Face à Face I - Saddrick

Notes de l’auteur : Polpi ! C'est encore moi qui poste !
Nos excuses pour ce retard !<br />Ici on en découvre plus sur une autre Face ^w^/ Bonne lecture !

Saddrick fils du Commandeur Narän Baatar – Année 45 après l’invasion par l’empire Yuan.

Une aube glacée se levait sur la forêt, dévoilant progressivement la silhouette gelée des arbres et permettant à Kälän de cesser d’utiliser son talent pour distinguer la silhouette tapie dans la neige en contrebas de la colline qu’elle avait choisit comme point d’observation. Tassé dans la neige, l’adolescent se confondait presque avec cette dernière, ses épais vêtements blancs – les mêmes que ceux de son instructrice – lui permettant d’être aussi discret que possible dans l’épaisse poudreuse.

Âgé de 15 ans, Saddrick, fils de Qara, première guerrière du Clan Bolor et de Narän Baatar, Commandeur du Nord, passait son initiation. Deux nuits auparavant, une lune bleue s’était levée sur les Monts, annonçant qu’il était temps pour l’héritier du Commandeur de prouver au clan qu’il était digne de son rang.

Les préparatifs s’étaient déroulés dans le plus grand secret, chacun à la Forteresse prenant grand soin à ce qu’aucun membre du clergé Thaos n’en prenne connaissance. Les anciens rites, ainsi que la magie naturelle, avaient été strictement interdis sur les Terres du Nord depuis que ces dernières avaient été annexées par l’Empire du Sud, mais il fallait plus que des prêtres en tenue safran pour empêcher le Peuple de vivre selon leurs préceptes. Une invasion, tout comme le blizzard, n’était qu’une indisposition temporaire.

Guidé par les Anciens, le jeune homme avait traversé les couloirs souterrains pour être mené à l’étuve, puis aux sources froides. On avait baigné son corps, puis tracé sur sa peau les runes sacrées qui le protégeraient et éveilleraient sa Force aux yeux de la Nature Profonde. Kälän avait hâte de voir de laquelle il s’agissait. Certainement la Puissance, comme pour Narän Baatar. Ou peut-être la Vue, comme pour Qara. Les deux si le Nord lui était favorable. Il n’était pas rare qu’un enfant de ligne pure cumule plusieurs Forces, même si on le classifiait en général par sa principale. Après la cérémonie, on avait laissé l’adolescent se préparer, prendre les affaires qu’il jugeait utiles à sa quête, puis il avait quitté la forteresse. Seul.

Kärän, comme quatre autres de ses Soeurs Guerrières, étaient chargées de veiller sur lui et de l’évaluer, sans jamais avoir le droit d’intervenir. Si le gamin se faisait tuer, alors c’était qu’il devait en être ainsi. S’il survivait… le Nord apprendrait le nom de son prochain dirigeant.

Un mouvement à la périphérie de son champ de vision attira son attention : des ombres longeaient l’orée de la forêt. Il n’y avait pas besoin de Vue pour savoir que c’étaient des Garewolf, peu de créatures avaient la tête qui frôlaient les cimes des pins le plus jeunes, même ici, dans le Nord, où beaucoup de choses donnaient dans la démesures. Bipèdes en hiver, quadrupèdes en été, ils se déplaçaient en meute, les petits au milieu et les combattants sur les côtés. Le leader (une femelle pour ce groupe, Karän en Voyait les mamelles tombantes) assurait l’arrière garde tandis que les jeunes passaient en premier, ouvrant la voie. Les créatures, qui ressemblaient à un croisement improbable entre un loup et un géant, vivaient en harmonie avec le Nord, leur intelligence différente de celles des hommes les faisant passer pour des bêtes aux yeux de beaucoup.

Mais pas pour les habitants de ces contrées sauvages.

Ici, aucun homme ne se serait risqué à les sous-estimer.

Un autre mouvement attira son attention, vers le bas de la colline cette fois, et un sourire éclaira son visage : Saddrick était en train de manger. Une meute d’environ vingt membres, affamée par l’hiver, passait à quelques centaines de mètres de lui, et le garçon mangeait tranquillement sa viande séchée, profitant d’être sous le vent pour se rassasier tout en observant attentivement l’évolution des Garewolf, s’assurant que ces derniers quittent sa zone de chasse avant de bouger.

Silencieux comme une ombre, l’adolescent quitta le creux qui avait abrité une partie de sa nuit pour descendre jusqu’à la forêt, ses cheveux d’un noir profond se détachant nettement sur la couverture neigeuse. Le soleil venait de passer par dessus les Monts, déversant sa lumière rasante sur la plaine, éclairant le profile en lame de couteau du jeune homme, ses yeux bleus et la fine cicatrice blanche qui barrait son visage.

Remontant légèrement son arc sur son épaule, Kärän lui emboîta le pas en prenant soin de rester invisible, le Krüll posé sur son front lui permettant d’être confondue avec le reste du décors en détournant la lumière. Le jeune homme se glissa sous les frondaisons, ses raquettes lui permettant de ne pas s’enfoncer dans la neige épaisses qui recouvrait le sol. A l’instar de son père et de nombre de membres de ses clans familiaux, son arme de prédilection était la lourde hache de guerre à double tranchant dont les lames, qui dépassaient de ses épaules, avait été recouvertes d’un enduit blanc afin qu’elles ne brillent pas au soleil ni se détache sur la blancheur du paysage.

Un bon point pour lui.

Le terrain choisi par Saddrick pour son initiation se situait assez loin de la Forteresse, droit en direction du Nord, et en plein milieu de la zone de migration des Garewolf. C’était un peu exagéré de sa part, mais en tant qu’héritier du Commandeur, il avait beaucoup à prouver. A lui-même comme au Peuple des Clans.

La jeune femme pressa le pas, rejoignant rapidement la zone dans laquelle son protégé avait disparu, et le pista jusqu’à une clairière s’ouvrant sur une grande cascade piégée par le gel. Là, l’adolescent s’était débarrassé d’une partie de son équipement dans un arbre, pour le mettre en sécurité, avait abandonné son épais manteau pour se retrouver bras nus dans l’air froid du matin, et sorti une paire de piolets pour commencer son ascension.

Karän eu un demi-sourire.

Il avait donc décidé de commencer par l’eau.

Dans la famille du jeune homme, la Puissance était une Force récurrente, possédée par presque 80 % de ses membres, il avait donc de grandes chances de la débloquer en atterrissant durement sur la glace : soit elle l’empêcherai de couler, soit elle lui permettrait de remonter rapidement. Si ça n’était pas le cas, le choc thermique pouvait déclencher deux autres talents : le Sol, qui permettait à un Nordique de ne pas craindre du tout le froid, ni l’humidité, et le Bersekir, qui transformait le guerrier en monstre. Il resterai ensuite à Saddrick à passer par le feu, pour le Givre (même si personne n’avait plus possédé ce talent depuis des décennies) qui lui permettrait de refroidir son corps et son environnement à volonté, et la Cure, la Force des soigneurs ; puis par la terre, pour la Flore permettant la communion avec les plantes et faisait de son possesseur un incroyable chasseur, surtout lorsqu’il avait aussi la Vue, et pour la Manne, le talent des cultivateurs sans qui le Peuple serait mort de froid et de faim depuis longtemps ; et enfin il y aurait l’air, pour la Vue, bien sûr, mais aussi pour la Taé, toute aussi rare que le Givre, qui permettait de maîtriser les intempéries.

Tout se remémorant machinalement les différentes Forces et étapes de l’initiation, elle avait suivit des yeux le corps musclé de l’adolescent en train de grimper sa cascade, et s’était reculée de quelques pas en le voyant prêt à sauter.

Ce qu’il fit sans la moindre hésitation.

Un arc de cercle presque parfait.

Cette infime torsion dans les airs.

Ce changement de position pour avoir le poing en avant…

La jeune femme eu un sourire.

Puissance.

Sous l’impact, la glace épaisse du bassin se pulvérisa si finement qu’elle sembla disparaître, et l’eau glacée engloutit momentanément Saddrick. Karän en était à quatre secondes lorsque la silhouette du garçon jaillit littéralement de la marre, le corps fumant et le regard légèrement vitreux.

Sol et Bersekir.

Elle eu un léger mouvement de recul et, d’instinct, elle su que ses Sœurs avaient fait de même.

C’était anormal tant de Forces en même temps. Et un Bersekir nouveau né était plus dangereux qu’une Garewolf à la mise bas.

Les yeux, très bleus, du jeune homme s’éclaircir, et elle manqua de laisser échapper un soupir.

Pas Bersekir. Ou du moins pas complètement. Une bonne chose pour leur futur dirigeant.

Sec en moins de temps qu’il ne lui en fallut pour aller reprendre ses affaires, le jeune Nordique entreprit de ré-escalader la cascade pour aller s’installer à son sommet, et de là tester les autres éléments déclencheurs. Vaguement contrariée par le fait de devoir grimper elle aussi, la guerrière dû attendre qu’il ai atteins le sommet pour attaquer ascension à son tour, plus silencieuse qu’un chat grâce à Flore. Elle eu la bonne surprise de le trouver installé non loin de l’apique de la chute d’eau, en train de préparer tranquillement un feu, un pot en terre sorti de son sac accueillant déjà de la neige fondue et des graines de Sraï a faire chauffer.

A la vue de la boisson, elle se sentit saliver.

Que ne donnerait-elle pas pour un bon pot de Sraï brûlant !

Comme s’il pouvait lire dans ses pensées, l’adolescent sortit six petites tasses, qu’il disposa près de son feu pour les réchauffer tandis que la boisson infusait, puis dénuda posément son avant bras dominant avant d’inspirer profondément. Et de le poser directement dans les flammes.

Karän eu un frisson en agrippant son propre bras.

Des années plus tard, ce dernier portait encore les traces de cette partie du rite initiatique.

Comme on le lui avait enseigné, Saddrick supporta pendant très exactement vingt secondes, aussi stoïque que possible, la morsure des flammes, puis retira vivement son membre sévèrement brûlé du feu et le tint en l’air, au niveau de ses yeux, gonflé par l’espoir de voir les chairs redevenir comme avant.

En vain.

Avec un juron fort peu élégant, il s’empressa de recouvrir sa peau cloquée de neige, puis farfouilla de sa main libre dans son sac à la recherche des plantes médicinales et de l’onguent préparés pour l’occasion. Malheureusement pour lui, afin que Cure ou Flore se déclenche, les produits avaient été retirés de ses affaires peu de temps avant son départ. Ils se trouvaient à présent dans la besace de Karän qui culpabilisait un peu de laisser le jeune homme souffrir ainsi.

De frustration, ce dernier s’était levé, quittant les abords de son feu – et la délicieuse odeur du Sraï – pour aller longer l’abord de la forêt couvrant l’arrière de la cascade. Alors que la guerrière atteignait le décompte des 120 secondes, limite à partir de laquelle elle devait discrètement restituer le nécessaire de soin, Saddrick revint avec une pleine poignée d’Herbe-Griffe et la branche soigneusement coupée d’un Sureau à Larmes. Comme si la nature avait immédiatement mis à sa disposition de quoi refaire un baume et constituer un emplâtre. La sève du Sureau à Larmes endormirait la douleur quand il en mâcherait l’écorce, tandis que, mélangée à l’Herbe-Griffe broyée, elle anesthésierait le membre blessé tout en le soignant au mieux en attendant qu’il ai accès à de vrais soins.

Flore donc.

Le test de Manne viendrait avec la nuit et la préparation du repas, mais quelque chose lui disait qu’il n’avait pas ce talent là. Comme beaucoup de femmes du Nord, elle avait un instinct sûr pour juger les gens, et le fils du Commandeur avait le profil du guerrier, comme son père et sa mère, et la Forteresse avec ce qu’il fallait de possesseurs de Manne, la naissance d’un nouveau possesseur de ce talent était donc improbable : le Nord ne faisait jamais dans l’excès.

Après s’être soigné, l’adolescent sortit péniblement son arc de son barda, tandis la corde en maudissant son idiotie de ne pas l’avoir fait AVANT de se cramer le bras, servit 6 tasses de Sraï, en bu une puis s’esquiva dans la forêt pour aller trouver de quoi agrémenter son petit déjeuner.

Près du feu, quatre femmes, dont Karän, se matérialisèrent, le Krüll de leur front temporairement inactif, prirent une tasse, trempèrent les lèvres dedans pour le plaisir d’en sentir la chaleur et le goût, puis les renversèrent dans la neige afin de signaler qu’elles n’étaient pas corruptibles. La cinquième tasse subit le même sort sans avoir été touchée : Xiao, la guerrière partie sur les traces de Saddrick avait Sol et n’aimait pas le Sraï de toutes façons…

Lorsque le jeune homme et sa gardienne invisible revinrent, le feu s’était transformée en braises, et deux oiseaux pendaient à la ceinture du garçons, proprement transpercés d’une seule flèche.

La Vue.

Un vent glacial se leva brusquement, ramenant vers eux les nuages chassés par l’aube, et la jeune femme rabattit sa capuche en grommelant silencieusement : quitte à cumuler aussi outrageusement les Forces, le gamin avait intérêt à avoir Taé, sinon ils étaient tous partis pour une bonne crève. Gêné par son bras brûlé, Saddrick replia lentement son campement alors que le vent forcissait, annonçant une tempête subite comme le Nord en avait le secret. Heureusement pour eux, la roche sous la cascade était creuse, et les sens Flore du garçon devaient le lui indiquer. Avec sa Force, il n’aurai aucun mal à pratiquer une entrée dans la glace, et a aménager un espace pour eux six : aux yeux de Karän, l’initiation était clairement aussi terminée que la température descendue en dessous de zéros.

Mais l’adolescent ne faisait pas mine de descendre.

Grâces ! Cet imbécile allait affronter la tempête.

Il se pensait vraiment capable de déclencher le Taé !

Secouant furieusement la tête, elle fit étinceler quelques secondes un miroir sorti de sa doublure, pour signaler à deux de ses sœurs de descendre leur préparer un abris. Puis, la mort dans l’âme à l’idée de devoir rester dehors, et parce qu’elle était cheffe de groupe, elle indiqua aux autres d’aller se réfugier à l’abri.

Puis, les mains coincées sous les aisselles pour protéger ses doigts du froid, elle attendit de congeler sur place ou d’assister à un miracle.

Foutus rituels à la con.

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