Mise à nu

Alex avait souscrit son premier crédit dans l'espoir d'investir dans la cryptomonnaie, convaincu que cette aventure le mènerait à la richesse. Mais tout s'était effondré. Il avait tout perdu. Cependant, au lieu de se résigner, il avait recommencé, persuadé qu'il pourrait inverser la situation. Ce n'était qu'une illusion, une folie qu'il persista à renouveler, encore et encore. C'était un gouffre sans fond, une spirale de pertes, une tragédie inévitable.

Marie n’en pouvait plus. Le vide dans son âme était tel qu’il semblait tout engloutir. Elle avait l’impression de se noyer dans un océan de désespoir. 

Après tout ce qu’elle avait vécu avec Alex, après tous ces rêves de bonheur et d’unité, elle se retrouvait piégée, broyée par des dettes colossales et une trahison qu’elle ne pouvait même pas concevoir. Le mariage qu’elle avait voulu, ce rêve de félicité, s’effondrait en cendres autour d’elle.

Il fallait qu’elle parte. Marie imposa à Alex de la ramener chez sa mère par un ordre sec et désespéré. C’était un cri d’urgence. C’était trop.

Elle arriva chez sa mère avec toute la noirceur de son chaos. Les nerfs en vrac, les émotions éclatées. Un torrent de pensées déferlait dans sa tête, elle était paniquée et remplie de confusion. 

Elle était seule maintenant. Comment affronter sa famille, comment leur dire que tout était fini ? Qu’elle avait tout perdu ? Comment annoncer que le mariage était annulé, que son fiancé l’avait trahie de la pire des manières ?

Le gouffre béant dans lequel elle se trouvait était comme un sable mouvant, qui la gobait, la bloquait, la maintenait étouffée.

Le cri déchirant qu'elle lança à sa mère, "Maman, il n’y a plus de mariage ! Il n’y a plus de mariage !" résonna dans la pièce comme un écho désespéré. Sa voix tremblait sous le poids du choc et de la douleur. Sa mère, horrifiée, pensa que c’était à cause d’une infidélité, croyant qu'Alex avait trompé sa fille. Elle était loin de s’imaginer l’horreur qui anéantissait sa fille.

La jeune femme brisée réussit à expliquer à sa mère ce qu’elle venait de découvrir. 

La pression était si forte que Marie s’effondra au sol dans la salle de bain. S’agitant de manière incontrôlable, ses nerfs explosèrent. Elle luttait contre une crise d’angoisse sévère, au point de se sentir incapable de respirer. Elle se débattait avec elle-même. Sa mère et sa soeur tentèrent de la maintenir. 

Chaque fibre de son être était déchirée par la panique. Elle se sentait étranglée par cette situation, piégée dans son propre corps, prisonnière de ses émotions. Elle haletait, se débattait comme une bête prise au piège. 

Elle voulait juste disparaître. Elle aurait tout donné pour que ce moment n’existe pas. Mais malheureusement pour elle, cette tragédie allait s’inscrire à jamais dans son histoire de vie. C’était la fin. La fin de tout.

Elle parvint à se calmer au bout d’un certain temps, réconfortée dans les bras de sa mère.

Elle réalisait l’ampleur de ce qui se jouait. Elle s’inquiéta alors pour Alex, qui n’avait pas voulu la suivre chez sa mère. Il avait déposé Marie, puis était parti avec la voiture.

Il avait sans doute fui la confrontation. Marie se leva brusquement, son cœur battant la chamade, ses mains tremblantes. Elle essaya de le joindre encore et encore, mais ses appels restaient sans réponse. La peur s’empara d’elle. Et si… Et si Alex avait fait l’irréparable ? Si son désespoir l’avait poussé à commettre une folie irréversible ?

Si Alex s’était suicidé, ce serait à elle de gérer toutes ces dettes.

Marie avait reçu tellement de nouvelles inattendues, inconcevables, qu’elle se préparait à entendre une suite encore plus dramatique.

Elle se voyait déjà seule, responsable, accablée, écrasée sous des tonnes de dettes qu'elle n’avait jamais choisies. Elle ne pouvait plus respirer. L’injustice, la honte et la culpabilité l’engloutissaient.

Mais finalement, Alex répondit. Marie n'en crut pas ses oreilles. Il avait fini par décrocher. "Je me suis perdu", lui expliqua-t-il d'une voix brisée, comme s’il ne savait plus qui il était.

Désemparée, Marie ne savait plus quoi faire. Elle se saisit à nouveau de son téléphone et appela la mère d’Alex. En pleine excursion sur l'île, celle-ci comprit immédiatement, au son de la voix de sa "future belle-fille", qu’il y avait un énorme problème. Elle demanda où se trouvait son fils, morte d'inquiétude. Marie lui expliqua brièvement la situation. La mère d'Alex, effarée, insinua qu’il avait fait comme son père. Elle tenta de rassurer Marie, lui disant qu’elle venait immédiatement avec le père d’Alex pour éclaircir la situation.

Alex arriva avant ses parents et tout le monde l'accueillit sans reproche. Marie était amère, sa mère et ses sœurs étaient là, choquées, mais personne ne lui fit de reproches directs. Il était comme un enfant pris dans une tempête, fragile et vulnérable. Il semblait en état de choc. Il n’arrivait plus à parler, se contentant de répondre par des "hum hum". Il exaspérait cruellement Marie, mais au moins, il était en vie.

À l'arrivée de ses parents, Alex fut consolé à son tour dans les bras de sa mère. La compassion de ses parents l’enveloppait comme une couverture trop douce, trop indulgente. Marie avait l’impression d’être la seule à payer le prix fort de cette histoire. Cette impression la tiraillait de craintes et lui donnait envie de vomir.

Marie se rendit compte que tout ce qu’elle avait partagé avec Alex n'était désormais plus qu'une illusion, un mirage. Il fallait tout exposer, tout déballer. Chaque dépense, chaque emprunt. Tout dévoiler devant leurs familles. 

Elle sentait le poids de l’humiliation qui la brisait. Ces sommes dûes étaient là, géantes, monstrueuses. Un fardeau qu'elle n’avait pas choisi, mais qu’elle portait désormais sur ses épaules.

Marie n’aurait pas fait de dépense inutile et supplémentaire pour le mariage. Elle aurait agit autrement si elle avait imaginé ne serait-ce qu’un instant, qu’il y avait un problème sérieux. Alex lui avait toujours assuré qu’il se sortait un salaire et qu’il pouvait gérer les dépenses.

Il devait vraiment le croire lui-même, mais il était tellement persuadé que son business fonctionnait bien qu’il rêvait déjà d’acheter une voiture de luxe. Marie ne connaissait rien à ce monde de cryptomonnaie. Elle voyait seulement son homme travailler jour et nuit, sans prendre de pause pour peaufiner son algorithme. Quand elle lui demandait combien ça lui rapportait, il annonçait de beaux montants. Tout paraissait plausible, alors Marie n’avait trouvé aucune raison de douter. Jusqu’alors, Alex avait été quelqu’un de droit, d’honnête et fiable aux yeux de sa fiancée.

Elle était maintenant exposée comme une personne “naïve” ou alors “dépensière”. Dans les deux cas, elle détestait ça. Mais, elle redoutait plus encore que les gens pensent qu’elle avait poussé Alex à faire ces dépenses, qu’elle soit la cause de ce malheur qui s’abattait sur eux. Elle se sentait coupable, d’avoir tellement espéré un mariage parfait, de s’être laissée séduire par les idées de la wedding planner, et d'avoir ajouté des options pour rendre le mariage fabuleux. Elle se sentait coupable d’avoir participé à agrandir leurs dettes sans le savoir. 

Elle s’en mordait les doigts, car aucune preuve ne pouvait vraiment montrer sa bonne foi.

Les comptes qu’Alex avait créés pour générer ses crédits étaient étudiés minutieusement par Marie. Le but étant de savoir ce qui avait été payé, ce qui restait à payer, et les charges existantes mois par mois. Monica avait créé un document avec tous les identifiants et mots de passe de chaque compte afin que Marie puisse vérifier le bon remboursement des traites.

Marie en avait le tourni. Elle avait peur qu’Alex la laisse avec ce crédit qu’il avait contracté à son nom. Elle lui demanda des comptes sur la manière dont il avait réalisé cet emprunt, car elle n’avait vu aucun mail ni document confirmant le crédit. Elle n’avait rien vu. 

Il avait simplement utilisé son adresse mail, qui était connectée à l’ordinateur d’Alex. Elle n’avait rien à cacher, donc elle ne se faisait pas de souci. Elle n’aurait jamais pensé qu’il risquait d’usurper son identité.

Il avait aussi dû créer un numéro de téléphone portable sur Internet, et voilà, le tour était joué. Il connaissait les identifiants du compte de Marie, un ancien compte en ligne qu’elle n’utilisait plus. Elle avait fait l’erreur de garder ces informations de connexion dans un petit carnet rangé dans le bureau même d’Alex. 

C’était si facile pour lui de faire un crédit, un véritable jeu d’enfant. Pour achever le tout, il avait contracté ce crédit le lendemain de l'achat de leurs alliances.

Marie hésitait à porter plainte, contre la banque ou contre Alex. Mais elle ne voulait pas l’enfoncer davantage. Elle ne voulait pas lui causer plus de mal, même si cela n’aurait été que justice.

Elle voulait sincèrement qu’Alex s’en sorte et vite, et qu’elle puisse retrouver une vie sans ces gros problèmes qui empoisonnaient son esprit.

Elle essaya de réfléchir, bien sûr, en pensant à son avantage. Elle était pacsée, mais ne savait pas vraiment sur quoi elle serait solidaire. Elle se disait qu’il valait mieux qu’Alex travaille et rembourse ses dettes au plus vite plutôt que de l’envoyer en prison, avec un casier judiciaire qui pourrait lui nuire pour retrouver un emploi. C'était un dilemme qui pesait lourdement sur elle.

Marie espérait juste que tout rentre dans l’ordre le plus vite pour elle.

Elle décida de ne rien faire, mais elle ne faisait plus confiance à Alex. Elle était consciente qu’elle prenait un risque en ne portant pas l’affaire à la police. 

Elle se contenta de lui faire remplir un papier qui faisait office de reconnaissance de dette. Elle savait néanmoins que cela n’avait aucune valeur juridique réelle. Mais au moins, elle avait une preuve qu’elle n’avait pas fait ce crédit d'elle-même.

Les parents d’Alex firent de leur mieux pour apporter de l’aide aux deux tourmentés. Alex semblait subir la situation, tandis que Marie semblait aussi forte qu’une lionne à tenter de solutionner tout ça comme elle pouvait au lieu de se laisser faire.

Elle dut appeler chaque prestataire du mariage pour leur annoncer l’annulation. Il lui fallut expliquer la situation, espérant que ces personnes comprendraient et ne demanderaient pas le versement intégral des sommes dues. Le mariage était prévu dans moins d’une semaine, et normalement, tout devait être payé.

C’était d’un humiliant au plus haut point. Ils avaient déjà perdu énormément d’argent dans ce mariage, car ils avaient dû verser des acomptes à hauteur de cinquante pour cent à chaque prestataire. Et ils devaient encore.

Savoir que cet argent avait été jeté dilapidé était honteux et accablant.

Marie s’emportait de manière presque inopinée dans des coups de colère et se mettait à crier sur Alex, lui demandant comment il avait pu faire ça. Elle était pleine de rage.

Des dettes, ils en avaient des tonnes. Marie n’avait pas encore réalisé l’étendue des dégâts. Bien que le contexte financier soit déjà apocalyptique, ce n’était pas encore terminé. Elle allait de mauvaises surprises en mauvaises surprises. C’était toujours plus, encore et encore plus.

Marie songea soudainement aux impôts et aux charges qu'Alex devait régler en tant que freelance : l'URSSAF, l'IRCEC. C'était lui qui gérait la partie administrative. Quant aux impôts locaux, il lui avait assuré qu'il s'en occupait, mais Marie ne s'était jamais donné la peine de vérifier. Résultat : tout était impayé, et plusieurs relances avaient été envoyées. Alex interceptait les courriers, travaillant depuis chez eux, tandis que Marie était absente durant la journée.

L'URSSAF, l'IRCEC... des sommes colossales restées impayées. Et il y avait aussi son compte bancaire professionnel, qui était dans un état catastrophique.

Ajoutez à cela l'emprunt immobilier, dont les mensualités étaient faramineuses. Les dettes mensuelles, accumulées, formaient une charge insupportable, bien au-delà de ce qu'ils pouvaient espérer rembourser dans l'immédiat.

Constat : les deux étaient désormais sans revenu, mais avec des dettes à n’en plus finir.

Marie était lessivée, blasée par ces montants astronomiques. Un terrible problème de gestion financière venait de conclure cette journée chaotique, sûrement la pire de sa vie.

C’était profondément injuste pour Marie. Elle se retrouvait brisée et salie, car Alex n’avait jamais pris la peine de la mettre au courant de la situation dès le départ. Il lui avait toujours assuré que tout allait bien, expliquant que l’achat de la maison, de la voiture, des meubles et les acomptes du mariage étaient des dépenses sous contrôle. Il l’avait rassurée, lui disant qu’il gérait tout et que les finances étaient équilibrées, qu’il pouvait faire face.

Elle n’avait aucune raison de douter de lui. Bien qu'il ait une comptable qui l’aidait à gérer ses comptes, aucune alerte n’avait été donnée, et elle n’avait vu aucun signe de problème. Alex lui avait fait croire que tout était sous contrôle, qu’il était juste dans une phase de dépenses importantes mais temporaires.

Marie pensait vraiment que tout allait bien, qu’ils étaient simplement dans une période où les dépenses étaient plus élevées. Elle lui avait fait confiance, ne vérifiant jamais les comptes bancaires, croyant ses assurances et son calme.

Il s’était alors lancé dans son projet de cryptomonnaie. Il avait injecté une “petite” somme de quatre euros, qui lui aurait rapporté vingt mille euros. Cela aurait été plus que suffisant pour payer les organismes de base. Mais l’appât du gain eut raison de lui. Il réinjecta tout son capital et perdit la totalité. Voilà comment il s’enfonça, désespéré et sûr de lui, dans l’idée qu’il allait se “refaire”. Il n’avait plus de limites. Un moment donné, ayant contracté tellement de crédits, il n’eut plus de solution, c’est pourquoi il se tourna vers le compte de Marie.

Il s’était engouffré sans filet dans ce monde de cryptomonnaie, perdant totalement la notion de l’argent, perdant pied avec la réalité, sans sourciller. 

Aux yeux de Marie, Alex était malade, addict. Mais lui refusait cette idée. Marie lui imposa d’aller voir un professionnel de la santé mentale, mais il refusa. Il insistait sur le fait qu’il ne faisait pas ça pour “le jeu”, que ce n’était pas compulsif. Il contestait le fait qu’il ait une “addiction” à la cryptomonnaie, et pour preuve, il pouvait arrêter tout ça sans préavis.

Il se disait soulagé d’avoir enfin pu se libérer de ce fardeau. En attendant, lui avait choisi d’être dans cette situation. Il y avait mis les pieds en toute connaissance de cause, tandis que Marie, elle était sa victime.

Le désarroi de Marie s’estimait à une centaine de milliers d’euros. C’était hallucinant, fou et complètement renversant.

Comment n’avait-elle rien vu ? Alex ne laissait rien transparaître. Il l’avait bernée. 

Marie avait peur de perdre la tête avec tout ça. Elle n’avait plus de mots. Juste des larmes et des prières. Elle se sentait détruite et perdue. Mais dans cette obscurité, la seule chose qui lui restait était sa foi. Elle confia à Dieu tous ses problèmes, car il était son seul remède, son seul espoir. Son ultime espoir de tenir bon et de pouvoir, peut-être, un jour, renaître de cette tempête.