Les questions sur Camille se retrouvèrent très vite noyées sous le reste. Moins d’une heure après leur retour à la Brigade, alors que Strada avait organisé une réunion d’urgence avec tous les membres, le téléphone s’était mis à sonner dans les mains de Samuel. Il avait décroché, monté le son, et la diplomate avait indiqué que le campement pouvait déjà accueillir les cent premiers civils, ainsi qu’un messager, et qu’elle leur demandait d’envoyer en priorité les malades, les personnes fragiles, les familles avec des enfants, et ceux qui avaient le moins de risques d’être infectés. C’était un non-sens, mais elle ne pouvait pas tout savoir.
Moins d’une heure plus tard, les haut-parleurs d’Eïr s’enclenchaient non pas pour prévenir d’une alerte, mais la voix de Strada y résonnait pour annoncer à tout le monde qu’il fallait préparer Eïr pour l’évacuation progressive tandis que les membres de la Brigade se dispersaient pour aller frapper aux portes de l’hôpital et des différentes maisons où ils connaissaient des habitants vulnérables.
Le premier jour, cent personnes, cela donna l’impression d’être ridiculement peu. Mais au fil du temps, la ville devint de plus en plus vide et silencieuse et tandis que Chris et Tony prenaient leur bol d’air sur la terrasse comme ils en avaient désormais l’habitude tous les matins, ils se rendirent compte à quel point ils étaient seuls. Aucun des deux ne fit de remarque sur Camille, mais ils y pensaient tous les deux. Strada avait assuré qu’il insisterait un peu plus au sujet de Camille quand Eïr n’hébergea plus que des membres de la Brigade. Il tint parole. Le jour de la dernière évacuation, il appela la diplomate lors d’une nouvelle réunion.
— Maria, dit-il de sa grosse voix. On t’a parlé de Camille Conti, on en a vraiment besoin. Est-ce que tu as des nouvelles ?
Tout le monde l’entendit échapper un petit soupir.
— Oui, se décida-t-elle. Je sais où il est. Camille Conti a été arrêté par la police et écroué. Il s’est rendu coupable de violences inadmissibles.
Chris sentit une pierre lui tomber au fond de l’estomac.
— Pardon ? releva son père. Vous pouvez préciser ?
— Il est entré dans les locaux de l’ent… de l’organisation qui gérait Eïr, a retrouvé le responsable et lui a éclaté le nez sur son bureau. Il est évident que nous puissions comprendre qu’il ait pu avoir des griefs contre cet individu, mais cet acte doit être puni, et je ne pense pas avoir le bras assez long pour le sortir de prison.
— Il lui a… s’étouffa Tony. Camille n’est pas violent !
— Non, c’est vrai que c’est étonnant, approuva Strada. Vous êtes sûr que c’est lui ?
— Aucun doute possible. Il était seul dans la pièce avec l’homme inconscient.
— Attendez, attendez, interrompit Lolita. Ça me rappelle un truc. C’est moi qui ai interrogé Bellem et Layla pour l’histoire de la bombe. Camille a fait exactement la même chose à Bellem, c’est comme ça qu’il l’a libéré du spectre !
— Bon sang, cria Strada. Le gamin s’occupe d’un spectre et vous le mettez en taule !
— Je suis désolée, mais je n’ai pas de preuve, remarqua Maria gênée.
— Quoi qu’il en soit, on a besoin de lui, Maria. Fais quelque chose, c’est lui le cerveau de l’expédition, on peut rien faire sans lui !
— J’ai compris, j’ai compris. Je vais voir ce que je peux faire.
Il fallut attendre encore deux autres éruptions avant qu’un matin, Maria envoie un unique message.
« Nous procédons au transfert de Camille Conti ainsi que le matériel qu’il a spécifié. Nous vous demandons la plus grande vigilance, il est toujours considéré comme un criminel jusqu’à preuve du contraire. »