Exorcisme douze : Se comprendre

Par Ascal
  • Attends, attends ! J’essaie de comprendre un truc, là. Un ami – j’entends par là un ami normal, genre une personne réelle qui vit dans le monde réel sans les whisperers, bref ! Il t’a invité à passer le week-end chez lui, et tu as refusé ?
  • Pour la huitième fois, Ronnie, oui, j’ai refusé !
  • Mais pourquoi ?
  • Parce que j’ai mes devoirs d’exorcistes à remplir ! Comme vous enseigner ce qu’est la vie en dehors du Clan !

Au premier rang de la salle de classe improvisée composée des exorcistes adolescents et enfants, Ronnie jeta un drôle de regard à Azaël, comme s’il était particulièrement stupide. Donnie décida d’intervenir avant que les choses s’enveniment :

  • Je pense que ce que Ronnie veut dire ici, c’est que peut-être ça aurait été enrichissant de savoir comment un élève normal de ton lycée occupe son temps pendant le week-end.

L’ensemble de la classe, composée d’une dizaine de faux étudiants, hocha la tête en signe d’approbation. Azaël aurait bien voulu leur répliquer que Haniel était tout sauf un « élève normal », mais il se mordit l’intérieur de la joue à la place. C’est alors que Sengo, assis au fond de la salle, leva la main pour demander l’autorisation de parler.

  • Je pense que c’est une bonne idée, intervint-il. Le week-end prochain, essaie de te faire inviter de nouveau par ton ami, cet Haniel. Cette expérience pourrait effectivement se révéler très intéressante.

Le lycéen se sentit rougir jusqu’à la pointe des oreilles et murmura son accord du bout des lèvres. Satisfait de sa réponse, Sengo prit congés, libérant par ce geste les autres élèves qui s’enfuirent dans un joyeux brouhaha. Seuls demeurèrent dans la pièce les F.I., fidèles au poste, pour une fois. Ronnie se redressa sur son siège, curieux.

  • Hé, Azaël, ces gens, là-bas, ils ne sont pas obligés de s’entraîner tout le temps, c’est bien ça ?

Azaël ne put s’empêcher de sourire devant la naïveté de la question.

  • En fait, tous les élèves là-bas ont des occupations différentes, répondit-il avec sérieux. Certains font du sport régulièrement, mais certains se consacrent à d’autres arts comme la musique ou le théâtre.
  • Mais tu disais qu’ils étaient beaucoup plus avancés technologiquement que nous, par contre ?

Les yeux de Ronnie brillaient de curiosité. Il aurait pu continuer ainsi pendant des heures si son ami n’avait pas fini par l’entraîner à sa suite afin qu’ils aillent se cacher avant le début de leur entraînement. Ils finirent par s’éclipser en riant sous cape. Demeuré seul, Azaël nettoya soigneusement le grand tableau noir dont il s’était servi pendant son cours. Il était songeur. La nuit de vendredi avait été mouvementée. Alors qu’Édith et lui fuyaient l’étage du conseil des élèves, il se rappelait avoir de nouveau ressenti une vague de froid. Cela signifierait qu’un troisième whisperer hanterait Sisoa.

Ce n’était pas spécialement étonnant, en soi. Ce lycée était une école d’élite où se regroupaient la crème du pays. Les professeurs mettaient une grande pression sur les épaules de leurs élèves pour qu’ils perfectionnent leurs talents. Un endroit pareil était imprégné d’angoisses adolescentes. Autrement dit, un festin pour les whisperers à la recherche d’émotions négatives…

Mais qui était hanté ? Il pouvait éliminer d’office Édith puisqu’elle ne l’avait pas quitté d’une semelle. Ce qui laissait quatre possibilités : Phineas, Léo, Morgane et Kim. Il allait falloir qu’il enquête afin de… Azaël replia son chiffon en secouant la tête. Non. Il ne pouvait pas enquêter. Pas sans ses pouvoirs spirituels. Seul Haniel pouvait le faire. Mais, pour cela, il allait falloir qu’il accélère sa formation…

Ah, il aurait aimé que Himi soit là pour le conseiller. Son amie et lui ne se cachaient jamais rien. Ils étaient arrivés au clan sensiblement à la même période. Il avait alors six ans, Himi, quatre. Ils avaient grandi ensemble, main dans la main. Petits, ils se glissaient toujours dans le lit de l’autre pour échanger leurs secrets, leurs rêves, leurs peurs. Il s’agissait de la personne en laquelle il avait le plus confiance au monde.

Malheureusement, son amie n’était pas là, ce week-end. Encore. À croire qu’elle l’évitait. Ce qui était faux… n’est-ce pas ?

Pour échapper au bouillonnement de ses pensées, Azaël enfila sa tenue de jogging et signala d’un texto à Sengo qu’il partait courir dans les rues de Honeda. Il en profiterait pour patrouiller. Même si des exorcistes étaient chargés de faire des rondes régulièrement dans la ville afin de relever les comportements suspects susceptibles d’être liés à des activités paranormales, une paire d’yeux supplémentaire était toujours la bienvenue.

Écouteurs dans les oreilles, le jeune homme s’élança sur les trottoirs. Haniel lui avait confectionné une playlist de grands titres, comme il disait, afin qu’il commence à rattraper son retard culturel. Azaël n’avait jamais fait du sport en musique, mais il comprit rapidement pourquoi son élève insistait tant pour courir avec son casque. Plongé dans la chanson, il avait l’impression que ses jambes étaient plus légères. Son souffle s’harmonisa automatiquement sur le rythme des notes. L’exorciste se mit même à sourire légèrement. Ses foulées lestes le menèrent jusqu’au parc Van Gogh, véritable poumon vert de Honeda. Il arriva rapidement à un lac qui étincelait sous le coucher de soleil. Les rayons rasants doraient les pétales des nombreux nénuphars qui se balançaient indolemment sur l’eau. Un spectacle de toute beauté dont il ne se lassait jamais…

L’exorciste s’arrêta sous un arbre pour s’étirer. Assis entre les racines, un jeune homme blond dessinait l’horizon, capturant ici un visage, là un nuage. Il était extrêmement concentré sur sa feuille. De temps à autre, lorsque l’inspiration venait à manquer, ses doigts venaient titiller la boucle d’oreille en forme de serpent qui faisait le tour de son oreille.

Azaël l’observa discrètement quelques secondes avant de reporter son attention sur les nénuphars. C’est alors qu’une silhouette familière attira son attention. Vêtu d’un large sweat-shirt gris et d’un jogging informe, Haniel était en train de suivre la courbe du lac au trot. Cette vision le surprit agréablement. On dirait que son élève était plus studieux qu’il ne le laissait croire. Il s’apprêtait à le héler lorsque le lycéen trébucha soudain et perdit l’équilibre. Il s’étala de tout son long sur les graviers. Sans perdre une seconde, il se redressa, épousseta son pantalon ouvert au niveau du genou puis repartit en boitant légèrement. Intrigué, sans même s’en rendre compte, Azaël se mit alors à le suivre.

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Accompagné des voix de son groupe préféré, Haniel s’abîmait dans l’exercice. Cela faisait combien de temps qu’il trottinait autour de ce maudit lac ? Il n’arrivait pas à évaluer le temps. Son genou droit écorché le lançait terriblement, mais il ne voulait pas que ses jambes cessent de se mouvoir. Continuer, encore et encore. Afin que ses pensées fondent et disparaissent à jamais dans le labyrinthe de ses neurones. Afin que la musique remplace à jamais les cris. Afin que ses yeux ne voient plus que ce chemin de graviers.

Sa seconde chute fut plus violente que la première. Il tenta de se réceptionner sur les mains et le choc se répercuta dans ses os. Hors d’haleine, le jeune homme s’assit péniblement. Ses paumes étaient en sang. Ses doigts tremblants firent glisser en arrière son casque. Le soleil était sur le point de disparaître. Déjà, on voyait poindre les premières étoiles dans la voûte céleste.

  • Hé.

Le lycéen eut un sursaut et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Il fut surpris de voir Azaël se tenir derrière lui. Vu sa tenue, lui aussi était sorti courir… Super. Haniel rabattit sa capuche sur sa tête avant de rapidement essuyer ses yeux humides. Dans un crissement de graviers, l’exorciste vint s’asseoir face à lui. Il fronça les sourcils tout en l’étudiant du regard.

  • Haniel, commença-t-il. Je voulais te dire… Hum, désolé, pour ce matin. Je n’aurais pas dû refuser ton invitation aussi froidement.

L’intéressé haussa un sourcil. Froidement, le terme était plutôt faible. La réponse de son colocataire avait été glaciale, polaire. Et laconique. Un « non » dépourvu de formes ou de miel. Direct, à l’image de monsieur je-suis-les-règles, en réalité. Et dire qu’il avait osé l’appeler « partenaire » en le regardant droit dans les yeux.

  • Si tu veux, poursuivit Azaël, je peux…
  • Non, le coupa Haniel, devinant facilement le reste de sa phrase. Non, je ne veux pas que tu viennes chez mes parents. J’ai eu tort de te proposer ça. Juste un moment de faiblesse. Garde ta pitié et fiche-moi la paix.

Il se redressa en réprimant une grimace de douleur et s’éloigna en claudiquant. Après quelques secondes, il entendit l’exorciste se lancer à sa suite.

  • Haniel, attends !

Il n’aurait jamais dû lui proposer de venir chez lui. Pendant une seconde, la peur de retourner seul dans son foyer avait été telle qu’il s’était tourné vers la seule personne sur laquelle il pensait pouvoir compter. Mais, une fois de plus, il s’était trompé. Azaël avait dit qu’ils étaient des alliés. Mais leur partenariat se limitait aux whisperers. Même s’il avait clamé le contraire lorsqu’il lui était venu en aide face à Phineas. Une vague rouge s’abattit sur ses tripes. L’envie de courir se déversa dans ses veines. De s’enfuir.

  • Haniel !

Une main se referma brusquement sur son poignet. Cette fois-ci, il n’eut pas le temps d’effacer ses larmes. Azaël sembla surpris, mais son emprise ne se défit pas, au contraire.

  • Je – l’exorciste passa nerveusement sa langue sur ses lèvres. Je suis désolé. Si je t’ai blessé… Mais… Je ne comprends pas. S’il te plaît, Haniel… Pourquoi es-tu si triste ?
  • Triste ? cracha l’intéressé. Je ne suis pas triste ! Je suis en colère !

Il se dégagea et repoussa l’exorciste. Celui-ci, surpris, se laissa faire. Son manque de réaction ne fit qu’attiser la rage de son camarade.

  • Je suis en colère ! Contre ce foutu whisperer qui m’a pourri la vie ! Contre mes parents qui me prennent pour un dégénéré ! Contre Phineas ! Contre Sisoa ! Contre toi !

À chaque accusation, il poussait Azaël au niveau des épaules, le faisant reculer de quelques pas. Le semblant de paix qu’il avait trouvé dans l’exercice s’était évaporé. La rage flambait de plus belle dans son cœur. Les souvenirs affluaient dans son esprit. Il se rappelait avec une effroyable précision du nombre de coups de marteaux que sa mère donnait lorsqu’elle accrochait un nouveau crucifix sur les murs de sa chambre. Deux. Depuis sa naissance, elle en avait donné soixante-quatre. Comme autant de clous qu’elle avait scrupuleusement enfoncé dans ses entrailles. Il se rappelait des sanglots du garçon dont il était amoureux, au collège. Des soupirs exaspérés des professeurs. Des graffitis sur sa porte à l’internat. Des rires moqueurs. Des coups. De la douleur des marches de l’escalier du hall de son immeuble. Et de son impuissance alors que sa vie lui échappait…

Haniel roula ses mains en poings compacts. Lorsqu’il menaça de frapper, Azaël sembla s’ébrouer et se mit en posture défensive. Les doigts du lycéen hanté s’explosèrent contre les avant-bras de l’exorciste. Sans prêter attention à la souffrance, Haniel voulut cogner de nouveau, mais son adversaire était bien plus rôdé aux duels que lui. Avec l’agilité d’une anguille, le jeune homme passa sous sa garde et lui asséna un puissant coup à la mâchoire. Déséquilibré, le lycéen possédé recula en titubant.

  • La leçon de corps-à-corps est au programme, mais c’est un peu tôt pour la mettre en pratique, souligna très sérieusement Azaël.

Haniel l’incendia du regard. Il frotta son menton endolori, furieux. L’exorciste baissa ses bras prudemment. Il se mit à se balancer nerveusement d’un pied sur l’autre, ne sachant comment réagir.

  • Écoute, je suis désolé, finit-il par se lancer. Dans le clan, les relations sont tellement plus simples. Je… je veux t’aider, c’est la vérité. Mais je ne sais pas comment faire. Je comprends pourquoi tu es en colère contre moi.
  • Non… Non, c’est faux… Tu n’es pas fautif, Azaël.

Haniel se traîna jusqu’au banc le plus proche et se laissa tomber dessus. Son colocataire hésita quelques instants avant de le rejoindre. Il s’assit silencieusement à ses côtés, le regard attentif. Le lycéen détourna le regard, chercha ses mots.

  • J… Je suis surtout en colère… contre moi-même. Pas contre toi. Ni contre le monde, d’ailleurs. C’est juste que… J’ai grandi avec cette hargne, tu sais. Je pensais que c’était justifié. Que j’avais le droit de détester tout le monde parce que je souffrais et que j’avais besoin d’un coupable. Mais… depuis que je n’entends plus le whisperer, je dois me définir autrement que par ma rage…

Le jeune homme prit une profonde inspiration puis enfouit son visage entre ses mains.

  • Je suis juste tellement paumé…
  • Et ?

Haniel leva un regard surpris vers son colocataire. Ce dernier haussa les épaules.

  • Je suis paumé, moi aussi. Dans l’histoire du Clan, jamais aucun exorciste n’a été confronté à un cas comme le tien. Ou à une perte de pouvoirs comme la mienne. Si tu veux tout savoir, Haniel… J’ai peur.

Azaël noua ses doigts entre eux et se perdit dans leur contemplation de longues secondes, comme s’il réfléchissait.

  • Je pensais vraiment ce que je t’ai dit mardi… reprit-il lentement. Après notre confrontation avec Phineas. On est des alliés. Mais peut-être qu’il faudrait qu’on apprenne… à communiquer ?
  • Oh, tu vas enfin arrêter de te cacher derrière tes leçons et on va avoir enfin des conversations comme des êtres humains ? Plus de faux statuts « prof », « élève » ?
  • Non. Juste nous deux.

Haniel sentit sa colère refluer lentement, comme une marée qui se retire. Pour conclure ce nouveau marché, il tendit sa main à son colocataire. Celui-ci esquissa un petit sourire et claqua sa paume contre la sienne.

  • Donc… Si on doit être honnête l’un envers l’autre… Pourquoi tu voulais que je vienne ce week-end ? Ce n’est pas pour, hum, comment tu disais… Ah, oui ! traîner avec moi.

Haniel ouvrit et referma la bouche, hésita, songea à se dérober. Mais le regard grenat de son colocataire le captura dans ses filets. Il grogna, se frotta le visage.

  • Non, admit-il. J’avais bien une petite idée derrière la tête.
  • Ça a un rapport avec ta dent cassée ?
  • On peut dire ça… À vrai dire, ma famille et moi, ce n’est pas l’amour fou. Mes parents n’ont jamais compris mes accès de colère. Ils sont très pieux, tous les deux. Ils pensent que quelque chose est cassé, dans ma tête. Et le seul moyen pour me guérir… C’est la religion.
  • Comment ça ?
  • C… C’est peut-être un peu tôt… pour des confessions plus détaillées. Tu ne crois pas ?

Il n’était pas encore prêt à parler de ce genre de choses… Azaël hocha la tête. Son téléphone sonna alors. Le visage de l’exorciste se décomposa en voyant le nom à l’écran.

  • C’est Sengo. Il doit s’inquiéter. Je vais rentrer.
  • Ouais, je vais y aller aussi…

Il salua le jeune homme d’un signe de tête et commença à s’éloigner lorsque son nom retentit dans son dos. L’exorciste lui adressa un sourire timide :

  • Le week-end prochain… On le passe ensemble ?
  • Ouais… Pourquoi pas…
  • Ah, et aussi, j’ai presque oublié de te dire.
  • Hum ?
  • Il y a un whisperer à Sisoa.

--

Haniel s’écroula entre ses draps. Allongé dans le noir, il songeait à cette conversation irréelle qu’il avait eu, il y a deux heures de cela, avec son colocataire. Ils auraient presque pu passer pour des amis…

Les dernières paroles d’Azaël lui revinrent en mémoire. Apparemment, un autre whisperer traînait à Sisoa. Il avait une liste de quatre suspects sur lesquels ils allaient devoir enquêter. Il avait du mal à croire que le roi des chemises noires faisait partie du lot. Phineas n’avait pas changé, toujours bon à s’attirer des ennuis.

Mais cela signifiait qu’il allait enfin apprendre à exorciser pour de bon ces fichus fantômes. Et, qui sait ? Peut-être qu’il parviendrait à se débarrasser de son ectoplasmique sangsue de cette manière !

Trois coups furent donnés à sa porte. Il ne connaissait qu’une seule personne dans sa famille qui prenne la peine de signaler sa présence avant de faire irruption dans sa chambre. Le battant s’écarta doucement et une ombre se faufila dans la pièce. Le bruit de ses petits pieds était amorti par la moquette. Le jeune homme recula au fond de son lit pour lui laisser de la place sur le matelas.

  • Tu es rentré tard.

Milagro avait sa voix boudeuse. Elle se glissa sous la couette, serrant sa peluche préférée contre elle, un hippopotame. Du haut de ses dix ans, sa petite sœur estimait qu’elle n’était pas encore assez mature pour se séparer de son fidèle compagnon. Lors des soirées pyjamas, ses copines la traitaient souvent de bébé, mais rien n’aurait pu convaincre Milagro de se séparer de Monsieur Duveteux.

  • Désolé, canaille, chuchota Haniel en lui assénant une douce pichenette sur le nez. J’ai croisé un ami par hasard. On a pas mal discuté.
  • Un ami ? répéta la petite en ouvrant de grands yeux. Tu t’es fait un ami !

Le terme n’était pas exact, mais sa petite sœur semblait si contente que Haniel n’eut pas le cœur de la contredire.

Au sein de sa famille dysfonctionnelle, Milagro Amorth avait toujours été l’enfant bénie. La fille normale qui ne provoquait pas de bagarre à l’école, qui avait des tonnes de copines, des bonnes notes et qui excellait en sport. Haniel et elle auraient dû se haïr. Et ça avait été le cas pendant longtemps. Jusqu’à ce le lycéen découvre par pur hasard que sa petite sœur se faisait harceler par d’autres élèves de sa classe. Il avait alors compris que sa vie parfaite n’était qu’une image et qu’elle avait autant de raison d’en vouloir au monde que lui. Il avait tenté d’en parler à ses parents afin qu’ils agissent, mais ils avaient refusé de le croire. La dispute avait été violente. Le soir-même, Milagro était venu le trouver dans sa chambre pour la première fois. Pour la première fois depuis leur naissance, ils avaient eu une véritable conversation. Bien sûr, il ne lui avait jamais raconté qu’un fantôme murmurait dans ses oreilles. Il n’en avait pas eu besoin. Milagro l’avait accepté. Avec ses crises et ses silences butés.

Et pour cela, il lui en serait éternellement reconnaissant.

  • Tu écoutes moins de musique, ces derniers temps, fit remarquer la fillette. C’est grâce à ton ami ?
  • On… peut dire ça, oui, répondit Haniel, amusé.
  • Cet ami a l’air sympa. Plus sympa que Phineas, en tout cas. Je veux le rencontrer.
  • Ça tombe bien, canaille, il passe le week-end prochain avec nous.

Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Milagro. Elle enfouit son visage dans sa peluche en riant.

  • Tu as un ami, répéta-t-elle. Je suis tellement heureuse.

Pour quelqu’un de son âge, Milagro passait beaucoup trop de temps à s’inquiéter pour lui… Il aimerait lui prouver que les choses avaient changé, qu’il était maintenant capable de se prendre en main. Mais comment… ?

Sa petite sœur insista pour lui montrer une vidéo sur son téléphone. Ils passèrent une partie de la nuit pelotonnés l’un contre l’autre, à scroller sur Instagram. Alors que ses yeux commençaient à se fermer tout seuls, Haniel se rendit compte que la fillette s’était endormie. Il la prit dans ses bras et l’emmena jusque sa chambre. Là, il l’installa entre les draps, la débarrassa de ses lunettes carrées. Un dernier baiser sur le front et il retourna dans son propre lit, hanté par ses pensées tourbillonnantes. C’est alors qu’il remarqua qu’il avait reçu un SMS.

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– Édith Piaf a ajouté Azazel dans la conversation Chaussettes et Grenouilles –

Azazel :

Azazel :

Azazel :

Édith Piaf : Camarade, tu te rends comptes que tu n’envoies que des messages vides, là ?

Azazel : Désolé ! Je ne sais pas encore comment marche vraiment cette application de messagerie instantanée.

Kim Possible : Voilà qui s’annonce divertissant !

Azazel : Pourquoi nous ne parlons pas sous nos vrais noms ? C’est une conversation cryptée ? Sommes-nous sur écoute ?

Le Roi Léo : Relax, mec ! Ce sont juste des pseudos.

Azazel : Oh. Mais, pourquoi je porte le « pseudo » d’un démon biblique ?

Édith Piaf : Un démon ? Je ne sais pas. Azazel est un super vilain plutôt cool, pour moi.

Azazel : Un super vilain ?

La Fée Morgane : Azaël, tu connais les X-Men… n’est-ce pas ?

Azazel : Qui sont-ils ?

Kim Possible : Ah ouais… On a vraiment du pain sur la planche. Lundi soir, séance ciné dans ma chambre !

La Fée Morgane : Ta chambre est minuscule.

Le Roi Léo : Toutes les chambres de l’internat des secondes sont minuscules.

Kim Possible : Très bien, alors séance ciné dans la chambre du super vilain.

Azazel : Pardon ?

Édith Piaf : Deal !

La Fée Morgane : Ça me va.

Le Roi Léo : Entendu !

– Édith Piaf s’est déconnectée –

– Le Roi Léo s’est déconnecté –

– La Fée Morgane s’est déconnectée –

– Kim Possible s’est déconnecté –

Azazel : Je ne suis pas sûr d’aimer cette application…

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