Episode 4 : Sous la vitrine

Par Isapass

Episode 4

 

Une fois à son poste, Juju n’a rien d’autre à faire que d’observer les pieds des clients de la boulangerie, et d’écouter les conversations. Il essaie de reconnaitre les gens du quartier grâce à leur voix et à leurs chaussures.

 

« Bonjour, mademoiselle Caroline, dit une dame portant des mocassins démodés mais très bien cirés.

-            Bonjour Madame, une demi-baguette sans sel, comme d’habitude ?

-            Oui, s’il-vous-plaît. Il fait un temps superbe n’est-ce pas ? Cet après-midi, je vais à l’exposition florale. »

 

Ça, c’est madame Grousse, la vieille dame qui vit à côté de l’école, et qui passe son temps à entretenir ses rosiers. Quand elle jardine, elle porte un étrange chapeau de paille au bout pointu et aux larges bords qui la fait ressembler à une gentille sorcière.

 

« Alors je vous souhaite un très bel après-midi. A demain ! dit Caroline à Madame Grousse qui quitte la boutique.

-  Bonjour, bonjour, Caroline ! lance gaiement une voix d’homme, qui va avec une paire de bottines marron. Aujourd’hui, je vais prendre quatre baguettes, trois pains aux céréales, sept chocolatines et deux de vos magnifiques tartes aux fraises, ce sera merveilleux ! »

 

Sans hésitation, Juju reconnaît monsieur Maxwell.

Monsieur et madame Maxwell ont cinq enfants : deux jumeaux et trois triplées. Ces dernières sont dans la classe de Juju. Il a été invité à leur dernier anniversaire et a eu l’impression d’être au spectacle tout le temps qu’il a passé chez elles. Monsieur Maxwell est acteur et sa femme une ancienne danseuse. Toute la famille adore se déguiser, danser, chanter et rire. Le père se met tout-à-coup à parler très fort avec un accent étranger, ou en mimant un personnage extraordinaire, ce qui fait le bonheur des autres membres de la famille.

 

Les Maxwell font l’admiration de tous les habitants du quartier : les parents et les enfants sont toujours gais, polis, propres et bien habillés.

De son côté, Juju aime particulièrement Anna. Il devient même tout rouge quand elle est à côté de lui.

«  Bonjour Nils, répond Caroline en riant, je vous prépare tout ça. Comment se porte toute la famille ?

-            Superbement ! Les jumeaux ont prévu de répéter avec leur groupe de musique, pour être prêts pour le concert du 14 juillet. Quant à mes princesses, elles avaient toutes trois revêtu leurs plus beaux costumes de bal lorsque je me suis mis en route pour votre délicieuse échoppe. Je crois qu’elles sont invitées ce soir chez le roi et la reine. 

-            Quel beau programme !

Et comment va Alma ? Juju entend que la voix de Caroline est devenue plus grave et plus basse en posant cette question. Son traitement commence-t-il à faire de l’effet ?

-            Malheureusement pas encore. Elle a toujours de terribles maux de ventre et parfois de dos, des nausées, et elle est fort fatiguée. La plupart du temps elle dit que c’est supportable, mais il y a des crises extrêmement fortes pendant lesquelles elle souffre beaucoup.

Et ses médicaments ont malheureusement peu de chance d’être adaptés, puisque les médecins ne sont pas sûrs de leur diagnostic. Mais comme toujours, ma femme chérie est d’un courage exemplaire et garde son sublime sourire. 

-            Alors transmettez-lui toutes mes pensées. Je vous ai rajouté un petit sachet de tuiles aux amandes : je sais qu’elle les apprécie.

-            Caroline, vous êtes un ange, comme toujours ! Je vous souhaite une très bonne journée, ma chère. »

 

Juju n’a pas tout compris à cette conversation, mais il en a entendu assez pour savoir que la maman d’Anna est malade. Cette nouvelle le rend tout triste. Il pense à son amie et voudrait faire quelque chose pour cette gentille famille. Maintenant qu’il y réfléchit, il se rappelle qu’Anna, Cassandre et Louise, les triplées, étaient plus silencieuses que d’habitude, à l’école, ces dernières semaines.

Il faudra qu’il raconte à Benoît ce qu’il vient d’entendre.

 

Une nouvelle paire de chaussures entre dans la boulangerie. Des baskets usées, dont l’arrière est recouvert par un jean effiloché.

«  Bonjour Thomas, salue Caroline. Comment vas-tu ?

-          Bonjour, répond une  voix de jeune homme. Ca va. Je suis juste un peu nerveux : j’ai rendez-vous avec ma copine dans une heure. C’est son anniversaire et je lui ai acheté des boucles d’oreilles. J’espère qu’elle va les aimer, parce que je les ai payées très cher. Regardez. Vous les trouvez jolies ?

-          Elles sont parfaites, Thomas ! Ne t’inquiète pas, je suis sure qu’elle va les adorer !

-          Merci Caroline, je suis rassuré. Je voudrais une boîte de macarons, s’il-vous-plaît.»

 

Juju commence à s’ennuyer un peu et à avoir du mal à rester immobile. La prise électrique de la vitrine de glaces est toujours bien en place, et il ne voit pas qui pourrait passer derrière pour la débrancher sans être vu. Peut-être que ça se produit quand Caroline passe dans l’arrière-boutique ? Il décide d’attendre encore le passage de quatre clients. Après ça, si rien ne s’est passé, il se faufilera dehors et fera le signal convenu pour que Benoît vienne le chercher.

 

Thomas est sorti avec ses macarons. Tchic tchic ! Quelqu’un qui traîne les pieds vient d’entrer. Il porte de gros souliers noirs très abimés. Juju n’a pas besoin d’entendre parler le nouvel arrivant pour savoir de qui il s’agit. De toutes façons, il n’a jamais entendu sa voix. Il ne connaît pas son nom mais tous les enfants du quartier l’appellent « le vieux barbu ». Il a l’air d’avoir 100 ans, et d’être toujours de mauvaise humeur. Il a une grosse barbe grise qui cache presque tout son visage. Il est toujours habillé de la même manière : une veste noire, sur un pantalon noir, avec ses vieilles chaussures noires. Le tout, très usé.

Et il est très, très, très grand. Un vrai géant.

 

Relie les paires de chaussures avec leurs noms. Ensuite, relie les personnages avec leurs paires de chaussures. Attention, il y a des paires en trop !

 

« Bonjour, petite, dit le vieux barbu. Sa voix est très grave et on dirait qu’il avale des cailloux tous les matins pour son petit déjeuner tant elle est rocailleuse.

-          Bonjour Léonard ! » s’écrit Caroline. Et au grand étonnement de Juju, la jeune femme fait le tour de son comptoir pour aller poser une bise sur chaque joue du vieil homme.

«  Donne-moi donc un pain de seigle, ma belle, et un de tes petits cakes aux olives, s’il-te-plaît. J’ai du monde ce soir.

-          Je sais bien, Léonard ! rit la jeune femme comme si l’homme venait de faire une bonne blague. Je viendrai à 20 heures.

Laissez-moi vous offrir tout ça !

-          Non, petite, pas question ! » répond le vieux géant fermement.

 

Ça alors ! Non seulement Caroline connait le vieux barbu, mais en plus elle l’embrasse sur les joues et va dîner chez lui ! Juju n’en revient pas.

 

« Alors ça fait 4 euro et 60 cents, s’il vous plait. » annonce Caroline.

 

Juju, pour s’occuper, s’amuse à faire le compte des pièces qu’il faut pour faire une somme de 4 euro et 60 cents. Aide-le et entoure tous les groupes de pièces qui font ce compte.

 

Des tintements métalliques indiquent que le vieil homme cherche de la monnaie. Soudain une pièce  tombe, rebondit plusieurs fois, et roule vers Juju. La pièce finit par s’arrêter sous la vitrine, à quelques centimètres de lui.

Alors qu’il se demande quoi faire, il voit avec effroi un genou habillé de noir se poser à terre, puis une main, et enfin la moitié d’un visage couvert de barbe, illuminé par un œil bleu vif.

Juju est paralysé ! Le vieil homme va le découvrir !

 

La main s’avance vers la pièce et au moment où le bout des doigts va la toucher, l’œil bleu se plante droit sur Juju et l’homme murmure : « Alors, petit Julien, on aime un peu trop les bonbons ? ». L’œil cligne, et le vieux monsieur se relève.

 

« A ce soir, ma belle. » dit le vieux barbu en sortant.

 

Le souffle coupé, Juju se demande s’il n’a pas rêvé. Cet homme lui a parlé ! Il n’a même pas été surpris de le voir, et il n’a rien dit à Caroline ! Peut-être sait-il quelque chose qui serait utile pour guérir l’effet du bonbon ?

 

Mais tandis que Juju s’interroge ainsi, il entend un bruit sur sa gauche. C’est Salade qui a quitté sa place au soleil et s’avance vers lui. Il est d’abord content de la voir, comme d’habitude. Puis il mesure la taille de la tortue par rapport à lui. Elle est énorme ! Et si elle le piétinait ? Avec ses toutes petites jambes, il ne peut pas courir très vite.

Ou pire, si elle le mangeait ? Il sait que Salade est une tortue terrestre : Caroline le lui a dit un jour. Mais qu’est-ce que ça mange, une tortue terrestre ? Seulement de la salade ? Ou un peu de viande, aussi ?

La tortue continue à avancer vers lui, et passe sous la vitrine. Juju sait qu’il risque d’être vu par Caroline s’il sort de sa cachette, mais il n’a pas envie de prendre le risque de se faire croquer !

La tortue est à dix centimètres de lui quand il commence à courir.

Juju se précipite vers le mur derrière la vitrine. Il entend les pas de Salade trainant sa lourde carapace qui le suivent. Pas si lente que ça, cette tortue ! Il se retourne pour voir s’il a gagné du terrain mais dans sa précipitation, s’emmêle les pinceaux et tombe de tout son long.

 

Fin de l’épisode
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