Chapitre 4 : fin et renouveau
Forteresse Alpine : deux semaines après l’incident.
« Désormais enfermé dans ma solitude, je trainerai parmi les choses qui parleront toujours de toi. » Charles Aznavour
La Forteresse Alpine ne traitait pas très souvent des blessés graves. La plupart du temps, les soldats en mission étaient soignés sur place ou rapatriés dans les enclaves spitalières les plus proches. Cependant, il fallait toujours être prêt. Si Hellvetika était attaquée, il fallait pouvoir soigner les blessés efficacement. Voila pourquoi plusieurs équipes médicales étaient toujours stationnées dans les quartiers de la Forteresse.
Une jeune fille était allongée sur l’un des lits de l’infirmerie principale. Son supérieur avait décidé de la maintenir éloignée de la zone réservée aux recrues pour l’instant, considérant qu’après tout ce qu’elle avait enduré, il était préférable de la laisser se reposer loin du regard indiscret des autres recrues.
Veronica fixait la neige à travers la fenêtre de sa chambre. Elle commençait à récupérer mais elle ne serait pas totalement opérationnelle avant trois mois de repos et de traitement. C’était ce que les médecins lui avaient dit. Elle savait pertinemment que son corps aurait terminé de guérir bien avant la fin de cette période. Le corps médical voulait probablement s’assurer qu’elle n’avait pas complètement déraillé… Qu’elle était encore capable de servir…
Quelque part, elle les comprenait. Elle se souvenait encore de tout ce qui s’était passé… Après la pseudo victoire qu’elle avait remporté. Le prix était beaucoup trop élevé pour ses épaules… Elle se sentait plus fragile et plus seule que jamais.
Après la fin des hostilités, les survivants avaient fabriqué des sortes de traineaux de fortune à l’aide des restes des charrettes. De quoi transporter les corps de leurs amis et de leurs parents mais également de quoi transporter le matériel récupérable qui était transporté à la base. Des artéfacts chroniqueurs, des fourrures, des rations… Le corps et l’équipement de Skatler avaient été chargé sur l’une d’entre elles. Pour Reiss… Elle était restée à côté de lui durant un long moment. Jusqu’à ce que la jeune fille, la chroniqueuse, vienne essayer de la faire bouger. Instinctivement, Veronica avait essayé de soulever le corps de son ami. Il fallait l’aider, rentrer pour le soigner, mais lorsqu’elle tenta de le faire… Elle s’effondra une première fois au sol avec lui. Lorsqu’on avait voulu l’aider, elle avait refusé catégoriquement. Personne d’autre ne pouvait le toucher… Seulement elle, c’était son devoir… Son ami… Après peu de temps, elle avait rejoint le reste des survivants, tenant à peine debout et en boitant. Mais sentir son ami près d’elle la réconfortait, lui donnait du courage. C’est ainsi qu’elle s’était mise en route avec les autres pour rentrer vers la Forteresse. Bien entendu, après quelques heures de marche, ses forces l’abandonnaient. La douleur, son bras cassé, ses autres blessures et le simple fait de se déplacer en armure en trainant Reiss en armure… Elle peinait à rester consciente. Son corps entier était un autel dédié au feu. Elle avait la gorge sèche, la vision trouble et tous ses muscles semblaient sur le point de se déchirer. Mais elle continuait d’avancer… Il y avait peut-être encore une chance de le sauver. Alors elle ne pouvait pas abandonner. Pas avant d’avoir tout essayé, quitte à en mourir…
Et étrangement, le destin qui avait été si sévère envers elle se montra soudainement plus clément. Une patrouille hellvétique tomba sur ce petit groupe. Après avoir appelé un transport, ils voulurent administrer les premiers soins aux blessés. Et c’est à cet instant qu’elle perdit connaissance. Elle avait réussi… Elle pouvait se reposer désormais.
Veronica ne savait précisément combien de temps elle avait passé sans connaissance. Mais elle se souvenait très clairement de son réveil dans l’infirmerie. Son lit était si doux qu’elle avait d’abord pensé avoir passé l’arme à gauche. La dose de narcotique et d’anti-douleur qu’elle recevait pendant son traitement avait probablement pour but de l’empêcher d’effectuer des mouvements trop brusques… Cependant, lorsqu’elle remarqua qu’elle était seule dans la pièce dernière, elle ne put s’empêcher de se lever. Ses sens et son corps étaient engourdis mais elle entendait clairement un appareil électronique biper. Elle avait fait tomber les électrodes sur son corps. Elle se tenait péniblement l’une des barres métalliques du lit quand une infirmière entra. Cependant, ce n’était pas elle que la jeune fille voulait voir. Elle tenta de la dépasser en chancelant mais fut immédiatement rattrapée. Dans la forteresse, il était logique que le personnel médical ait reçu un entrainement de soldat. Maitriser une adolescente sous narcotique ne devait pas poser de problème. En revanche, le faire sans qu’elle ne se blesse ou sans la blesser c’était tout autre chose. Son corps était meurtri et commençait à peine à récupérer. Veronica ne comprenait pas encore vraiment tout mais elle voulait voir Reiss et l’infirmière l’en empêchait. Elle tenta avec le peu de force qui lui restait d’échapper à sa prise, hurlant comme elle le pouvait le nom de son compagnon. Une voix lui intimait de se calmer, une autre demandait ce qui se passait alors que la porte s’ouvrait à nouveau. Veronica se débattait avec l’énergie du désespoir, cherchant à rejoindre son ami. Elle demandait où il était, ce qui se passait… Plongée dans un état presque hystérique, la jeune demoiselle sentit soudainement une piqûre puis sombra à nouveau dans l’inconscience.
Un nouveau réveil… Elle était en partie attachée à son lit. Son Défricheur posé dans un coin de la pièce à côté d’un vase dans lequel étaient disposées quelques perce-neiges. Elle était un peu plus calme et tentait simplement de se souvenir de ce qui s’était passé. Pour elle, et pour la soldate en face d’elle qui venait écouter son rapport. Helena, une recrue de la même année qu’elle. Elles s’étaient déjà croisées aux entrainements, parfois en classe et bien sûr pour les repas. Mais aucune des deux n’avait vraiment adressé parole à l’autre. C’était mieux ainsi. Une vague connaissance, une femme… Rien de trop inconnu ni de trop connu. Après avoir terminé son rapport, elle demanda des nouvelles du monde extérieur. Helena lui répondit ce qu’elle savait. Skatler avait failli à son devoir et elle avait vaillamment combattu. Elle n’avait pas d’informations précises sur qui avait survécu. Elle était simplement chargée de venir recueillir son rapport pour le transmettre au caporal Wicht. Cependant, avec un sourire sincère, elle promit à Veronica de venir lui dire immédiatement si elle apprenait quelque chose. Cela fait, elle laissa la jeune hellvétique seule une nouvelle fois.
Quelques jours passèrent encore. Veronica alternait les phases de conscience et les examens médicaux. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi un tel traitement de faveur lui avait été octroyé. Une telle dépense de ressources et de médicaments pour une simple recrue… ? Elle n’allait pas s’en plaindre, elle voulait vivre… Mais elle n’était pas bête et cherchait simplement à comprendre d’où venait cette générosité. Elle avait placé ses peurs et ses craintes de côté mais n’avait pas perdu son bon sens.
Une semaine, cela faisait désormais une semaine que l’Hellvétique était rentrée à la Forteresse Alpine. Elle était désormais occupée à démonter et remonter son fusil avec une seule main. L’exercice était difficile, son bras invalide était toujours bloqué par un plâtre, mais elle s’obstinait à faire la maintenance de son arme. Il lui restait d’ailleurs toujours quatre cartouches. On les lui avait rendues peu après son rapport. Visiblement, elle était assez cohérente et stable psychologiquement pour cela. Ou alors c’était un test. Elles avaient peut-être été remplacées par des balles à blanc et ses supérieurs attendaient de voir ce qu’elle ferait avec ces dernières. La jeune fille n’était sûre de rien. Pour être précis, elle n’était plus sûre de rien. Elle avait pu contempler à quel point la vie était fragile. Même dans leurs armures, ils étaient loin d’être invincibles. Elle qui s’était durement entrainée avait fini au tapis assez rapidement. Durant un combat, le temps semble s’allonger. Mais au final, l’attaque n’avait pas dû durer plus d’une vingtaine de minutes du moment de l’explosion jusqu’à ce que le dernier bandit soit mort.
Au milieu de cette journée pleine de songe, la porte de la chambre de Veronica s’ouvrit brusquement. Elle tourna la tête pour apercevoir qui venait d’entrer et…
-Bonjour. J’ai amené quelqu’un qui…
La jeune hellvétique qui était venue prendre le rapport de Veronica était accompagnée par Strauss. Ce dernier, portant une tenue semblable aux tenues d’entrainement que portaient habituellement les recrues, lui adressa un léger signe de tête. Un couteau de combat était attaché au niveau de son épaule gauche et malgré l’étui, Veronica était certaine qu’il était assez aiguisé pour couper pratiquement n’importe quoi.
-Laisse Kat, je m’en occupe.
L’accompagnante de Strauss le fixa d’un air légèrement agacé. Elle ne semblait pas particulièrement confiante dans la capacité de ce dernier à régler le problème. Quel problème d’ailleurs ? L’hellvétique en convalescence fixait derrière le duo comme si elle attendait que quelqu’un d’autre arrive. Si quelque chose d’important était arrivé, c’était probablement Wicht qui serait venu. Qu’est ce qui avait bien pu les faire venir ici ?
-Lève-toi, on va quelque part.
La jeune fille fixa un instant Strauss, puis le visage interloqué de Kat. Il faut dire que le jeune homme était particulièrement illisible. Difficile de dire ce qu’il pouvait bien avoir en tête.
-Je peux sortir alors… ? Et… Reiss ?
-Ca fait bien trop longtemps que tu te la coule douce ici. Tu es une soldat ou une plante verte que l’on arrose de temps en temps pour la maintenir en vie ? Va falloir te décider.
Piquée au vif, Veronica se dressa instantanément. Elle réprima une grimace de douleur alors que son corps endolori la faisait souffrir. Les médecins avaient du enfin limiter ses anti-douleurs. Kat s’avança et tout en jetant un regard d’incompréhension à Strauss, elle commença à aider la jeune blessée à retirer les perfusions et les capteurs la reliant à des appareils médicaux. Avant même qu’un de ces précieux bijoux ait pu sonner, Kat l’avait déjà éteint. Elle semblait avoir une certaine expérience du milieu médical. Veronica s’apprêtait à s’habiller, elle chercha Strauss du regard et remarqua que ce dernier venait de sortir.
-Il n’a pas l’air d’avoir changé lui…
Kat lui adressa un sourire un peu contrit. Elle reprit la discussion à voix basse.
-C’est un bon soldat je suppose. J’ai du mal avec lui… Il est trop froid, trop calme. Il me fait un peu peur parfois.
-Difficile de te contredire. J’ai pensé pendant tout un temps que c’était un soldat plus haut gradé chargé d’espionner les recrues. Il n’est pas méchant je crois, juste un peu trop pragmatique. Et il doit avoir du mal avec les relations interpersonnelles. Probablement la raison pour laquelle il s’entendait bien avec nous.
Kat réprima un sourire sincère et se recula pour laisser de l’espace à Veronica. Quelques minutes plus tard, elle était prête. Elle jeta un coup d’œil à son arme puis après un instant d’hésitation, elle se dirigea vers la porte. Elle pouvait la verrouiller et visiblement, Strauss voulait l’emmener quelque part dans la forteresse. Il ne serait jamais parti sans son arme sinon. La jeune fille demanda une dernière chose à Kat avant de sortir :
-Une idée d’où il veut m’emmener ?
-Pas la moindre. Il a appris que c’était moi qui avais été assignée à ta chambre alors il m’a demandé si je pouvais lui rendre un service. Nous voici…
Veronica se posait de nombreuses questions. Pour l’instant, elle préféra les garder pour elle et se contenter de suivre Strauss. Kat juste derrière elle, elle avançait en suivant le jeune homme à travers le dédale que représentait la forteresse. Elle ne connaissait pas toutes les zones par cœur mais elle s’y connaissait suffisamment pour rapidement trouver son chemin. Ce n’était rien comparé à la machine située devant elle. Aucune hésitation, le regard fixé droit devant et aucun changement de rythme dans les pas. À se demander s’il était vraiment humain…
Quelque chose cependant intriguait l’hellvétique blessée. Cela faisait maintenant une bonne vingtaine de minutes qu’ils avaient quitté sa chambre et ils n’étaient pas encore arrivés à destination. Commençant seulement à se remettre de ses blessures, Veronica sentait son attention vaciller et sa tête se mettre légèrement à tourner mais elle avait encore suffisamment de jugeotte pour se rendre compte que soit Strauss empruntait des chemins détournés pour arriver à l’endroit où il voulait aller. Soit il attendait ou évitait quelque chose. Dans tous les cas, il perdait volontairement du temps et cela ne plaisait absolument pas à la jeune fille.
Kat de son côté semblait particulièrement énervée. Quelque chose dans son langage corporel exprimait un besoin pressant de partir. Elle prit finalement la parole d’une voix légèrement courroucée.
-Bon navrée mais je dois filer. Je suis censée remplacer quelqu’un dans un atelier de maintenance et si je reste on va m’accuser de tirer au flan. Strauss, pas de bêtises.
Après avoir pris congé, elle tourna les talons et quitta le duo sans plus de cérémonie. Veronica la fixa un instant et remarqua avec une certaine surprise que de l’énervement, Kat était désormais passée à de l’inquiétude. Sur le moment, elle se demanda si cette inquiétude était destinée au savon qu’elle risquait de recevoir ou… à elle-même ?
Dans tous les cas, devant elle, le mur de mutisme continuait d’avancer et elle refusait de se laisser distancer. Forçant le pas, elle arriva à le rejoindre au prix d’un léger effort. En se concentrant uniquement sur la marche, elle pouvait sans peine le suivre et éviter autant que possible les désagréments dû à son état encore fébrile. Quelque part, cela lui faisait du bien. Après être restée dans un lit sans personne à qui parler et à pouvoir uniquement ruminer ses souvenirs, se concentrer sur une simple activité physique semblait la détendre.
-On y est.
Veronica haussa un sourcil en tournant la tête vers Strauss. Elle s’arrêta net alors qu’il continua de faire quelques pas afin de s’adosser contre une structure. Reprenant son souffle pendant un court instant, elle orienta son regard vers la structure en question.
Il s’agissait d’un monument. Un monument dédié aux soldats hellvétiques tombés en mission. Il y en avait plusieurs, certains dédies à des sections spécifiques de l’armée… Mais quelque chose attira son attention. Elle était déjà passé plusieurs fois devant ce monument. Mais il y avait une différence par rapport aux dernières fois. La liste s’était allongée d’un nom…
Alors que Strauss la fixait d’un air neutre, sans spécialement exprimer d’émotion, Veronica entendit des bruits de pas au loin. De course pour être précis. Mais actuellement elle n’en avait rien à faire. Elle se pencha pour lire le nouveau nom. Celui de son ami, Reiss, ainsi que son matricule. Hébétée, elle resta quelques secondes sans bouger comme si son cerveau avait du mal à assimiler l’information. Puis, alors qu’elle passait sa main droite sur les lettres gravées sur la stèle, elle sentit des larmes couler sur ses joues. Sa gorge était serrée et elle fut parcourue d’un hoquet avant de fondre en larmes.
Bien entendu, en y réfléchissant de manière rationnelle, il n’y avait aucune chance que son ami ait survécu après tout ce qui lui était arrivé. Même quand elle portait son corps, elle n’avait jamais essayé de vérifier son pouls ou d’entendre battre son cœur. Elle était totalement dans le déni et ce depuis la seconde même où il s’était tu après qu’elle l’ait traité d’imbécile, après qu’il ait prononcé ces trois mots si douloureux désormais… A présent, elle avait vraiment mal. Plus mal que tout ce qu’elle avait subi auparavant. Des os brisés, de la chair arrachée… Le fait de voir ces quelques lettres marquées dans la pierre, le voir gravé dans ce bloc d’éternité, cela avait mis fin à sa tentative désespérée d’échapper à la réalité.
Alors qu’elle sanglotait, à genoux au milieu du couloir, elle tentait péniblement de se ressaisir face à la tristesse insondable qui l’engloutissait. C’était fini, elle ne le reverrait plus jamais. Ne lui reparlerait plus jamais. Ne partagerait plus aucun moment avec lui. Elle avait perdu son seul vrai ami et était plus perdue que jamais. Cependant, un bruit métallique attira subitement son attention.
-Le moment est venu de voir ce que tu es vraiment. Si tu trouves ça douloureux, autant en finir tout de suite. Souffrir et se complaire dans la souffrance n’a rien de rationnel. Si tu ne peux pas dépasser ça, ce monde ne fera qu’une bouchée de toi…
Strauss venait de lui jeter son couteau. Une lame de qualité militaire, un objet précieux. Elle fixa cette dernière pendant quelques instants, comme fascinée par son reflet dans le métal. Était-ce vraiment cela la solution ? Indéniablement, cela mettrait fin à ses souffrances mais…
-Il n’y a pas de honte à abandonner. C’est mieux que de s’acharner en sachant pertinemment que le résultat ne sera pas probant. Tu ne serais pas la première recrue à craquer. Et tu ne serais pas la dernière. Même les supérieurs craquent parfois.
Il parlait sur un ton monocorde assez désagréable, avec un air fataliste qui aurait pu lui donner un côté suffisant si on ne le connaissait pas. Strauss posa un genou au sol pour fixer directement la demoiselle dans les yeux.
-Alors ? Tu laisses tomber ou tu continues à te battre ? Parce que ton chagrin ici, ce n’est rien comparé à ce qui t’attend.
Veronica s’empara de la lame. Pendant quelques secondes, elle sembla hésiter. En finir ? Poignarder Strauss ? Aucune de ces deux solutions ne la satisfaisait vraiment. Elle ne voulait pas laisser ça uniquement comme marque. Ni gâcher la vie que Reiss lui avait offert. Mais elle souffrait tellement… Et ne savait pas quoi faire. Elle lâcha le couteau avant de se coller assise dos au mur, les genoux repliés et la tête entre ces derniers. Pour l’instant, elle ne voulait plus rien voir. Plus rien entendre.
Alors que Strauss se penchait pour ramasser sa lame, des bruits de pas effrénés se firent entendre dans le couloir. Veronica leva légèrement la tête, ses yeux embués de larmes, et distingua une silhouette qui fonçait droit vers eux. Le jeune homme en face d’elle poussa un léger soupir et, après avoir rangé la lame dans son fourreau, il para le coup que venait d’essayer de lui porter Kat.
-Espèce de malade ! Qu’est ce qui t’a pris ?! Je savais que niveau humanité il te manquait une case mais méconnaitre à ce point-là les sentiments, c’est criminel !
La jeune fille était furieuse. Veronica eut un léger pincement au cœur. Elle était furieuse pour elle. Kat essayait de la défendre. La jeune fille en larmes se demandait pourquoi d’ailleurs. Elle ne connaissait pas Kat depuis longtemps mais cette dernière ne semblait pas avoir besoin de plus que ça pour lui venir en aide.
D’un côté, la colère et la fougue de Kat. De l’autre, le calme inquiétant et froid de Strauss. Ce dernier tournait lentement son poignet alors que l’assaillante le fixait d’un air mauvais. Elle semblait étudier ses possibilités et finalement, elle préféra retirer sa main et se diriger vers Veronica.
-Hey…
Venant s’asseoir à côté d’elle, Kat posa doucement sa main sur sa tête. Frottant doucement ses cheveux, elle adressa un sourire réconfortant à la jeune fille en peine. Celle-ci leva légèrement la tête, plongeant son regard dans celui de celle qui tentait de la soutenir. Veronica lui offrit un sourire triste, un peu gêné… Avant de finalement s’agripper à elle et de laisser les sanglots l’emporter une nouvelle fois. Elle sentit la main droite de Kat frotter doucement son dos pendant que la gauche enlaçait doucement sa tête. Veronica décida de pleurer tout ce qu’elle pouvait maintenant, contre ce qui se rapprochait le plus d’une amie, et se promit de tout faire pour ne plus jamais avoir à recommencer.
Une fois les larmes séchées, une fois les sanglots stoppés, un silence gênant s’installa. Strauss était appuyé sur le mur et fixait le couloir avec son calme habituel. Veronica avait la tête posée sur l’épaule de Kat, les yeux fermés. Et Kat fixait Veronica d’un air bienveillant. Finalement, l’hellvétique en peine ouvrit les yeux et adressa un sourire sincère à la demoiselle qui s’était occupée d’elle.
-Merci …
Kat secoua la tête et l’aida à se relever. Elle avait du mal à croire que la démone de la salle d’entrainement ait pu paraitre si frêle. Elle avait l’impression qu’il suffirait de lui souffler dessus pour qu’elle se brise…
-Sans vouloir interrompre votre charmante session, il faudrait se dépêcher.
Kat lança un regard meurtrier à Strauss. Veronica haussa un sourcil d’un air interrogateur avant de demander.
-Se dépêcher pour… ?
-Tu es attendue dans le bureau du caporal dans 24 minutes exactement. Si j’étais toi, j’irais prendre une douche histoire d’être présentable.
Après avoir dit cela, Strauss s’éloigna sans rien ajouter. Comme s’il avait fini ce qu’il était venu faire et qu’il se rendait machinalement à l’endroit de sa tâche suivante.
-… Connard.
Veronica tourna la tête pour voir l’expression furieuse de Kat. Cette dernière remarqua le regard posé sur elle et se fendit d’un sourire gêné. Elle tapota la tête de Veronica et la poussa pour la faire marcher vers les quartiers des recrues.
-Dépêche-toi… Il ne faut pas faire attendre le caporal. Je suis désolée de… J’aurais dû prévoir qu’il ferait une connerie du genre. Mais je ne m’attendais pas à ça…
Hochant la tête et suivant la poussée, Veronica se mit en marche. Moins de 20 minutes, elle pouvait le faire…