Erzog et Gegguz

Par Sebours
Notes de l’auteur : Suite de l'ascension de Gal

Le combat rituel orc est très codifié. Il oppose deux guerriers de force équivalente, dépourvus de protections et armé chacun d’un simple poignard d’obsidienne. L’affrontement se déroule généralement une fois par an, le premier jour d’abathi, le mois dédié au dieu-jaguar. La cérémonie cherche à répondre à la soif de sang d’Abath-Khal. Ainsi chaque joute s’arrête dès la première goutte versée afin de préserver les forces vives de l’Orcania. Pour faire bonne mesure, chaque vainqueur obtient le privilège d’affronter un prisonnier ou esclave désarmé afin d’étancher la soif du dieu de la guerre.

Le combat rituel constitue un rite de passage pour les orcs atteignant l’âge de leur maturité sexuelle. Il permet aussi de régler les conflits entre guerriers de même rang. Le clergé de l’ordre des servants dragons use et abuse du combat rituel pour favoriser ses « champions ».

« Les combats rituels orcs »

extrait du Traité sur les sociétés du bouclier-monde du maître architecte Vinci

 

Cela faisait presque dix ans que Gal reconstruisait Klaralk. Son choix de placer Kran comme lieutenant de fils Galian pour régénérer la cité portait ses fruits. Il se servait de ce territoire en redéveloppement comme d’un outil pour donner des promotions à ses guerriers les plus méritants. Le capitaine pourpre avait forcé Elbrun à fournir la moitié de ses femelles et enfants ainsi qu’un tiers de ses soldats. Udgog avait complété ce repeuplement avec le double d’hybrides. Ces gris n’étaient qu’une sous-race ne valant pas la moitié d’un orc brun, mais leur nombre permettait de limiter les velléités de conquête. De toute manière, l’oniromancien commençait à apposer sa mainmise sur l’ensemble de la région. Les autres chefs de guerre le redoutaient et jamais ils n’oseraient s’en prendre à lui, l’élu du dieu-jaguar, Abath-Khal, le premier des Sept, celui qui commande à la guerre.

Gal fut donc totalement stupéfait lorsque Broar vint le prévenir. Udgog était assiégée. Okgak, chef de Erzog et Ulgrat, chef de Gegguz venaient de s’allier pour attaquer conjointement le nouveau maître de la région. Sans doute avaient-ils peur de l’ascension inexorable de celui que le roi Orokko lui-même semblait craindre. Oui ! Ils avaient tous peur de lui parce qu’il entretenait un lien privilégié avec Abath-Khal ! Pourtant l’oniromancien n’avait rien demandé lors de sa venue au monde ! Il ne se considérait pas différent ni supérieur aux autres orcs ! Son manipulateur souverain l’avait exilé aux confins du royaume pour conserver son pourvoir. Pourtant, à l’origine, Gal n’ambitionnait pas de remettre en cause l’ordre établi. L’Orcania détestait les révolutionnaires et les arrivistes tricheurs et ambitieux. En fervent croyant, il respectait scrupuleusement la doctrine. Il avait conquis Elbrun puis Klaralk en se conformant aux règles des guerres intestines. Il bâtissait au sommet du mont solitaire la plus grande pyramide du bouclier-monde en l’honneur du dieu de la guerre. Il ne faisait que suivre les directives que le maître lui envoyait dans ses songes. Pourtant, tous ceux qui possédaient une once de sang pur travaillait à sa déchéance ! Était-ce dans le népotisme de la race rouge que naissait de la déliquescence de l’Orcania ? Gal se vengerait de tous ces envieux !

Accompagné de Broar, le capitaine pourpre rejoint Vlad et Borg sur la tour de guet. L’ennemi avait fait les choses en grand. Les deux hordes des cités au grand complet se trouvaient mobilisées. Depuis leur point d’observation, les quatre guerriers improvisèrent un conseil de guerre.

« Brrr ! Même à deux cités, ils sont trois fois moins nombreux que nous, mon capitaine ! La victoire ne peut pas nous échapper ! Brrr ! » débuta Broar, impatient d’en découdre.

« Nos fortifications sont les plus solides de l’Orcania. Notre murus orcus peut tenir un siège presque indéfini, capitaine ! De plus, avec nos galeries, nous n’aurons aucun problème à nous ravitailler ! » tempéra le sage Borg.

« Rrrr ! Tu as raison Broar ! Nous pourrions tenter une sortie, mais au prix de combien de pertes ? Rrrr ! Tenir le siège apparaît aisément réalisable ! Rrrr ! Par contre cela freinerait notre expansion ! »

« Je comprends ta volonté de ne pas sacrifier inutilement nos soldats, Gal. Hardi ! L’idéal serait que tu passes par l’infra-monde pour rameuter les hordes de Elbrun et Klaralk ! Avec Borg et Broar, nous tiendront la position ! »

« Rrrr ! Voilà une option plus intéressante, Vlad! Rrrr ! Penses-tu pouvoir résister sans Broar et ses hybrides ? »

« Hardi ! Si tu me laisses les mercenaires des peuples alliés, je pense que nous résiterons à n’importe quelle attaque. Borg l’a dit ! Notre murus orcus est solide, nos archers sont précis et nos soldats bien entraînés ! »

« Rrrr ! Alors Vlad, mobilise l’ensemble de la horde et organise les tours de garde ! Borg, occupe-toi de la logistique et du rationnement ! Avant ça, envoie-moi mes fils, Nakok et Gadnak ! Rrrr ! Broar, je veux que tu réunisses tous tes hybrides devant d’ici une heure ! »

Gal appréciait l’efficacité de ses lieutenants. S’ils avaient été un minimum rouges, ils auraient fait d’excellents chefs de guerre. Sa propre prédestination ne relevait plus de sa couleur de peau qu’autre chose. Sans doute existait-il des bruns possédant comme lui la capacité à interpréter les rêves.

Le capitaine pourpre alla chercher dans sa hutte les clefs de l’arsenal. Il était temps de dévoiler à ses adversaires la supériorité technologique d’Udgog. Ses deux fils le rejoignirent devant le grand bâtiment tandis que les « gris » se massaient dans un désordre malvenu. L’absence de chefs d’escouades se faisait sentir. Ceux-ci renforçaient les rangs de la horde de Vlad. Pour tenir le siège, Gal ne pouvait pas se permettre de trop affaiblir la défense d’Udgog. Il notait en plein conflit que l’instruction de Broar devait évoluer pour s’adapter à cette nécessité de relative autonomie des hybrides.

A son arrivée, Broar remit rapidement de l’ordre dans ses troupes. Gal ouvrit l’arsenal et distribua les armes en fer orc à son armée. Grâce à un dernier né de Nunn, Borg avait obtenu une partie du secret de l’acier. Le métal restait de piètre qualité, mais toujours suffisamment résistante pour briser n’importe quelle lame d’obsidienne.

Le capitaine pourpre guida ses troupes dans les méandres de l’infra-monde. Grâce au rémunérateur accord conclut avec les Marteaux d’Airain, il avait fait tapisser les galeries de cette mousse phosphorescente vendu à prix d’or par les gnomes. L’oniromancien se félicita d’avoir effectué cette onéreuse dépense alors même qu’il n’avait perçu aucun signe sur ce sujet dans ses multiples songes. Mon jugement propre compte donc autant que les messages du maître ! pensa-t-il en retrouvant l’air libre.

Cependant, le temps n’était pas à l’introspection. Gal demanda immédiatement à ses fils d’aller prévenir les cités alliées d’Udgog. Il dépêcha Nakok à Elbrun et Gadnak à Klaralk avec pour mission de prendre les villages désertés de Gegguz et Erzog. En assiégeant Udgog, les dissidents ne pensaient pas voir leur stratégie se retourner contre eux.

Le capitaine pourpre emmena ses soldats gris sur le front Est, là où se trouvait l’île du dieu de la guerre. Le poids du symbole était évident. La masse innombrable des guerriers hybrides occupait toute la ligne de crête. Broar souffla dans sa corne. Les assiégeants se retournèrent pour constater la multitude d’ennemis qui descendaient vers eux en brandissant des armes d’aciers. Ces combattants étrangement gris et non brun étaient cinq fois plus nombreux et possédaient un avantage technologique évident. Avant même la bataille, Gal savait avait gagné. Il souhaitait à présent vaincre en limitant au maximum les pertes par une reddition rapide et sans violence.

Les hordes des assiégeants précédèrent les désirs de l’oniromancien. Elles pressentaient la partie perdue d’avance et étaient effrayées par la perspective d’une hécatombe. Le massacre de Klaralk restait dans toutes les mémoires. Les soldats amenèrent donc leurs chefs de guerres devant le capitaine pourpre pour les forcer à reconnaître leur défaite. Les idées s’entrechoquaient dans la tête de Gal. Il hésitait à éliminer les chefs de guerre. S’il plaçait Nakok et Gadnak, ses derniers de ses fils rouges en âge de commander, il n’aurait plus personne pour contrôler Borg et sa police secrète. En même temps, l’ingénieur militaire avait jusqu’à présent montré une fidélité sans faille. Ce n’était pas le cas de ces traîtres de Okgak et Ulgrat qui s’étaient alliés pour attaquer Udgog ! L’oniromancien rechignait à se séparer de ses héritiers. Ils restaient jeunes et n’avaient pas terminé leur formation. Mais pourquoi dont le maître ne l’inspirait pas pour prendre ces décisions ?! Était-il si compétent pour que le dieu-jaguar lui laisse son libre arbitre ?

Perdu dans ses pensées, le capitaine pourpre n’anticipa pas l’attaque fourbe des prêtres-sorciers. Il savait pourtant que ces orcs violets le haïssaient. En communicant avec Abath-Khal à travers ses songes, il leur faisait de l’ombre.

« Nous exigeons un combat rituel ! Gal, le capitaine pourpre, l’oniromancien refuserait de rendre hommage à Abath-Khal ! » proféra à la foule Maat, le prêtre-sorcier de Gegguz. « Une guerre intestine ne peut pas rester sans vainqueur ! »

« Rrrr ! Trouves-tu que mon triomphe n’est pas assez éclatant, moinillon ? ! »

« Par le dieu-jaguar ! Aucun sang n’a été versé ! C’est un sacrilège si le combat s’arrête ainsi ! »

« Rrrr ! Vous voulez du sang soldats ! Laissez-moi passer pour aller chercher ma horde à Udgog ! Rrrr ! Ils méritent autant que vous de sentir la sueur et le sang du combat. Rrrr ! Puis suivez-moi au pied de la pyramide ! Prêtres-sorciers ! Préparez la cérémonie du duel à la gloir d’Abath-Khal ! »

L’immense flot de soldats orcs en manque de fureur des combats suivi Gal jusqu’à l’enceinte d’Udgog ou il convia sa horde à le suivre. L’oniromancien ne craignait pas ses deux adversaires potentiels. Il ne craignait personne en combat singulier. Comment aurait-il pu craindre deux couards bousculés par leurs propres soldats ? Il était l’un des plus puissants guerriers de l’Orcania. Il maîtrisait à la perfection les techniques de combat au corps à corps. Que pouvait-il lui arriver ? Une fois sur l’esplanade, il demanda à la foule de choisir son adversaire.

« Rrrr ! Soldats ! Alors ! Qui dois-je affronter ? Rrrr ! Qui doit mourir en l’honneur d’Abath-Khal notre Seigneur et maître ?! »

« Okgak ! Okgak ! » hurla la foule en poussant le chef de guerre devant le puissant capitaine pourpre. Cette unanimité coulait de source. Okgak était détesté de sa horde. Sa réputation dépassait les limites de la cité de Erzog. Il se montrait cruel, partial, pleutre et calculateur. Les mêmes qualités que le roi Orokko ! songea Gal avec un sourire en coin qui laissait apparaître ses canines blanches.

L’oniromancien dessangla sa cuirasse et la donna à Vlad qui avait repris sa place habituelle à sa droite. Il dégaina son épée pour la confier à Borg. Enfin, il remit son poignard à Broar. Les hordes entonnaient en rythme des encouragements en brandissant leurs armes. Sur le son des « Hou ! Hou ! » Gal avança au centre de l’esplanade où l’attendaient les prêtres-sorciers et les deux chefs de guerres apeurés et dépouillés de leurs effets. Les religieux entamèrent le cérémoniel. Ils firent agenouiller les deux combattants et proférèrent les incantations de circonstance. Puis ils trempèrent les couteaux d’obsidienne dans un bol de curare. C’était donc là que se trouvait le piège ! Un seul contact avec la lame pouvait le mettre en danger !

Sarlac présenta les deux armes sur une plaque de pierre. Le capitaine pourpre se releva et marcha à pas mesurés en fixant sa victime. Il avança la main pour prendre son poignard. D’un geste vif, Okgak saisit le sien et entailla légèrement l’avant-bras de son adversaire. Gal ne possédait plus que quelques instants avant que le poison n’agisse !

Le félon chef de Erzog s’attendait à une attaque frontale avec le couteau cérémoniel. L’oniromancien surprit son ennemi en envoyant un coup de pied de face au visage et enchaîna avec un balayage. Okgak s’écroula à terre. Le capitaine pourpre écrasa la main armée puis sectionna les tendons au niveau du poignet avant de lui trancher la gorge. Déjà, la tête lui tournait. « Mange son cœur, Gal ! » lui intima Maat, l’apparent chef de fil des religieux. Le prêtre-sorcier cherchait à l’éliminer sournoisement. Il pensait que si le vainqueur ouvrait la poitrine avec sa lame couverte de curare et surtout, s’il mordait dans le cœur de son adversaire, il ingérerait inévitablement encore du poison. Ses jambes flagellaient. Sa respiration se sacadait. Il planta son poignard, arracha l’organe, le dévora et le brandit pour le présenter à l’assistance. Ses yeux se brouillèrent alors qu’il posait un genou à terre. Gal vit ses fidèles lieutenants accourir juste avant de sombrer.

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Papayebong
Posté le 22/02/2024
Petite question : est-ce-que les orques bruns et noirs désignent la même chose ?
Il me semble bien qu'on les.designaient noirs en début de récit.
Les gris sont les hybrides orc et derniers nés de Nunn et les pourpres je ne sais plus.

Gal savait avait gagné. Il souhaitait à présent vaincre en limitant au maximum les pertes par une reddition rapide et sans violence. > Gal savait qu'il avait gagné.
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