"Julie, conseillère Pôle Emploi, bonjour, que puis-je faire pour vous ?"
(Phrase répétée tant de fois que tu pourrais la réciter en dormant. Mais chaque fois, tu essayes de mettre un peu d’enthousiasme, comme si c’était la première de la journée.)
"J’ai un énorme souci, je n’arrive pas à me connecter à mon espace personnel."
Parfait. Une question classique, maîtrisée sur le bout des doigts. Tu inspires profondément. Tout va bien se passer.
"Très bien, Monsieur. Nous allons faire les vérifications ensemble."
Tu lances le mode tuto vocal :
"Alors, ouvrez votre fenêtre et cliquez sur 'candidat'."
Silence. Long silence. Pas grave, tu te dis qu’il n’est pas un as de l’informatique, mais toi, tu es là pour l’accompagner.
"Voilà, c’est fait."
Bon, il suit les instructions. C’est fluide. Peut-être même un record ! Tu enchaînes les étapes avec l’aisance d’un chef d’orchestre. Chaque clic résonne comme une petite victoire.
"Est-ce que tout est clair pour vous ?"
La question fatidique. Tu attends, confiante, prête à clôturer cet appel avec le sourire.
"Non."
Ton cerveau s’arrête. Tu te figes. Non ? Comment ça, non ? Tout était limpide ! Tu t’enfonces un peu dans ton fauteuil, un léger frisson d’angoisse te parcourt.
"Je ne vois pas le rapport entre ouvrir la fenêtre de la cuisine et essayer de me connecter."
Là, c’est le chaos. Ton esprit fait un facepalm monumental. La fenêtre de la cuisine. Tu restes interdite, un mélange de désespoir et d’envie irrépressible de raccrocher.
Mais non, impossible. Tu es une professionnelle. Alors tu inspires, cherchant un reste de patience que tu pensais avoir déjà utilisé sur les dix appels précédents.
"Monsieur… je parlais de la fenêtre de votre navigateur Internet."
(En espérant que ce mot ne déclenche pas une nouvelle confusion avec le cadre d’une baie vitrée.)
À l’intérieur, tu pleures. Tu fais tes adieux silencieux à ta prime de performance. Mais extérieurement, tu gardes ton calme. Parce que c’est ton boulot. Parce que tu es Julie, conseillère Pôle Emploi, et que rien ne peut te déstabiliser. Sauf peut-être la prochaine fois qu’un candidat te parlera de son four micro-ondes en plein paramétrage d’espace personnel.
J'aime bien comment tu retournes la feuille (c'est pas une expression française je sais) pour nous faire voir au verso, le quotidien des braves Julies. Tant d'abnégation. Elles sont auréolées de sainteté, presque. Je m'y attendais pas. Merci.
J'ai eu ma petite prime au final quand même haha
Julie n'est pas toujours aussi infernale, alors. La pauvre est aussi mise à rude épreuve, parfois.
Je ne sais pas s'il y aura d'autres chapitres (j'espère que oui) mais en tout cas j'ai passé un très bon moment en lisant ces petites histoires !
Je vais en faire d'autres bientôt, avec grand plaisir rien que pour votre plaisir :D
A bientôt et merci !
Merci pour ce retour plein de douceur ^^