Le brouillard est si intense, qu'il a la sensation de voyager à l'intérieur d'un nuage. Le cotonneux lui fait du bien, il a envie d'y rester pour l'éternité quand soudain une silhouette passe devant lui. Il ne distingue que les contours flous d'une forme humaine. Il la suit. Au passage, il avale des morceaux de brouillard qui manque de l'étouffer à plusieurs reprises. Il ne peut pas s’empêcher de la suivre même s'il doit en mourir. Une force mystérieuse le pousse à la retrouver. Puis, la silhouette disparaît et le brouillard se dissipe. Quelques secondes s'écoulent, Sam comprend qu'il se trouve au milieu du grenier de sa maison. Rien n'a changé, tout est comme dans son souvenir. La lumière est teintée d'une couleur chaude, intense presque étouffante. Un flash surgit du psyché, ce qui lui fait plisser les yeux. Quand ses pupilles reprennent leur place, il voit Théo de dos qui se regarde dans le psyché. Sam heureux l'appelle. Aucune réaction. Il l'interpelle de nouveau pour le faire réagir. Rien. Il ne peut pas non plus marcher vers lui car il est cloué au sol. Alors, il crie aussi fort que lui permettent ses cordes vocales. Il provoque ainsi une réaction chez son frère qui tourne enfin la tête vers lui. La réalité de son visage le fige net, l'horreur se présente à lui. Ce n’est pas le visage de Théo, à la place son frère porte un masque d'une tête de mort ...
Assis dans son lit, la respiration haletante, inondé de sueur, il cherche à récupérer son souffle. Apeuré comme un chien maltraité, il est vite apaisé par une main douce qui se pose sur la sienne :
— Shut tout va bien je suis là, tu as fais un mauvais rêve.
— Mon frère, il va mourir je l'ai vu, s'écrie t-il.
— Ce n'était pas réel, tu as rêvé Je suis là, je suis réelle, concentre toi sur moi.
— Je dois le sauver, laissez moi partir !!
La femme prend le verre d'eau aqu'elle avait posé sur la table de chevet avec délicatesse pour lui jeter au visage. Sam crache l'eau qui lui dégouline dans la bouche et choqué Sam fustige le geste de la petite dame :
— Mais ça ne va pas de faire ça ? Pourquoi m'avez vous balancer de l'eau ??
— Pour que tu retrouves tes esprits, tu délirais !!
Sam baisse sa garde. Cette femme insignifiante par sa taille mais grande dans sa bienveillance l'autorise à se ranger de son coté. Il se sent en confiance. Il se libère de l'intensité de ces deux derniers jours. Il lui raconte comment il est arrivé dans ce monde qui lui est inconnu, comment Théo s'est fait enlevé, comment il est arrivé chez elle. La petite femme l'écoute avec attention, elle réagit à ses paroles par de petites mimiques qui expriment de la compassion.
— Je comprends ce que tu vis, mon mari et mon fils sont aussi détenus dans la prison enfin je suppose.
Elle ferme les yeux et reprend sa respiration.
— Ils appartenaient à la milice de la résistance. Je les avais pourtant averti du danger encouru mais ils sont tellement têtus, soupire t-elle.
Sam compatissant lui demande depuis combien de temps:
— 3 ans, je crois. Tu sais j'ai arrêté de compter car chaque jour qui passe est une souffrance supplémentaire.
Elle se met à pleurer puis se mouche dans un mouchoir qui donne l'illusion d'un drap sur son visage. Elle se ressaisit et lui dit d'une voix chevrotante :
— Vous n'avez vraiment pas eu de chance, toi et ton frère de vous être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. C'est tellement injuste !!
— Je ne sais pas comment le sortir de là, se lamente t-il.
— Si je le savais je peux te dire que mon mari et mon fils seraient déjà à mes côtés à l'heure actuelle. Au lieu de ça, je ne sais même pas s'ils sont encore vivants.
— On m'a parlé d'un homme qui a réussi à s'enfuir, j'aimerais le rencontrer mais je ne sais pas où il est.
— Oui je vois, j'ai fait des recherches pour le retrouver, en vain . Je suis tellement fatiguée que j'ai arrêté d'espérer. Je crois que cet homme vit prés de la rivière, au fond du canyon à l'extérieur de la ville mais je n'en sais pas plus. Il s'est enfuit et doit se cacher , quel drôle de vie au final.
— Que risque t-il si on le retrouve ?
— La mort bien sur, Lui ne le sauvera pas, il cherche à exterminer tous ses opposants , un vrai dictateur!
Elle fronce les sourcils, sûrement un signe de colère chez elle.
— Vous pouvez me dire qui est Lui ?
Les yeux de la petite femme s'écarquillent de surprise, on dirait un personnage de dessin animé. Puis elle se souvient:
— Alors c'est vrai, tu ne connais rien à notre monde, tu ne sais pas qui il est ?
Sam acquiesce d'un mouvement de la tête. La femme oisillon va s'asseoir sur son fauteuil modelé à son fessier, des cernes sont apparus sous ses yeux immenses. Elle a encore rapetissé, ce qui lui donne l'apparence d'un jeune enfant assis dans un fauteuil d'adulte. Elle s'apprête à lui expliquer qui est Lui.
*
Dans cette salle d'interrogatoire aseptisée, Théo attend que son double s'adresse à lui. Ce dernier fait les cents pas sans dire un mot, il a le pas léger et souple comme un danseur, il ne fait aucun bruit. Le silence et ses va-et-vient l'étourdissent. Quand son double décide enfin de s'asseoir, il lui demande de but en blanc :
— Qui es tu ?
— Je m'appelle Théo.
— Et d'où sors-tu ? Pourquoi tu me ressembles ? Je ne te connais pas.
— Je viens d'un autre monde je crois, peut-être un monde parallèle, je ne sais pas. Avec mon frère on s'est retrouvés là par hasard.
— Je ne te crois pas, c'est impossible !! Tu te moques de moi !!
— Non je vous promets ! Je dis la vérité, dit Théo sur un ton incisif.
— Comment puis-je te faire confiance ? Qui me dit que tu ne veux pas détruire le gouvernement, que tu es une ruse pour nous infiltrer et nous détruire ?
Théo est surpris qu'on le considère comme un terroriste.
— Je viens de découvrir ton monde, je ne cherche pas à le détruire bien au contraire, je suis hyper curieux, il m'intrigue. Il est tellement différent du mien.
Son double le considère d'un air inquisiteur, il essaye de le scanner. Il se méfie de lui.
— C'est vrai que tu as l'air différent. Mais comment es-tu arrivés ici ?
— Avec mon frère jumeau, on s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Des hommes se sont fait arrêter et je me suis fait embarquer.
— Donc tu as un frère jumeau ? C'est vraiment étrange … Maintenant que tu es ici que comptes tu faire ?
— Heu je ne sais pas, retrouver mon frère j’imagine.
— Es-tu pour ou contre Lui ?
— Qui ? mon frère ?
— Mais non idiot, Lui !!
Sans hésiter, il répond pour Lui. Il ne sait pas trop pourquoi il vient de dire ça, sûrement pour avoir une chance de s'en sortir indemne. Il doit gagner la confiance de l'homme.
— Et pourquoi vous me posez cette question ?
Du bruit se fait entendre à l'extérieur de la salle d’interrogatoire, l'homme se montre un peu nerveux.
— Laisse tomber, j'ai besoin de toi, tu vas m'aider. Tu vas me suivre, on doit quitter les lieux.
L'homme l’emmène dans un vestiaire.
― Tiens mets-ça !!! ordonne l’homme Théo en lui jettant une combinaison noire semblable à la sienne à la figure. Théo s’exécute et enfile avec difficulté ce qu’il considère être un sac poubelle. A l'emplacement de l'épaule est cousue une croix blanche, la même que celle portée par l'homme. Il se sent mal à l'aise vêtu de la sorte. Déjà qu’il détestait les sorties plongées en colonie de vacances alors l'idée d'enfiler une nouvelle fois cette combinaison lui donne de l’urticaire. Elle lui presse tout le corps, quelle horreur songe t-il. Il imagine faire son entrée sur scène comme danseur étoile pour incarner le prince Siegfried dans le lac des Cygnes. Malheureusement, il n'a pas le temps de rêvasser, son double le prend par le bras et exige de lui d’être le plus discret possible. Il baisse la tête en plongeant dans les couloirs blancs et suit l'homme à une cadence effrénée. Ils pénètrent dans un sas qui fait le passage entre l'immaculé et une ambiance plus chaleureuse. Ils traversent un hall luxueux, des lustres au plafond, des tapis orientaux aux murs. Théo pense qu'il se trouve dans les appartements des responsables de la prison qui ont des privilèges. Plusieurs portes se présentent à eux. L'homme en ouvre une et laisse Théo entrer avant lui. Le jeune homme découvre un appartement chic à l'ambiance tamisée. Un canapé en cuir trône au milieu de la pièce, à ses pieds s'étend un tapis à poil long. Théo ne s'attendait pas à ce genre de décor. Étonnamment, il se sent mieux, apaisé. Finalement, il n'a peut-être pas de raison de s'inquiéter pense t-il. Cependant, l'homme resté derrière lui claque la porte et ferme avec un clé un verrou à double tour.
Sam me fait de la peine, j'espère qu'il trouvera celui qui a réussi à s'évader !
Je suis intrigué par ce "Lui". Un sorte de Dieu ? De chef ?
Théo ne semble pas dans une mauvaise position, mais il reste dans une prison donc les choses finiront peut-être par se compliquer, même si je ne l'espère pas pour lui !