Dans son canapé, en position foetale, Sarah ne boge pas. Dans dix minutes, il faudra qu'elle se lève pour réveiller Simon et l'emmener à l'école.
Bruit de l'évier qui goutte -faudra appeler un plombier-, odeur forte du café, elle en a bu trois tasses une fois rentrée.
Mains qui tremblent, dans celles-ci un livre: "Cent riens plus un."
Sorti cette année, un joli petit succès, le premier livre de l'autrice Emma Beurnier.
Sarah, une envie de pleurer -décidemment ça la prend souvent en ce moment-, se rend compte qu'elle reste bloquée sur le chapitre trois, déjà rien que pour son titre: "Trop tard".
Elle tourne les pages, lit le dernier passage, c'est bien ce à quoi elle pensait:
"Je comprends, fonce jusqu'à la gare. Mon coeur bat tellement fort, j'ai l'impression qu'il a poussé dans mes oreilles. Jure chou, tu vas pas faire ça ? Tu vas pas me laisser toute seule ? Tu vas pas me lâcher comme ça ?! Chou t'as pas le droit de me faire ça !
Sur le quai, je cherche, tourne ma tête dans tous les sens à m'en faire un torticolli, et j'espère voir une silhouette maigre, des yeux noirs, des cheveux si longs qu'ils foulent le sol, j'espère te voir, chou, je t'en prie me laisse pas ! Je veux te voir, te dire: T'en vas pas ! Être là pour toi, que tu me racontes ce qui ne va pas, qu'on rentre chez moi, qu'on danse n'importe comment, que je puisse te dire enfin que tu sais, chou, je t'aime comme une soeur moi ! Qu'on fasse des putains de cookies au caramel ou tout ce que tu veux du moment que tu ne m'abandonne pas !
J'avance, et bordel, pourquoi je te vois pas ?! Chou j'ai besoin de toi !
Et là d'un coup, je t'aperçois: tu es dans un wagon du train, le frond collé à la vitre, les yeux rougis par les larmes. Le train démarre au moment où tu me vois, et tu t'en vas, mon coeur aussi part dans ce wagon.
C'était trop tard."
Sarah referme le livre, regarde par la fenêtre du salon, des gouttes de pluie font la course, Sarah parit -c'est la plus grosse qui va gagner-, se mord les lèvres.
Il pleuvait ce jour-là aussi, mais cela n'a visiblement pas été précisé dans le livre.
Sarah ferme les yeux, elle pense aux mots:
Trop tard, trops tard, trop tard.
"Emma, pardonne-moi."
Je ne sais pas si c'est un style de littérature (je n'y connais rien malheureusement), mais ce côté phrase sèche, coupée, fait vraiment ressentir l'émotion, dure et cruelle, du moment.
Le passage du livre qui fait écho à sa vie est très réussi (je ne sais pas s'il existe vraiment) et son titre "100 riens + 1" est tellement bien trouvé.
Et la fin fait peur de tourner la page pour lire la suite.
Si tu voulais nous rendre triste, c'est réussi, mais je garde espoir en l'amour maternel...
À très vite, puisqu'il faut vivre...
A très vite j'espère !