L’AGENCE
Le Temple Maudit
Chapitre 6
A l'intérieur du Temple.
Nila et Arthur exploraient les allées sombres du temple d'un pas déterminé. Les lieux semblaient changer au grès de leur avancée : tantôt rudimentaires, ils devenaient plus sophistiqués l'espace de quelques minutes, avant de reprendre leur forme initiale. La technologie fonctionnait hasardeusement dans le nœud de réalité, comme en témoignait l'état des téléphones qui s’éteignaient ponctuellement. De rage, Arthur finit par jeter le sien contre un mur. Le smartphone s'y explosa dans un bruit sourd, sous l’œil affairé de Nila.
- Arthur, si tu connaissais le prix de ces engins...
- Je n'ai pas besoin d'un téléphone cassé, grogna-t-il.
- Ils ne sont pas vraiment cassés, c'est juste le nœud de réalité qui dérègle tout.
- On peut vraiment joindre personne, hein ?
- Tout juste, impossible de contacter l'Agence pour le moment. Et quand bien même on arriverait à les joindre par miracle...
- Les renforts mettraient des jours à nous trouver dans ce merdier de réalités, termina Arthur.
Les deux agents s'échangèrent un regard consterné. Ils se posèrent un instant, histoire de faire le point sur la situation : leurs pérégrinations aveugles ne menaient visiblement nulle part. Arthur pointa la sabre de son amie, l'air intrigué.
- Nila, tu peux pas nous retrouver le chemin avec ton arme ?
- C'est plus compliqué que ça. Pour faire court, mon sabre peut ouvrir des passages entre les différentes réalités. Mais cela ne servirait à rien d'avancer sans but, le nœud en contient trop.
- Fuck ! Du coup on continue à avancer à l'aveuglette jusqu'à trouver cette clé ?
- Tout juste. Elle peut prendre différentes formes, mais tu la reconnaîtras quand tu la verras. C'est difficile à expliquer, mais la réalité se brouille autour de la clé.
- On est bien avancés, siffla le colosse.
Le duo continua de fendre les ténèbres durant ce qui sembla être une éternité, avant de se retrouver dans la grande salle de prière où il avait pénétré la veille. Bouddha y trônait, impassible. L'endroit était calme comme la mort. Aucune âme qui vive, ni aucun monstre d'ailleurs, ne semblait fouler le sol du temple maudit. Nila s'approcha de la statue géante, son wakizashi en mains. Elle l'examina minutieusement tandis qu'Arthur aiguisait ses tomahawks avec toute la concentration du monde.
- C'est bien dommage que mes tomahawks n'aient pas de pouvoirs magiques.
- Tu sais Arthur, les armes légendaires de catégorie A sont extrêmement rares, et puis tes tomahawks sont quand même chargés d’énergie, même si ce n’est pas aussi fort que mon sabre, murmura Nila tout en continuant d'examiner la statue.
- Certes, mais je tuerais pour un bon cheeseburger. T'imagines si les tomahawks avaient le pouvoir de faire apparaître des cheeseburgers ? My man, ce serait énorme !
L'homme jeta un regard curieux à ses armes, et commença à les tapoter entre elles jusqu'à ce qu'un flash lumineux l'interrompe dans son action.
- Nila, ça marche !
- C'est moi espèce d'idiot, je viens d'ouvrir un portail ! s'esclaffa-t-elle amusée.
- Mince, tant pis pour les cheeseburgers. T'as trouvé une piste ?
- Pas vraiment, mais cette statue a l'air d'être ici depuis un moment. Cela dit, Bouddha n'est pas le seul à être vénéré dans ces lieux, comme on a pu le constater.
- L'homme lion.. j'ai vu la statue de Bouddha prendre sa forme dans la bibliothèque.
- J'ai recherché la réalité la plus ancienne possible, et je pense avoir ouvert un portail vers l'origine du temple. Cela nous permettrait d’atterrir à une époque où l'homme lion était encore vénéré.
- My man ! Tu peux contrôler tes portails ?
- Pour être tout à fait franche, c'est laborieux. Croisons juste les doigts pour que ça ait fonctionné. On aura plus de chances de trouver la clé la-bas qu'ici.
- Ok, alors en avant !
Arthur se releva d'un trait, et s'avança vers l'endroit où son amie avait tranché la réalité. Au milieu de l'espace flottait une espèce de faille multicolore, que Nila pointa du doigt.
- Tu fonces dedans, et tu te prépares éventuellement à la bagarre. Compris ?
- Foncer en me préparant à la bagarre, c'est l'histoire de ma vie.
- Alors go, je suis juste derrière !
Le duo s'engouffra dans le portail.
A l’intérieur du temple, dans la bibliothèque.
Nubur scruta le petit N'Guyen. Que faisait-il ici ? C'est trop dangereux, l'endroit grouille de monstres ! Vu le visage horrifié de l'enfant, il avait d'ailleurs probablement déjà rencontré une de ces abominations. Sans Nila ou Arthur pour le protéger, sa survie s'annonçait compliquée. Nubur se décida à aider l'enfant, mais ce dernier se mit soudainement à hurler de toutes ses forces, terrifié. Il fit volte-face avant de s'enfuir hors de la pièce en courant comme un dément. Nubur resta inerte, sans un mot, puis continua son repas. Son esprit était flou. Que se passait-il ici ? Réfléchir lui était devenu trop compliqué. A présent, seule la faim dominait ses actions. Son attention se fixa sur un petit objet qui jonchait le sol. L'artefact avait visiblement appartenu au pauvre malheureux qui venait de se faire dévorer. C'était une relique métallique aux formes irrégulières, autour de laquelle l'espace semblait se déformer. Curieux, le guide tendit la main, et sa vision se brouilla au moment même où ses doigts difformes atteignirent l'item. En un instant, il n'était plus nulle part. Autour de lui s'étendait un vide infini, dénué de lumière ou d'obscurité. Soudain, un rugissement retentit depuis les tréfonds de sa conscience. Le vacarme se fit plus assourdissant, et commença à prendre une forme compréhensible jusqu'à former des mots clairement audibles. La voix mystérieuse avait un ton impérial, et Nubur sut instinctivement qu'il était de son devoir de lui obéir.
- Mon enfant, tu as retrouve la clé.
- Qui est-ce ? Qui me parle ?
- Je suis le commencement et la fin. J'existe depuis des temps immemoriaux, et mon essence subsistera par dela l'eternite. Je suis depeint sous de nombreuses formes, mais tes semblables me representent comme le dieu lion.
- J'ai du mal à comprendre, que me voulez-vous ? Je ne suis qu'un simple guide, je n'ai rien qui puisse vous intéresser...
- Tu as deja reçu ma benediction, tu es mon enfant a present. Ton existence transcende celle des autres etres vivants. Tu es plus fort, plus rapide, et tu me serviras a jamais. Tel est ton destin.
- Mais je ne veux p-
Le rugissement se fit assourdissant, et une douleur intense traversa les sens de Nubur. Il n'avait pas d'enveloppe physique, mais sa conscience même semblait brûler à vif en cet instant. Après quelques longues secondes, le rugissement se fit moins présent, et l'entité recommença à former des mots distincts.
- Mon enfant, tu as retrouve la cle. C'est un artefact tres important, qui m'avait ete derobe par des impies. Ils ont paye pour ça.
- Comment ça ? L'attaque sur le temple, c'était vous ?
- Cette montagne m'appartient. J’y reside depuis toujours, et j'y residerai toujours. Les impies et leur faux-dieu ne sont qu'un simple contretemps. Ils ont ose s'approprier ma demeure, mais ils ont payé. A present, tout comme toi, certains me servent pour l'eternite.
- Tous ces morts, toutes ces horreurs pour une simple clé...
- Ce n'est pas qu'une simple cle, mon enfant. au sommet de cette montagne se croisent une infinite de réalites. J'ai decide de m'y reposer, eloigné a jamais de l'odeur pestilentielle des hommes. Cette cle est destinée a mes plus fideles serviteurs, elle leur permet de naviguer librement entre les realites. Elle contient une infime fraction de mon pouvoir, et n'avait rien a faire entre des mains impies.
- Et qu'est ce que je dois en faire ?
- Je vais t'envoyer aupres de mon heraut, Xyz. Tu lui confieras la cle. Des intrus ont pris d'assaut mon territoire : il ne faut pas qu'elle tombe entre leurs mains.
- Des intrus ? Nila et Arthur ?! Mais ce sont mes amis, je-
Une nouvelle fois, le hurlement se fit assourdissant et la douleur insupportable. Nubur ne sentait rien d'autre qu'une souffrance tenace, qui se transforma rapidement en une faim terrible. Il avait envie de chair fraîche, à présent rien d'autre n'importait. Nila et Arthur ne représentaient plus rien pour lui.
- Je suis prêt à vous servir, Maître.
- Bien, mon enfant. Xyz est deja parti a la recherche des intrus. Tu le rejoindras, tu lui donneras la cle, puis tu l'aideras a se debarrasser d'eux.
- Ai-je l'autorisation de les dévorer, Maître ?
- Ils sont forts. si ma benediction prend possession de leur essence, ils deviendront de fideles serviteurs. Mais si ils refusent mon don, tu pourras les devorer.
- Entendu, Maître. Je vous remercie pour votre bonté.
- Va, mon enfant. Trouve Xyz et chargez vous des intrus.
Le rugissement se fit moins présent, et lentement, la vision de Nubur se troubla. Il sembla flotter entre les réalités un instant, avant de reprendre une apparence physique propre. A présent, son objectif était clair.
A l’intérieur du temple, salle des prières.
Arthur planta son tomahawk dans le crane d'un des monstres difformes, provoquant une importante effusion de sang. Non loin de la, Nila se débarrassait non sans mal des créatures qui l'encerclaient. Les agents finirent par se retrouver dos à dos, entourés par les monstruosités qui continuaient d'arriver en nombre.
- Quel bordel, ça n'en finit plus, grommela Arthur.
- Estime toi heureux, on a pas encore vu de télékinésistes.
- On est à peine sortis du portail qu'ils nous tombent dessus en masse...
- Oui c'est étrange, confirma Nila. A croire que notre présence a été repérée.
- Bon, on les allume au flingue, puis on réfléchit après.
Il dégaina ses automatiques, et commença à tirer dans le tas pendant que Nila en faisait de même. Ils enchaînèrent les chargeurs jusqu'à ce qu'un épais tas de cadavres vienne recouvrir le sol ensanglanté du temple. Derrière eux, une imposante statue représentant l'homme lion trônait, impassible. Le bouddha géant n'était pas encore venu remplacer l'édifice dans cette réalité.
- Nila, fais gaffe !
Un imposant amas de pierres fendit les airs en direction de Nila, qui l'esquiva de peu. Elle n'eut pas le temps de remarquer la seconde volée de pierres qui la faucha aux jambes, l'envoyant valser au sol le souffle coupé.
- Umpff !
- Relève toi, les télékinésistes rappliquent !
Arthur dégaina une grenade fumigène qu'il jeta aux assaillants, bloquant leur champ de vision. Nila se releva avec difficulté, puis brandit son sabre avec détermination. Le nombre de monstres commençait enfin à diminuer, mais l'arrivée des télékinésistes rendait le combat plus ardu. Elle serra les dents.
- Je me charge de ces salopards, occupe toi des autres.
- Oui chef !
Ignorant la douleur lancinante dans ses jambes, la guerrière s'élança d'un bond à travers la fumée, tranchant d'un geste vif le premier monstre qui eut le malheur de croiser son chemin.
- Et de un !
Continuant sur sa lancée, elle faucha deux autres créatures qui avaient été surprises par l'attaque. Visiblement, leur vision déjà mauvaise n'avait pas été arrangée par la fumée.
- Et de trois !
- Déjà huit de mon côté, précisa Arthur au loin.
- Cela ne compte pas, les tiens sont moins forts !
- Oui mais moi, je n'ai pas de sabre magique ! S'indigna Arthur.
Ils reprirent l’assaut, jusqu'à réussir à réduire distinctivement le nombre de monstres. Il n'en restait à présent plus qu'une dizaine. Nila se chargea avec vélocité des derniers télékinésistes tandis qu'Arthur tranchait la tête de son adversaire d'un coup vif de tomahawk. Il ne restait à présent plus qu'un seul télékinésiste. La femme au sabre se lança dans sa direction, esquivant habilement les projectiles qu'il lui lançait. Le monstre fit un geste rapide de la main, créant une impressionnante onde de choc. Elle eut à peine le temps de se jeter à terre, glissant sur quelques mètres avant de se relever face à sa cible.
- Nila, baisse toi !
Le tomahawk d'Arthur fendit l'air pour venir s'enfoncer dans la tête du dernier télékinésiste, qui tomba raide mort au sol. L'agent s'approcha un sourire aux lèvres, et retira son arme du crâne enfoncé de sa victime dans un craquement sinistre. Il était couvert de sang, un vrai sauvage.
- Avec celui-là, et en les comptant tous depuis le début, ça m'en fait quatre-vingt-neuf tout rond.
- Celui-là est invalidé, tu me l'as piqué. Et vu que les télékinésistes sont plus forts, ils comptent double. Ce qui me fait un total de cent-vingt.
- Fuck ! gronda Arthur, indigné.
- C'est pas grave, tu t'en sortiras mieux la prochaine fois, s'amusa Nila.
- Le sabre magique, c'est de la triche ! Moi aussi je veux une arme légendaire de catégorie A !
- Je suis sure que l'Agence sera ravie de recevoir ta requête quand on sera sortis de ce merdier.
- J'espère qu'ils ont en stock un sabre magique qui fait apparaître des cheeseburgers, parce que j'ai toujours autant la dalle.
Ils échangèrent un rire franc, avant de se recentrer sur la situation. Les ennemis avaient tous été vaincus, mais aucun n'avait laissé tomber un quelconque artefact s'apparentant à une clé. Soudainement, un sifflement sonore se fit entendre. Quelqu'un venait de pénétrer dans la pièce.