Alors que je suis sur scène, seul avec ma rédemption et que je montre le chemin à tous les paumés et les maudits de la salle, dans la gare de Tulsa, les ténèbres emportent Sam Wallace. Alors que le monde s’efface autour de lui, un serpent noir s’éveille sous sa chemise et doucement, glisse le long du corps de Sam et en ondoyant sur les vieilles planches de la gare, disparait dans la pénombre.
Au même moment, Jaha Lenna se lève sans un mot, sans un regard. Il repasse derrière le bar de Johnny qui lui ouvre une porte dérobée. Son corps voûté est avalé par l’obscurité du couloir, il est suivi de BOBY et King. Le couloir, entre le Blacksnake et La Grange, paraît long ce soir, plus long que d’habitude.
Au bout du couloir, il pénètre dans La Grange, passant du 31 mai 1929 au 22 mars 1973. La musique est assourdissante. Les pépées se tortillent. La Grange reprend vie.
Jaha Lenna se dirige à sa table, s’assoit et comme à chaque fois, BOBY et King s’installent en face. Jaha Lenna se sert son whisky préféré. Il le siffle cul sec.
Il retire ses lunettes noires et fixe BOBY et King.
– Les gars, allez préparer la bagnole. Nous partons à Woodstock, il va y avoir un petit gars, là-bas, qui joue comme un dieu, oui comme un dieu. Allons voir si on peut faire une légende !
Et il sourit.