voyait plus rien. Elle sentit alors la poussière et le vent contre son visage. La visibilité était encore plus mauvaise alors qu’après l’explosion, une fine couche de poussière retombait autour d’elle…
Elle erra quelques minutes, marchant sans but et fixant d’un air vide les alentours. Elle ne voyait plus Reiss. Il devait bien être quelque part. Elle avança jusqu’au second chariot. Ce dernier était en piteux état, des balles et des débris avaient déchirés la toile. Les parties en bois avaient souffert et comme pour la première charrette, les chevaux étaient morts. Un bruit attira subitement l’attention de l’Hellvétique. Il venait de sous le chariot. Elle se pencha, tombant a genoux et tenta de déterminer l’origine de ce dernier. Elle croisa alors le regard d’un chroniqueur. La moitié de son masque était déchiré et la moitié visible de son visage était couverte de crasse et de sang. Veronica ne voyait cependant que son regard terrifié. Cette personne qui s’était cachée pendant qu’elle se battait avec son ami. À cet instant, elle se rappela brièvement ce qu’elle savait sur les chroniqueurs et ne put s’empêcher d’afficher une moue dégoutée. C’était pour ces gens-là qu’ils se battaient ? Défendre des paysans ou des marchands passe encore. Mais ceux décrit comme les ennemis d’Hellvetika ? Des technologues assoiffés, prêt à s’introduire chez eux pour voler ce qu’ils avaient si durement construit et récupéré ? Elle se releva, et chancela pour s’en éloigner. Elle ne voyait toujours pas Reiss… Qu’aurait-il fait à sa place ? Où pouvait-il bien être ? Elle avait besoin de le voir. Elle était toute seule, blessée et apeurée. Elle avait besoin de lui.
Encore quelques pas et elle tomba sur un corps. Une femme était étendue au sol, un morceau de métal dans la cuisse et un impact de balle dans le dos. C’était celle qui lui avait offert des galettes. Veronica sentit sa gorge se serrer. Elle n’avait pas pu la sauver. Elle regarda autour d’elle et ne vit personne. Elle repensa alors à sa conduite quelques minutes plus tôt. Elle avait sciemment abandonné un être humain. Une personne comme elle, qu’elle était sensée protéger. Un sentiment de dégoût envers sa propre conduite s’empara d’elle. Ses jambes fonctionnaient et elle disposait toujours d’un bras valide. Elle passa son arme en bandoulière et retourna jusqu’au deuxième chariot. Elle se pencha en dessous et observa une nouvelle fois ce visage. Il était sale, couvert de sang et d’autres choses. Des yeux embués de larmes et une peur atroce gravée dans son esprit. La peur de mourir, de ne savoir si les gens que l’on aime étaient toujours vivants. Et ce visage, c’était aussi le sien. Elle tendit son bras valide pour aider le chroniqueur à quitter son abri de fortune, l’endroit où il attendait la mort probablement, et lui dit.
-Venez… Il ne faut pas rester ici. Il faut retrouver les autres et chercher du secours. Tout ira bien. Nous sommes là pour vous protéger.
Veronica avait dit nous. Elle en avait besoin. Elle refusait de croire que Reiss était mort. Il était toujours en vie, quelque part, il n’avait juste pas pu la rejoindre. Ses pensées parasites furent chassées par la sensation d’une main saisissant la sienne. Elle tira et se retrouva avec le chroniqueur dans les bras. Elle entendit des sanglots et sentit les bras du chroniqueur l’entourer. Elle s’était trompée, il s’agissait d’une chroni. Elle essuya le visage de cette dernière du revers de sa main gantée et fit tomber la partie restante de son masque. Cette dernière avait les traits fins, des yeux en amande marrons et pleurait comme une gamine sur son épaule. Elle la laissa faire quelques instants, frottant doucement ses cheveux avant de lui offrir un sourire rassurant.
Alors que l’Hellvétique laissait se reposer son amie d’infortune, elle remarqua que le ciel s’éclaircissait et que quelques rayons de soleil perçaient désormais à travers les nuages. Un reflet étrange attira son attention… A plus d’un mètre du sol, près du chariot, quelque chose réverbérait la lumière… Quelque chose de métallique. Son cerveau mit une demi-seconde à réagir, un peu trop long. Une détonation résonna alors qu’elle se jetait avec la chroni au sol, protégeant cette dernière de son corps. La balle frappa son épaule gauche, mettant définitivement son bras hors d’usage malgré la plaque d’armure. Veronica poussa un cri de douleur et libéra la demoiselle qui se trouvait sous elle. L’adrénaline faisait des miracles et l’Hellvétique avait pu se relever d’un bond.
-Courrez ! Ne regardez pas en arrière. Je m’occupe d’eux… Vous devez vivre !
Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle disait. La peur la tiraillait et son cerveau était surchargé, mais c’était ce qu’elle devait faire. La fille qu’elle venait de sauver resta un instant sur place, hésitant à abandonner sa sauveuse, puis décampa sans demander son reste. C’était mieux ainsi… Veronica s’élança alors, son arme levée, vers l’endroit où elle pensait trouver ses adversaires. Un violent coup au niveau de son plastron lui coupa le souffle et la projeta au sol. Elle voulu lever son arme mais une botte s’abattit sur son bras droit. Elle retint un cri de douleur et leva les yeux. Un homme maintenait son pied gauche sur son bras et le droit sur son plastron. Elle était immobilisée et peinait à respirer. Derrière lui, un autre homme braquait un pistolet usé et décrépi sur elle.
-Qu’est ce qu’on fait… On la tue ou… Il y a peut-être encore quelque chose à en tirer ?
-Je sais que tu es du genre rapide. Mais je n’ai pas envie de me retrouver avec des renforts sur les bras. Alors fait ce que tu veux, mais on devrait récupérer ce qu’on peut et se tirer…
Celui qui l’immobilisait se lécha les lèvres alors que le second semblait hausser les épaules. Ils portaient des vêtements légers, des tatouages sur les avant-bras, et leurs visages portaient quelques cicatrices. Celui qui portait l’arme était bedonnant et l’autre à peine moins gros avec le crâne rasé. Veronica eut un haut le cœur alors qu’ils parlaient d’elle comme d’un morceau de viande… Elle voulait une mort propre, une mort de soldat. Pas ça… Sa gorge se serra encore plus et elle fit tout ce qu’elle pouvait pour retenir ses larmes. Elle devait rester forte… Quoiqu’il arrive.
Reiss avait perdu connaissance. Combien de temps, il n’aurait pas pu le dire. Il ne se souvenait plus exactement ce qu’il faisait ici et sa tête tournait. Il avait des vertiges à chaque fois qu’il essayait de se lever et crachait du sang. Son arme trainait à côté de lui mais le chargeur était démoli. En observant la zone, il finit par entendre une discussion. En plissant les yeux, il reconnu deux formes vaguement humaines. L’une d’entre elle marchait sur… Quelque chose qu’il connaissait : une armure hellvétique. Il reconnut instantanément la porteuse et tenta de se redresser. Il manqua de perdre connaissance une nouvelle fois et étouffa un sanglot. S’il ne faisait rien… Ses pensées étaient confuses. Il bougea ses bras et sentit contre son dos les restes d’une partie d’un chariot. Ses mains tremblaient mais il parvint à récupérer son arme. Elle ne contenait plus de munitions et son chargeur était détruit. Il ne voulait pas qu’on lui prenne Veronica. Il donnerait tout, même sa propre vie, pour la sauver. Alors qu’il implorait le ciel, les dieux et le destin, il remarqua un rai de lumière. Il devait halluciner ? Les nuages étaient en train de s’écarter depuis un certain temps. Mais un rayon éclairait désormais la zone autour de lui. Quelque chose brillait au sol, une cartouche. Il la saisit entre ses doigts fébriles et la fit glisser jusqu’à la chambre de son fusil. Sa poitrine lui faisait atrocement mal et il avait des difficultés à respirer quand il ne toussait pas pour cracher du sang. Sa vue se brouillait et il devait lutter pour maintenir ses yeux ouverts. Cependant, le son que fit son arme quelques secondes plus tard lui donna du baume au cœur et apaisa quelques instants sa douleur avant qu’il ne sombre une nouvelle fois dans l’inconscience.
Veronica sursauta en entendant le coup de feu et en voyant l’homme armé d’un pistolet s’effondrer au sol. Celui qui la retenait libéra alors son corps meurtri et chercha du regard la menace avant d’être percuté de plein fouet par quelqu’un. L’Hellvétique saisit alors la crosse de son arme et en retira la lame avant de se ruer sur son agresseur qui venait de repousser la chroniqueuse qui se trouvait sur lui. Il poussa un cri de stupeur suivit d’un gargouillis immonde alors que le couteau de Ver lui transperçait la gorge. Son corps commença à convulser et la jeune fille retira son arme pour la planter dans son torse. Une fois. Puis une deuxième. Encore et encore jusqu’à ce qu’il arrête de bouger. Il y avait du sang partout et quelqu’un hurlait. C’était elle. Lorsqu’elle s’arrêta enfin, elle sentit une main sur son épaule et se retourna en haletant.
-Il est mort… C’est fini…
En face d’elle, la jeune chroni. Elle la fixait d’un air désolé. Veronica se redressa et observa les alentours. Tout était silencieux. Puis des gens apparurent. Sortis de leurs cachettes, les survivants de la caravane s’approchaient d’elle. Un petit groupe de six personnes dont Cassio. Elle chancela et se mit à marcher. Reiss n’était pas avec eux, elle devait le trouver.
Plus elle marchait, plus son cœur s’alourdissait. Où avait-il bien pu passer ? Elle fut éblouie par quelques rais de lumière. D’ici une heure, le soleil finirait par se montrer. Ou se coucher. Elle avait perdu la notion du temps. À ce moment-là, elle aperçut un éclat blanc dans toute la désolation qu’il y avait autour d’elle. Elle se rua dans sa direction et le trouva enfin. Son ami était là. Adossé et allongé contre un morceau de charrette, son arme à côté de lui. Alors qu’elle s’agenouillait devant lui, il ouvrit les yeux. Veronica glissa sa main sur son visage.
-Reiss ? Ça va aller. Je suis là. On a gagné… tu m’as sauvée…
Il était couvert de sang. Sa bouche en était couverte et il semblait complètement étourdit. Elle retira précautionneusement les plaques de son armure et ouvrit en partie sa tenue tout en essayant péniblement de se souvenir de ce qu’elle avait appris sur les premiers secours. Elle vérifia son pouls, il était faible. Des hématomes et des contusions un peu partout et son visage était presque aussi blanc que la neige qu’ils avaient aperçue avant de quitter la forteresse. Il faisait probablement une hémorragie interne…
Veronica avait appris les bases du triage médical militaire et des usages de la médecine. Le principe de l’heure d’or… les blessés graves avaient une meilleure chance de survie s’ils arrivaient sur une table d’opération dans l’heure de la blessure. Pour le triage, il y avait 4 paliers :
-P1 : Blessure minimale. Blessés pouvant se prendre en charge eux-mêmes.
-P2 : Blessés ayant besoin d’un traitement mais qui pouvait être retardé pour se charger des cas plus importants.
-P3 : Blessés graves nécessitant des soins immédiats.
-PX : Blessés graves nécessitant un traitement important et avec peu de chance de survie. Le temps nécessaire pour soigner un de ces blessés était celui d’en soigner plusieurs autres, sans forcément beaucoup de chances de réussites. Ils étaient donc abandonnés aux antalgiques pour diminuer leur peine.
S’ils se trouvaient sur un champ de bataille avec de multiples blessés, les médecins ne prendraient même pas la peine de lui adresser un regard. Ils devaient sauver ce qui pouvait l’être…
Reiss observait le visage de son amie. Il avait un peu froid mais ce dernier lui réchauffait le cœur. Elle était là, à ses côtés, et il n’avait plus peur de rien. Il se souvint d’une autre partie de la légende des valkyries. Elles emmenaient l’âme des héros au paradis. Cette idée ne lui déplaisait pas dans l’immédiat. Il ne sentait plus grand-chose et n’entendait plus grand-chose. Mais cela n’importait pas. Il avait réussi après tout. Veronica s’agitait en face de lui, elle pleurait et lui disait que tout aller bien se passer. Qu’il allait s’en sortir. Qu’à son prochain entrainement, elle serait plus douce. Qu’elle arrêterait de tomber de son lit chaque matin. Elle le promettait encore et encore. Il leva son bras et caressa sa joue. Son gant était arraché et il pouvait toucher directement sa peau. Il n’avait besoin de rien de plus.
-Ça va aller… Tout ira bien Ver. Tu es forte. Tu es quelqu’un d’exceptionnel…
-Ne parle pas imbécile !
Elle venait de lui arracher un autre sourire. Il ne pouvait pas se taire cependant. Il ne lui avait pas encore dit le plus important. Trois mots, c’était tout ce qu’il avait encore à faire ici… Il les prononça dans un sourire, une larme perlant sur son œil droit, avant de fermer les yeux avec comme dernière image le visage de celle qu’il aimait plus que tout.