Si Azaël pensait qu’il pourrait se reposer après une journée aussi agitée, il se trompait. Non seulement, la visite de la tour des premières s’était conclue abruptement, mais il ne put même pas aller fouiner par la suite. Il dû se rendre dans la salle d’étude où se réunissait sa classe pour s’atteler à leurs devoirs. Chaque élève devait émarger son nom, pas moyen d’y couper.
L’exorciste avait toujours été un rat de bibliothèque. Avec sa meilleure amie, il passait son temps le nez dans les livres. Il se savait plus intellectuel que physique. Pourtant, il avait buté contre chaque exercice. S’il pensait avoir une éducation poussée au Clan, Sisoa venait de lui démontrer qu’il avait tort. Mathématiques, lettres, langues, il était en retard sur toutes les matières. Son cerveau fumait rien qu’en y repensant !
Après avoir usé ses méninges et ses yeux sur ses manuels, il avait l’impression que son esprit n’était qu’un champ de ruines. Il fut soulagé de retrouver Édith à la cantine pour se laisser guider sans avoir à utiliser sa cervelle. Il passa le repas muré dans le silence, reprenant lentement des forces. De toute manière, sa camarade et ses drôles d’amis n’avaient pas besoin de sa participation pour débattre avec passion.
Puis enfin, les élèves purent regagner leurs dortoirs. Bien qu’épuisé par cette journée riche en nouveautés, Azaël s’astreignit à une toilette sommaire avant de passer son pyjama et d’enfin s’effondrer en travers de son matelas. Il tira péniblement son portable de la poche de son pantalon afin d’envoyer son rapport à Sengo. Son mentor lui répondit quasi instantanément par un message succinct, ce qui lui arracha un sourire. L’étudiant déposa soigneusement son portable sur sa table de chevet avant d’extraire du ventre de son oreiller la photo de ses parents. Il contempla longuement le cliché, dans un silence religieux. Ses doigts osaient à peine effleurer les visages heureux. Il ne se souvenait pas du contexte cette photo, même si elle avait été prise quelques mois avant la mort violente de ses parents.
- Bonne nuit, papa, maman, murmura-t-il, comme s’il avait peur de chasser leurs fantômes s’il haussait la voix.
Sur le papier glacé aux couleurs délavées, les sourires rayonnants le cueillirent au cœur. Une sensation de malaise pinça ses tripes et le jeune homme enfouit le cliché dans sa taie d’oreiller. À peine sa tête eut-elle touché l’oreiller que des bruits attirèrent son attention. On frappait… à sa porte ?
- Azaël… Tu peux m’ouvrir ?
La voix lui était familière sans qu’il parvienne pour autant à l’identifier. L’exorciste s’arracha à contre cœur de la chaleur des draps. Lorsqu’il parvint au seuil de sa chambre, un sentiment glacé lui tomba sur l’estomac. C’était comme si les couleurs s’étaient retirées du monde, comme si l’air avait disparu. Une sensation de malheur, de tristesse engourdissait ses sens. Seul une espèce pouvait provoquer de telles émotions rien que par sa présence.
Un long stylet argenté glissa de la manche de son pyjama pour venir se loger dans sa main. Le contact froid du métal provoqua une série de frissons le long de son bras, jusque dans sa cervelle. Ce courant électrique le tira de son apathie. Prenant soin de dissimuler le couteau dans son dos, le jeune homme ouvrit la porte. Face à lui se tenait nul autre que son guide de l’après-midi, Richard.
- C’était donc toi, murmura-t-il pour lui-même.
Son camarade lui offrit un sourire semblable à une plaie insondable avant de s’effondrer sur le sol, telle une poupée de chiffon. Un crissement strident perça les tympans de l’exorciste. Tout à coup, il sentit une puissance surnaturelle le soulever de terre et le jeter en arrière. Son dos rencontra violemment son armoire, dont les portes volèrent en éclat. Le choc vida les poumons d’Azaël alors que des étincelles blanches dansaient éclataient dans son champ de vision. Cette saleté de monstre n’avait pas perdu une seconde ! Les doigts de l’étudiant assurèrent leur prise autour du manche de son arme.
- Xeo, gargouilla-t-il.
Ses yeux virèrent entièrement au noir. Un voile d’ombres s’abattit sur son champ de vision. C’était comme si toutes les couleurs avaient rendu l’âme et seule subsistait l’obscurité. Dans cette noirceur sans fin, seule une silhouette opaline aux contours déchiquetés se dressait. La brume qui la composait englobait le corps évanoui de Richard telle une armure impénétrable. Et au centre de sa poitrine battait un orbe de lumière écarlate. Ses bras difformes traînaient à terre et ses griffes aigues semblaient agitées de spasmes, comme animées d’une vie propre. Le visage blanc du whisperer n’avait rien d’humain. Il ne s’agissait que d’un brouillard où se découpait une plaie sanguinolente dans un simulacre grossier de sourire.
Sans hésiter, l’exorciste bondit sur ses pieds avant de se fendre en avant, arme au poing. Il dut cependant rapidement changer de trajectoire lorsque l’un des membres démesurés du monstre fondit sur lui. D’un bond, Azaël se jeta sur le côté. Pourtant, sa manœuvre fut entravée par le whisperer. Son bras craqua avant de se casser dans un angle improbable afin de suivre son mouvement. Ses doigts malingres se nouèrent autour de la cheville du jeune homme pour le tirer en arrière. Déséquilibré, l’exorciste s’étala à terre. Son menton rebondit sur le sol et ses dents se plantèrent dans sa langue. Un goût de fer envahit sa bouche. L’étudiant réalisa que le combat allait s’avérer plus ardu que prévu. S’ils poursuivaient leur affrontement ici, ils allaient inévitablement attirer l’attention.
Il sentit le bras se rétracter dans un spasme pour le tirer en arrière. D’une torsion de hanche, l’exorciste parvint à rouler sur le dos. Il planta sa lame dans la main qui le retenait. La langue de métal s’enfonça dans la brume opaline sans rencontrer la moindre résistance. Pourtant, un hurlement lugubre déchira l’atmosphère. En feulant de rage, la bête récupéra son membre blessé. Du sang doré fumant s’écoulait de sa plaie et se répandait sur le sol. Le lino se tordait sous la morsure du liquide acide en grésillant.
- Hatfo ! cria Azaël.
Une vague de chaleur déferla dans ses muscles avec la force d’un ouragan. Son sang, fouetté par le sortilège de renforcement physique, circulait avec plus de fluidité que jamais dans ses veines. Son cœur battait avec une telle force que le jeune homme avait l’impression qu’il allait se cogner contre les os de sa cage thoracique.
L’étudiant se propulsa contre son ennemi, épaule la première. Tous deux furent projetés avec violence contre le mur et le placo se fendit sous l’impact. Furieux, le whisperer rugit et tenta de planter ses crocs écarlates dans le corps d’Azaël. Ce dernier se laissa couler sur le sol et asséna un violent coup de talon dans le tibia de son vis-à-vis avant de se jeter en arrière. Profitant de l’inattention de son adversaire, l’étudiant gagna le couloir et détala. Grâce à la puissance surnaturelle qui courait dans ses jambes, il parvint à l’autre bout de l’étage en quelques instants. Il enfonça la porte coupe-feu et se retrouva dans la cage d’escalier. Sifflant de rage, le monstre le suivait de près. À l’aide de ses bras démesurés, il rattrapa le jeune homme en un claquement de doigt et tomba de tout son poids sur son dos.
Les deux ennemis dégringolèrent les marches avec fracas. Emportés dans leur lutte, ils passèrent par la fenêtre de l’étage inférieur. Les éclats de verre ressemblaient à une pluie d’étincelle dans les rayons rasants du soleil couchant. Le vent soufflait avec force dans leurs oreilles alors que les corps enchevêtrés entamaient une chute vertigineuse. Ils durent leur salut à l’instinct de survie du whisperer. L’un de ses bras se déploya vers le ciel telle une liane monstrueuse. Ses doigts s’enroulèrent autour de la rambarde du toit, stoppant brutalement leur plongeon. Les corps se fracassèrent contre la façade de l’internat et l’impact vida leurs poumons de tout souffle.
Azaël étouffa avec peine un cri lorsque les crocs du monstre labourèrent son bras pour lui faire lâcher prise. Ignorant la souffrance qui dévalait dans ses entrailles, l’exorciste planta son arme dans le ventre du whisperer. Ce dernier rugit et s’ébroua, tentant de se débarrasser de son passager indésirable. Lorsqu’il comprit enfin que l’exorciste ne lâcherait pas prise, il tenta alors de fuir. Le bras qui les maintenait entre ciel et terre tressaillit avant de rétracter à toute vitesse. Projetés vers le haut, les deux ennemis filaient vers le ciel tout en poursuivant leur lutte. Parvenus au toit, ils atterrirent violemment sur le sol. Ils roulèrent sur le béton. Le monstre parvint à expulser Azaël d’un coup de coude dans le ventre et se releva d’un bond. Sans lui laisser l’occasion de fuir, l’exorciste projeta son couteau de toutes ses forces. La lame fila dans le vent et se ficha dans le dos du monstre. Ce dernier poussa un gargouillement surpris. Ses jambes le lâchèrent et il tomba à genoux.
Le jeune homme se redressa difficilement. Sa respiration erratique lui brûlait la trachée. La douleur qui pulsait à travers son corps était si lancinante qu’il avait la sensation qu’il pourrait dégobiller à tout moment. Il claudiqua jusqu’à son ennemi et le contourna pour lui faire face. Un second couteau glissa de sa manche de pyjama dans sa main. L’exorciste murmura son dernier sort dans un souffle.
- Ritgaq.
La lame s’enfonça dans le noyau battant du whisperer. La couleur vibrante de son cœur se tordit dans un dernier soubresaut avant de s’éteindre. La gueule du monstre se tordit dans une moue étonnée, presque… enfantine. Puis les particules de brume de son corps évanescent commencèrent à se détacher du corps de Richard. Emportées par le vent du crépuscule, les tessons de l’être surnaturel se désagrégèrent rapidement.
Azaël recueillit contre lui le corps mou de son camarade de classe et tous deux glissèrent sur le sol. L’exorciste allongea le jeune homme avant de lui-même se laisser tomber en arrière. Contre son dos, le béton était glacé. Épuisé, Azaël tentait désespérément de reprendre son souffle. Le contrecoup du combat était violent. Alors que ses sorts se dissipaient en même temps que l’adrénaline, la douleur et la fatigue l’envahissaient. Il aurait tout donné pour avoir le luxe de pouvoir céder au sommeil ici même. Mais son travail n’était pas encore terminé.
- Putain, c’est quoi ce bordel ?!
L’exorciste se redressa d’un bond, comme monté sur ressorts. À l’autre bout du toit, un témoin l’observait avec effroi. Ses yeux exorbités ne cessaient de passer de Richard à son couteau dans un mouvement incohérent. Lorsqu’Azaël voulut faire un pas vers lui, le jeune homme poussa un cri de terreur avant de décamper comme s’il avait le diable aux trousses. L’étudiant saisit sa tête entre ses mains, résistant à l’envie de vomir. De tous les élèves, il fallait évidemment que ce soit Haniel Amorth qui le surprenne en plein exorcisme.
Putain, en effet…
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– La Fée Morgane s’est connectée –
La Fée Morgane : Vous avez entendu ce raffut ? Kim ?
Kim Possible : Pourquoi tu supposes directement que j’ai des renseignements ?
Le Roi Léo : A-t-on vraiment besoin de répondre… ?
Kim Possible : Oui, c’est vrai, c’était une question idiote. J’ai demandé ce qu’il se passait au chef d’étage, il pense qu’un bizutage a mal tourné.
Édith Piaf : Un bizutage ? Est-ce que ça aurait un lien avec le camarade Walker ?
Kim Possible : Tout juste !
Édith Piaf : J’espère que le camarade Walker va bien…
Kim Possible : Je suis allé jeter un coup d’œil à sa chambre, l’armoire avait genre explosé !
Le Roi Léo : Explosé ?? Dieu Warhol, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Kim Possible : La suite au prochain épisode, je reviens rapidement avec de nouvelles informations. Kim out !
Chapitre bien rythmé que tu proposes ici, ça se lit bien. Au niveau de l'équilibre, on est vraiment dans l'action, c'est top après ces deux premiers chapitres plutôt d'exposition. J'aurais presque aimé que ce chapitre 3 soit ton premier chapitre parce que j'adore les débuts in media res, ça embarque encore plus le lecteur et cette scène se lit très bien même sans contexte.
Sinon, on retrouve Haniel Amorth en fin de chapitre, tu l'as bien présenté avant, c'est bien. On se doutait déjà qu'il allait avoir son importance, et maintenant, à voir comment il va réagir à ce dont il a été témoin.
Je m'interroge aussi sur si Azaël va rester à Sisoa, et si oui pour quelle raison, maintenant que sa mission a été menée à bien.
Divers :
- "S’il pensait avoir une éducation poussée au Clan, Sisoa venait de lui démontrer qu’il avait tort. Mathématiques, lettres, langues, il était en retard sur toutes les matières." -> mais il a quand même réussi à rejoindre le lycée, il doit donc avoir un certain niveau, tout de même ?
- "Il ne se souvenait pas du contexte cette photo, même si elle avait été prise quelques mois avant la mort violente de ses parents." -> ces deux phrases ne se contredisent pas, donc je beugue sur le "même si"
- "Lorsqu’il comprit enfin que l’exorciste ne lâcherait pas prise, il tenta alors de fuir." -> "lorsque" et "alors" font doublons ici
À bientôt :)
Wow chapitre intense et ce n'est pas pour me déplaire =)
Le combat est vraiment bien écrit. Bien qu'il fasse pratiquement tout le chapitre, il reste rythmé, haletant et impossible de quitter le texte des yeux avant la fin. J'aime beaucoup l'idée d'un combat aussi ardu aussi tôt dans l'histoire, on est vraiment dans la dynamique de montrer les choses plus que de les dires. Notre héros combat un Whisperer alors qu'on ne sait encore rien d'eux ni de pourquoi il les combats ce qui amène plein d'interrogations et encore plus d'envie de poursuivre l'histoire !!
Pareil pour les sorts d'exorciste, on a très envie d'appendre d'où lui vienne ses pouvoirs et comment Azaël les a obtenus.
Et encore une fois Haniel Armoth se retrouve pas loin, tiens tiens tiens...
Super chapitre, bravo! J'ai vraiment hâte de lire la suite ;)