« Maman, le chat a disparu, pleurnichait la petite fille en tirant sur le pantalon de sa mère.
– Elle reviendra, ne t’en fais pas. Souviens-toi la dernière fois, elle n’était pas bien loin.
– Mais .. mais ça fait déjà deux jours .. »
La petite fille continue à remuer, devenant de plus en plus inconsolable à mesure qu’elle comprenait que sa maman ne ferait rien pour régler le problème dans l’instant. Son frère restait immobile sur l’autre chaise haute, sagement occupé à manger sa compote.
Les jumeaux avaient quatre ans depuis peu et leur mère avait consenti à leur acheter un petit chat pour leur tenir compagnie. Elle était réticente au départ, n’ayant jamais eu elle-même d’animal à la maison, mais elle aussi avait craqué pour la petite boule de poils. Malgré l’entretien supplémentaire qu’il demandait, l’animal se tenait bien la plupart du temps, était caressant et toujours un peu froussard. Les enfants l’avaient tout de suite adopté. La petite fille surtout le gardait parfois un jour durant tout pour elle si bien que son frère s’en était un peu détaché, à contre-cœur. Il ne voulait pas se mettre sa sœur à dos et puis de toute façon elle ne cesserait de lui demander si elle pouvait le récupérer s’il l’avait pour lui. Comme il n’aimait ni les conflits ni se faire limite hurler dessus pendant des heures, il avait cédé petit à petit. Cela ne l’empêchait pas, quand il était seul, de profiter du chat et inversement. L’animal s’amusait comme un fou avec les quelques jouets qu’on lui avait acheté. Le « petit roi » comme l’appelait la mère des jumeaux avait trouvé un toit aimant. Mais comme tout chat qui se respecte, il aimait faire le tour du quartier, rencontrer ses semblables. Plus il grandissait, plus il devenait aventureux, un peu comme les deux enfants en fait.
Un autre jour passa, le chat roux n’était toujours pas de retour. La petite fille avait réussi à rendre son frère anxieux si bien que leur mère ne pouvait pas les ignorer plus longtemps. Elle était penchée sur les petits lits et n’avait qu’une hâte, rejoindre le sien aussi tôt que possible.
« On ne peut pas partir à sa recherche maintenant, il est tard et nous ne verrons rien. Demain, on ira d’accord ?
– Moui ..
– Mais demain, il sera peut-être encore plus loin ?
– Maman est fatiguée et elle pourrait se perdre dans le noir si elle y va. Vous ne voudriez pas perdre le chat et moi quand même ?
– Non ! répondirent les deux enfants en chœur.
– Alors endormez-vous le plus rapidement que vous pourrez et quand vous vous réveillerez demain, on ira, ça vous va ?
– Oui !
– Bonne nuit mes chéris. »
Elle embrassa leurs fronts, chacun à leur tour, autant de fois qu’ils le demandaient. Cela fait, elle se dirigea vers la porte et éteignit la lumière. La pièce fut plongée dans une obscurité toute relative puisqu’une veilleuse permettait de ne pas laisser les enfants dans le noir complet. Quand elle ferma la porte, une petite voix s’éleva.
« Maman .. est-ce que le chat est parti à cause de nous .. ?
– Non, bien sûr que non, répondit-elle en s’approchant de nouveau. Il a juste besoin d’apprendre à connaître sa nouvelle maison et ses environs. Il explore lui aussi. Vous faisiez cela quand vous étiez petits. Et vous êtes toujours revenus.
– Alors il n’est pas perdu, tout seul ?
– Non, ne vous inquiétez pas. Demain nous le retrouverons. »
Elle leur caressa les cheveux et leur donna de nouveau de petits baisers. Leur mère n’avait pas l’énergie pour faire quoi que ce soit et soupira en pensant qu’elle aurait à se lever tôt pour partir à la recherche du chat le lendemain alors même que le week-end débutait. Ses enfants ne la laisseraient pas roupiller bien longtemps. Elle se demandait parfois d’où ils tiraient toute leur énergie. Les enfants sont bien incroyables parfois !
Effectivement, lorsque la nuit laissa place au jour et que les premiers rayons du soleil entrèrent par la fenêtre, venant éclairer le lit de la dernière dormeuse de la maisonnée, ils étaient là.
« Maman, maman, c’est le matin ! »
Les petits étaient déjà debout depuis un petit moment et secouaient leur mère sans grande douceur. La pauvre n’eut pas d’autre choix que de leur dire, avec un ton encore tout endormi, qu’elle allait se lever et qu’ils feraient mieux de descendre et de s’habiller. Elle soupira encore une fois en se disant qu’au moins elle serait levée et prête à faire tout plein d’activités pour le reste de la journée. Maigre consolation après une semaine si dure mais il faisait beau et elle n’avait qu’à prendre cela comme une promenade matinale.
« Je suis prête. Oh mais je le suis même avant vous ! s’amusa-t-elle à souligner. Tu as encore perdu tes chaussettes ?
– C’est pas moi, elles sont pas là ..
– Normal, les sales vont dans la corbeille. Il faut que tu en prennes de nouvelles chaque jour, dit-elle en lui apportant une nouvelle paire. Voilà qui est mieux.
– Maman, je peux avoir une tresse ?
– Tout de suite. »
Ce n’était pas ainsi tous les matins, fort heureusement. Ils s’apprêtaient de plus en plus seuls maintenant, pas comme quelques mois auparavant. Chaque fois que leur mère y pensait, elle ne pouvait s’empêcher de penser à quel point les enfants, ses enfants, grandissaient vite.
« Tout le monde est prêt maintenant ? »
Elle prit avec elle de quoi boire et manger au cas où ils aient un petit creux. Les jumeaux n’avaient pas beaucoup déjeuné tellement ils étaient pressés de rechercher leur chat dehors.
« En avant. Ne courez pas, vous pourrez vous faire mal. Je ne vous porterais pas ! Et ne criez pas trop fort non plus, vous allez le réveiller s’il dort, compris ? »
Elle eut beau leur donner toutes ces indications, ils n’en firent qu’à leur tête mais elle savait qu’ils seraient sages et n’iraient pas se balader sur les routes. Elle leur avait appris à regarder lorsque les voitures passaient et de toujours écouter, ne pas se fier qu’à leurs yeux.
Le quartier était agréable à arpenter. Sortir pour une autre raison aurait été préférable, évidemment. Le frère et la sœur se tenaient par la main au départ mais bientôt chacun partit de son côté, croyant apercevoir le petit chat, caché dans un buisson ou derrière un arbre. Ils revenaient tout penaud auprès de leur mère qui les laissait un peu chercher à sa place.
Au bout de deux heures à tourner entre les maisons, dans le parc où les enfants profitèrent pour jouer un petit peu, ils n’avaient toujours rien trouvé. Nulle trace de leur chat. La petite fille eut beau demander aux autres chats, en vain. Pourquoi lâcheraient-ils une information si précieuse ?
« Maman est fatiguée, on rentre ?
– Mais .. mais il ne va jamais revenir alors, dis ?
– Je ne sais pas. Je mettrai des petites affiches comme ça tout le monde le cherchera, d’accord ? Tu pourras m’aider à les coller ?
– Oui ..
– Moi aussi ? s’enquit le petit garçon. Il ne voulait pas rester en dehors de cette histoire.
– Bien sûr, répondit-elle en caressant la touffe un peu décoiffée de son fils. Zouh, on rentre ! »
Il fallait maintenant qu’elle pense à ce qu’elle allait leur cuisiner. Avec une balade si longue, ils avaient sûrement très faim – même s’ils ne le montraient pas. Elle les prit chacun par la main, les consolant et les réconfortant. Elle était certaine que leur chat reviendrait.
« Nous mettrons un bol de lait dans le jardin, je suis sûre qu’il aimera ça.
– Oh ! »
La petite fille tendit son doigt potelé vers la grille de leur jardin.
Le petit chat roux se trouvait là, il faisait sa toilette tranquillement. Quand il les entendit venir, il les reconnut immédiatement et miaula. Il avait faim et se demandait pourquoi il n’y avait personne à la maison. Il avait même hésité à repartir pour chercher ses humains. Mais ils étaient revenus d’eux-mêmes. Ils semblaient heureux de le revoir. Lui aussi l’était, il pourrait avoir son pâté !