Entretiens et découvertes...

L'entretien prend 7 années terriennes. Cette fois-ci nous le ressentons, car Dernier Bang tourne à la moitié de notre calendrier.

L'instance responsable de Dernier Bang que nous rencontrons nous apparait très âgée et fatiguée. Ce « Dieu » nous explique que même les instances ne sont pas éternelles. Chaque instance est liée à sa planète. Une instance nait avec le savoir et les outils pour fabriquer son œuvre dès les premières années de sa vie. Ainsi chaque instance nait, grandit et meurt avec sa planète. Nous sommes loin de l'idée d'éternité développée sur Terre. Mais notre hôte ne manque pas de préciser que chaque instance qui meurt renaît avec son expérience et acquiert de nouveaux outils « mis à jour » pour refaire une planète avec les décombres qu'une supernova aura laissés sur son passage.

Il nous explique la chance de « Dieu » en naissant au passage des débris les plus intéressants que Big Bang avait donné à certaines galaxies en mourant. C'est une des clés de sa réussite.

Et l'instance continue longuement en palabres sur « Dieu » et son « génie ». Ce détail nous choque, mais personne ne relève, trop absorbé par le récit qui nous est dévoilé.

Après cette longue discussion, ce « Dieu » nous montre le relevé des espèces humaines présentes sur Dernier Bang. Ce nombre s'élève étonnamment à treize. Notre espèce est la plus jeune. Toutes les espèces existent toujours et sont éparpillées dans différentes galaxies. Ces dernières ont fait attention cependant à ne pas accueillir deux fois la même espèce, si deux planètes pouvaient recevoir de la vie. À notre grand étonnement, nous comprenons que d'autres « humains » partageant les mêmes caractéristiques que nous existent ailleurs dans l'immensité d'Univers.

Le vieil être nous rapporte que l'humain de Terre a eu la vie la plus courte. À ce moment, il pose un regard empli de déception sur notre petit groupe. Cela fait immédiatement réagir Lucy. Voyant cela, l'instance nuance ses propos et les complète en comprenant la situation qui nous a amenés chez lui. Il rajoute la fierté de pouvoir enfin parler à une de ses créations. Lucy se calme, après tout, notre interlocuteur n'a jamais vu les choses que de loin.

Après discussions, l'instance nous amène dans une salle où sont gardées toutes les archives concernant sa planète. Pour se donner une idée, la salle des archives planétaires peut entrer exactement 3,14 fois dedans. Rien ne manque, chaque seconde y est référencée et déjà nous voyons les extensions de la salle se dessiner au loin.

Il nous faut remonter 5 milliards d'années en arrière, lorsque « Dieu » est venu commander un prototype d'humain. Un homme et une femme lui sont donnés. Du nom d'Adam (le nom de son fils) et Ève (parce qu'il adorait ce prénom), ces deux humains tout frais sont placés sur Terre après que « Dieu » ait remplacé les énormes lézards, occupant alors Terre, par des animaux plus doux et plus petits.

L'expérience fut fructueuse et « Dieu » a commandé quatre milliards d'Humains à faire évoluer. Ces premiers hommes avaient une espérance de vie de 25 ans en moyenne. En quatre millions d'années, ils ont poussé la limite à 100 ans pour la plupart et étaient au nombre de onze milliards. Une réussite. Les autres planètes occupées par l'Humain ont donné les mêmes signes de croissance. À la différence près que seule Terre a connu la haine.

Le vieil être lit et se tait. Son regard se perd au loin et son visage s'assombrit. Quelque chose dans ce tableau vient faire tache.

- Ce que les relevés ne disent pas, c'est que votre « Dieu » est venu chercher une seconde espèce quand le stade habilis de votre évolution est arrivé à maturation. « Dieu » est venu chercher une espèce intraterrestre — la première que j'ai créée — au nombre de 100. Assez pour maintenir un petit groupe en vie pendant quatre ou cinq millions d'années. Cette espèce est très habile et résiste à des conditions très rudes. Mais pourquoi avoir fait cela ? Je n'ai jamais eu de retour sur cette espèce...

- C'est insensé ! – Crie Noé, choqué – s'il avait voulu nous éradiquer, il l'aurait fait autrement !

- Il vous faudra aller lui demander... Qu'est donc devenue cette espèce ?

- Nous n'en savons rien hélas – reprends-je – mais nous avons découvert une étrange machine énergétique, probablement responsable de la haine sur Terre.

- Comme c'est terrifiant ! — s'offusque le vieil être – Allez ! Retournez chez vous, ici vous n'êtes plus utiles à présent ! Bonne chance...

Et nous voilà sur le retour. Le passage vers nos instances provoque la même sensation qu'à l'aller. Mais nous n'en faisons pas état de cause, nos esprits sont trop occupés à réfléchir à toute vitesse sur ces sept années d'entretiens.

Maintenant, il nous faut trouver « Dieu » et lui demander des comptes. Mais notre condition nous rattrape. Qui sommes-nous face à lui ? Il est celui qui a permis notre existence en tant que Terrien, le remettre en cause c'est remettre notre légitimité ici-haut en question. La réflexion nous frappe et nous abat. Jusqu'au jour où Léa réagit :

- À quoi bon avoir fait tout ce chemin pour vous lamenter ici ? Votre légitimité ne se trouve plus dans votre existence, mais bien dans la mission qui vous a été confiée. Et ma légitimité s'y retrouve au même plan ! – tonne-t-elle, verte de rage – Il y a une chose sur laquelle on est sur : nous n'étions pas seuls. Il est du devoir de « Dieu » de nous rendre des comptes !

Nous la regardons, ébahis. Tant de colère dans une personnalité si parfaite, façonnée par les instances d'ici haut. Noé n'en est que plus amoureux encore et l'embrasse par surprise. L'effet provoqué chez Léa fait sourire tout le monde. Elle a raison. Il faut agir et rapidement. Plus le temps passe et moins l'avenir de notre planète est certain. Mais « Dieu » reste introuvable. Plus aucun signe de sa part ne parvient à nous. Nous décidons d'aller chercher Adam et de lui expliquer la situation. Il n'en revient pas. Furieux il demande après son père. Sans succès. Noé ose le questionner prudemment :

- Adam, n'existe-t-il pas une rivalité entre votre père et vous ?

- J'en ai bien peur – répond Adam après avoir marqué une pause.

- Cette situation pourrait bien expliquer les agissements de « Dieu » — expose Noé – Adam, c'est bien vous qui vous êtes occupé des humains apportés par votre père non ?

- Affirmatif. Mais où veux-tu en venir ?

- C'est bien simple : vous avez réussi à sa place, vous preniez possession de Terre en faisant si bien évoluer l'espèce humaine. Il a probablement dû réagir par crainte de perdre son œuvre. En plaçant le facteur « haine » sur Terre, il a ralenti l'évolution et il a pu revenir prendre sa place à vos côtés pour vous aider à gérer sa planète.

- C'est insensé ! – clame Adam – jamais je n'aurais pris sa place, tout au mieux je l'aurais accompagné dans son œuvre comme je l'ai toujours fait. Non votre théorie ne tient pas. Je refuse de croire à une telle hypothèse.

- Alors, trouvons votre père et demandons-lui – coupe Lucy, fatiguée. 

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