Pénitence

Par Anzou

Dans moins d'une dizaine de jours, le mariage allait être célébré en grande pompe, mais en petit comité. Une cinquantaine de personnes étaient attendues pour fêter les noces. L'histoire du curé s'étant résolue, le couple ayant demandé que la célébration soit faite par une autre personne, ce serait donc un diacre qui officierait pour le mariage. Affaire réglée !

 

La famille d'Alex arriva à son tour à Madère. Le logement réservé pour le séjour, destiné aux futurs beaux-parents de Marie et à quelques autres membres de leur famille, avait été réservé depuis un certain temps. Mais à peine débarqués, Jean, le frère d'Alex, chargé de l'hébergement, se retrouva déconcerté en apprenant que le propriétaire avait commis une erreur et avait loué sa magnifique villa un jour de trop à d'autres voyageurs, laissant ainsi les huit adultes et les deux jeunes enfants sans toit pour cette première nuit.

Branle-bas de combat, tout ce petit monde se retrouva dans le minuscule appartement que Marie et Alex avaient loué pour leur séjour, en attendant de trouver un hôtel ou une autre solution pour passer la nuit. La mère de Marie arriva à son tour à l'improviste et fut surprise de découvrir autant de monde dans un espace aussi exigu. Elle confia à sa fille que cela lui avait donné une drôle d'impression, comme si elle avait atterri dans une sorte de veillée mortuaire, sans pouvoir expliquer précisément ce ressenti. Marie pensa que ce sentiment de sa mère venait sans doute de l'ambiance générale, marquée par des hôtes fatigués de leur voyage et exaspérés par leur situation. Tous semblaient manquer cruellement d'enthousiasme, et cette apathie alourdissait l'atmosphère."

Jean et sa compagne Vanessa étaient les parents des deux petits qui composaient cette troupe. Axelle, trois ans, qui avait eu très peur des toilettes de l'aéroport à cause d'un jet d'eau automatique, refusait désormais d'y aller. À l'approche des WC, elle se mettait à hurler et à se débattre. La seule solution était le jardin. Un petit détail qui mettait vraiment les nerfs de ses parents à rude épreuve, déjà épuisés par le voyage.

Depuis leur arrivée, la chaleur accablante compliquait sérieusement le repos de tout le monde, sans compter les pleurs incessants de Marion, ce bébé de quatre mois à peine, qui ne se calmait que dans les bras en mouvement de celui ou celle qui la portait. Cette situation ne tarda pas à faire exploser le baromètre de la mauvaise humeur des jeunes parents, ce qui était bien compréhensible. Bien qu'ils soient soutenus par toute la famille pour s'occuper de leurs enfants, le couple se sentait dépassé. De plus, Vanessa, au tempérament de feu et à la patience quasi inexistante, envisagea sérieusement de rentrer chez elle avec son mari et ses enfants, espérant retrouver ses habitudes loin de ce tumulte imposé par les deux petites. Le problème, c'est que Jean était le témoin d'Alex. Pourtant, ce détail ne semblait pas la préoccuper, car elle ne pensait qu'à elle-même, gâchant un peu plus le séjour des autres avec ses éternelles plaintes.

Devant le tableau dramatique qui se dessinait devant elle, Marie, avec toute sa générosité, proposa à Vanessa et Jean de prendre un peu de temps pour eux. Elle leur suggéra de profiter de leur soirée pendant qu’elle s’occuperait des enfants, veillant sur Marion toute la nuit à domicile. Marie savait pertinemment que le couple avait besoin de se retrouver, loin de l’agitation, et elle se sentit en confiance pour prendre les choses en main.

Elle ne ferma pas l’œil de la nuit. Toute la soirée et jusque dans les premières heures du matin, elle berça Marion, qui se réveillait dès que Marie tentait de la poser ou simplement de s’asseoir. Refusant de laisser la petite pleurer, par crainte de réveiller tout le reste de la maison, elle prit sur elle, s'efforçant de ne pas céder à la fatigue, même si la lassitude la gagnait peu à peu. La nuit lui sembla interminable. En repensant à ces derniers jours passés sur l'île, une angoisse sourde la submergea : rien ne se passait sereinement, tout semblait se dérouler dans un tourbillon de contrariétés et de mauvaises surprises. 

La situation se calma au bout de quelques jours, le temps probablement nécessaire pour que le bébé s’adapte à son nouvel environnement. Enfin, un problème de moins ! 

Hélas, une mauvaise surprise ne tarda pas à surgir. La mère d'Alex, lors d'une petite randonnée, glissa et se fractura le poignet, l'obligeant à se rendre aux urgences pour un plâtre, accompagnée de douleurs lancinantes, juste avant le mariage de son fils.

Cet incident laissa à Marie un sentiment de lassitude profonde. Ce n'était peut-être qu'un simple poignet cassé, mais honnêtement, Marie trouvait tout cela profondément étrange. Elle y voyait une enchaînement pénible d'événements indésirables alors qu'elle pensait n'avoir à se soucier que du mariage et rien d’autre.

Alex, sa cousine, Marie et sa sœur décidèrent de profiter de la beauté de l'île en se lançant dans une randonnée, prenant le risque de se blesser avant le grand jour. Leur choix se porta sur le Pico do Arieiro, une ascension nocturne pour assister au lever du soleil au sommet, à 1818 mètres d'altitude. Monica, qui n’était pas particulièrement sportive, choisit de suivre sa sœur Marie dans cette aventure. Lexy, la cousine d’Alex, n'était pas non plus une grande randonneuse. Ils avaient convenu de prendre leur temps, sans se mettre de pression. Bien sûr, une randonnée de nuit implique un repos en journée, mais impossible de trouver le sommeil. Malgré leurs efforts pour se reposer, aucun des quatre jeunes n’arriva à fermer l'œil.

Ils partirent quand même, excités de découvrir le magnifique paysage que leur offrirait la nature une fois arrivés tout en haut. 

La randonnée se fit à pas de tortue, l'épuisement pesant sur chaque membre du groupe. Au loin, des lumières scintillaient, celles des autres randonneurs, et cela ne faisait qu'amplifier leur découragement. Chaque éclairage semblait rappeler à quel point la montée restait longue. Lexy, au bout de quelques kilomètres, se sentit mal et ne put aller plus loin. Elle avait atteint ses limites. Marie, déterminée, refusait d'abandonner. Elle voulait que sa sœur connaisse cette satisfaction d’arriver au sommet, malgré la difficulté.

Alex décida de rester avec Lexy pour qu’elle puisse redescendre tranquillement. Il fallait attendre Monica et Marie plus bas. Le soleil se leva bien avant qu’elles atteignent le point culminant de leur ascension. Bien que la vue fût splendide, la frustration les envahit. Mais elles poursuivirent, un pas après l’autre, malgré la fatigue qui alourdissait chaque mouvement.

Arrivées enfin tout en haut, la récompense semblait pâle face à l’effort fourni. La montée, loin d’être si difficile en soi, était pourtant devenue un véritable test. Mais elles étaient là, au sommet, elles avaient réussi. Cependant, la descente s’annonça encore plus difficile.

Le temps changea brutalement, et une pluie fine commença à tomber, tandis qu'un brouillard s'étendait, rendant le chemin encore plus pénible. Les jambes de Marie se faisaient de plus en plus lourdes. À chaque pas, une douleur dans ses genoux se faisait sentir. Le moindre mouvement semblait un défi. Monica, elle, souffrait terriblement d’un ongle qui menaçait de se détacher, et chaque contact avec le sol la faisait grimacer. Le simple fait de continuer devenait une épreuve mentale autant que physique.

Le chemin, qui semblait interminable, se prolongerait encore.

Monica et Marie, épuisées, se soutenaient tant bien que mal, s’aidant en se donnant le bras. On aurait dit deux vieilles femmes, traînant leurs corps comme des ombres, avançant à peine. Monica ne pouvait même pas retirer ses chaussures à cause du sol escarpé, trop dangereux pour ça. Le temps se dilatait. Elles prenaient le double du temps prévu pour faire l’aller-retour, et, au fur et à mesure, elles croisaient des randonneurs qui montaient, pleins de vitalité, avec le sourire.

La réalité de leur lente descente se faisait de plus en plus cruelle. Ce qui les désespérait encore plus, c’était de se faire doubler, à chaque instant, par ces mêmes personnes qu'elles avaient vues partir bien après elles, et qui les rattrapaient, telles des ombres rapides et légères.

Marie n'arrêtait pas de répéter à sa sœur : "Quelle épreuve, quelle épreuve..."

C'était bien plus que ce qu'elles avaient anticipé, et cette montagne, à la fois proche et lointaine, devenait une épreuve physique et mentale bien plus profonde. Elle avait déjà fait cette randonnée, mais l'expérience de ce jour-là était d'une toute autre nature. Chaque pas devenait une lutte, et la fin du parcours semblait de plus en plus incertaine.

Elle ne comprenait pas encore bien la signification de cette pénitence, mais au fond d'elle, elle sentait quelque chose de diffus, difficile à cerner. C'était comme une fumée insaisissable, un pressentiment qu'un mal plus grand se préparait, mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Elle était perdue, sa fatigue la consumant peu à peu.

Elle ressentait simplement que, ce qui la contrariait de manière mesquine n'était pas seulement lié à cette randonnée impitoyable, mais à quelque chose de plus grave, d'intangible, qui flottait dans l’air, sans qu'elle puisse encore vraiment comprendre de quoi il s'agissait. Cela piqua son cœur d’angoisse. 

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Plume_jasmin
Posté le 02/01/2025
Hello !

Très bon chapitre. Je n'ai pas grand chose à dire.
Pauvre Marie et Monica ! Je compatis à leurs douleurs T_T.
Hâte de lire le prochain épisode, ça promet !

À bientôt !
Anzou
Posté le 13/01/2025
Merci Plume_jasmin pour ton commentaire =)
Reglisse000
Posté le 02/01/2025
Toujours très bien ! Petit conseil, fais des paragraphes plus courts, cela permet d'éviter de trop perdre le lecteur quand il lit ! Sinon, rien à redire, à part que j'ai hâte de voir le mariage de Marie !
Anzou
Posté le 13/01/2025
Merci Reglisse 000 pour ton commentaire, je vais essayer d'améliorer selon tes conseils =)
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