Episode 2 (chap 2) : POTK

Par NaL

"-"Planet of the Kongs" hein ?

-Tout juste."

 

Les cinq agents étaient regroupés au centre d'une salle circulaire. La nuit avait été difficile pour Redford, encore décontenancé par l'originalité de sa mission. Il se retrouvait à présent armé jusqu'aux dents en compagnie de quatre camarades aussi déjantés les uns que les autres, à devoir

accomplir des objectifs secrets et insensés. Parfois, il s’attendait à ce que cette petite troupe lui hurle un grand « Surprise ! » en cœur, lui annonçant la fin du canular.

 

« -Gene, réveille-toi le départ est imminent.

-Oui mon Colonel, mais…

-J’écoute.

-On part bien dans une dimension parallèle créée par l’inconscient collectif pour libérer la terre qui a été colonisée par une légion de King Kong géants ?

-C’est bien ça, t’es un vrai petit génie dit donc.

-Ah, euh, très bien merci mon Colonel. »

 

L’agent 05 pouffa, lançant un regard hilare au numéro 12 qui s’autorisa un soupir exaspéré.

Ce dernier dégaina une Camel qu’il alluma d’un trait, se tournant ensuite vers l’agent 40 pour lui en proposer une qu’il refusa poliment, sans un mot. L’homme n’était décidément pas très expressif, ce que ne manqua pas de souligner 05.

 

« -Toujours aussi loquace.

-…

-Hey le géant, c’est à toi que je parle.

-…

-Bon sang, mais tu vas me répondre ? »

 

Numéro 5 commença à s’énerver, mais fut rapidement rappelé à l’ordre par Jones qui pianotait sur sa tablette d’un air ennuyé.

 

« -L’agent 32 a perdu sept dents lors de mon dernier coup et j’ai hâte de battre mon record, ne me tentez pas.

-Oui mon Colonel. »

 

Il stoppa son insolence aussi net, s’arrêtant à quelques mètres de son imposant camarade. Alors que 5 avait tout de la jeune tête brûlée, 40 correspondait avec perfection au stéréotype de la force tranquille. Immense, bien bâti, cheveux longs et regard perdu dans le vide… seul le bazooka accroché à son dos rappelait sa nature véritable, celle d’une machine à tuer employée par l’Agence.

 

« -1968

-Hein ? »

 

L’agent 12, qui s’était jusque là montré lui aussi assez retiré, venait de sortir de sa torpeur.

 

« -C’est la date de la première adaptation de la planète des singes, par Franklin J. Schaffner. Personne ici ne l’a vu ?

-Y’avait King Kong dans la planète des singes ? »

 

L’amateur de cinéma ne prit pas en compte la remarque inculte de l’agent 05, préférant se tourner vers le nouveau membre de l’équipe à la recherche d’une quelconque référence cinématographique.

 

« -Je l’ai vu quand j’étais jeune, un grand classique.

-C’est l’idée que je me fais de ce que nous allons rencontrer. Avec des singes cinquante fois plus grands bien sur.

-On aurait peut-être dû songer à ramener Godzilla, au cas où. »

 

Le Colonel Jones leva un instant les yeux de sa tablette.

 

« Il n’était pas disponible. »

 

Ne sachant s’il devait rire ou approuver silencieusement, Gene Redford se contenta d’observer son supérieur d’un air abasourdi. Quelques instants plus tard, elle rangea sa tablette pour avertir d’une téléportation imminente.

 

« -Tenez vous bien les bolocs, on part affronter du chimpanzé.

-King-Kong était un chimpanzé ?

-Ferme là, 5. »

 

Le sol se mit à vibrer, et une pression abominable vint emplir la salle, accompagnée d’un bruit assourdissant. Plus le bruit se faisait fort, plus la lumière blanche qui occupait les lieux devenait intense, au point que Gene crut devenir aveugle quelques secondes avant que la téléportation ne s’effectue.

 

« Bordel de merde, c’était quoi ça ?! »

 

La nouvelle recrue dégueula son déjeuner, l’estomac retourné par cette expérience franchement peu plaisante. Autour de lui prenait à présent place une jungle dense et immense, peuplée d’arbres aussi gigantesques que les plus grands buildings New-Yorkais.

 

« -Ben alors le bleu, on a du mal avec la téléportation interdimensionnelle ? Ça fait toujours ça la première fois, on aurait du te prévenir de manger léger.

-... »

 

L’agent 40 bouscula la tête brûlée, se dirigeant vers Gene pour l’aider à se relever. Ce dernier accepta avec plaisir l’aide à sa disposition, remerciant son collègue de quelques mots fébriles auxquels il répondit d’un sourire franc. De son côté, Jones appréciait la situation.

 

« La téléportation a bien fonctionné, bienvenue sur la planète des Kongs. Elle ressemble en tout point à la nôtre, mais l’humanité y a été quasi-éliminée. Charmant n’est ce pas ? »

 

La fine équipe commença à s’aventurer dans la jungle, une promenade de santé qui allait s’étaler des heures durant. Parfois, le Colonel Jones sortait sa tablette, y pianotait quelques mots en fronçant les sourcils et redirigeait son équipe vers une direction inconnue. En soit, la mission était très floue, et Gene se contentait jusque là de suivre sans rechigner. L’armée l’avait après tout prédisposé à ce genre de démarches : tant que le salaire suivait, il n’avait pas à se plaindre.

 

« -Hey le nouveau ?

-Qu’est ce que tu veux numéro 5 ?

-Juste sympathiser, on part affronter le singe géant ensemble après tout.

-J’ai du mal à me faire à cette idée étrangement.

-Crois-mois, après quelques temps passés dans l’Agence, tu ne te poseras plus aucune question. »

 

Il se tourna vers l’Agent 12, qui découpait les lianes qui avaient le malheur d’entraver son chemin d’un coup de machette droit et précis, avant de reprendre la conversation.

 

« -Ce gars là, c’est un de nos meilleurs agents. Y’a quelques jours il a affronté un Fantasma à lui tout seul. Tu te rends compte ?

-Je n’ai aucune idée de ce qu’est un Fantasma, mais ça a l’air très impressionnant.

-Je te le fais pas dire. Bientôt il va pouvoir ajouter King-Kong à son palmarès. »

 

L’agent 5 fit en sorte de ne pas être entendu, puis continua la discussion en chuchotant.

 

« -Pour être tout à fait franc avec toi le bleu, ça m’étonnerait qu’on nous envoi libérer une dimension alternative par bonté de coeur. L’Agence veut sûrement mettre la main sur un Kong pour pouvoir l’étudier.

-En quoi est-ce un mal ? Ça m’a même l’air plus simple que la mission d’origine…

-Euh… à vrai dire tu marques un point. »

 

L’homme se gratta hasardeusement la barbe, tentant de détourner le sujet par la présentation de l’Agent 40. Le colosse fermait la marche, le visage vide de toute expression.

 

« -Celui-là, c’est un fou, un vrai fou furieux !

-Il n’en a pas l’air pour être franc.

-C’est une façade. Crois-le ou non, mais il a abattu une meute entière de vampires à lui tout seul. Un vrai barjo.

-Des vampires ? Du genre Dracula ?

-Pire, du genre Twilight. »

 

Il lâcha un rire assourdissant qui ne loupa pas d’attirer l’attention du Colonel Jones, qui manqua de lui décrocher un couteau de lancer entre les deux yeux par réflexe.

 

« -Bon sang numéro 5, fais-gaffe ou je risque d’empaler ce qui te reste de cervelle !

-D-désolé Colonel, je ne pensais pas mon rire aussi communicatif.

-Un rire ? J’ai cru qu’un des singes nous attaquait. »

 

L’affirmation entraîna le ricanement de l’Agent douze, qui tentait de déduire l’heure en observant les quelques rayons du soleil qui traversaient le toit de feuilles intangibles.

 

« -Le crépuscule approche, on devrait poser le camp pour la nuit.

-Bonne idée numéro 12, on s’arrête ici pour aujourd’hui. »

 

Les membres de l’Agence installèrent leurs tentes et commencèrent à vaquer à leurs occupations avec une facilité déconcertante. Gene admirait ce spectacle avec toute l’incompréhension du monde. Le Colonel discutait avec Douze, tandis que l’Agent 5 s’énervait sur une console de jeu dernier cri. Pour sa part, l’Agent 40 écoutait du Queen en observant la forêt.

 

« Incroyable. »

 

Tout en prenant considération de l’univers dans lequel elle était entrée, la nouvelle recrue se tourna dans la direction de l’immense jungle qu’ils avaient parcouru des heures durant. L’endroit était véritablement un autre monde : à côté de cette immense étendue de verdure qui semblait parcourir la surface de la terre sur des kilomètres, l’Amazonie n’était qu’une aire de jeu. Était-ce donc à ça que ressemblait une planète privée de la présence des humains ? The Planet of the Kongs ?

 

« -Redford, bouge ton cul et viens manger un bout, ce sera peut-être ton dernier repas.

-Oui Colonel ! »

 

Les différents membres de l’Agence étaient à présent réunis autour d’un feu, occupés à se raconter des histoires de mission tout en dégustant une nourriture militaire au goût immonde. La nuit était tombée entre temps, transformant la jungle luxuriante en piège mortel.

 

« -Et là bam, j’ai vidé le chargeur dans le coeur du Fantasma. Cet enculé n’a pas survécu.

-T’as oublié de préciser le moment où on est venu sauver ton jolie petit cul.

-J’y arrivais Colonel... »

 

La discussion battait son plein, quand un étrange bruit métallique perça le silence de la jungle.

 

« -Qu’est ce que c’était ?

-Le walkman de l’Agent 40 non ? »

 

Ce dernier réfuta la théorie d’un signe de tête, bien que le bruit métallique se répéta, plus fort encore, venant mettre un terme à la discussion.

 

« -Agent 12, passe moi mes lunettes thermiques !

-De suite, mais le bazooka serait peut-être plus avisé. »

 

La milice se prépara au combat, tandis que le Colonel Jones scrutait les environs d’un air inquiet.

 

« -Putain je vois rien, si quelque chose approche de nous, c’est clairement pas organique !

-J’ai jamais été très fort en biologie, mais il me semble que les singes sont des créatures organiques ?

-Bien vu numéro 5, heureuse de voir que tu peux te servir de ton cerveau de temps en temps.

-Ça sent le sarcasme. »

 

Un rictus au lèvres, l’homme arma sa mitrailleuse en direction du bruit, qui s’était soudainement arrêté.

 

«OH MERDE, TOUS AUX ABRIS ! »

 

Jones se jeta sur le côté, suivie du reste de sa troupe qui s’empressa d’écouter son conseil. Un énorme rayon rougeoyant rasa leur emplacement initial, ne laissant qu’une traînée de cendres et une chaleur étouffante dans son sillage. Gene regardait la scène abasourdi, tenant fermement son AK-47 de ses mains tremblantes tout en tentant difficilement de s’exprimer.

 

«-Bordel Colonel, c’était quoi ça ?!

-Kong... »

 

Elle pointa du doigt le long couloir enflammé que venait de tracer le rayon laser. A son extrémité, un bon kilomètre, on pouvait apercevoir une imposante silhouette métallique aussi haute qu’un gratte-ciel, peut-être plus. La créature était faite d’acier, un véritable robot géant.

 

« -J’ai pas signé pour ça.

-Bienvenue dans l’Agence Redford. »

 

Elle cracha au sol avec fureur.

 

« Les gars on y va, on a du singe robot géant à buter ! »

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