L'Agence
Le Temple Maudit
Chap 9
A l'intérieur du temple.
- Ils devraient arriver d'ici quelques heures. En attendant, reposons-nous.
- Dans mon état actuel, ce n'est pas vraiment comme si j'avais le choix, cracha Arthur.
Le temple avait retrouvé son calme sempiternel. Arthur s'était endormi tandis que Nila veillait dans un coin de la chambre, la main serrée sur la garde de son sabre. Dans l'état actuel, une attaque ennemie aurait été malvenue, mais les ordres de Zéro avaient été clairs, il fallait attendre l'arrivée de l'équipe de secours dans le temple même. Nila pensa au pauvre Nubur, transformé en abomination après s'être engagé dans une aventure qui le dépassait. Un maigre espoir traversa son esprit lorsqu'elle se remémora sa dernière rencontre avec le guide, qui lui avait permis de s'échapper in-extremis. Toutefois, en raison des conséquences de son geste, Nubur avait probablement été sévèrement réprimandé. En partant du principe qu'il n'était pas déjà mort.
- Merde, désolé Nubur.
- Grmf, grogna Arthur en faisant tomber sa couverture.
Alors que Nila s'approchait pour la ramasser, un puissant flash lumineux illumina la pièce, accompagné d'un vacarme assourdissant. Les murs se mirent à trembler, et la guerrière s'empressa de dégainer son arme en direction de la fenêtre d'où provenait le bruit. Arthur se réveilla soudainement, alerté par l’événement imprévu.
- Les poules, elles sont de retour !
- Calme-toi Arthur, la cavalerie est arrivée.
- Hein ?
Le boucan se calma progressivement, et la lumière devint moins forte. Nila rengaina son arme, un sourire aux lèvres, et se dirigea vers la fenêtre qu'elle ouvrit d'un trait. Les uns après les autres, quatre hommes entrèrent dans la pièce. Ils étaient vêtus d'habits militaires noirs, et transportaient avec eux d'imposantes valises en acier renforcé. Une fois qu'ils furent tous entrés, l'un d'entre eux s’avança vers Nila et lui tendit la main d'un geste décidé. Il était grand et bien bâti, on lui trouvait des airs de Denzel Washington.
- Un plaisir de te revoir, Nila.
- Le plaisir est partagé, Douze. Le Colonel Jones n'est pas avec toi ?
- Malheureusement non, le devoir appelait le Colonel Jones ailleurs. C'est moi qui serait en charge de l'équipe pour cette mission. J'ai cru comprendre que vous avez eu...
- Quelques complications, soupira Nila en jetant un coup d’œil à Arthur.
L'agent douze fit signe à un de ses subordonnés de s'occuper du colosse. L'homme acquiesça, et se dirigea vers son patient d'un pas enjoué. Il ouvrit sa valise pour en sortir une grosse seringue remplie d'un liquide verdâtre et pâteux, qu'il s’apprêta à administrer.
- My man, tu fous quoi là ?
- Je te soigne Monsieur le gorille, ne t'inquiète pas ça fait pas mal.
- T'as vu la taille de l'aiguille ? Je vais très bien, j'ai pas besoin de ce truc !
- C'est le dernier modèle de sérum de régénération mec, fais pas ton fragile !
- Pas faire mon fragile ? T'es qui pour me dire ça mon gars ?
- Je suis l'Agent numéro Cinq, sombre débile !
Arthur le dévisagea d'un air mauvais.
- Tu m'auras pas, ces numéros ne correspondent à rien.
- T'es jaloux car tu n'as pas de numéro, crétin.
- Tu m'énerves le nain, je vais te faire ravaler tes insultes !
Il tenta de se lever de son lit d'un geste brusque, mais une soudaine douleur le plaqua au matelas. Les nombreuses blessures infligées par Zyx étaient toujours présentes, quoi qu'en dise Arthur. L'agent Cinq profita de ce moment de faiblesse pour enfoncer sa seringue dans le torse du blessé, et il ne fallut qu'une seconde pour déverser son contenu. Soudain, Arthur devint verdâtre et commença à enfler, parvenant difficilement à articuler quelques jurons. Numéro Cinq regarda sa seringue vide avec consternation.
- Mince, j'espère que c'était le bon sérum.
- Gnouf Oiré, souffla Arthur.
- Si tu n'as pas explosé d'ici un instant, ça devrait s'arranger, enfin j'espère.
Quelques temps plus tard, Arthur retrouvait sa couleur habituelle, et se levait en lâchant un rugissement bestial.
- Je suis de retour !
- Heureux de te voir en forme le gorille, tu n'as plus besoin de tes bandages à présent.
- Merci le nain, viens là que je t'embrasse !
Le colosse souleva son interlocuteur à quelques centimètres du sol dans une embrassade virile, avant de le reposer d'un coup sec. Il jeta un coup d’œil à l'agent douze.
- Bon maintenant que je suis requinqué, on fait quoi ?
- Calmos, on va y venir, mais avant, on a du matos pour vous.
Il fit signe à un de ses collègues, qui s'approcha en traînant nonchalamment une énorme valise métallique derrière lui.
- Salut, moi c'est Gene. On m'a chargé de vous remettre ça.
- T'as pas de numéro toi non plus, constata Arthur.
- C'est car je suis nouveau dans l'équipe du Colonel Jones.
Il grimaça l'espace d'un instant.
- Pour le meilleur comme pour le pire, je suppose.
- Et le grand type qui parle pas, c'est qui ?
- Lui c'est numéro Quarante, il est pas très loquace mais c'est un bon gars.
Le géant, isolé dans un coin de la pièce, adressa à Arthur un discret signe de tête. Gene en profita pour déverrouiller la mallette qui se voyait protégée par cinq combinaisons chiffrées ainsi qu'un lecteur d'empreintes digitales. Une fois le cliquetis final attestant de la réussite de la démarche, l'agent ouvrit la valise avec prudence : il s'en dégagea une épaisse fumée blanchâtre qui cachait le contenu. Nila s'approcha, attendant avec impatience de voir quelle arme secrète leur avait envoyé Zéro.
- J'espère que c'est une arme légendaire.
- Si c'est le cas, je la prends, s'imposa Arthur.
- C'est peut-être ton sabre magique qui fait apparaître des cheeseburgers.
- Non, c'est encore mieux, murmura Gene.
Les derniers tumultes de fumée disparurent, laissant apparaître le contenu de la valise.
- Qu'est ce que c'est que cette merde, s'indigna Arthur.
- Mais c'est... un autocuiseur ?
- L'agence nous envoi un autocuiseur pour sceller un dieu ?
- Exact, affirma l'agent douze en s'approchant.
Il tapota l'ustensile de cuisine avec prudence.
- Ce n'est pas un simple autocuiseur. C'est le ASR 7119, une relique de scellement de niveau SS, probablement l'une des meilleures que l'agence a en sa possession. Il suffit de l'allumer et en dix secondes, ce truc aspire toute matière dans un rayon de dix mètres. Et ce que l'autocuiseur bouffe, on ne le retrouve jamais.
- Wow, s'exclama Nila, du coup le plan c'est d'utiliser ce machin pour vaincre le dieu lion ?
- Bingo, affirma Douze en s'allumant une camel.
Gene referma la valise avec précaution, avant de s’adresser à Arthur qui semblait toujours aussi consterné.
- Si t'es pas convaincu, on a toujours des bazookas à roquettes plasmiques dans l'hélicoptère.
- My man !
Il partit chercher son nouveau jouet à pas de courses. Tout en tirant une latte sur sa cigarette, l’agent douze regardait sa montre d'un air pressé.
- Bon Nila, voilà le plan : t’utilises ton sabre pour trancher les réalités et on fonce jusqu'à tomber sur cet enculé de lion de mes deux, puis on le scelle. Basta, on est tous rentrés pour le dîner.
- Ça me va, mais si possible j'aimerais m'assurer de quelque chose de mon côté.
- On a de l'équipement inter-dimensionnel, du coup on peut se passer de toi, mais c'est quoi le but ?
- Notre guide s'est sacrifié lors du dernier voyage. J'aimerais bien tenter de le sauver, si il est encore en vie.
- Il est probablement mort, mais c'est toi qui gères.
- Dans tous les cas, ça fera une bonne distraction. Ils m'enverront sûrement le gros des troupes ennemies, et pendant ce temps vous vous dirigez tranquillement vers le lion pour le sceller sans encombres.
- Ça me va, répondit l'homme en terminant sa cigarette.
Arthur rentra dans la pièce, le sourire jusqu'aux oreilles et un bazooka dans chaque main. Nila lui expliqua le plan qu'il accepta à contrecœur. Il fut décidé qu'il accompagnerait Douze, Quarante et Cinq jusqu'au lion. Gene s'était proposé pour accompagner Nila dans sa course inter-dimensionnelle. Il semblait fort probable que Zyx rapplique pour prendre sa revanche, et toute aide supplémentaire était bonne à prendre. Tandis que les agents s'équipaient à l'approche du dénouement final, Gene posait quelques dernières questions.
- On est sûrs que Nubur sera avec Zyx ?
- Non, mais si on ne le voit pas c'est qu'il est déjà mort.
- Très bien. Et cette Zyx, elle va vraiment rappliquer si tu te mets à trancher comme une dingue à travers les réalités ?
- Ça, j'y mettrais ma main à couper. On a quelques différents à régler.
Cinq finissait de paramétrer l'équipement inter-dimensionnel. Il était bien plus lent à séparer les réalités que le sabre de Nila, mais nettement plus précis. Il ne faudrait que quelques sauts pour débusquer la cachette du dieu.
- C'est bientôt prêt.
- Parfait, assura Nila. On va partir en avance. Sans Zyx dans les pattes, vous devriez être relativement tranquilles pour affronter le lion.
- Fais gaffe à toi Nila, s'inquiéta Arthur.
- C'est toi qui a manqué de clamser la dernière fois mon grand, pas moi !
Ils s'échangèrent une accolade, puis Nila se mis en place, Gene prenant position juste derrière elle.
- J'ai jamais voyagé entre les réalités, c'est comment ?
- Ça retourne l'estomac la première fois, mais on s'y habitue.
- Génial, ironisa Gene.
- Prêt ? Trois, deux, un... go !
Nila trancha la réalité d'un coup sec. Ils s’engouffrèrent dans la faille multicolore, et avant même qu'ils ne touchent le sol, Nila avait de nouveau utilisé le pouvoir de son sabre. Elle répéta l'étape une dizaine de fois, créant un espèce de toboggan inter-dimensionnel qui n'en finissait jamais. Après une ultime tentative, elle s'autorisa enfin à atterrir tandis que Gene dégueulait son repas en se tenant douloureusement l'estomac.
- Bordel, je suis malade à en crever !
- Ça devrait s'estomper sous peu, juste à temps pour accueillir nos amis.
Cette itération du temple était plus lugubre que toutes celles qu'elle avait visité. Les murs semblaient faits de chair noircie, et le sol glacial était posé à même la roche. Quelques rares bougies éclairaient l'endroit d'une faible lumière. Comme prévu, et probablement grâce au pouvoir de la clé récemment récupérée, Zyx débarqua dans un impressionnant flash lumineux. La sorcière semblait plus enragée que jamais, et une bonne cinquantaine de sbires l'accompagnait. Malheureusement, Nubur ne semblait pas faire partie du lot.
- Où est mon ami, salope ?
- Tu le rejoindras sous peu, humaine répugnante !
- Tu peux les allumer Gene !
L'homme salua ses ennemis d'un tir de bazooka à roquettes plasmiques, qui atomisa instantanément une dizaine de minions. Zyx s'était protégée grâce à ses pouvoirs télékinésistes, mais la magie des créatures les plus faibles ne semblait pas suffisante face au pouvoir de la technologie. Nila profita de la débandade pour foncer sur sa rivale, le sabre droit et le regard mauvais. Elle réussit à s'approcher suffisamment pour tenter un coup, mais Zyx la repoussa d'un revers de main vif.
- Tuez l'humain, je me charge de la femme au sabre !
- Et merde, s'affola Gene.
Nila retomba au sol d'un geste agile tandis que Gene tirait une nouvelle salve de roquettes. L'agente esquiva les blocs de roches que lui jetait Zyx, puis profita de la confusion pour se cacher dans les ombres. Un instant plus tard, elle était dans le dos de la sorcière, prête à lui asséner le coup fatal. Un bouclier d'énergie stoppa sa tentative, bien que Zyx semblait fortement contrariée par cet assaut soudain.
- Misérable insecte, c'est la fin, mon bouclier est infranchissable.
- Nila, attention !
Une des roquettes vint se fracasser sur le bouclier d'énergie, détournant l''attention de l'ennemi pendant un court instant.
- Quand j'en aurais fini avec la femme, ce sera à ton tour, humain impertinent !
- Je ne pense pas.
Nila venait de se glisser dans le bouclier d'énergie grâce à son sabre : une faille dans la réalité lui avait permis de traverser indirectement ce mur supposé infranchissable.
- Merci pour la distraction, Gene.
- Sale hum-
Le sabre de Miyamoto Musashi trancha Zyx d'un coup vif. Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase.
- J'en ai pas fini sale pute !
Un second coup de sabre transperça la sorcière, puis un troisième, et un quatrième. En quelques secondes, Nila distribua un florilège de coups à sa rivale. Quelques instants plus tard, il n'en restait plus qu'un monticule de chair tuméfiée au milieu d'une flaque de sang. Au milieu de ce paquet morbide scintillait une étrange pierre noire que Nila ramassa. Gene finissait d'atomiser les derniers sbires à grand coup de roquettes plasmiques : une fois qu'il eut terminé, les deux agents se rejoignirent au centre du champs de bataille.
- Beau boulot le bleu.
- Avec le bon équipement, c'est de suite plus simple. J'aurais aimé avoir ça contre les Kongs.
- Ne perdons pas de temps, je vais utiliser la clé pour qu'on rejoigne directement les autres...
L'agente brandit la pierre noire, et s'en servit pour ouvrir un passage dans la réalité. Une lumière intense aveugla le duo. Une seconde plus tard, ils étaient arrivés à destination. Le spectacle qui s'offrit à Nila la laissa horrifiée.
- Bordel de merde, il s'est passé quoi ici ?!