Le Temple Maudit
Chap 5
A l’intérieur du temple, dans la bibliothèque.
Nila marchait dans la bibliothèque, mais quelque chose clochait. Vu que le temple était vieux, elle s’était attendue à une vieille bibliothèque, d’accord, mais là c’était vraiment antique. Il n’y avait d’ailleurs pas de livre, mais que des manuscrits enroulés. Elle en prit un et prit la feuille entre ses mains.
- On dirait du papyrus… Ces satanés moines et leurs besoins de paraître antiques et vénérables… Ils abusent. Un peu de modernité ne fait pas de mal.
Voyant qu’il n’y avait rien d’intrigant dans la bibliothèque, elle entreprit de faire un tour dans le temple.
Au fur et à mesure qu’elle marchait, elle devenait de plus en plus confuse. Le temple ne ressemblait pas à celui qu’elle avait visité la veille. Il paraissait beaucoup plus rustique. Elle traversa la salle où les moines priaient, mais elle était beaucoup plus petite que ce que Nila avait vu. Elle ressemblait à une espèce de grotte. L’agente s’arrêta pour réfléchir à ce mystère lorsqu’elle entendit des bruits de pioche à l’extérieur.
Elle sortit du temple et vit une scène invraisemblable. A la place de l’entrée par laquelle elle avait pénétré le temple la veille, il y avait une dizaine d’hommes qui sculptaient la roche à la lumière de torches enflammées. La magnifique entrée ornée de bouddhas avait disparu. Ils s’arrêtèrent tous pour la regarder. Certains poussèrent des cris en désignant sa peau.
- Oh ça va, vous avez déjà vu des noirs. Au moins Will Smith ?
Elle les regarda s’éparpiller, pris d’une peur panique. Nila se prit le menton entre les mains et fronça les sourcils. Elle se retourna pour observer ce qu’ils étaient en train de faire. Ils sculptaient des statues d’hommes-lions. Son cerveau fila à toute vitesse. Elle leva soudainement la tête pour observer les étoiles.
- Pas les mêmes constellations…
Elle baissa la tête pour regarder les statues. La tête du lion sembla lui rendre son regard.
- Un homme à tête de lion… Comme dans la préhistoire… Un boucle temporelle ? Mais pourquoi suis-je la seule à m’être déplacé dans le temps… Est-ce que…
Nila empoigna son wakizashi et le brandit en l’air. Elle ferma les yeux et se concentra. Ce sabre avait appartenu au grand Miyamoto Musashi. Ce-dernier avait été autant un grand guerrier qu’un grand sorcier.
Nila trancha l’air. Une fissure apparut dans l’espace, dégageant une grande lumière.
Les sabres de Musashi pouvaient découper la réalité.
- Ah ! Un nœud de réalité ! s’exclama Nila. Je le savais !
Elle bondit dans la fissure juste avant que celle-ci ne se referme.
A l’intérieur du temple, dans la bibliothèque.
Arthur regarda Nila surgir de la fissure avec de grands yeux ronds. La fissure se referma dans un grand bang supersonique.
Nila atterrît sur ses deux pieds.
- Nila ! Attention ! Ce putain de truc est télékinésiste ! hurla Arthur en pointant du doigt le moine.
L’agente braqua son regard vers l’ennemi. Les tentacules se dressèrent comme des cobras. La bête émit un puissant son strident. Ni une ni deux, Nila envoya son wakizashi droit dans la bouche béante. Les tentacules se replièrent sur elles pour se protéger mais le sabre s’enfonça en elles comme dans du beurre. Nila avait lancé l’arme de toute sa force. Le moine fut projeté dans les airs et alla cogner contre un mur. Le son qu’il produisait fut coupé sec. Nila s’approcha calmement du corps et retira son sabre. Le moine s’écroula par terre.
- Je lui ai bien cloué le bec, dit-elle avec un petit sourire narquois.
- Putain, mais comment t’as fait ? Même avec mes deux tomahawks j’ai pas réussi à l’avoir, demanda Arthur.
- Ce sabre a appartenu à Miyamoto Musashi. C’est une arme légendaire de classe A, rien à voir avec tes joujous, sans vouloir manquer de respect à Crazy Horse. Mais c’est que l’amérindien n’évoluait pas dans la même catégorie que le japonais. Tes armes sont en fait de catégorie B.
- Comment ça se fait que tu ais une arme légendaire de classe A et que tu fasses encore des missions de terrain ?
- On a d’autres chats à fouetter, Arthur, fit Nila en essuyant son sabre.
Arthur récupéra ses tomahawks et Nila entreprit de soigner sa blessure à l’épaule avec le kit santé qu’elle avait.
- C’était quoi cette lumière blanche Nila ? T’es sorti d’où ?
- D’une autre réalité, répondit-elle. On est coincé dans un nœud de réalité.
- Un quoi ?
- Imagine-toi la réalité comme une nouille longiligne qui s’étend à l’infini. Parfois, cette nouille se divise en plusieurs fils, comme si on la découpait avec un couteau très fins. Ces fils forment des boucles qui s’entremêlent. Des espace-temps entremêlés. Un nœud de réalité.
- En somme, on a été éjecté de la vraie réalité. Mais qu’est-ce qui a causé ça ? Quand j’ai rencontré l’autre taré à tentacule, ma vision s’est brouillée plusieurs fois et à la place du Bouddha, je voyais la statue d’un homme à tête de lion. Je pense que c’est lié.
- Hmm… J’ai vu quelque chose dans le genre dans ma réalité. L’homme-lion. C’est quelque chose de très vieux et d’universel. On retrouve des statues à son effigie dans la préhistoire, mais également dans des civilisations plus récentes, comme le Sphinx pendant l’Egypte antique.
- Un ancien dieu ? On va pas se battre contre un dieu quand même.
Nila vérifia le pansement qu’elle avait fait et, satisfaite de son travail, se releva. Elle rangea le sabre dans son dos.
- Je ne sais pas… Mais en tous cas, il faut une énorme puissance pour nouer la réalité. On est pas du tout préparé à gérer ça. Il faudrait une équipe de dix agents au moins. Mais c’est pas grave, on va s’en sortir. On est les meilleurs pas vrai ?
- My man ! Qu’est-ce qu’on fait maintenant chef ?
Nila regarda le moine et ses tentacules.
- Pour se sortir d’un nœud de réalité, il faut trouver la clé. Mais avant, il faut qu’on aille secourir Nubur.
A l’intérieur du temple, dans la bibliothèque.
Nubur ne se souvenait plus vraiment comment il avait atterri ici. A vrai dire, il ne se souvenait plus de grand-chose. Son esprit était vaseux. Il ressentait des émotions puissantes qui le poussait à marcher, à chercher, à chasser. Il avait faim. Il avait très faim. C’était l’émotion qui le torturait le plus. Il évoluait dans un monde flou, comme si la réalité si nette auparavant s’était diluée dans de l’aquarelle. Il avait aussi l’impression de moins bien voir qu’avant, mais y avait-il eu un avant ? Plongé dans la mélasse de son esprit, il semblait ne voir que des jeux d’ombres et de lumières. Il distinguait néanmoins les formes. C’était comme ça qu’il avait entraperçu une forme mouvante devant lui. Deux bras, une jambe, une tête. Parfait. Un lion avait rugi dans un coin de son esprit et il avait senti sa bouche s’écarter, il avait senti ses nombreuses dents s’entrechoquer. Il avait bondi.
Ah ça il s’en souvenait, il se souvenait de la chasse. Mais sinon, il ne savait pas ce qu’il faisait ici. A part qu’il mangeait quelque chose de bon. Une main.
Un bruit attira son attention.
Il tourna la tête. Il percevait une petite forme à quelques pas de lui. La forme d’un enfant. Cette forme lui rappelait quelque chose. Au fin fond de son être, une voix couvrit le grondement du lion. La voix disait : « N’guyen ».