Effet de blast

Par Anzou

Ce soir-là, le jeune couple allait passer la nuit chez la mère de Marie pour passer un peu plus de temps en famille. C'était l'heure du dîner. Marie était à table, en compagnie de sa mère, de ses deux sœurs et d'Alex. Elle était plutôt contente de ne pas avoir eu beaucoup de courbatures après l'ascension de la veille. Le repas touchait à sa fin lorsqu'elle reçut un message sur son smartphone. Étrange, pensa-t-elle, car il s'agissait d'un ami d'Alex, quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de passer par elle pour communiquer. Curieuse, Marie lut le message à voix haute, toute enjouée, souhaitant le partager immédiatement avec Alex. Mais à mesure que les mots franchissaient ses lèvres, une lourdeur s'abattit sur elle, comme une vague gigantesque prête à tout engloutir.

Le monde continuait de tourner, indifférent, mais pour Marie, il s'était arrêté net. Elle sentit son cœur se serrer, une douleur sourde envahir sa poitrine. Ce message, cette bombe, ce cauchemar… C’était pour elle. 

En continuant sa lecture, d'abord protégée par la douceur du déni, un étau commença lentement à se resserrer autour de son cerveau.  Au fur et à mesure, une pression grandissante envahissait ses pensées, chaque mot frappant comme un coup de marteau. Tout dans sa tête s'entrechoquait, était confus et désorganisé. Elle luttait pour garder son calme, mais le tourbillon qui la submergeait devenait de plus en plus féroce. Peut-être que ce n’était qu’une erreur… Peut-être un malentendu, pensait-elle, mais chaque phrase la tirait un peu plus loin de cette illusion. La vérité apparaissait et elle était dévastatrice.

Marie sentit son crâne tripler de volume, la pression augmentant avec chaque seconde, comme si elle allait exploser sous le poids de cette révélation. Ses mains tremblaient, son cœur battait si fort qu’elle le sentait dans tout son corps. C’était impossible! Cela ne pouvait pas être vrai. Pourtant, les mots étaient là, clairs et froids. 

Son cœur tambourinait si fort qu’il semblait vouloir briser ses artères, et son corps se paralysait presque, envahi par des fourmillements qui lui parcouraient l’échine. Peu à peu, la réalité de ce qu’elle était en train de lire s’imposa à elle. Marie se retint de justesse de perdre connaissance. Elle trouva le courage de se ressaisir, tant bien que mal, consciente que toute la table l'observait. Elle tenta de faire bonne figure, se convainquant que l’explication censée était qu’il s’agissait d’une tentative d’arnaque. « Vite, Alex, change tes mots de passe ! » lança-t-elle précipitamment. Lui, sans un mot, se hâta vers son ordinateur.

Mais la colère, telle une lave en éruption, rongeait insidieusement les entrailles de Marie. Elle lutta contre elle-même, forçant ses traits à rester impassibles. Elle avait besoin de comprendre, mais surtout de ne pas céder à la tentation de faire éclater cette vérité devant sa famille. Pas maintenant. Pas ici.

Marie n'était pas dupe. Ce message, tel un obus explosant en plein visage, était trop détaillée pour qu'elle puisse accorder crédit à une simple histoire d'arnaque par message. Non, Alex mentait, et c'était une preuve concrète qu'elle venait de recevoir.

Alex devait effectuer un dernier virement à Marie pour régler les derniers prestataires. Cela faisait déjà un mois qu'il la menait en bateau, toujours avec une nouvelle excuse pour justifier le retard du virement. Marie avait fini par trouver cela suspect. Elle insista auprès d'Alex, cherchant à savoir s'il y avait un problème, surtout qu'il générait ses fonds grâce à ses investissements en cryptomonnaie. Il lui assura que non, que tout allait bien, que cela prenait juste un peu de temps, étant donné la somme à transférer : dix-sept mille euros.

Selon Alex, il avait appelé la banque, qui lui avait expliqué qu'il y avait un retard dans les virements, mais que l'argent arriverait d'un jour à l'autre. Cependant, il fallait régler les prestataires, qui, malgré le délai largement dépassé, avaient fait preuve de compréhension. Alex proposa alors à Marie de faire des chèques depuis leur compte joint, assurant que, de toute façon, les fonds arriveraient sur ce compte, et qu’en attendant que les chèques soient encaissés, l'argent serait probablement disponible. Marie n’était pas du tout à l’aise avec cette histoire de chèques en bois. Estimant que cela ne prendrait pas plus de deux jours, elle préféra attendre plutôt que de suivre le conseil d’Alex.

Marie commença à réaliser peu à peu, en allant se coucher, à quel point les conséquences auraient été catastrophiques si elle avait suivi le conseil d'Alex. La galère qui l'attendait, les ennuis qu'elle aurait pu accumuler, étaient d'une ampleur qu'elle n'osait même pas imaginer. 

Cette révélation allait déclencher quelque chose de bien plus grave. Elle n'en revenait pas. Il devait forcément y avoir une explication logique, quelque chose qu'elle n’avait pas saisie. Ce n'était pas possible autrement. La petite Marie, déboussolée, voulait attendre d’être seule avec Alex pour comprendre clairement cette histoire. Elle avait jusque-là pris soin de la minimiser, de la qualifier d'erreur, voire d'une tentative d'arnaque à laquelle elle ne croyait pas elle-même.

Le lendemain arriva vite. Après une nuit de sommeil agitée et presque inexistante, Marie proposa à Alex d'aller ensemble acheter les dragées. C’était la dernière tâche à accomplir, et cela lui offrirait l’occasion de se retrouver en tête-à-tête avec lui. Loin de toute idée de romantisme, Marie était marquée, amère et glaciale, mais elle maîtrisait ses émotions, ne laissant rien transparaître devant ses proches.

À peine les ceintures bouclées et la voiture lancée sur la route, Marie se tourna vers Alex, son regard empli d’une fureur incontrôlable. « Qu’est-ce que ça signifie, ce message ? Il y a trop de détails sur nos vies, ça ne peut pas être une arnaque ! Dis-moi la vérité, Alex, tout de suite ! » La voiture roulait sans but précis, Alex gardait les yeux rivés sur la route, mais son esprit était ailleurs, bien conscient que le poteau rose allait bientôt s’allumer. Il ne répondait pas. Le silence entre eux devenait lourd, presque suffocant. Marie sentait son cœur s’emballer, une rage aveuglante la gagnant à chaque seconde d’immobilité.

Elle le regardait, cet homme qu’elle estimait, celui qu’elle allait épouser, et soudain, il se métamorphosait en un inconnu. Un étranger. Son futur mari, celui qu’elle croyait connaître mieux que quiconque, devenait, sous ses yeux, un menteur. Cette révélation la terrifiait. Elle s’apprêtait à l’épouser, à lui confier sa vie, et maintenant, tout, absolument tout, était remis en question. Elle lui avait accordé sa confiance, à cent pour cent, aveuglément, sans voir les signes qui auraient dû l’alerter. Lui, de son côté, n’avait rien laissé paraître. Rien.

Marie, naïve et confiante, s’était accrochée à l’idée que le problème venait de ces foutus fonds pour le mariage, qu’ils n’étaient simplement pas encore disponibles. Mais voilà, une autre vérité se dévoilait : un mensonge. À cet instant précis, elle se sentait trahie, au pire moment possible. Tout allait basculer. Tout. Marie réalisait, avec une clarté glaciale, qu’une vie entière était en train de se désintégrer sous ses pieds. Les fondements mêmes de ce qu’elle croyait être sa réalité, son avenir, sa relation, se dissipaient en cendres.

En effet, Marie avait remarqué qu’Alex prenait son temps pour régler les paiements liés au mariage, mais elle le considérait comme une personne fiable. Le message qu’elle venait de découvrir était une demande de prêt adressée à un ami, expliquant les retards dus à des problèmes bancaires. Elle comprit alors que, concrètement, Alex n’avait pas l’argent nécessaire pour financer le reste du mariage.

Mais pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Ils auraient pu trouver une solution plus simple pour le mariage, ou même repousser certains paiements. Elle n’était pas vraiment favorable à l’idée de contracter un crédit, mais si cela avait été nécessaire, elle aurait pu l’accepter. Mais là, à moins de six jours du mariage, il était trop tard pour toute alternative.

Et ce mensonge, pourquoi ? Pourquoi lui avoir caché la vérité ? Alex n’avait manifestement pas pris en compte son opinion dans cette décision. Peut-être qu’il l’avait fait pour la protéger, ou pour sauver son image à lui. Mais Marie se sentait trahie, perdue dans ses interrogations. Elle ne réalisait pas encore que le pire n’était pas arrivé. À cet instant, elle avait l’impression d’être déjà écrasée sous le poids de la situation, comme si le ciel lui était déjà tombé sur la tête.

Sans attendre une réponse qui ne venait pas, et se fiant à l’adage « qui ne dit mot consent », Marie lança à Alex, d’une voix glaciale : « Il n’y aura plus de mariage. Je ne me marierai pas avec un menteur. » Un soulagement vif la traversa, comme si une pesanteur énorme venait d’être retirée de ces épaules, mettant fin à cette promesse qu’elle s’était forcée à faire. Mais, en même temps, elle était accablée par le poids de ce qu’impliquerait cette annulation. La réalité de l’ampleur de sa décision la frappa d'un coup, la laissant pantelante.

Marie ordonna à Alex, confronté à ses erreurs, de payer immédiatement les prestataires. Peu importait que le mariage soit annulé, ils ne pouvaient, sous aucun prétexte, laisser leurs dettes impayées et imposer leurs fautes aux autres. C'était une question de responsabilité, même si tout allait s’effondrer autour d'elle.

Elle allait être bientôt engloutie par un tourbillon de révélations accablantes, qui déchiraient ce qu’il lui restait de confiance et de certitudes. Cette histoire avec Alex, ce mariage qu’elle avait cherché à bâtir pour oublier David, tout cela se pulvérisait sous ses yeux. Ce qu’elle croyait être sa solution, sa reconstruction, n’était qu’une illusion. Tout, absolument tout, s’effondrait.

Tel l'effet de blast déclenché par la bombe de la veille, qui avait explosé dès la lecture de ce fameux message, Alex avoua. Il ne pouvait plus faire de crédit. Il en avait déjà contracté trop. Les yeux presque hors de leurs orbites, refusant d'accepter la tragédie qui se jouait devant elle, Marie sentit son esprit se tordre. Le crédit... ils en avaient déjà parlé et étaient d'accord pour ne pas tomber dans ce système, sauf pour leur achat immobilier. Marie n’en revenait pas de cet aveu. 

Le dégoût embruma son raisonnement. Mais ce n’était là, que le début d’une cascade de fracas qui allait s’abattre sur Marie jusqu’à son anéantissement.

Alex pleurait, ce qui réussit à toucher une petite part de Marie. Elle lui ordonna de se garer immédiatement, car les révélations dépassaient de loin tout ce qu’elle avait imaginé. À ce stade, elle craignait que la situation ne vire au pire, qu’un accident de la route ne vienne mettre fin à tout cela.

À peine la voiture arrêtée, Marie saisit son smartphone, déterminée à noter les noms des organismes de crédit et les montants dus, cherchant à y voir plus clair. Mais elle savait déjà que rien ne serait plus pareil. Tout venait de voler en éclats, se brisant en mille morceaux sous ses yeux. Le mariage n’aurait pas lieu. La réalité l'assaillait. Ce n’était pas la vie dont elle avait rêvé, pas le conte de fées qu’elle s'était imaginé et qu’elle était censée vivre en ce moment. Non, c'était un cataclysme qu’elle devait maintenant affronter, sans savoir comment en sortir indemne.

La liste s’allongeait à un rythme effrayant, les montants devenant de plus en plus écrasants. Cinquante mille euros de crédits pour Alex, sans compter le reste du mariage encore impayé. Marie était désabusée, perdue, presque figée, comme si la réalité elle-même s’effondrait sous ses pieds. 

Chaque chiffre inscrit sur son smartphone semblait être un coup de poing en plein abdomen, la privant peu à peu de son souffle. Elle était là, dans la voiture, à peine consciente de sa propre respiration, noyée sous le poids d’une incompréhension dévorante et d’une répulsion viscérale. Puis, comme une balle en pleine tête, Alex lâcha les mots fatals : « J’ai aussi fait un crédit à ton nom. »

Un silence lourd et écrasant. La stupeur l’envahit comme un brouillard opaque. Stoïque, Marie répondit d’une voix sèche, presque mécanique, comme si son esprit était devenu une coquille vide, incapable de comprendre la gravité du moment : « Combien ? »

Alex, impassible, répondit froidement : « Trente mille. »

Bien sur, tout cet argent n'existait plus à l'heure où Marie entendait ses révélations. 

Ce fut l'instant où la terre se déroba sous elle, où tout s’effondra en un seul instant. Un ouragan silencieux, un gouffre béant de trahison et de honte. Marie, anéantie, sentit sa réalité se fragmenter, chaque certitude se brisant en morceaux comme du verre sous ses pieds. La jeune femme n’était plus qu’un corps brisé, battue sous le poids de l’inimaginable, dévastée au-delà de toute mesure.

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Plume_jasmin
Posté le 27/02/2025
Ah ouais ! Alex n'y est pas allé de main morte.
Franchement je lui en aurais collé une à cet arnaqueur !
La confiance dans un couple c'est la partie la plus importante et la plus cruciale.

Mais une partie de moi a pitié de lui. Mais bon....
Le mariage aurait lieu ? Je veux le savoir !!!!
Anzou
Posté le 01/03/2025
C'est vrai qu'on peut ressentir de la pitié pour Alex. Peut-être que Marie agira en tenant compte de ce sentiment... à suivre !
Reglisse000
Posté le 13/01/2025
Incroyable. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'avait fait Alex ! Ta description des émotions de Marie sont incroyables, et magnifiquement bien détaillée ! Continue comme ça !
Anzou
Posté le 16/01/2025
Merci Reglisse000, ça me fait plaisir de te voir suivre mon histoire. Merci beaucoup pour tes commentaires motivants.
Reglisse000
Posté le 16/01/2025
de rien ! Je suis heureuse que ça te motive, car j'adore l'histoire !
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