Aujourd’hui, il ferait chaud. Aucun nuage ne moutonnait dans le ciel d’un bleu uniforme. Aucune barrière ne s’érigerait entre nos nuques et l’implacable soleil. Si j’aimais ce dernier, je supportais mal les fortes chaleurs estivales. La veille, j’avais omis de regarder les prévisions météorologiques ; combien de temps avant que je ne regrette d’avoir enfilé le même jeans qu’aux trois jours précédents ?
Dommage qu’il faille toujours passer du gris cru à l’assommant, ruminai-je en lançant machinalement ma dernière playlist musicale.
La musique éclata comme une bulle dans mes oreilles, me rendant plus doux ce trajet que je n’aimais que moyennement, dans cette ville au rythme trop trépidant au sein de laquelle ma profession qui ne me convenait pas m’amenait à vivre depuis un peu plus d’un an.
En longeant la gare, je contemplai l’énorme bâtiment blanc sous le dôme azur du ciel. Il m’apparut un peu moins sale que d’ordinaire.
Un furieux cri de klaxon explosa quelque part derrière moi.
Dire que je ne me retourne même plus, soupirai-je.
Un embouteillage commençait à se former sur la route que je longeais. Je le dépassais chaque matin. En voiture, j’aurais été plus rapide, mais c’était sans compter l’énorme flux matinal qui s’entassait devant le carrefour terminant cette artère. Le bouchon triplait un trajet pas si long, raison pour laquelle je m’étais astreint de l’avaler chaque jour à pied.
Je toussotai. L’air empestait le pot d’échappement - pratiquement aucune voiture n’était à l’arrêt. Il était pourtant répandu que couper son moteur était plus respectueux pour l’environnement.
Et les piétons, grinçai-je en inspirant le moins possible.
Je venais de croiser une poussette. Tout ce que nous nous imposions ainsi qu’au futur… Je m’interrogeais souvent sur la direction qu’empruntait le monde.
Extirpant mon téléphone de la poche où je l’avais fourré, j’optai pour un autre titre, histoire de me soustraire à cette soudaine morosité. Un autre coup de klaxon retentit. Incisif.
Décidément.
La mélodie déjà bien imprimé dans ma mémoire m’apaisa et je choisis de traverser la large voie pour rejoindre le trottoir d’en face. Je pourrais ainsi couper par mon chemin secret, plus long et peu ragoûtant sur les premiers mètres - je n’osais penser à tout ce que ces deux pans de murs rapprochés avaient épongé au cours des ans -, mais il avait le mérite, après cette étroite portion, de traverser l’un des trois parcs du coin. Ceux-ci étaient bien entretenus ; la ville y investissait volontiers, la plupart de ses électeurs résidant en appartements.
Je regardai sagement des deux côtés de la route avant de traverser sur le passage clouté.
Pas banal.
Un bus jaune mangue, de style Art Déco, était coincé dans la file des voitures vrombissantes. Autant dire qu’il ne passait pas inaperçu. J’avisai quelques jeunes et une personne âgée en train de le prendre en photo.
Je me sentis soudain nauséeuse. Je passai une main sur mon estomac en réfléchissant à ce qui pouvait en être la cause. Rien ne me vint et cela passa.
Le chemin de passe n’était pas loin mais je devais revenir un peu sur mes pas. Dans ce sens, il y avait moins de trafic.
Malgré la musique dans mes oreilles, j’entendis nettement le crissement de plusieurs pneus. Une fanfaronnade de klaxons rugit dans la foulée. Comme tout le monde dans la rue, je regardai autour de moi pour en comprendre l’origine. Je ne cherchai pas longtemps : faisant fi du code la route, le bus jaune mangue changeait laborieusement de voie. J’eus alors mal au cœur. Ainsi qu’à l’arrière du crâne. Je m’arrêtai, inquiète, attentive à ces signaux que m’envoyait mon corps. Le bus parvint à s’engager sur la voie attenante à mon trottoir. Intriguée, je l’observai se garer en le rognant légèrement. La porte sise derrière l’espace du conducteur s’ouvrit en soupirant, laissant s’échapper trois petites marches escamotables. Lorsque la dernière rencontra le sol crasseux, je distinguai une fine brune s’échapper du châssis Art Déco. Alors, je cessai de penser.
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Je n’étais plus qu’une poupée. Une poupée de chair et de tissus.
Je distinguais toujours le ciel, je distinguais les voitures continuer d’avancer tant que le feu restait vert, je distinguais celles qui contournaient sagement le bus provisoirement à l’arrêt et je me distinguais. C’était comme si cette brume s’était momentanément logée à la place de mon esprit, invitant celui-ci à patienter sur le côté. Et que faisais-je sous cette houlette autre que la mienne ? Je me dépouillais. J’abandonnais mon sac, mes écouteurs sans fil et mon téléphone sur le trottoir. Je poussai même le vice d’extirper les mouchoirs en papier et le tube de beurre de cacao glissés dans la poche de mon jeans pour les laisser tomber sur la pile improvisée. Puis, je m’approchai du bus et grimpai les trois petites marches en fer stylisé. À l’intérieur, j’écrasai tel un pantin une épaisse moquette marron jusqu’à l’un des derniers fauteuils libres. Je n’étais pas seule. Mais une fois installée, ce qu’il subsistait de ma conscience fut invité à se mettre en veille. La brume ménagea une petite place afin que mon esprit puisse y reprendre sa place et, en même temps que le bus enclenchait une vitesse pour redémarrer, elle le brouilla à son tour. Ma dernière pensée fut que, pour une personne qui moulinait en permanence mille pensées à la seconde, je me retrouvais, en un battement de cils, aussi vide qu’un mannequin de vitrine.
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Pas grand chose à dire si ce n'est que j'aime la façon dont tu nous amènes à connaître un peu mieux le protagoniste alors juste qu'elle se ballade dans la rue. Et notamment les passages en italique ou tu nous livres sa pensée sans détour.
Je n'ai pas prévu de faire des commentaires juste pour signaler des coquilles, mais celle-là est assez sournoise : "je distinguai une fine brune" => Je pense que c'est une bruMe.
Allez, je continue !
Les pensées en italique sont et seront conservées tout au long de l'histoire :)
Oh :p sournoise coquille, tu es le premier à la relever ^^' C'est comique, comme si elle était passée entre les mailles de tout le monde. Je sais qu'il y a de petites erreurs par-ci par-là, désolée d'avance. Sur écran, je suis moins vigilante. Un jour, j'imprimerai et me corrigerai sur papier. ^^' Quand j'aurai fini x'D
J'ai lu ce prologue il y a quelques jours et je me suis noté en vrac des commentaires à faire. Je commence par ces commentaires factuels et on se retrouve juste après sur un avis plus léger ^^
- "Aujourd'hui il ferait chaud" => problème de concordance des temps : aujourd'hui il fera chaud, mais dans le passé on utilise le conditionnel avec valeur de futur : "ce jour-là, il ferait chaud" (je sais pas si c'est clair, mais en gros aujourd'hui c'est forcément aujourd'hui dans le présent. Si tu veux un aujourd'hui du passé, c'est "ce jour-là")
- "enfilé le même qu'aux trois jours précédents" => "enfilé le même QUE LES deux jours précédents" serait plus correct si je ne m'abuse.
- répétition de "longer" : en longeant la gare/la route que je longeais (c'est un verbe assez peu fréquent en général pour que sa répétition me saute aux yeux, mais c'est pas gênant non plus)
- je m'étais astreintE (si je ne m'abuse ça s'accorde en genre)
- la porte sise derrière le conducteur : je ne comprends pas ce que c'est la porte sise... Un mot manquant à mon vocabulaire ? Une coquille ?
Me revoilà la moi du présent ! Alors, j'ai comme toujours, un peu de mal avec la narration à la première personne, mais c'est le temps de rentrer dedans. Je trouve que ça rajoute beaucoup de parasites et ça me perd dans l'essentiel. Je trouve ça cool que le bus soit "mangue" du coup je ne le vois pas jaune orangé mais en dégradé tropical, c'est drôle.
Sur ce je passe à la suite parce que j'ai pas grand chose à rajouter !
A bientôt au prochain chapitre !
Merci pour ce riche retour <3
- Mmmh... Et dire "aujourd'hui, il allait faire chaud." ? Ca fonctionne ou non avec du futur proche ?
- Merci d'avoir relevé la répétition :D
- L'accord des participes passés des verbes pronominaux, je ne maitrise pas bien. Je devrais reprendre un cours là-dessus... >.<
- la porte sise = la porte située (je me tâte encore à changer... ça chante tout joli dans mes oreilles... ^^')
Pour l'emploi du je, moi aussi j'ai du mal. Mais je l'ai rencontré pas mal dans certaines lectures récentes... C'était un petit challenge.
À bientôt par ici ^^
J'espère que la suite te plaira (des souvenirs du précédent début de roman que tu avais lu..., je crains qu'un perso tout proche ne passe pas. Ou pas. ^^
:D
Bon courage pour ton auto-challenge ^^ j'ai pas encore ce courage !
J'avoue ne pas me souvenir assez de ton roman précédent pour essayer de deviner à qui tu penses ^^
J'aime beaucoup dont tout est amené, et je n'ai pas pu résisté à imaginer les passants autour en voyant Luce tout laisser tomber pour entre dans le bus tel un automate xD J'avoue que cela a un petit côté flippant, mais terriblement prenant par contre !
Je file lire le chapitre 2 !
Hé bien moi je fais partie de ceux qui ont lu avant et je n'avais pas remarqué cet insert. Je trouve que c'est top ! Cela apporte beaucoup, y compris pour la suite. On prend plus le temps de faire connaissance avec le perso principal et en se familiarisant davantage avec le monde dont elle est arrachée on réalise mieux, on investit mieux l'état d'esprit de Luce, je trouve.
En lisant ce passage, (donc en revenant à rebours de l'histoire) je me rends compte que la question du consentement jalonne ce récit par peites touches et de façon différente.
à bientôt !!
Tout à fait pour le consentement.
(Mais, comme toi, je le remarque.)
En y repensant, j'ai bien aimé écrire ce petit chapitre. ^^ Contente qu'il soit validé dans ta lecture.
:)
Je fais donc partie des "nouveaux" lecteurs qui découvrent l'histoire en passant par ce chapitre, et pour le moment, cela fonctionne très bien ! Je ne sais pas ce que ça donnait avant, mais en tout cas ce petit chapitre de rencontre avec le bus mangue est réussi.
C'est bien d'entrer dans l'histoire de façon si franche (oui, ça reste franc - dans le bon sens du terme - malgré ce nouveau chapitre ^^), on rencontre le bus tout de suite ! Et pourtant tu parviens à nous en dire un peu sur l'héroïne, son quotidien, un peu de son caractère aussi (sa petite éco-anxiété), c'est chouette !
J'ai hâte de découvrir de quoi la "moisson" est le nom (c'est vrai qu'il y a un côté HG, mais on se doute bien que tu iras ailleurs, cela ne m'a donc pas dérangé).
Je vais lire la suite ! : )
Merci de revenir si vite par ici <3
C'était encore plus abrupt avant :D
Mais j'aime bien ce passage au final ^^ Contente de l'avoir pondu suite à un retour. :)
(sa petite éco-anxiété) -> J'avais peur que ça dérange... Mais ça brûlait mes petits doigts, c'est sorti tout seul. C'est d'ailleurs ressorti ailleurs. ^^' (Mais on est dans du troisième plan).
Détails et pinaillages :
"dans cette ville au rythme trop trépident" : petite coquille sur trépidant
"Une fanfaronnade de klaxons rugissa dans la foulée." : rugit, non ? (verbe rugir)
"La porte sise derrière l’espace du conducteur s’ouvrit en soupirant" : je trouve l'utilisation de "sise" est un peu surprenante, car il me semble que ce n'est plus tellement utilisé ou alors ça fait très littéraire. Or, ta narratrice, si elle s'exprime parfaitement, n'utilise quand même pas des tournures littéraires. Peut-être que "située" serait plus actuel ?
"Je poussai même le vice d’extirper les mouchoirs" : je dirais plutôt "je poussais même le vice jusqu'à extirper"
"Mais une fois installée, ce qu’il subsistait de ma conscience" : ce qui subsistait, je crois.
Alors, j'avais déjà lu le chapitre suivant avant que tu ajoutes celui-ci et l'enchainement avec le prologue ne m'avait posé aucun problème. J'avais même trouvé assez audacieux le fait de te passer de mise en contexte et de démarrer aussi sec. Mais cet ajout a le mérite de faire monter la tension et de te permettre de développer un peu l'état d'esprit de ta narratrice.
Bref, c'est aussi bien avec ou sans, et de toute façon c'est agréable à lire !
Je reviendrai très vite voir les modifs du chapitre suivant et te faire un commentaire.
A+
Et merci pour cette mine d'or de corrections. (Je rougis des deux premières. Le nez sur l'écran, j'ai vraiment difficile à mettre en place un filtre optimal.)
Je viens d'aller lire un article super intéressant sur "ce qui" ou "ce qu'il". Ce serait un cas de figure laissé à l'appréciation, mais je suis hs et j'ai peur d'avoir mal compris. ^^' J'en lirai un autre pour mon bagage perso quand j'aurai un peu plus les yeux en face des trous.
Merci pour cette loupe qui enrichit mon texte <3.
Il y a peu de modifs dans le début du chapitre 1, j'ai surtout retiré ce que j'ai développé ici.
Au plaisir de tes retours ^^
Heureuse que tu continues à découvrir ce que je tente de correctement extirper de ma tête ;) .
Je n'ai modifié ni l'ordre ni les noms des chapitres, j'ai simplement ajouté celui-ci. J'écris actuellement le chapitre 34, la misère si je commençais à changer la numérotation partout :'[] ^^
Je suis soulagée de ton retour, je cherchai effectivement une transition plus douce. À voir si elle plaira à la majorité. ^^
Merci pour ton retour :)