Extrait de l'ange de la nuit 2

Par Nascana

Fumant au balcon, je contemple la ville au milieu de la nuit. Du haut de mon vingtième étage, je domine le monde. Les lumières brillent pour moi, comme si j’étais un dieu. Je prends un bol d’air, en espérant qu’il n’est pas trop pollué.

En face, un autre immeuble et je vois les gens chez eux. Enfin, la majorité a de gros rideaux pour les protéger. Je ne vois la vie que de ceux qui veulent me bien la montrer.

En particulier, un couple qui semble prendre plaisir à s’exhiber. Jamais, ils ne ferment les volets ou autres, ils savent pourtant qu’il y a des gens qui peuvent les voir. Ils s’en fichent. Pire, ils sont heureux de le faire.

Ils le font par plaisir. Ils aiment montrer leurs corps beaux et musclés, se présentant comme des mannequins d’une publicité pour de la lingerie.

S’ils savaient…

Oui, s’ils savaient que je me fiche d’eux, que je n’ai aucune envie de les voir. Que leurs corps travaillés me fait tout juste sourire. Après tout, une fois mort nous sommes tous semblable.

L’homme jette un regard vers moi, fier de montrer sa femme. Mais qu’importe, je m’en fiche complètement.

Je tire une dernière bouffée sur ma cigarette, avant de laisser tomber ce qu’il en reste. Je contemple la chute de l’étincelle qui descend vers les abîmes noirs. Disparaître…

Comme les imbéciles de l’autre côté de la rue. Ils sont peut-être beaux et moi laid, pourtant j’ai une chose en plus. Une chose qu’ils ne peuvent même pas imaginer.

Au creux de mon lit, j’y pense encore. Je ferme les yeux et je vois son visage. Le seul qui me semble beau, le seul que je peux regarder sans lui montrer mes faiblesses.

Je sais que ce n’est que pour moi. Et je suis le seul à pouvoir l’approcher.

Le sommeil me traque. Je ne peux lui échapper bien longtemps. C’est toujours pareil, je plonge vers lui. Mon monde disparaît.

Mon ange, réveille-moi quand tu seras là. Je ne pense qu’a toi.

Quand tu es prêt de moi, je m’éveille et reste silencieux. Je joue au mort. Il ne faut pas que tu saches que je suis conscient sinon tu fuiras.

J’imagine tes doigts qui caressent avec douceur ma peau, ton corps chaud contre le mien. J’aimerais que tu t’endormes contre moi, que tu baisses une fois ta garde. Mais non, tu es trop méfiante.

Je me contente de ce rapide contact. Je ne peux rien faire. Un seul geste peut te détruire, peut me détruire, peut faire disparaître cette relation qui est notre. Je veux bien tout perdre, mais je ne perdrais pas ça. Plutôt mourir, car tu es la seule qui donne un sens à ma vie.

Notre lien est fort, il n’existe qu’entre nous. Jamais aucun ne fut plus beau. Alors les mannequins peuvent se montrer, jamais ils ne te verront comme il m’est donné de t’entrapercevoir.

Je resterais près de toi, pour toujours. Je te soutiendrais et tu m’emmèneras où tu voudras, tu feras de moi, ce que tu voudras. Puisque tu m’as donné la vie, tu peux me la prendre quand tu veux.

Alors la nuit quand je dors seul, je t’imagine près de moi. Je sens presque ton souffle sur mon torse. Ta peau douce contre la mienne rêche. Tes cheveux qui me chatouillent le nez.

Et soudain je sens contre moi, glisser un liquide. Une goutte sur mon torse qui répand son humidité sur mon corps.

En silence, mon ange se replie. En moins d’un instant, tu as disparu.

Seule trace de ton passage, une larme.

Mon cœur bat plus fort. Il faut que je te trouve. Je ne peux pas te perdre.

Sur le balcon tu prends toi aussi, ton bol d’air frais. Tu me regardes faisant semblant. Je marche dans ton jeu et j’oublie tes yeux rougis.

– Tu ne dors pas ?

– Non.

– Que fais-tu ?

– Je pense.

– À quoi ?

Faute de réponse, elle me montre les voisins plus bas. Mon cœur s’accélère. Je ne voulais pas qu’elle les voit. Je sens monter en moi, l’envie de les tuer.

-Et si on déménageait ?

Je me rassure.

-Où ?

-Dans un meilleur immeuble. L’appartement est plus petit… Mais il ne prend pas l’eau comme ici.

-Petit ?

-On devra partager la même chambre.

Je souris, c’est là ta façon de faire une déclaration d’amour. Pas de grands mots, pas de contact physique trop poussé. Juste un sous-entendu.

Je regarde l’homme en bas. Maintenant, c’est moi qui suis fier.

Je hoche la tête. Tu rentres.

Alors je murmure « moi aussi, je t’aime », avant de te suivre.

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