L'Astre, fort de son zénith, était le sujet de tous les reflets. À ses pieds la mer tentait de contenir sa lumière, mais toujours la prisonnière s'évadait, partait transmettre sa volonté spectrale à l'autre bout de la Terre, puis revenait narguer la lisière des flots, profitant d'un dernier appel d'air pour quitter notre hémisphère et retrouver son père.
C'est sous cette atmosphère solaire que je repris goût à la vie. J'avais une impression légère en bouche, et sans doute était-ce celle du mystère. Car, quelle autre saveur que celle de l'inconnu téméraire oserait se déposer sur le feu d'une langue solitaire?
Ah! Et en parlant de cette dernière. Ma langue trempait toute entière dans une salive singulière. Comme l'ambroisie coulant de sa théière libère l'esprit et irrite le corps, cette substance aux odeurs confites versa ses teneurs parasites et douces-amères jusque dans mon cœur, et alors la faim, rasant les conduites comme une vipère, imposa son mythe, dressant cet apparent désert qui excite les manières et nappe les papilles et leurs pupilles d'une ivresse passagère.
Je nageais en plein mirage. Mon être tout entier gargouillait. Que quelqu'un me donne des paroles à boire, des idées à gober, des réflexions à déguster! Que l'on m'apporte des mets et des mots aux mille couleurs! Que l'on me serve la réalité sur son lit d'imagination, dans sa sauce épique aux épices fatalistes, assaisonnée en vérité et en fabulation! Que l'on me donne l'univers à dévorer! La vie, la vue, l'amour et la mort! Encore et encore!
La tête prise dans de sérieux vertiges, je commençais à bouillonner de l'intérieur, et il faut dire que la chaleur du jour n'arrangeait rien. Soudain, une vague salvatrice vint s'épancher contre mon four de corps, explosa en un millier de gouttelettes salées, et le vent alors rabattit son naufrage, me fouettant d'écume le visage et emportant sur son passage les effets de la rage. Je pus enfin décoller mes pieds du pont qui fondait au soleil.
Le pas léger et l'œil alléché, je pris la route du restaurant, laissant dans mon sillage une ombre trempée.
(Tout d'abord je voudrais dire que mon analyse reste subjective et sûrement partielle, étant donné que mon domaine de prédilection reste la poésie.)
Alors je viens de me plonger dans l'histoire et je ne peux que remarquer à quel point c'est bien écrit : le rythme suit l'intrigue, qui oscille entre le fantastique et ses descriptions tout à fait poétiques (comme celle de la scène d'introduction, avec le soleil qui se couche et la nuit qui arrive, les étourdissements du personnage, etc.), le philosophique (la grande question Qui suis-je, et non pas suis-je alias le cogito cartésien^^, l'allégorie de la caverne avec le ciel des idées dans ce chapitre...?) et une touche de réalisme aussi, par rapport au cadre de la croisière. J'aime beaucoup l'idée de la fragmentation du moi en plusieurs entités qu'il faut retrouver, à ce propos : tous les personnages rencontrés à la suite de cette fragmentation sont-ils des miroirs du personnage ?
Je me demande aussi si cette croisière "sur un bateau, au milieu de l'océan" n'est pas une croisière qui ne va nulle part... et qu'en fait le personnage serait seul à bord, finalement, avec tous ses reflets ?
Je me permets juste de relever une faute récurrente qui revient sur les verbes conjugués au passé simple : je me levai, et non je me leva, par exemple. Mais c'est bien la seule que j'aie trouvée :)
Beaucoup de questions se posent, j'attends avec curiosité le prochain chapitre pour trouver des réponses !
Merci beaucoup pour m'avoir fait part d'un avis si constructif! Tes compliments me touchent, et je suis ravi de savoir que l'histoire, son rythme, ses ambiances, ses personnages et ses fins ont fait vibrer ta réflexion et ton imagination. Cependant, ne compte pas sur moi pour te donner des indices sur la suite, je ne vais pas gâcher la chute tout de même ;)
Oh oui tu as raison, je m'en vais corriger cela de suite! Merci pour me l'avoir fait remarquer.
Au plaisir de repartager avec toi!
A.R.