Exorcisme vingt-deux : La frustration de l’impuissance

Par Ascal
  • Phineas m’a défendu contre le proviseur ?

Installé en tailleur sur son lit, Azaël hocha la tête. Haniel, assis sur son propre matelas, avait du mal à en croire ses oreilles. Quoique… Il se perdit dans ses pensées et souvenirs. Était-ce si surprenant que cela ? Phineas avait toujours agi à sa guise sans consulter quiconque, ce qui lui avait attiré des ennuis par le passé plus d’une fois. Qu’il prenne sa défense en secret ne lui paraissait pas une idée si absurde, en réalité…

  • Il faut qu’on vérifie que ce n’est pas lui qui est possédé, enchaîna l’exorciste. Il va falloir que tu le confrontes.
  • Mais je n’arrive plus à lancer de sort depuis notre exorcisme !
  • Je sais, mais il faut qu’on agisse. Pour l’instant, le whisperer se tient tranquille, mais qui sait combien de temps cela durera ?

Azaël avait raison, bien sûr… Mais Haniel ignorait s’il se sentait prêt à se lancer de nouveau dans une telle bataille… Ses yeux tombèrent sur le dos de sa main brûlé à l’acide. Et si, cette fois-ci, ses blessures s’avéraient plus graves ? Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Puis une seconde pensée le frappa. Il songea à cette fille au pull taché de sang qu’ils avaient sauvé. Sans eux, les crocs du whisperer l’auraient certainement déchiqueté… Même si Sisoa n’avait rien d’un foyer, c’était le seul lieu où il avait rencontré des gens capables de lui tendre la main. Il ne pouvait laisser un fantôme détruire cette paix…

  • Très bien… Je vais le faire. Mais quand… ?
  • Ce soir. Dans les bureaux du conseil des élèves. Avec le raffut que tu as provoqué en chantant, je pense que Phineas travaillera certainement tard.

Haniel prit une profonde inspiration. Pour la première fois depuis des années, Phineas et lui allaient avoir une réelle conversation… Et c’était dans le seul but de peut-être lui planter une lame dans le corps !

Comme s’il avait lu dans ses pensées, Azaël lui lança un de ses couteaux. Grâce à ses réflexes affutés par l’entraînement, Haniel le rattrapa au vol sans difficulté.

  • Ne le perd pas, celui-là, gronda son colocataire.

Haniel lui répondit par une grimace. Azaël faisait référence à leur dernier combat. Ce n’était qu’une fois arrivé au pied de son immeuble qu’il s’était rendu compte qu’il n’avait plus en sa possession le couteau à la lame bleutée que lui avait confié son colocataire. Ils avaient immédiatement fait demi-tour, mais les secours et la police étaient déjà sur place lorsqu’ils étaient revenus. Ils avaient attendu longuement afin de pouvoir de nouveau se faufiler dans la ruelle où ils s’étaient battus. Mais ils avaient eu beau la fouiller de fond en comble, nulle trace de l’arme de la Maîtresse du Fer. Azaël ne pouvait décemment dire à son Clan qu’il avait perdu un objet d’une telle valeur, aussi avait-il préféré prétendre, lors de son rapport en direct à Sengo, le week-end dernier, que le couteau avait été brisé pendant l’exorcisme.

Azaël consulta sa montre à gousset.

  • Il est encore tôt, on a du temps devant nous avant de rendre visite à Phineas…

Il bondit de son lit et se dirigea à grandes enjambées vers l’armoire de Haniel. Il en extirpa une tenue de sport qu’il balança sur les genoux de son colocataire. Ce dernier n’eut pas besoin qu’on lui en donne l’ordre pour se lever à son tour. La soirée risquait d’être difficile, il avait besoin d’évacuer son anxiété. Un tour à l’étage « Sport » des premières lui semblait être une excellente idée !

--

Phineas Cixi était un maniaque du contrôle. Il aimait que chaque chose, jusqu’au plus infime détail, soit à sa place. Lorsqu’il avait pris la tête du conseil des élèves de Sisoa, il avait commencé par retirer des responsabilités au vice-président, puis à tous ceux qui avaient un tant soit peu de pouvoir. Déléguer ? Il n’avait confiance qu’en lui-même et ses capacités. Les autres étaient des exécuteurs, voilà tout.

Même en une période aussi intense que la grande guerre, il ne parvenait à se résoudre à lâcher les rênes, à se délester d’un fardeau. C’était pourquoi Haniel savait, en poussant la porte du bureau du conseil, qu’il ne trouverait personne sur son chemin.

Comme il l’avait supposé, Phineas travaillait seul à une immense table, bien trop grande pour n’être occupée que par un solitaire. Une lampe de banquier verte éclairait une liasse épaisse de documents qui attendaient d’être compulsés, soigneusement rangés dans des pochettes de couleurs. Il avait donc gardé ce système de classement archaïque depuis le collège… Cela fit sourire Haniel.

Le roi des chemises noires redressa la tête et lui jeta un regard appuyé par-dessus ses lunettes en demi-lune. Un lourd soupir s’échappa de sa gorge.

  • Je suppose que si tu es là, c’est parce que Walker n’a pas tenu sa langue, n’est-ce pas ?
  • On se cache peu de choses, avec mon colocataire, rétorqua le lycéen hanté.

Il fit glisser le couteau dans sa manche pour que la lame soit en contact direct avec sa paume. Ses doigts glissèrent sur le métal, le caressèrent, le rassurèrent. S’il s’avérait que Phineas était bien leur cible… Son regard dévia légèrement vers les poutres épaisses qui couraient au plafond et il crut deviner la silhouette d’Azaël perchée entre ciel et terre. Il n’était pas seul…

Le président du conseil des élèves se leva et fit glisser ses lunettes de son nez. Un cordon en perles rouges les retenait autour de son cou.

  • Tu viens me demander des comptes ?
  • Non… Je sais que tu as pensé agir pour mon bien. Après tout ce que je t’ai fait subir, je suis juste surpris que tu n’aies pas jeté l’éponge.

Le regard de Haniel fut attiré par un détail qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors. Juste à côté de la trousse de Phineas, il y avait un bijou. Un simple médaillon en laiton. Il eut alors la certitude que le terminale n’était pas possédé par le whisperer.

  • Tu l’as toujours, murmura-t-il.

Le président du conseil, qui avait suivi son regard, s’empara du précieux bijou et il l’enfouit dans sa poche de pantalon. Il se détourna et se mit à jouer avec une mèche de cheveux.

  • Évidemment, finit-il par grommeler. Tu me l’as offert pour notre premier anniversaire. C’est très précieux…

Haniel sentit une bouffée de chaleur remonter dans sa poitrine. Il avait rejeté Phineas avec tant de violence, mis fin à leur histoire avec tant de haine ! Et pourtant, le jeune homme ne s’était jamais débarrassé de ce stupide collier qu’ils avaient déniché ensemble lors d’une brocante. Une vieille femme les avait trouvés charmants ensembles et avait insisté pour leur offrir un petit quelque chose. Haniel avait alors pioché dans un panier ce médaillon qui refermait un minuscule trèfle à quatre feuilles. Il l’avait accroché autour du cou de Phineas. Une période d’or et de sourires, d’échanges et de baisers.

Son premier amour.

Il fit remonter le couteau dans sa manche. Le roi des chemises noires l’observait méthodiquement, comme un scientifique tenterait de décortiquer un insecte pour en comprendre le fonctionnement.

  • Ta chanson… finit-il par déclarer. Je ne t’avais pas entendu chanter depuis le collège, je crois…
  • Je vais mieux, éluda Haniel, le regard fuyant.
  • Plus de crises ?
  • Non… Plus de crises.

Phineas dut s’appuyer sur une chaise pour ne pas chanceler. Il murmura un simple « Je vois ». Le lycéen possédé profita de son inattention pour signaler à Azaël qu’ils avortaient la mission. Ils se trompaient de cible. Il vit l’exorciste se mettre en mouvement sans poser de questions et se couler dans les ombres. Haniel se tourna alors vers Phineas. Que devrait-il lui dire ? Quels mots convenaient, dans une conversation pareille ? « Je suis désolé » ? Ou « tout ira bien, maintenant » ? Tout sonnait si faux. Certes, il regrettait comment leur histoire avait pris fin, mais il ne voulait pas quémander le pardon de son ami. Et il ignorait de quoi l’avenir serait fait. Tant qu’Azaël n’avait pas retrouvé ses pouvoirs, il ne pouvait pas se débarrasser du whisperer…

Il s’avança d’un pas, attirant l’attention de Phineas sur lui.

  • Phin’, je…

Il s’interrompit brusquement, traversé par une sensation glacée qui commençait maintenant à lui être familière. Le whisperer était dans le coin ! Il fit volte-face, prêt à l’affronter, mais il n’y avait personne dans la pièce. Où était-il ? Phineas l’appela, intrigué par son attitude, mais le jeune homme l’ignora. Il fit glisser son couteau dans sa main et murmura la formule. Cette fois-ci, ce fut comme si un voile gris s’abattait sur le monde. Tout à coup, les couleurs s’évaporèrent. Seul un point rougeâtre luisait faiblement dans le lointain. Ça marchait ! Il avait réussi à lancer le sort !

  • Azaël ! beugla-t-il. Il est là !

Il n’obtint nulle réponse. Bon sang, son colocataire aurait décampé si vite ? Pas le choix, il fallait qu’il y aille seul ! Il s’apprêtait à se lancer à la poursuite de sa cible lorsqu’une main se referma sur son poignet. Phineas le fit pivoter d’autorité, prêt à lui remonter les bretelles. Cependant, ses remontrances moururent dans sa gorge à la vue de ses yeux entièrement teintés de noir.

  • Mais qu’est-ce… ? s’étrangla-t-il, livide.
  • Je n’ai pas le temps de t’expliquer, répliqua sèchement son interlocuteur. Cache toi ici et surtout, ne bouge pas !
  • Haniel !
  • Fais-moi confiance, pour une fois, Phin’ !

Sans perdre plus de temps, Haniel se mit à courir. Prévenir Azaël, il devait le préve… ! Il jura lorsqu’il plongea sa main libre dans la poche de son pantalon. Il n’avait pas pris son portable. Tant pis. Il devait au moins identifier le possédé. Il savait qu’il était incapable de vaincre le whisperer en combat singulier, mais il ne pouvait plus faire marche arrière. Si le fantôme venait à s’en prendre à Phineas, jamais il ne se le pardonnerait…

Sa cavalcade le mena dans une vaste bibliothèque. Les étagères en bois de cerisier semblaient s’aligner à l’infini. Les épais ouvrages formaient un labyrinthe aussi tortueux que poussiéreux dans lequel Haniel s’engagea sans hésitation. Il avançait le plus silencieusement possible, le couteau légèrement baissé, prêt à le brandir au moindre son. Ses yeux parcouraient la pièce plongée dans une obscurité poisseuse. Désormais, le point rouge avait la taille d’une pomme. Un lourd battement régulier pulsait dans l’atmosphère, accompagné d’une respiration sourde. Un frisson dégringola le long du dos du lycéen. Il percevait la présence du whisperer… Il était tout près…

Soudain, comme une horloge qui se réveille, le temps sembla reprendre son cours. Dans un craquement de tous les diables, une bibliothèque vacilla puis s’effondra. Dans sa chute, elle emporta sa voisine. Un effroyable jeu de domino venait de se mettre en marche et Haniel était au centre du désastre ! Pour éviter de se faire écraser, il se mit à courir à en perdre haleine. L’heure n’était plus à la discrétion ! Le whisperer l’avait trouvé ! D’une puissante détente, il sauta sur une table. S’il avait été plus agile, il aurait pu grimper sur les étagères en elles-mêmes afin de repérer son adversaire !

Un rire semblable à du verre brisé déchira soudainement la noirceur de la salle. Puis une douleur fulgurante faucha Haniel en plein estomac. Son corps fut propulsé en arrière ! Son dos rencontra avec violence une bibliothèque dont les étagères se rompirent sous l’impact. Les livres churent sur le sol avec lui. Le lycéen se recroquevilla sur lui-même, incapable de reprendre son souffle, la bave aux lèvres. Il avait l’impression que des braises rougeoyantes roulaient joyeusement entre ses os. Ça faisait un mal de chien !

Deux pattes difformes apparurent alors dans son champ de vision. Le whisperer s’accroupit à sa hauteur, faisant craquer les articulations de ses genoux. Une main décharnée le saisit par ses boucles noires pour le forcer à se redresser. Merde, impossible de voir le visage du possédé ! C’était comme si un masque épais d’ombres recouvrait ses traits. Seules deux fentes rouges donnaient sur ses yeux. Des flammèches écarlates s’en échappaient pour lécher le front de la créature.

  • Lâche-moi… raclure, articula péniblement le jeune homme.

Le noyau, où était-il ? Haniel plissa les yeux. Là ! Dans la cuisse gauche du whisperer. Il leva son bras armé, prêt à poignarder la créature. Mais cette dernière devina son plan et attrapa le poignet du lycéen. Puis il le lui tordit d’un coup sec. Un craquement sinistre retentit. Le couteau rebondit sur le parquet dans un tintement de clochette. Haniel, abasourdi, ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait. Puis la souffrance irradia son bras. Il hurla, au bord de l’évanouissement.

  • Haniel !

Les néons de la bibliothèque furent allumés. Ils déversèrent leur lumière crue sur la scène de bataille. Un court instant, Haniel put percevoir le visage du possédé. Le whisperer poussa un sifflement digne d’un serpent et le relâcha. Il fit volte-face et courut jusqu’à la fenêtre. Sans la moindre hésitation, il sauta à travers la vitre et disparut. Bon sang ! Le jeune homme n’avait eu le temps que d’apercevoir la couleur de ses yeux ! Tout s’était passé si vite !

  • Mais qu’est-ce qu’il s’est passé, ici !

Le lycéen hanté se jeta sur le couteau pour le faire disparaître dans sa manche. Juste à temps ! Phineas surgit, les yeux écarquillés. Il se précipita vers lui, rongé par l’inquiétude. Son visage devint livide lorsqu’il constata que la main de Haniel pendait, inerte.

  • Je t’emmène voir mon père à l’infirmerie.
  • Non, ce n’est pas la peine, je peux me débrouiller.
  • Tu ne discutes pas ! rugit le président du conseil des élèves.

D’autorité, il le remit sur pieds et l’entraîna à sa suite. Haniel devinait que mille et une questions devaient valser dans sa tête, comme des toupies folles. Pourtant, Phineas se garda bien de lui faire subir un interrogatoire, sûrement par égard pour sa blessure. Les doigts du roi des chemises noires étaient noués autour de son poignet valide. C’était comme s’il avait peur que Haniel ne s’évapore dans les airs s’il ne maintenait pas un contact physique… Le grand frère de Milagro avait l’impression d’être projeté des années en arrière. Au collège, c’était d’une manière semblable qu’ils avaient fait connaissance… Il s’était pris un ballon de basket dans le nez lors d’une séance de sport et c’était Phineas, en bon délégué, qui l’avait emmené se faire soigner…

Haniel serra les dents. Il s’était fait mener par le whisperer… S’il l’avait voulu, ce foutu fantôme aurait pu s’en prendre à Phineas. Et il n’aurait rien pu faire pour l’en empêcher. Sa propre impuissance lui donnait la nausée.

Ils se dirigèrent vers l’internat afin de retrouver Alexander Panzen. Alors qu’ils approchaient de son bureau, la mâchoire de Phineas se décrispa enfin. Sa voix s’éleva, chevrotante :

  • Ce sont des gars de ta classe ? Tu es toujours victime de harcèlement ?

Alors c’était ça qu’il craignait… Haniel sentit sa gorge se nouer. Pour toute réponse, il hocha négativement la tête. Il sentit les doigts du jeune homme desserrer légèrement leur prise autour de son poignet.

Alors qu’ils allaient atteindre leur destination, la porte de l’infirmerie s’ouvrit violemment sur Azaël. Celui-ci avait son téléphone à la main et un air affolé peint sur le visage. Lorsqu’il l’aperçut, il se précipita dans sa direction.

  • Kim m’a dit que tu étais blessé ! Que s’est-il passé !

Haniel préférait ignorer comment Kim pouvait déjà être au courant de son état… Il échappa à la poigne du président du conseil des élèves et posa sa main valide sur l’épaule de son colocataire pour le calmer.

  • On en discutera plus tard. Pour l’instant, je veux juste un antidouleur…

Ce fut au tour de l’infirmier de déboucher dans leur champ de vision. Il retint un lourd soupir à la vue de Haniel puis se tourna vers Phineas :

  • Je le prends en charge à partir de là, merci.
  • Mais… !
  • Ne t’en fais pas, Walker ne le quittera pas d’une semelle. Tu as encore beaucoup de travail, non ?

L’idée de laisser Haniel seul, sans le moindre indice de ce qu’il s’était réellement passé, semblait vraiment rebuter Phineas. Mais, finalement, il céda. Il repartit, non sans un dernier regard en arrière. L’homme poussa son incorrigible patient par les épaules et fit signe à Azaël de lui emboîter le pas. L’exorciste avait le visage d’un coupable, ce qui irrita grandement son colocataire. Il songea qu’il lui tirerait les oreilles plus tard. Pour l’instant, tout ce qu’il voulait, c’était que la douleur cesse…

Alexander Panzen lui indiqua de s’asseoir afin qu’il puisse examiner son poignet. Un grognement animal s’extirpa de la gorge de Haniel sans qu’il puisse le retenir lorsque l’infirmier se mit à le manipuler délicatement.

  • J’ai l’impression que tu es bon pour une fracture… soupira l’homme. On va l’immobiliser et on file aux urgences.
  • Mais… !
  • Pas de discussion, Amorth. Je suis le médecin ici, c’est moi qui décide. Ne bouge pas, je vais te cherche une attelle.

Il agita un doigt menaçant sous le nez de Haniel pour appuyer ses dires puis disparut dans la pièce attenante. Azaël se glissa sur le tabouret voisin de son colocataire. Il défit sa queue de cheval puis se mordilla la lèvre inférieure, ne sachant par où commencer. Le lycéen hanté décida de lui faciliter la tâche :

  • Si tu veux t’excuser parce que tu n’étais pas là pour affronter le whisperer à mes côtés, garde ta salive. Tu ne pouvais pas savoir…
  • Mais j’aurais dû, le savoir ! protesta Azaël. C’est moi l’exorciste, c’est à moi de… !
  • Baisse d’un ton, idiot !

Azaël obtempéra en se mordant l’intérieur de la joue. Il baissa les yeux, mortifié. Haniel poussa un soupir à cette vue et lui envoya une claque dans l’épaule de sa main valide.

  • Au moins, maintenant, on a un indice supplémentaire concernant la cible, souligna-t-il pour tenter de lui redonner le moral.
  • Tu as vu son visage ?
  • Seulement ses yeux. Des yeux verts.

L’exorciste fronça les sourcils.

  • Tu es sûr ?
  • Oui, pourquoi ?
  • Haniel… Aucun de nos suspects n’a les yeux verts. Ceux de Morgane sont bleus, ceux de Léo, gris, ceux de Kim, marrons…
  • Et ceux de Phineas, noirs, compléta le lycéen hanté dans un souffle.

Abasourdis, ils se dévisagèrent sans comprendre. Se seraient-ils trompés ? Ou pire, y aurait-il un autre whisperer dans l’école ? Ils ne purent approfondir leurs spéculations. Déjà, l’infirmier revenait avec l’attelle. Les colocataires demeurèrent silencieux pendant tout le reste des soins, frustrés d’être bloqués ici. En étaient-ils revenus à leur point de départ ? Haniel ramena son poignet blessé à lui lorsque l’infirmier en eut terminé, sombre. Ils devaient retrouver ce fantôme… Coûte que coûte.

--

Le lendemain matin, Azaël se réveilla seul pour la première fois depuis longtemps. Il eut le réflexe de consulter son portable qu’il découvrit envahi de messages. Haniel l’avait tenu au courant heure par heure, ce qu’il trouvait saugrenu puisque lui, de son côté, dormait… Peut-être que son ami l’avait pris pour son journal de bord ? Entre deux geigneries, il se cassait les dents sur l’identité de leur cible, sans parvenir à une conclusion satisfaisante.

L’exorciste envoya un rapide message pour savoir si son ami était encore à l’hôpital, mais ne reçut aucune réponse. Il en conclut que oui. Le jeune homme sauta hors du lit et ouvrit la fenêtre de leur chambre. Un courant d’air pénétra dans la pièce avec délice. Un instant, l’adolescent s’accouda sur le rebord afin de profiter de la fraîcheur matinale. Aujourd’hui, c’était le dernier jour consacré à la grande guerre. L’excitation était à son comble. Quant à lui, il était temps qu’il mène à bien leur enquête. Il devait trouver la personne qui était possédée. Mais comment procéder ?

Durant toute la matinée, au lieu d’écouter les discours de ses professeurs, Azaël s’abîma dans ses réflexions. Où avait-il fait une erreur ? Il avait supposé que les bureaux du conseil des élèves étaient vides à cause de l’heure avancée de la nuit, mais il avait eu tort. Cette nuit-là, quelqu’un d’autre était présent… Un élève ? Un professeur ? Une chemise noire ? Impossible de savoir…

  • Azaël, tu n’as pas touché à ton repas…

Le jeune homme cligna des yeux, surpris. Il se redressa. Ah, oui, c’était vrai… Il était dans le réfectoire de Sisoa. Il offrit un sourire contrit à Léo qui le couvait d’un regard inquiet puis se mit à picorer son assiette. Morgane l’observait du coin de l’œil, comme si elle cherchait à l’évaluer. Le sourire en coin qu’elle lui décocha lui fit froid dans le dos. Il n’arrivait jamais à connaître le fond des pensées de cette fille…

  • A-za-ël !

Son nom avait été crié depuis l’autre bout de la cantine. L’exorciste sentit tous les muscles de son corps se raidir. Cette voix… Impossible ! Il se leva, stupéfait. Dans l’embrasure de la porte se tenaient trois silhouettes diablement familières. Ses visiteurs l’avaient repéré également et l’un d’entre eux agitait ses bras au-dessus de sa tête. Il fut le premier auprès de l’exorciste pour se jeter dans ses bras. Azaël le repoussa, estomaqué.

  • Ronnie… Donnie, Himi ! Mais qu’est-ce que vous faîtes là ? s’étrangla-t-il.
  • C’est les portes ouvertes, répondit Donnie comme une évidence. On a voulu en profiter, nous aussi.
  • On a l’autorisation de Sengo, ajouta Himi pour le rassurer. Il aurait aimé venir également, mais il avait trop de travail.

Voilà qui était plutôt inattendu ! Jamais Azaël n’aurait imaginé voir un jour ses amis entre les murs de Sisoa. Cela faisait presque… faux. Comme une poudre yeux. Comme s’ils appartenaient à un autre univers qui n’aurait jamais dû entrer en contact avec celui-ci. C’est alors qu’il sentit qu’on tapotait son épaule et il se retourna. Kim désigna les nouveaux arrivants du doigt, une interrogation dans le regard.

  • Oh, oui, désolé. Les amis, je vous présente Himi, Donnie et Ronnie. On se connaît depuis qu’on est hauts comme trois pommes. Et voici Édith, Léonard, Kim et Morgane, des camarades de classe.
  • Oh, ton colocataire Haniel n’est pas là ? se plaignit Ronnie. Moi qui espérais le rencontrer !
  • Il devait faire des radios, je ne sais pas quand est-ce qu’il va revenir.

Himi fronça les sourcils, mais ne fit aucune remarque, ce qui ne fut pas le cas de Ronnie qui se mit à le bombarder de questions. Donnie finit par intervenir pour qu’il se calme.

  • Et si tu nous faisais visiter, Azaël ? proposa celui-ci avec un sourire. On avait vraiment hâte de découvrir ce pan de ta vie…

Le cœur de l’intéressé se serra. Il était vrai que la venue des exorcistes ne l’arrangeait nullement, mais il oubliait facilement que beaucoup au Clan auraient adoré être à sa place. Il détailla le profil de Ronnie dont les yeux pétillaient. Ses mains étaient enroulées autour de l’avant-bras de Donnie et il se balançait nerveusement d’un pied sur l’autre. Son sourire d’enfant émerveillé lui donnait envie de rire.

  • Bien sûr, finit-il par répondre. Je vais vous tout vous montrer.

Léo et Édith voulurent bien sûr être tout de suite de la partie. Par contre, Kim et Morgane déclinèrent, préférant profiter du dernier après-midi de la grande guerre de leur côté.

  • On se retrouve au banquet de ce soir, déclara l’espion en herbe via son téléphone.

Il ajouta à son message un enregistrement de baiser soufflé puis disparut sans rien ajouter, sous les yeux ébahis des exorcistes.

  • Les ados du monde réel sont tellement bizarres, souffla Ronnie.

Donnie lui asséna aussitôt une claque à l’arrière du crâne, ce qui ne manqua pas de faire rire Léo. Himi se rapprocha d’Azaël.

  • Je me suis dit que tu aurais besoin d’aide, lui murmura-t-elle.

Le jeune homme sentit le soulagement l’envahir. Il opina du chef, le sourire aux lèvres. Son amie réajusta l’étui à violon qu’elle portait sur son dos.

  • On va le dénicher, ton whisperer…

--

– Le Roi Léo vient de se connecter –

Le Roi Léo : Franchement, les gars, vous auriez pu rester. Il y a encore une seconde, on ignorait qu’Azaël était capable de sociabiliser. Vous n’êtes pas curieux de connaître ses amis ?

Azazel : C’est une insulte, non ?

Kim Possible : Non merci. Ma correspondante irlandaise m’a prévenu qu’elle venait me voir à Sisoa, aujourd’hui. Cela fait longtemps qu’on ne s’est pas vus.

Édith Piaf : La fameuse Aylce qui n’existe pas, à part dans ta tête ?

Kim Possible : Pour la 234ème fois, elle est réelle !

Le Roi Léo : Mais oui, je suis sûr que si tu le souhaites assez fort, elle le deviendra.

Kim Possible :

Le Roi Léo : Si tu t’apprêtes à envoyer encore des émojis grossiers, tu peux te brosser pour que je t’aide à bosser le prochain DM de français !

Kim Possible : … Tu fais chier.

La Fée Morgane : Désolée, mais ça sera sans moi aussi, les amis. À la fin de la grande guerre, mon père veut encore faire un discours, donc il aimerait me le réciter avant.

Édith Piaf : Ton père ?

La Fée Morgane : Oh, je ne vous l’avais jamais dit ? Le proviseur du lycée, c’est mon père.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez