Elle

Par Bruns

Lundi matin.
5 heures 50.

Le réveil résonne.

Balzac se réveille, en nage. Seul dans une chambre froide, bétonnée, sans décoration. Aucune lumière ne filtre par la petite lucarne creusée dans les plaques de béton.

Il est trop tôt.

Son épouse est déjà dans la salle d'eau, il entend la douche couler. Il lui faut du temps pour se préparer.

Ce matin, comme tous les matins, ils n'auront pas le temps de se parler. Le temps presse. Balzac peine à se lever. Le corps, à la cinquantaine est raide, les idées embrouillées.

Balzac descend dans sa propre salle d'eau, elle aussi faite d'un simple cube de béton. Autrefois, ils avaient deux filles qui ont quitté la maison. De cette époque il a pris l'habitude de se préparer dans une seconde salle d'eau. Il est tranquille, pas besoin de parler.

Douché, il se dirige dans le cube cuisine ou l'attend son sac pour la journée, préparé la veille pour être certain de ne rien oublier. Il fait couler sa première dose de cofé, un mélange de café et d'un dérivé de cocaïne. Substance autrefois interdite, mais les medpsys ont observé une rentabilité accrue chez les cadres de la Compagnie accoutumés à cette drogue. La Compagnie l'a donc rendu légale dans un cadre strictement professionnel. Cette légalité s'est rapidement étendue à l'usage personnel, tant que les doses restent fournies par la Compagnie.

6 heures 30

Balzac quitte son domicile. Il est déjà fatigué. Il se sent déjà nerveux.

7 heures 05

Balzac attend le tube sur le quai de la gare. Il travaille dans la branche Mobilité de la Compagnie et a participé à la conception et à mise en service de ce tube sous les ordres d'Elle. L'idée était géniale, économique. Le tube est un système de transport constituée d'une série de voitures contenant une centaine de personnes, déplacées par un système de pression/dépression dans un tunnel étanche. L'étanchéité nécessaire implique une isolation parfaite. Les ingénieurs et Elle avaient simplement oublié que les voyageurs deviendraient claustrophobes dans un tel environnement, totalement hermétique et silencieux, passant d'infimes dépressions à d'infimes surpressions de l'atmosphère. Même les doses de cofé offertes n'avaient pas suffi à corriger cette anomalie humaine. Elle avait été interrogée et elle avait répondu qu'il faudrait un certificat médical pour prendre le tube, ce que la Compagnie s'est empressée de mettre en place en gardant la dose de cofé offerte. Alors la fréquentation avait diminué dès les premiers mois. Les passagers devenaient de plus en plus malades. Les finances réduites et le tube, magnifique œuvre d'ingénierie, s'était dégradé. Sièges usés, déchirés, services annulés, retards, pannes. Même Elle n'avait pas réussi à lutter contre cette faiblesse humaine.

Dans le tube de sept heures cinq, il y a d'abord ce type. Costard aux normes, la quarantaine, à la voix acoustique, petite bedaine, ancien beau gosse, gominé, au front légèrement ridé. Il est sans gêne, son contrôleur audio clignote frénétiquement. Il parle fort, saccage le confort de ses co-passagers. Il les abreuve de ses problèmes, de sa femme qui l'emmerde, de ses collègues incompétents, des Chinois envahissants, des Russes envahisseurs. Il se croit seul. Il est seul. Tous profitent de sa conversation, hautaine et autoritaire. Il éructe, il vocifère, sourd aux perturbations de toutes les autres conversations, téléphoniques. 

Ça rentre et ça sorte. A chaque arrêt, des nouveaux pèlerins. Ils courent vers leur pauvre sort, ils n'attendent que leur triste quotidien, chaque jour le même, chaque jour pareil. Ça se réveille, ça rentre et ça sort. Balzac la voit cette petite mort. Ça rentre et ça sorte et ce soir, retour vers une femme et l'amour ou vers quelques vices-exutoires. 

Ce matin, Balzac est cerné par des messieurs/mesdames tout le monde. Chaque matin, ils se retrouvent et refont le monde. Pour rassurer leurs existences, leurs convictions, ils partagent leurs opinions. « Ils vont nous détruire avec leur argent madame ! » « Oh oui vous avez raison, c'est un drame ! » « Il ne faut pas qu'il se laissent faire et qu'ils continuent la grève, monsieur ! » « Exactement, mais il vaut mieux une manif, ainsi mon tube pourra rouler, notre temps est si précieux ! » « Bien sûr ». 

Aussi loin que porte son regard, ils sont tous connectés, tous hagards. Il n'y a que cette femme, en face de lui qui s'est installée. Ce matin elle n'a pas eu le temps. Peut-être est-elle une maman, petit déjeuner pour la famille, cofé pour le mari, courir pour choper le train de sept heures cinq. Le train n'attendra pas, madame ! C'est comme ça, de Bagdad à Paname. Alors elle profite du trajet et partage son rituel. Mascara et rimmel. Elle dessine un highliner, Balzac se force à regarder ailleurs. Touche finale en traçant un joli sourire, qui au coin des lèvres vient mourir. Rapide transformation, subtil maquillage, c'est bizarre, ça rime avec camouflage. Sa journée peut commencer, Balzac gardera ce secret gentiment partagé, qu'avant d'être une façade, elle était une femme.

Ce matin, Balzac se sent bien. AC/DC dans l'oreille, installé à l'aise. Cofé dans une main, quand le haut-parleur leur balance que pour raison de maintenance leur tube ne glissera pas à fond. Ça râle et ça souffle dans le wagon. Mais ce n'était pas très grave, Balzac aura quelques minutes de rab, avant d'entrer à l'usine, de redevenir un servant de la machine, du système et bouffer de la routine, des engrenages de l'écosystème industriel, bourreurs de fichiers, pour que chaque jour l'inflation, les appâte avec toujours un peu plus de promesses de pognon ! 

Ingénieur de formation, Balzac avait réussi à modifier son contrôleur audio soudé à son os temporal. Il l'avait connecté à un vieil Ipod offert par son grand-père quand il était tout gamin. De cette époque, il se souvenait des histoires de peintres et de musiciens racontées par son ancêtre. Ils se cachaient pour écouter de la musique et regarder des livres de peinture. C'était déjà mal vu à l'époque et c'est interdit aujourd'hui. Les arts et les divertissements servaient alors de soupapes pour éviter les débordements en laissant les hommes rêver de leur liberté. Les artistes, les hommes libres et les originaux étaient alors utiles. Aujourd'hui, l'éducation subliminale mis en place dès la naissance, et les rééducations medpsy imposées par la Compagnie avaient complètement inhiber toute idée non utile, aussi belle soit-elle. Alors les artistes n'ont plus été utiles. Alors, on les a supprimés.

Mais Balzac avait piraté son contrôleur et ce matin il écoute AC/DC. Cette musique l'emporte, lui fait parfois mal à la tête tellement son os temporal vibre au rythme des guitares saturées. Souvent il pose sa tête contre la paroi du tube, ferme les yeux et se laisse emporter par AC/DC. Parfois il somnole, entre deux mondes, errant entre le rêve et la réalité, planant comme un enfant dans les bras de sa mère en fin de soirée. Il rêve bercé par les riffs d'AC/DC. Visiblement Elle ne s'en était jamais rendu compte.

7 heures 48

Un message strident et agressif, indiquant l'arrivée dans les sous-sols de la Compagnie hurle dans les haut-parleurs et réveille Balzac. Il avait somnolé et avait raté le passage à l'entrée de la gare. Il aimait ce passage. C'était le seul endroit où le tube sortait du sol avant d'entrer dans la station de la Compagnie. Parfois il avait la chance de voir le ciel. Le seul moment dans sa journée où il pouvait voir le ciel. Ce matin, il l'avait raté.

Sorti de sa somnolence en sursaut, Balzac coupe la musique et court pour sortir du tube.

8 heures 05

Balzac arrive au sas à l'entrée de la Compagnie. Un medpsy ausculte chacun des employés avant de les laisser entrer. Après un scan il leur attribue une quantité de cofé pour la journée. Ce matin Balzac obtient un peu plus que d'habitude. Il se dirige maintenant vers l'ascenseur, passage obligatoire depuis que la consommation de l'air recyclé est taxée rendant tout effort inutile luxueux. Il chemine par des longs couloirs qui le mènent à son local. Il suit une série de longues baies vitrées qui offrent une vue plongeante sur le loft. Il jette un coup d'œil rapide sur ces alignements de centaines de bulles. Malgré l'heure matinale, beaucoup de bulles sont déjà occupées par des humains, connectés, avalés.

Plus il avance dans ce couloir et plus il sent la pression monter. Ses épaules s'affaissent et son rythme cardiaque augmente. Il est déjà essoufflé. Il sent déjà l'appel du cofé. Pourquoi est-ce que les medpsy n'ont pas réussi à lui corriger cette angoisse, cette anomalie comportementale ? Au moins, depuis quelques années il n'a plus besoin d'aller dans le loft !

Balzac arrive enfin dans la zone des cadres. Il s'installe à un emplacement libre, dans une pièce cubique, faites de murs en béton, sans fenêtre. La pièce est éclairée par des ouvertures dans les murs.

Avant d'attaquer, il décide d'aller prendre une dose de cofé.

9 heures

Première réunion en petit comité avec son équipe rapprochée. Évidemment, Elle, via un kitcom posée sur la table centrale participe au standup. Elle surveille et réagit quand une décision lui déplait. Balzac et ses confrères reçoivent leurs consignes directement dans leur contrôleur temporal. Parfois, la colère d'Elle provoque une douleur, la douleur peut être intense. Elle estime que le standup du jour à rempli sa fonction. Il n'y aura pas de douleur.

9 heures 30

La première réunion de la journée ne s'est pas trop mal passée. Balzac est toujours soulagé après une réunion. Une épreuve de passée. Il déteste parler. Surtout en public. Il déteste être le centre d'attention et donner matière à la critique. Il apprécie cependant les réunions en petite comité, en confiance. Depuis qu'Elle l'a promu à une fonction de niveau III, il doit piloter des groupes importants, trop importants. Il se demande encore pourquoi Elle lui a attribué ce poste ? Cadre ! Maintenant il doit s'imposer à ses collègues et il n'aime pas cela. Il se demande si Elle n'a pas buggé. Au moins, il n'est plus dans les bulles.

Il est temps de reprendre un cofé.

9 heures 47

Cette dose de cofé ne lui a même pas fait du bien.

10 heures 30

Instructions aux managers.

Elle les a tous convoqués dans le grand hall. Elle va leur présenter les derniers résultats de la Compagnie et les nouvelles procédures à appliquer. « Encore des procédures ! » se plaint intérieurement Balzac. Il se demande à quoi il sert entre Elle, une IC, Intelligence Collective, chef d'entreprise, chef de la Compagnie et les employés dans les bulles, matière vivante, matière grise d'Elle. Il se demande à quoi il sert, quand il suffit de suivre les procédures.

La Compagnie est organisée en trois couches et il est écrasé entre celle du haut et celle du bas.

D'abord, il y a les bulles. Tout le monde passe par ce niveau. Certains en sortent et peuvent devenir cadre. Les autres y restent, on les y oublie.

Ensuite il y a les cadres. Ils réalisent toutes les opérations qu'on ne veut pas laisser aux bulles pour raison de confidentialités et prennent les décisions qu'Elle refuse de gérer. Afin d'assurer une vision critique, la Compagnie s'assure qu'aucun point commun décisionnel ne peut être corrompu par les intelligences évoluées ou les intelligences humaines. Les fonctions sont séparées. Les managers se retrouvent donc à travailler sans machine, à remplir des listings à la main, perdus dans des montagnes de paperasse. Balzac se dit que la plupart du temps il ne sait même pas à quoi servent les listings qu'il remplit selon la bonne procédure imposée par Elle.

Travail inutile !

Indépendance apocryphe !

Job Inutile !

La technologie jubile !

Vie inutile !

Balzac n'est qu'un engrenage dans une mécanique qu'il ne comprend plus. Il est sorti de la bulle et a cru gagner de l'indépendance. Finalement il n'est qu'un maillon. Il surveille. Il impose à ses subalternes. Il se voit imposé des actions par un autre supérieur qui lui-même, surveille, impose et se voit imposé des actions par un autre supérieur. Il n'est plus dans la bulle, mais il n'est pas plus libre pour autant.

Et puis il y a « Elle ». Elle est l'IC, l'Intelligence Collective de la Compagnie. Version évoluée des IA du passé, elle se compose d'une série d'Intelligences Artificielles basiques, interconnectées et d'Intelligences Évolutives, dernière génération des IA qui se sont imposées aux IA et aux humains. Elles s'adaptent en fonctions des circonstances et des besoins de la Compagnie. Elle se nourrit surtout des travailleurs des bulles et du travail de synthèse réalisé par l'Intelligence humaine, les cadres.

Balzac ne comprend pas pourquoi son travail ne peut pas être fait par une machine. La fameuse indépendance n'a plus aucun sens. Tout le monde, même Elle, semble avoir oublié la raison de cette indépendance. Tout le monde semble même avoir oublié comment tout ceci fonctionne. Mais ça doit fonctionner si personne, homme ou machine ne songe à changer ce fonctionnement.

12 heures

Elle a terminé de donner ses instructions aux managers. Balzac n'a pas vraiment écouté. Demain les nouvelles procédures lui diront quoi faire. Il pensait à son retour ce soir avec AC/DC qui lui résonne encore dans le crâne.

Balzac n'a pas le temps d'aller manger, il doit préparer une réunion avec des représentants du gouvernement, mi humain, mi IC. Certains projets sont en retard, il doit aller rendre des comptes. Il ne comprend pas non plus pourquoi il doit rendre des comptes lui-même. Finalement il ne décide de pas grand-chose dans cette organisation et Elle lui reproche souvent sa communication de crise embrouillée. Pourquoi Elle refuse d'assumer ces retards et envoie des humains aux casse-pipe ! Soit ! Ce ne sera qu'un mauvais moment de plus à passer et perdre un repas, ce n'est pas important, il a encore des doses de cofé en réserve. Ce matin le medpsy a été concilient en acceptant d'autoriser quelques doses supplémentaires. Malheureusement elles ne l'aident plus à gérer sa nervosité.

Il passe dans le « loft », un hangar immense remplir de centaines de postes de travail. Les employés sont allongés sur le dos, la tête dans une bulle, des écouteurs dans les oreilles et un écran panoramique emplit toute leur vision. Ils sont connectés avec une IA et réalisent toutes les tâches que l'IA ne peut pas réaliser. Les meilleurs en sortiront pour prendre des responsabilités. Ils surveilleront alors les bulles. A l'époque Balzac avait été heureux de sortir des bulles. Il s'imaginait alors pouvoir prendre le pouvoir sur sa destinée et sur ses décisions. Enfin il allait servir à quelque-chose. Mais il avait déchanté. Il avait découvert la vie dans cette société, dans cette Compagnie et il n'y découvrit rien de vivant.

12 heures 10

Arrivée tardive à la réunion.

Évidemment seul contre une armée d'IC et ses politiciens, Balzac ne fait pas le poids. Il essaie de faire bonne figure, d'être sympathique. Mais il se fait dézinguer, au nom de la Compagnie. Elle est là quelque part, il le sent, à écouter, à observer.

12 heures 30

La réunion se termine.

Enfin, elle est passée.

Enfin, Balzac peut aller essayer de se détendre avec un énième cofé. Aujourd'hui il ne les compte plus. Il ne parvient pas à se calmer. Les réunions s'enchainent et son stress augmente. Il sent la présence d'Elle, dans chacun de ses gestes, quand son contrôleur temporal vibre tout doucement, montrant qu'Elle surveille.

12 heures 33

Malgré la générosité du medkit, Balzac a consommé toute sa dose de cofé autorisée. Il sent déjà le manque. Il sent sa température monter. Il a l'impression que sa tête est serrée dans un étau. Les gouttes de sueur perlent sur son front et dans sa chemise.

- Ça ne va pas Balzac ? Lui demande l'employée chargée de distribuer le cofé.

Balzac perd son sang-froid. Il attrape la jeune fille par le bras est essaie de la bousculer pour qu'elle libère le passage. Le distributeur est là, tout près. Il suffit de virer cette conne qui lui refuse une dose. Juste un pas, juste un pas ...

Quand la jeune fille est tombée, une alarme s'est mise en route avertissant Elle de la situation. Immédiatement, Le contrôleur de Balzac se met à vibrer si fort, qu'il a l'impression que se tête va exploser. Ce n'est pas la première fois qu'il subit cette punition, comme beaucoup d'employés. Alors cette fois il tente de résister et continue d'avancer vers le distributeur. La jeune fille au sol lui crie d'arrêter, ça ne vaut pas le coup.

Mais Balzac n'entend rien.

Avant qu'il n'ait eu le temps de se servir le système de sécurité de la machine s'est déclenché et Elle a déjà appelé trois medpsy qui arrivent alors que Balzac donne des coups de poing dans la machine. Deux medpsys le saisissent, le troisième lui injecte un calmant.

14 heures 33

Les medpsys lui ont imposé un break de 2 heures sous perfusion, avec une solution relaxante. En sortant de l'infirmerie, Balzac est redescendu, mais il ne pense qu'à une chose, sa dose de cofé. Mais cette fois il a compris, il va attendre. Ce soir en rentrant il pourra taper dans son stock personnel, acheté au marché noir.

15 heures

À la suite de l'agression de sa collègue, Balzac est convoqué chez son supérieur. Ce dernier veut en profiter pour faire son évaluation trimestrielle. Il sera récompensé s'il trouve une faille chez un de ses subalternes qu'il faudra corriger. Curieusement les punitions les plus sévères sont toujours appliquées par les supérieurs hiérarchiques et pas par Elle.

Ce local est également un cube de béton. Finalement, en termes de confort ils sont tous sur un pied d'égalité. Elle n'a que faire du confort des employés.

- Balzac, tu sais que nous sommes contents de ton travail. Tu es très apprécié par tes équipes et tu maitrises nos procédures. Tu es un véritable atout pour la Compagnie.

Balzac a déjà vécu cette scène maintes fois. Il attend le couperet.

- Portant il faut vraiment que tu apprennes à te contrôler !

- Je suis vraiment désolé pour la serveuse, monsieur, je me suis déjà excusé.

- On s'en fout de la serveuse, Balzac, je te parle de la réunion avec les membres du gouvernement. Tu n'as pas tenu le bon discours ! Ils sont repartis content de t'avoir mis la pression, de nous avoir mis en défaut.

- Écoutez monsieur, je fais du mieux que je peux et je ne suis pas fait pour ce type de réunion. Vous le savez, nous en avons déjà parlé.

- Écoute Balzac, Elle a décidé que ce serait ainsi, alors tu vas changer.

Balzac, commence à perdre ses moyens. Ses pieds tremblent, ses idées deviennent confuses.

- Vous savez bien que je ne pourrai pas. J'ai déjà essayé.

- N'essaie pas ! Fais-le ! C'est tout ! Si tu n'obéis pas il y aura des sanctions ! Tu peux y aller

Balzac a reçu comme un coup de poing dans le ventre. Il est essoufflé et ne sait quoi répondre. Il ne veut pas se laisser faire.

- Je ne pourrai pas changer, dit-il doucement.

Son manager relève la tête.

- Quoi tu es encore là ? Qu'est-ce que tu as dit ?

- Je ne veux pas changer, dit-il plus fort. Je ne veux pas changer, commence-t-il à crier. Je ne veux pas changer, finit-il par hurler.

Son manager s'est levé et empoigne Balzac pour le faire sortir de son bureau. Balzac résiste et le saisit par le cou. Il serre de plus en plus en hurlant qu'il ne veut pas changer. Les deux hommes tombent au sol et Balzac resserre encore son étreint. Sa tête cogne, son cœur bat comme il n'a jamais battu, et Balzac est heureux, vivant, alors que le visage de son adversaire rougit. On aurait dit que ça tête allait exploser. Ses yeux deviennent rouges et doucement se fixent comme s'ils regardaient un point situé derrière Balzac. Et subitement le corps que Balzac tient entre ses mains se ramollit et Balzac sait, que c'est terminé.

Il se relève, le cœur battant.

En sortant du bureau, il aperçoit des gars de la sécurité arriver en courant. Balzac les attend, calmement.

Les gardes arrivent à quelques mètres de Balzac. Le premier sort une arme de sa veste, ajuste Balzac et tire. Curieusement, l'arme fait un bruit strident et agressif ....

7 heures 48

Un message strident et agressif, indiquant l'arrivée dans les sous-sols de la Compagnie hurla dans les haut-parleurs et réveilla Balzac. Il avait somnolé et avait raté le passage à l'entrée de la gare. Il aimait ce passage. C'était le seul endroit où le tube sortait du sol avant d'entrer dans la station de la Compagnie. Parfois il avait la chance de voir le ciel. Le seul moment dans sa journée où il pouvait voir le ciel. Ce matin, il l'avait raté. Mais ce matin, il avait fait un drôle de cauchemar.

Sorti de sa somnolence en sursaut, Balzac coupe la musique et court pour sortir du tube.

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