Bon, ce texte a été un peu écris au km et pas relus du tout ... mes excuses pour les trucs flous @_@ n'hésitez pas à les signaler !
Les tambours et les pieds martelaient ses sens comme autant de coups de tonnerre, roulant à l’intérieur de son crâne au rythme sourds des battements de milliers de cœurs dont l’unisson le gagnait peu à peu, plongeant son esprit dans l’hébétude nécessaire pour affronter la prochaine épreuve. Assit en tailleurs au centre de la hutte de terre, assaillit par les vagues de chaleurs et d’humidité provenant des roches chaudes qu’un des Brûleurs de la tribu arrosait régulièrement d’eau, celui qui ne s’appelait pas encore Carbone Lethé endurait le supplice en silence, luttant pour garder vive et sèche la flamme que sa traversée du désert lui avait fait constituer. Sa peau, d’un noir profond aux reflets bleus, se déparait progressivement de l’ocre de la poussière du désert, cette dernière coulant doucement à ses pieds en même temps que la sueur qui ruisselait le long de son corps musclé, liquide traître issu de son sein venant s’ajouter à l’humidité ambiante pour le mettre à mal.
Des gouttes commençaient même à tomber de ses paumes, menaçant la flamme d’un bleu pur qui dansait entre elle, l’obligeant à changer la position de ses mains en un arrangement beaucoup moins propice à son dessein premier : faire en sorte qu’elle ne s’éteigne pas. Aussitôt privée de sa protection complète, la flammèche vira au rouge, et il dû faire un effort de volonté pure pour lui redonner sa couleur d’origine.
Heureusement, le Brûleur était alors penché sur les pierres, occupé à les asperger, et nul ne vit cet instant de faiblesse qui aurait pu signer l’arrêt de la cérémonie. Il ne devait pas faiblir. Sous aucun prétexte.
La longue marche dans le désert lui avait donné de la force. Il avait puisé dans la chaleur du sol et dans la morsure du soleil l’énergie nécessaire à créer Shakta, la flamme sacrée, celle qui est à l’origine de la culture et de la vie, qui a apporté la sécurité et le savoir aux hommes lors des Longues Ténèbres. Alimentée par l’ocre rouge des Terres Bénies, par la force mentale d’Ousmane fils de Demba, Shakta avait fleurit entre ses paumes quatre kilomètres à peine après son départ. Du jamais vu.
S’il parvenait au bout du rite, il serait probablement le plus jeune et le plus puissant Carbone de l’histoire de sa tribu.
Au dehors, les tambours et les pieds sonnaient de plus en plus fort, attirant son esprit loin des considérations de gloire et d’honneur, mais aussi de son corps qui, soumis aux prémices de la Grande Ennemie, luttait contre la lourdeur de l’air pour garder intacte la flamme sacrée.
Le temps s’étira, interminable et affreusement court, jusqu’à ce que le Brûleur ouvre en grand les portes de la hutte, ajoutant le vent soudain, l’Allier Changeant, aux dangers de l’eau. Mais l’instinct d’Ousmane s’y attendait, et c’est à peine si Shakta tressailli au creux de ses mains en coupes. Mieux encore, les villages entiers assemblés au dehors purent la voire s’emparer de l’Allier Changeant pour s’en nourrir et monter brièvement très haut, jusqu’à lécher le toit de terre, illuminant par la même le visage de son porteur d’ombres mouvantes et effrayante.
Une grande clameur s’éleva, ajoutant son chants au martellement des pieds qui se faisait plus vivace encore.
Lentement, le jeune homme quitta sa position en tailleur pour s’avancer. Sortant de la hutte, il emprunta le long chemin tortueux formé par les hommes et les femmes amassés, regardant droit devant lui sans un regard pour quiconque.
Au loin, il pouvait entendre la Grande Ennemie gronder.
Soudain, une douleur cruelle au mollet le fit tituber en avant, l’obligeant à précipiter son pas sur près d’un mètre pour ne pas tomber. Presque aussitôt, une autre pointe de douleur s’épanouit sur son avant bras, et une autre au creux de ses reins. Armés de longues piques, le signal donné par sa propre mère dont la lance lui avait percé le muscle, les membres de sa tribu d’origine, disséminés dans la foule, s’employaient à rajouter son sang et sa douleur aux dangers menaçant Shakta. Cependant, il ne faiblit pas. La douleur était pour lui une compagne de longue date, comme en témoignaient les scarifications rituelles ornant le velours de sa peau, ainsi que les brûlures ornant ses avant-bras, fait rare chez un membre des Clans dont le feu était la seconde nature.
Pourtant les chairs vitrifiées qui s’offraient au regard de la lune, dans l’air trop froid du désert, témoignaient du fait qu’il avait un jour rencontré une flamme trop puissante pour son propre don, et qu’il n’avait cependant pas hésité à y plonger les mains et les bras pour l’empêcher de se propager. A l’âge de quinze ans à peine, il avait plongé les doigts dans la Colère de la Terre et forcé cette dernière a se figer, à noircir et à durcir, épargnant ainsi les villages établis sur les flans du Vieux-Père dont les larmes rouges n’avaient pas coulées depuis des siècles. Trois de ses phalanges y étaient restées, de même que le petit doigt de sa main droite, et lorsque la lave l’avait libéré de sa gangue durcie, elle l’avait parfois carbonisé jusqu’à l’os.
Et pourtant, la chair s’était reformée. Progressivement. Avec cet étrange aspect froissé et lisse qui rappelait du verre en fusion qu’on aurait renversé.
Ce jour là, il avait su qu’un jour il porterait Shakta dans la longue marche du désert, affronterait pour elle la Hutte Humide, l’Allier Changeant, la Main Amie Qui Blesse, la Main Ennemie Qui Soigne, et enfin, la Grande Ennemie dont le tapis liquide, bruissant, grondant, changeant, se dressait à présent entre lui et la corne dans laquelle la flamme bleue devrait être déposée. Sur la plage balayée par les vents, quatre des siens entouraient un couple à la peau ocre et aux visages étroits, dont les pommettes saillantes soulignaient des yeux brun à la passivité profonde. L’homme et la femme se tenaient en silence sur le sable, droits et fiers, calmes d’apparences mais trahis dans leur peur par la force avec laquelle leurs mains s’étreignaient, à l’abri des ombres. S’il en avait eu le droit, Ousmane leur aurait sourit pour les rassurer, mais un tel geste envers les Ennemis Vaincus aurait été un impardonnable signe de faiblesse.
Alors il se contenta de s’encrer fermement dans le sol, ignorant la masse grondante de l’eau qui roulait à ses pieds, et les laissa s’avancer vers lui, leur magie chantante aux accents de terre et d’herbe fraîche venant caresser son corps meurtrit. Bientôt, des doigts à l’incroyable fraîcheur glissaient avec douceur sur sa peau, supprimant les plaies, balayant la douleur, même celle de ses bras qui pourtant ne le quittait plus depuis l’accident, ressoudant la peau et injectant une énergie nouvelle dans ses membres gours. Derrière lui, le martèlement des tambours avait ralenti. Le piétinement allait decrescendo. Le silence, petit à petit, prenait sa place… et seule rugissait encore à ses oreilles la chanson pleine d’embruns de la Grande Ennemie.
C’est à peine s’il eut conscience que l’on écartait les deux Terre de sa personnes tant son esprit était tourné vers l’épaisse masse mouvante et salée qui s’étendait devant lui, bras d’eau salée glaciale qu’il lui faudrait traverser pour gagner la Terre des Flammes. L’île sacrée se situait une quinzaine de mètre de la plage bondée, isolée du reste du continent par un bras d’océan particulièrement houleux. L’Allié Changeant n’était pas vraiment de son côté…
Ousmane pris le temps de trois grandes inspirations, son pouvoir alimentant profondément Shakta, puis fit ses premiers pas dans l’eau. Aussitôt la Grande Ennemie se rua à l’assaut de ses chevilles, chahutant ses pieds pour essayer de le faire tomber, mais le jeune homme était fort, et lourd, et il résista sans peine aux premiers assauts, continuant d’avancer jusqu’à ce que l’eau salée lui atteigne le torse. Là, il se retrouva obligé de lever haut les mains pour protéger la flamme bleue des assauts de l’océan, gagnant en sécurité ce qu’il perdait en stabilité, et, quelques pas plus loin, il se sentit glisser…
Le sol, allié de l’Ennemi Vaincu, venait de se dérober sous ses pieds.
D’instinct, il retint son souffle et concentra sa magie entre ses paumes, créant une vague de chaleur telle que l’eau salée se vaporisa immédiatement à son contact, préservant la précieuse flamme. Battant furieusement des pieds, son corps entier émettant des vagues de chaleur de plus en plus puissantes, Ousmane repris sa progression, tout son être focalisé sur un seul but : traverser avec Shakta intacte.
La façon dont il y parvint, il n’en garde pas le moindre souvenir, mais à un moment donné ses pieds reprirent appui sur le sol poreux de l’île, legs d’une ancienne colère du Vieux-Père, et son pas chancelant l’a mené progressivement hors de l’onde, provoquant des hululements de joie de l’autre côté du bras de mer.
Il avait réussi.
Shakta brillait, éblouissante, presque blanche, au dessus de ses poings serrés, embrasant la nuit de sa lumière, signalant au Peuple des Clans qu’ils avaient un nouveau chef.