Chris était sur la terrasse à attendre lorsqu’elle vit quelque chose d’inédit. La lueur d’un pan tout entier de la barrière qui ceignait la ville se mit à vibrer puis s’éteignit.
— Tony ! cria-t-elle.
Tony la rejoignit juste à temps pour voir le mur clignoter à nouveau et se rallumer.
— Je préviens Strada, dit-il en saisissant le téléphone.
— J’y vais, approuva Chris en relevant sa manche.
Elle ne prenait même plus la peine de quitter son armure, sur le qui-vive en permanence. Elle sauta dans le vide et se servit de son mécanisme pour se propulser vers l’avant. Si son grappin était pratique tant qu’il y avait des poteaux et des murs auxquels se raccrocher, il n’était plus d’aucune utilité sur la dernière partie du parcours, là où il n’y avait plus grand-chose qu’une grande colline et une végétation désertique. Elle fit le reste du trajet en courant jusqu’à apercevoir une silhouette qui s’avançait dans sa direction. Camille ? Non… Elle remarqua très vite qu’il s’agissait d’une femme en tenue militaire. Elle leva les mains en signe de paix, ralentissant son allure, mais progressa encore tandis que l’autre répondait à son geste. C’était une dame d’au moins cinquante ans, peut-être pas aussi musclée que Chris, mais clairement une guerrière dans son genre. Ses cheveux poivre et sel étaient retenus en un chignon sévère et son sac à dos pesait très lourd.
— Qui êtes-vous ? demanda Chris. J’ai vu le mur s’éteindre un instant.
— Je m’appelle Maria Russo, diplomate, expliqua l’intruse avec un accent que Chris trouva très familier. Votre tenue… Vous êtes de la milice de la ville ?
Chris hocha la tête.
— Est-ce que vous savez qui est Davy Strada ? Je dois lui parler.
— Davy… Strada ?
Il fallut qu’elle répète le nom pour le comprendre, mais ce fut vite très clair.
— Le chef arrive.
Elle se détourna légèrement sans perdre cette femme de son champ de vision pour montrer le fourgon qui s’engageait sur le chemin de terre en bas de la côte. Elles attendirent en silence que la camionnette s’arrête non loin et que les membres de la Brigade en sortent.
— Maria ! s’exclama Strada.
Il se précipita vers elle et la serra dans ses bras. Elle échappa un cri étouffé et répondit maladroitement à son geste avant de le repousser doucement, mais fermement. Son chignon était désormais moins parfait et une rougeur colorait ses joues rendant son visage bien moins neutre.
— Je suis venue en tant que diplomate pour déterminer la situation de cette ville, dit-elle en mettant une distance de deux pas entre elle et Strada.
— Elle n’a guère changé depuis le temps, assura Strada. Qu’est-ce que tu veux savoir exactement ?
— Êtes-vous en mesure de faire cesser les émanations du volcan, les brèches sur l’enfer ? Une rumeur très insistante a couru en dehors des murs affirmant que c’était possible.
— Ça l’est, intervint Chris, mais nous ne sommes pas en mesure de faire ce qu’il faut pour stopper le phénomène.
— Qu’est-ce qui vous manque ?
— Pour commencer, nous savons que si nous mettons fin à l’ouverture du portail, la zone sera rasée. Aucun d’entre nous ne compte mourir. Quitte à faire, nous préférons encore vivre avec les monstres.
Plusieurs personnes de la Brigade hochèrent la tête.
— Ça n’arrivera pas, affirma Maria. La structure qui gérait votre ville a été démantelée, elle est considérée comme criminelle et répondra de ses actes. Vous êtes désormais sous la protection de l’Organisation Mondiale pour la Paix. Et nous tendons vers une issue pacifiste.
— C’est très bien, approuva Strada. Mais il nous faudrait une preuve de bonne volonté pour que nous puissions y croire.
— Je vous écoute, assura-t-elle.
— Faites évacuer la population civile.
Elle réfléchit une seconde.
— Sous condition d’une quarantaine, marchanda-t-elle.
— Pourquoi pas ? approuva Strada. Nous pouvons aussi vous révéler comment procéder avec les infectés pour éviter tout accident, au cas où.
— Oui ! Je vais arranger ça. Je ne pourrai probablement coordonner le transfert que d’un nombre restreint de réfugiés par jour, le temps que nous construisions un campement suffisant pour les accueillir. Mais oui, nous pouvons faire ça.
Tony tapota doucement dans le dos de Strada en se rendant compte que le chef vacillait. Visiblement, le colosse ne croyait pas vivre assez longtemps pour assister à ça.
— Si l’organisation derrière le mur a changé, intervint Irvine, est-ce que ça veut dire qu’on peut espérer obtenir des vivres et du matériel sans devoir aller miner dans les limbes ?
— Effectivement, approuva-t-elle. Ce trafic a été démantelé, vous êtes sous notre protection pour cela aussi. Je discuterai des détails plus tard, mais pour l’instant, ce que j’aimerais savoir, c’est ce qu’il vous faut pour mettre fin aux éruptions.
— Une bombe, répondit Chris. Des jetpacks…
Elle se tourna vers Tony qui haussa les épaules.
— En fait, nous avions un… quelqu’un que nous avons réussi à envoyer hors des murs de la ville pour faire passer un message que, de toute évidence, vous avez reçu. C’est cette personne qu’il nous faut pour procéder et qui sait ce dont nous avons besoin.
— Vous avez un nom à me donner ?
— Camille.
— Camille Conti, précisa Tony.
Elle pinça les lèvres.
— Voilà ce que nous allons faire. Je vais vous confier de quoi communiquer avec moi. Vous pourrez me joindre à n’importe quel moment au moindre problème. Dès que j’en saurai plus, je vous préviendrai.
Elle fit basculer son sac et l’ouvrit pour en sortir un téléphone portable plat et large, pas du tout le genre de choses qu’ils avaient l’habitude de voir dans cette ville.
— Avec ceci, vous pourrez me contacter, dit-elle.
— Il va falloir me montrer comment on s’en sert, remarqua Strada.
— La notice est avec, dit-elle en désignant une boite. Les brouillages qui entouraient la zone ont été désactivés pour permettre les communications.
— Ok, d’accord. Et pour les réfugiés ?
— Je vous donne ma réponse définitive par téléphone d’ici une heure. Elle comprendra le nombre de personnes qui pourront sortir.
— La dernière fois que nous avons envoyé quelqu’un, il a été abattu froidement, remarqua Lolita.
— Pour preuve de notre bonne foi, nous pourrons faire transiter un messager entre cette ville et le camp, assura-t-elle.
Il y eut quelques négociations de plus, puis elle se dirigea vers le container qui servait d’habitude aux échanges. Ils la virent entrer sans même refermer la porte, passer un coup de fil et ressortir de l’autre côté sans encombre. De ce côté du mur, le silence dura plusieurs secondes encore jusqu’à ce que Lolita et Serge poussent un cri de joie en même temps.
— On va y arriver ! s’exclama Lolita. J’ai envie de pleurer, c’est… On a réussi !
— C’est la fin, approuva Tony avec un soupir. Enfin presque. Mais on voit le bout du tunnel.
— J’arrive pas à y croire, s’extasia Strada. J’arrive tout simplement pas à y croire. Il faut qu’on se serve de cet espèce de téléphone… Camille, c’est le genre de trucs que tu utilisais avant ?
— Vous avez trouvé Camille dans la boite du téléphone, chef ? rit Lolita. Samuel, plutôt.
— Je vais voir ce que je peux faire avec ça, si vous voulez, approuva le bricoleur, narquois. Passez-moi la notice…
Chris les écoutait s’amuser autour de leur nouveau jouet et regardait du côté du container. La porte laissée entrebâillée était un symbole clair. Elle donnait l’impression qu’une fine barrière les séparait de l’extérieur, que cette petite cloison s’ouvrirait bientôt et qu’elle n’était plus là que pour la sécurité de tous. Pourquoi n’arrivait-elle toujours pas à y croire, elle ? Et pourquoi cette femme avait-elle menti par omission en refusant de leur dire où était Camille ?
Chris se fait elle du mouron pour rien ?
Arf... je dois dormir mais suis impatient de la suite !
Merci et à bientôt <3