Exorcisme deux : Sisoa, le lycée de tous les talents

Par Ascal
  • Et voici ta chambre.

Le chef d’étage déverrouilla une porte puis invita Azaël à entrer. Ce dernier nota avec soulagement qu’il s’agissait d’une chambre individuelle. Voilà qui allait grandement lui faciliter l’existence. Même s’il n’avait nullement l’ambition de faire traîner cet exorcisme en longueur, il était heureux de ne pas devoir attendre l’endormissement d’un éventuel colocataire pour se faufiler discrètement en dehors de sa chambre afin de mener son enquête.

La pièce en elle-même était minuscule, partagée entre un lavabo, un lit et une armoire. Les murs nus étaient constellés de trous de punaise et de traces de patafix, vestiges d’anciens locataires. Sa valise reposait en travers du matelas nu.

  • Tu as des douches et des toilettes un peu partout à l’étage, lui indiqua son guide tout en repoussant les rideaux jaunes qui masquaient une fenêtre carrée. Pour tout ce qui est devoirs, le rez-de-chaussée est divisé en salles d’études. L’école ne veut pas qu’on s’isole, alors on travaille par classes généralement. En première, le système est différent et ton environnement est organisé afin que tu puisses forger ton talent dans les meilleures conditions possibles. Tu as déjà choisi ton secteur ?
  • Heu, non…

En entendant cela, son interlocuteur eut l’air contrarié. Décidemment, cette question était monnaie courante, ici ! Le chef d’étage rappela au nouvel élève les horaires de services du réfectoire et lui indiqua aussi l’heure du couvre-feu. Puis il s’en alla d’un pas énergique en claquant la porte sur son passage.

Une fois seul, l’exorciste se laissa tomber sur son lit. Il avait l’impression de se retrouver cloîtré dans une cellule… Au Clan, il dormait dans un dortoir. Il ne se souvenait pas d’avoir eu sa propre chambre depuis… Ah, ça lui revenait.

Depuis la mort de ses parents.

Azaël s’ébroua. Hors de question de ressasser ces souvenirs poussiéreux. Il se saisit de son téléphone à clapet pour envoyer un rapide message à Sengo afin de le tenir au courant de l’avancée de la mission. La réponse fusa quasi instantanément. Un simple « D’accord, continue ainsi, bonne soirée. » Simple et efficace, son mentor tout craché. Il espérait tellement être un jour comme lui… 

  • Il faut que je me mette au travail !

Première chose à faire, ranger ses affaires. Azaël ne pouvait envisager aborder sa mission sans que tout soit rangé au millimètre près. Aussi décida-t-il en premier lieu de défaire sa valise. Il disposa l’ensemble de ses maigres effets sur les étagères de sa bibliothèque. Au Clan, chacun possédait peu de biens matériels. Ce n’était qu’une fois qu’un exorciste avait atteint sa majorité qu’on pouvait lui proposer un logement de fonction au sein même de l’immeuble où tous vivaient.

C’est pourquoi Azaël n’avait pas eu grand-chose à mettre dans sa valise, si ce n’étaient des vêtements. Et une photo, vestige des temps passés, délavée par les souvenirs et les cauchemars. Le jeune homme recueillit religieusement le cliché qu’il déposa sur son oreiller. Sur le papier glacé, ses parents lui souriaient, heureux. Il s’agissait là du seul souvenir qu’il possédait… Parfois, lorsqu’il doutait de leur existence, il se plongeait dans la contemplation de leur portrait, afin de se persuader qu’il avait un jour été aimé, qu’il avait eu des racines.

Même si aujourd’hui, il n’était qu’un exorciste, un outil destiné à exterminer les whisperers de la surface du globe, ces infâmes fantômes d’ombres.

Et rien de plus.

L’étudiant dissimula la photo à l’intérieur de sa taie d’oreiller avant de consulter sa montre à gousset. Parfait, il était l’heure d’aller enquêter sur ses camarades de classe.

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D’après son emploi du temps, les portes de la tour des premières étaient exceptionnellement ouvertes aux secondes entre quinze et dix-sept heures. Cela permettait aux étudiants d’aller observer de plus près leurs années afin de déterminer leurs choix de secteurs. Le corps enseignant encourageait les élèves à expérimenter un maximum d’options avant leur décision finale.

Ensuite, en fin de soirée, sa classe se réunirait pour que tous puissent faire leurs devoirs. Azaël se disait que ce serait là le moment idéal pour partir en chasse, mais il ne souhaitait pas perdre son temps. Autant se joindre à ses camarades pour tenter de trouver des indices. Il se rendit donc au premier étage de la tour principale. Il fut accueilli par un joyeux brouhaha. Les élèves de seconde, toutes classes confondues, semblaient s’être donné rendez-vous devant le tunnel des premières. Une ambiance électrique régnait dans la pièce. Si certains semblaient être très excités, d’autres avaient l’air d’attendre avec appréhension l’ouverture des portes.

  • Camarade Walker !

L’exorciste aperçut Édith, qui sautillait sur place pour qu’il la remarque. À chacun de ses sauts, ses épaisses couettes décorées de pompons décollaient vers le plafond. Azaël se faufila jusqu’à elle, soulagé d’apercevoir un visage familier. Toute cette foule le mettait mal à l’aise, il n’avait pas l’habitude de tant de cohue. Lorsqu’il parvint à la hauteur de sa camarade de classe, cette dernière lui attrapa naturellement la main. Elle s’était débarrassée de sa veste d’uniforme et portait un tee-shirt noir floqué d’une grosse bouche rouge qui tirait la langue.

  • Tu es arrivé juste à temps ! s’exclama la jeune fille.

Une petite musique s’éleva de sa poche et elle dégaina son portable. Sur son écran apparaissaient des bulles colorées et d’images animées. Curieux, Azaël y jeta un œil. Voilà un cellulaire bien différent du sien… Mais où étaient les touches ? Édith finit par s’apercevoir de son regard insistant.

  • Camarade, je te trouve bien curieux !

Le ton n’était pas au reproche, plus à la taquinerie, ce qui n’empêcha pas son interlocuteur de piquer un fard et de s’excuser à plusieurs reprises. Son attitude fit rire Édith.

  • Ne sois pas gêné ! Tu n’as pas dû être un enfant très turbulent, n’est-ce pas ?
  • Non, pas réellement, admit l’exorciste.
  • C’est bien ce que je pensais.

Édith aurait voulu ajouter quelque chose, mais un mouvement de foule l’interrompit. Les portes venaient de s’ouvrir. Des exclamations de joie et d’excitation montèrent au-dessus des têtes. Dès qu’ils le purent, tous s’élancèrent sur la passerelle de verre. Les visiteurs furent alors assaillis par une floppée d’odeurs. Azaël écarquilla les yeux, submergé par ces fragrances qui n’avaient rien à voir les unes avec les autres, mais qui créaient ensemble un bouquet très singulier. Poudre, vanille, peinture, huile, sueur, essence ! D’où provenaient toutes ces effluves ?

Puis l’exorciste commença à percevoir du bruit. Des dizaines d’instruments qui lançaient leurs trilles. Le ronronnement des tapis de courses. Le ronflement des flammes. Le fracas des marteaux. Le sifflement des scies circulaires.

Et enfin, la vue. Lui et tous les secondes franchirent un portail en fer et débouchèrent sur une gigantesque pièce ronde au sol pavé. Autour d’eux, la vie battait de son plein. Des étudiants de première couraient partout, les bras chargés d’haltères, de cerceaux ou encore de légumes. Au cœur du chahut, certains accordaient des instruments et d’autres révisaient pensivement des textes. Quelques-uns étaient installés aux tables en fer forgé dispersées à travers la vaste salle, même si nombreux étaient ceux qui avaient plutôt choisi de s’affaler sur le sol, leur ordinateur portable sur les genoux. Fasciné, l’exorciste s’avança, dévorant du regard le décor enchanteur qui l’entourait. Des centaines de luminaires en verre coloré étaient suspendus au plafond, baignant le lieu d’une lumière vivante. Des vignes folles courraient sur les murs de briques brutes, apportant une touche organique au décor. Azaël, habitué à la sobriété du Clan, était soufflé par la beauté des lieux. C’était… magique. Il avait l’impression d’avoir mis les pieds dans une ruche bariolée et, curieusement, cette ambiance l’électrisait.

Un mouvement de foule attira son attention. Les élèves de première délaissaient avec enthousiasme leurs activités pour entraîner les secondes à leur suite. Tous se dirigeaient vers les extrémités de la pièce. Huit ascenseurs, surmontés de pancartes toutes plus ingénieuses les unes que les autres, ne semblaient attendre qu’eux.

Azaël se tourna vers Édith, à la recherche d’explications, mais celle-ci avait déjà foncé à toute allure sans un regard en arrière. En un rien de temps, elle avait disparu à l’intérieur de l’un des élévateurs. Où était-elle donc partie ? Intrigué, l’exorciste la suivit afin de déchiffrer l’enseigne rouge décorée de diodes qui étincelaient comme des diamants. Des guirlandes de vinyles formaient une sorte de rideau qui masquait les portes de l’ascenseur. Un antique gramophone diffusait un concerto endiablé. « Musique ».

  • C’était donc un des secteurs de Sisoa, chuchota le jeune homme.

Autour de lui, tous savaient où se rendre. Secondes et premières s’engouffraient sans hésitation dans les boîtes de métal tout en papotant. En quelques minutes, la foule s’était déjà bien amoindrie. Déstabilisé par les événements, l’exorciste ne savait comment réagir. Il se mit à faire le tour des ascenseurs, découvrant les enseignes. « Cuisine », « Sport », « Lettres », « Mathématiques »… Il ignorait qu’il y avait tant d’options possibles ! Il savait pourtant que Sisoa jouissait d’une solide réputation, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il y ait tant de cours possibles…

Le jeune homme se dirigea vers le centre de la salle, où il avait repéré une commande en forme de colonne. Il y trouva un large écran tactile qui permettait d’obtenir des informations sur les différents secteurs. Intrigué, il cliqua au hasard sur le panneau. Un plan de la tour s’afficha, détaillant chaque niveau.

  • Oh, alors le rez-de-chaussée regroupe les salles de cours et chaque étage est ensuite consacré à une option, constata-t-il, fasciné.

Il remarqua alors le silence pesant qui régnait autour de lui. Il chercha des yeux des élèves, mais il ne remarqua que deux silhouettes masculines. L’une était installée en tailleur à l’une des tables, voûté au-dessus d’un cahier, un casque rouge sur les oreilles. L’autre faisait le pied de grue devant l’un des élévateurs. Peu encouragé par la première présence, l’exorciste décida de s’approcher de la seconde.

Il s’agissait d’un jeune homme aux cheveux blonds en pagaille. Il dansait nerveusement devant les portes de métal, le regard perdu dans le vide derrière ses lunettes en forme de hublots. Il marmonnait à voix basse, les mâchoires serrées à s’en péter les dents. Son visage rond lui était familier… Ce serait un élève de sa classe ? Voilà qui était une bonne occasion de faire connaissance.

  • Salut !

Son interlocuteur eut un violent sursaut, comme s’il venait d’être ramené de force dans la réalité. Il lança un regard ahuri à Azaël. Son visage passa de la surprise à la contrariété rapidement.

  • Toi… T’es le nouveau, non ?
  • Oui ! s’exclama le jeune homme, soulagé d’avoir vu juste. Je m’appelle Azaël Walker.
  • Richard.

Peu causeur, le Richard. Mais il fallait plus pour décourager l’exorciste. Il relança immédiatement la conversation.

  • C’est mon tout premier jour, j’avoue que je suis un peu perdu.
  • Oh… Oui, ça nous a tous fait ça quand on est arrivés.

Il désigna la pancarte qui surplombait l’ascenseur où s’étalaient en lettres éclatantes les mots « Arts de la scène » sur un fond de velours rouge. Peints à la bombe dorée, des masques de commedia dell’arte en décoraient le contour, aux côtés de micros, de notes de musique et de plumes. Toutes ces décorations formaient un fourbi aussi confus que fascinant.

  • Deux après-midis par semaine, les secondes passent quelques heures dans la tour des premières pour découvrir les secteurs du lycée, lui expliqua son camarade. Il y a huit grands secteurs, avec de nombreuses sous-catégories : Arts de la scène, musique, sport, mathématiques, arts plastiques, lettres, technologie et sciences.

Ah, il semblerait que Richard s’ouvre à lui, en définitive. Emporté dans son discours, le lycéen poursuivit :

  • Chaque grand secteur a son propre étage, avec des équipements spécifiques pour aider les élèves de première à développer leurs talents. En seconde, on doit suivre le cursus général. En première, on choisit un secteur qu’on explore. Et en terminale, on doit bâtir un projet autour de notre spécialité.

Son regard vert dévia vers l’enseigne « Arts de la scène ». Il fourra alors son pouce dans sa bouche pour en mordiller l’ongle. L’exorciste suivit ses yeux.

  • Pourquoi tu n’entres pas ? lui demanda-t-il.

Les épaules de son camarade tressaillirent. Il jeta un regard peu avenant à Azaël accompagné d’un marmonnement incompréhensible. Prudemment, le jeune homme choisit de changer de sujet. Ses yeux parcoururent la pièce, à la recherche d’une distraction. Il la trouva dans deux yeux améthyste ombrageux. Le jeune homme installé à la table en fer forgé les observait fixement, le visage fermé. Même à cette distance, l’exorciste pouvait entendre vaguement un brouhaha sortir de son casque audio rouge. Ce garçon… C’était celui qui l’avait bousculé à la sortie de la cantine.

  • Hé, Richard… Tu le connais ?

L’intéressé se retourna, curieux. Il se renfrogna pourtant rapidement.

  • Ouais… C’est Haniel Amorth, le sans-secteur.
  • Le quoi ?
  • C’est comme ça qu’on appelle les premières qui n’ont pas choisi d’options. Normalement, il aurait dû être viré, mais tout le monde ignore pourquoi il est encore là. Vaut mieux pas se mêler à lui. Il est violent.
  • Comment ça ? Il a déjà frappé des gens ?
  • Quoi ? Heu, non, bafouilla Richard. Mais y’a des rumeurs quoi.

Azaël n’accordait aucun crédit aux bruits de couloirs. Il ignorait pourquoi, cet étudiant l’intriguait tant… Il émanait de lui une aura froide, presque glaciale. Il avait l’impression que son sang pourrait se figer dans ses veines rien qu’en l’approchant. Une sensation qu’il ne ressentait qu’en présence des whisperers, en temps ordinaire…

L’exorciste décida de repousser au fond de son cerveau le cas « Haniel Amorth ». Il n’avait pas de lien avec sa mission, autant l’oublier. Il consulta rapidement sa montre à gousset. S’il souhaitait commencer son enquête sur sa classe, il fallait qu’il se mette en mouvement. Il annonça à son camarade qu’il s’en allait et celui-ci proposa spontanément de l’accompagner. Décidemment, quel que soit son lien avec les « Arts de la scène », il semblait fuir cette option comme la peste, tout en y étant étrangement aimanté.

  • Je pensais tester « Sports », annonça Azaël.
  • Très bonne idée.

Ils se dirigèrent vers l’ascenseur concerné. L’enseigne du secteur était de loin la plus sobre. Une simple plaque de granit gravée. Deux lauriers en pot encadraient les portes de métal. Les pots en question étaient peints avec minutie. Des figures noires nues s’y déployaient. Si certaines couraient, d’autres semblaient sur le point de lancer des javelots. Les détails étaient si vivants qu’on s’attendait à tout moment à voir les figurants se mettre en mouvement.

Les battants s’écartèrent automatiquement à l’approche des deux élèves. L’intérieur n’était qu’une boîte de métal. Il n’y avait nul bouton incrusté sur les murs. Devant percevoir sa confusion, Richard eut un petit rire nerveux.

  • Les ascenseurs sont tous programmés pour se rendre aux étages correspondants à leur secteur.
  • Oh, d’accord…

Alors qu’ils allaient entamer leur ascension, un troisième passager s’engouffra dans l’élévateur. Azaël ressentit de nouveau cette vague de froid le submerger. Face à lui se tenait le tristement fameux Haniel Amorth. Engoncé dans un sweat-shirt gris, les mains enfoncées dans sa poche ventrale, le nouveau venu ne prêtait pas attention à eux. Il était adossé aux parois froides, les yeux clos. Pourtant, l’exorciste ne pouvait se défaire de la désagréable sensation qu’il le suivait…

Il n’eut pas le temps de se questionner davantage. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent de nouveau et Haniel les planta sur place sans le moindre regard en arrière. Richard poussa un soupir de soulagement, comme s’il avait craint que le sans-secteur ne s’en prenne à eux. Azaël, quant à lui, sentait un étrange agacement monter en lui. Il ignorait si c’était parce que son camarade lui avait parlé des rumeurs juste quelques minutes auparavant, ou s’il s’agissait de son instinct, mais quelque chose ne collait pas. Comme deux pièces de puzzle qui refusent de s’emboîter.

  • Azaël, tu viens ?

Richard lui fit signe de le suivre. Les deux jeunes hommes se trouvaient dans un vestibule désert. Face à eux était épinglée une immense carte plastifiée. En l’examinant, Azaël comprit que l’étage était divisé en une dizaine de gymnases afin que chacun puisse pratiquer le sport de son choix. Un bassin olympique, un terrain de volley-ball, une gigantesque patinoire, des pistes d’athlétisme, une salle de musculation… C’était impressionnant ! Le jeune homme ne put s’empêcher de songer que si le Clan avait à sa disposition de tels équipements, ce serait fantastique. Les exorcistes pourraient recevoir un entraînement de qualité bien supérieure afin de faire face aux whisperers.

  • Il y a un sport que tu souhaiterais voir, Azaël ? lui demanda Richard.
  • Je vais aller voir les pistes d’athlétisme. Et toi ?
  • Je pense aussi, oui…

D’après le plan, le chemin le plus simple pour accéder aux pistes, c’était de passer par le dojo de kendo puis par le terrain de basket. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la première salle, les deux élèves furent cueillis par l’atmosphère solennelle qui y régnait. Les kendokas semblaient avoir organisé des duels. Pendant que le combat se déroulait, tous les autres s’asseyaient en silence afin d’observer. C’était le cas aussi des élèves de seconde présents. Sur leurs visages se lisaient un grand sérieux. L’exorciste et Richard passèrent très vite leur chemin.

Dans la seconde salle régnait une tout autre ambiance. Les sportifs étaient en train de jouer un match des plus intenses. Ça courrait dans tous les sens, ça criait, ça se bousculait ! Un esprit bon enfant semblait régner ici. Azaël remarqua que certains élèves se tenaient en retrait dans les gradins. Certains prenaient des notes sur leurs ordinateurs, d’autres griffonnaient dans de larges carnets.

  • Ce sont des premières du secteur « Sport » ? s’étonna Azaël.
  • Je ne pense pas, répondit Richard. Il doit s’agir d’autres options. Comme le secteur « Sport » est un terrain neutre, tout le monde peut venir ici comme bon leur semble.
  • Un terrain neutre ?

Son interlocuteur hocha la tête, comme s’il s’agissait d’une vérité universelle. Il fallut qu’Azaël répète sa question pour qu’il consente à lui donner davantage d’explications. Son camarade lui annonça qu’il existait ce que tous appelaient « la guerre des secteurs ». Il s’agissait d’un jeu de rivalité mis en place au sein de Sisoa. Les élèves de première ou de terminale se défiaient régulièrement pour prouver la supériorité de leur option. Parfois, ça pouvait même déraper en baston générale. L’exorciste imaginait mal comment cela pouvait se produire et surtout comment les adultes pouvaient laisser une telle chose se produire.

  • Mais cela ne concerne pas les « Sports » ou la « Cuisine », poursuivit Richard en haussant les épaules. Depuis leur création, ce sont des secteurs impartiaux. Les cuistos, parce qu’ils servent au bon fonctionnement de l’école. Et les sportifs, c’est surtout parce que les autres secteurs refusent de se les mettre à dos. Ils apprennent plein de choses ici. Par exemple, les mathématiciens font des statistiques sur les matchs, les artistes se perfectionnent dans le dessin des corps en mouvement, ce genre de choses.
  • Oh, je vois…

Les deux étudiants s’en allèrent afin de gagner la salle qui les intéressait. Lorsqu’ils poussèrent la porte, ils furent surpris par l’étendue des pistes qui s’étendaient devant eux. Des dizaines d’étudiants étaient dispatchés à travers les couloirs de course. L’atmosphère n’était pas aussi survoltée que sur le terrain de basket, mais bien plus éveillée que chez les kendokas. Azaël s’y sentit instantanément à l’aise.

Il repéra un groupe de secondes qui s’était installé dans les gradins et décida de le rejoindre. En examinant les visages, il en reconnut plusieurs de sa classe. Alors qu’il cherchait une façon de les aborder, l’un d’entre eux leva une main à son approche pour le saluer.

  • Hé, t’es le nouveau, non ? Viens avec nous !

Azaël, toujours suivi de Richard qui semblait très mal à l’aise, s’installa près d’eux. Ses camarades se présentèrent rapidement avec des sourires.

  • C’est rare, d’être transféré à Sisoa en avril ! s’exclama l’un d’entre eux. Tu étais où, avant ?
  • À Marguerite de Flandre, un lycée assez loin d’ici, répondit spontanément Azaël, récitant fidèlement le profil que le Clan avait créé pour lui. Ma famille a déménagé à Honeda à cause de la mutation de mon père et me voilà !

Les secondes, excités, essayèrent d’en savoir plus sur lui, mais Azaël fut vite à court de réponses, alors il orienta la conversation vers leur classe. Sengo lui avait conseillé de s’intégrer au plus vite afin de dénicher des informations rapidement.

  • Vous avez l’air d’être une classe soudée, fit-il remarquer candidement.
  • Mouais, on peut dire ça. Ça dépend avec qui, rétorqua une fille en fronçant le nez.

Richard se raidit lorsqu’elle posait son regard sur lui et il se leva subitement sous prétexte qu’il avait envie de voir le bassin de natation. Il s’en alla d’un pas nerveux, presque… apeuré. Son attitude surprit l’exorciste, mais on ne lui laissa pas le temps de s’appesantir sur le sujet.

  • Ne fais pas attention à lui, souligna un élève à son attention. Richard est un peureux.
  • On a quelques moutons noirs, dans la classe, poursuivit la jeune fille avec désinvolture. Comme cette cruche d’Édith.
  • Oh, vous avez encore vu sa coiffure bizarre ? rit son ami. Elle est tellement étrange, cette nana !

Tous gloussèrent en hochant la tête. Azaël, lui, demeura muet, surpris par le changement de ton, désormais lourd en animosité. Certes, Édith lui avait paru excentrique, mais ce n’était pas pour autant qu’elle était l’imbécile que ses nouveaux camarades dépeignaient ! Il choisit cependant de ne pas s’en mêler afin de questionner davantage les étudiants. Heureusement, la conversation dériva vite et les échanges furent bien plus légers par la suite. Soudain, un des adolescents fronça le nez.

  • Putain, v’là le sans-secteur…

Haniel Amorth venait de passer les portes des pistes de course. Voûté, il traînait des pieds et semblait fouiller la salle du regard. Ses yeux accrochèrent soudain ceux d’Azaël et ils restèrent ancrés dedans, comme aimantés. Un drôle de malaise s’installa dans les tripes de l’exorciste. Est-ce que son pressentiment serait juste… ?

  • Dégueu, souffla une jeune fille à sa droite.

Les autres ricanèrent, comme pour approuver son insulte. Une décharge électrique remonta le long de la colonne d’Azaël. Il ignorait de quoi il en retournait, mais il avait la sensation qu’il venait de se faire gifler. Il se leva et balbutia une excuse, préférant battre en retraite pour le moment. Il dévala les gradins, suivi de près par une paire d’yeux améthyste ombragées.

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– Édith Piaf s’est connectée –

Édith Piaf : Bonsoir, camarades ! Quelle après-midi exaltante ! J’ai pu pratiquer la scie musicale, j’en ai encore des frissons jusqu’au bout des couettes !

La Fée Morgane : Alors, le nouveau a aimé la visite ?

Édith Piaf : Le nouveau ?

Le Roi Léo : Oui, tu devais guider Azaël Walker pour lui faire découvrir les secteurs.

Kim Possible : Et surtout lui extirper le maximum d’informations.

Édith Piaf : …

La Fée Morgane : …

Le Roi Léo : …

Kim Possible : …

Édith Piaf : Oups ?

Kim Possible : C’était couru d’avance. Dès qu’on parle musique, tu t’évapores !

Le Roi Léo : Comment as-tu pu oublier ta mission sacrée ! Heureusement que j’étais là pour couvrir tes arrières. Figurez-vous qu’Azaël était dans le secteur du « Sport » cet aprèm.

Kim Possible : Mais qu’est-ce que tu faisais là-bas, toi ?

Le Roi Léo : En recherche d’inspiration pour ma prochaine toile.

La Fée Morgane : Ça ne nous apprend pas grand-chose, quand même… Et si on essayait juste de devenir ses amis plutôt que de fouiner dans sa vie ?

Le Roi Léo : …

Édith Piaf : …

Kim Possible : Nan, fouiner, c’est plus drôle !

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Alex3393
Posté le 13/07/2025
Bonsoir Ascal,

Bon personnellement, je prend beaucoup de plaisir à découvrir Sisoa encore un peu plus. Tu portes le chapitre sur son fonctionnement, en particulier sur les " secteurs" qui donne envie d'en savoir encore plus. Tu présente en parallèle le personnage de Haniel qui justement est un " sans-secteur" et c'est bien pensé. Je suis très intrigué par ce personnage présenté d'entrée comme mystérieux et potentiellement l'ennemi recherché. Je ne peux m'empêcher de penser qu'au final cela tournera différemment et qu'il deviendra un allié. Je garde ca dans un coin de ma tête pour la suite.
J'aime bien encore une fois le petit chat à la fin entre les autres autres élèves. On se demande quelles sont leurs véritables intentions?

Un bon chapitre qui nous plonge un peu plus profondément dans ton univers et ses mystères!

Je m'en vais lire le prochain chapitre !
Ascal
Posté le 14/07/2025
Hello Alex ! Merci pour ton intérêt pour mon histoire et ravie que ça t'ait plu ! Haniel a en effet encore bien des secrets à révéler :)
Cléooo
Posté le 13/07/2025
Et re-hello !

Je n'ai pas encore le sentiment de rentrer complètement dans l'histoire, MAIS déjà plus qu'au chapitre précédent. Le personnage de Haniel Amorth porte un peu le chapitre, ici je trouve que tu as mieux entremêlé cette touche de tension avec les différentes informations de ton univers. Je sens que tu as beaucoup réfléchi au fonctionnement de Sisoa, et je comprends la volonté de l'exposer, mais c'est mieux de le faire petit à petit. Surtout que, si je pressens que ça va avoir de l'importance à un moment x ou y, je n'arrive pas à le lier complètement avec le pitch de base.
Bref un bon chapitre, qui met en avant le thème paria et on continue sur la découverte candide du lycée avec cette touche de tension amenée par Haniel.

Quelques remarques :

- "La pièce en elle-même était minuscule, partagée entre un lavabo, un lit et une armoire. Les murs nus étaient constellés de trous de punaise et de traces de patafix" -> ça jure un peu avec le côté prestigieux du lycée.
- "Il espérait tellement être un jour comme lui… " -> ça pourrait être l'occasion de dire deux trois choses de plus, au sujet de Sengo ? Sinon ce n'est pas parlant.
- "d’aller observer de plus près leurs années afin de déterminer leurs choix de secteurs." -> je n'ai pas compris ce que tu voulais dire par là.
- "soulagé d’apercevoir un visage familier" -> décidément, j'ai du mal à cerner Azaël, qui tantôt fait l'éloge de la solitude, tantôt semble bien sociable !
- "Poudre" et "huile" dans la liste des odeurs me surprennent un peu. Ce sont d'ordinaires des choses qu'on parfume, justement, et donc en l'état ça ne m'évoque rien.
- " « Cuisine », « Sport », « Lettres », « Mathématiques »… Il ignorait qu’il y avait tant d’options possibles !" -> ici, le listing me semble assez classique.
- "Il s’agissait d’un jeune homme aux cheveux blonds en pagaille." -> imagine qu'ils sont tous chauves. Comment les décriras-tu? En vrai, la suite de la description serait presque suffisante, évoquer ses cheveux pourrait n'être fait qu'en passant, au lieu d'être sa première caractéristique.
- "Les élèves de première ou de terminale se défiaient régulièrement pour prouver la supériorité de leur option. Parfois, ça pouvait même déraper en baston générale." -> sur des passages comme ça, j'ai vraiment des vibes manga. Je ne suis pas sûre d'à quel point ça se transpose au roman, attention à y aller avec parcimonie :)

Et sur ce, je te dis à bientôt :)
Ascal
Posté le 13/07/2025
Hello Cléo ! Merci pour ton retour. Je prends note de toutes tes remarques qui m'aideront certainement à améliorer mon texte à l'avenir :)
Passe une bonne journée !
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