La serveuse invite Sam à quitter le bar, c'est l'heure de la fermeture. Le jeune homme trouve cela étrange, la vieille pendule accrochée de travers indique 18h, trop tôt pour fermer un bar. Nerveuse, la serveuse le pousse vers la sortie. Elle referme la porte derrière lui avec empressement. Sam entend la clé fermer à double tour. A peine le temps de poser un pied sur le trottoir que l’alarme de la veille retentit. Sam pose les mains sur ses oreilles, l'alarme est toujours aussi désagréable. Des gens courent, certains s’enferment dans leur maison, d’autres se cachent derrière des poubelles ou autres cachettes. Des dirigeables auréolés de spots lumineux et qui ressemblent à des soleils balayent la ville de leurs rayons. La lumière caresse le haut des buildings, inonde les rues désertées et plonge au fond du canyon à la recherche, semble t-il, de hors la loi qui ne respectent pas le couvre feu. Il doit à tout prix trouver un endroit où se réfugier. Son attention se porte sur une petite lumière rouge qui scintille comme une étoile au beau milieu d’une ruelle sombre. Alors qu'un rai lumineux l’effleure, Sam bondit dans la ruelle et fonce jusqu’à l’endroit éclairé de rouge. Bingo !! Une lanterne rouge indique l’entrée d’un hôtel. En effet, au dessus d’une petite porte est inscrit « une auberge pour la nuit », un bon présage. La devanture est défraîchie ce qui n’est pas très engageant. Sam s’en remet à son instinct, il a confiance à cette lanterne rouge qui l’a amené jusqu’ ici. Il toque à la porte d’une main silencieuse. Il doit s’y prendre à deux fois pour réussir à faire réagir la personne de l’autre côté de la porte. Une voix nasillarde et haut perchée comme celle d'un oisillon s’annonce :
— Oui, oui j’arrive !!
Des pas pressés s’approchent et un tout petit bout de femme de rien du tout ouvre la porte. Sam est surpris de faire face à cette drôle de femme au visage enfantin mais ridé. Sa chevelure grise argentée arpente sa tête et dévale jusqu’à ses pieds. De grosses lunettes noires et rondes lui mangent le visage, elles sont disproportionnées par rapport à la taille de sa tête. La petite dame lui offre un grand sourire, peut-être le premier depuis son arrivée. Il lui réchauffe le cœur, Sam se sent de suite en confiance. Bien qu'il est de nature à faire trop facilement confiance aux autres au risque de se faire avoir, là il en sur, cette femme transpire la gentillesse.
— Que puis-je pour vous jeune homme ?
— Bonsoir madame, je cherche un endroit où dormir cette nuit, j’ai vu écrit auberge au dessus de votre porte.
— Cela fait bien longtemps que personne ne s’est aventuré jusqu’ici, ça fait plaisir d’avoir de la visite. Vous êtes le bienvenu chez moi, jeune homme. Entrez je vous prie, asseyez vous sur le sofa, je vais vous préparer une chambre.
La petite dame ramène sa longue chevelure en un chignon et s’enfuit toute guillerette dans une pièce d'où elle ressort dissimulée derriere un amas de draps et d'oreillers. Dans une main un plumeau et de l'autre un balai. Sam est stupéfait de voir ce minuscule brin de femme se charger à ce point.
— Je peux vous aider ?
— Non merci jeune homme je m’occupe de tout, détendez vous sur le sofa.
Il n'insiste pas et s’exécute. Il retire son bonnet puis s’assoit dans le sofa rouge (sûrement la couleur préférée de la veille femme) en raccord avec son sweat. Ici, il ne détonne pas. Par contre, le canapé est trop ferme à son goût, il n’arrive pas à trouver une position confortable. Il observe ce petit bout de femme s’atteler à la tâche tout en chantonnant. Elle fait des va et vient incessants. Ses yeux fatiguent à essayer de la suivre dans ses déplacements. Elle est vive et en un moins de temps pour dire ouf, elle est déjà là, à l’attendre au seuil de sa future chambre.
— Voilà jeune homme, votre chambre est prête, j’espère qu’elle vous plaît ?
Elle lui fait signe d’entrer. Sam est émerveillé par ce petit cocon qui s’offre à lui. Des bougies éclairent et réchauffent la pièce longtemps inoccupée. Un lit rond situé au milieu de la chambre l’invite à s’allonger. Une odeur de fleur d’oranger s’évapore doucement.
— Merci beaucoup madame, c’est parfait. Je vais pouvoir me reposer.
Avant de se laisser bercer par le sommeil qui lui fait les yeux doux, Sam jette un œil dans le sac à dos de Théo. Il tombe sur un carnet de croquis noir Canson. Sam n'avait jamais eu la chance jusque là d'entrer dans l'univers de son frère et de voir ses croquis. Quand il ose ouvrir son carnet, un peu honteux d'entrer ainsi dans son intimité, Sam s'étonne de découvrir autant de dessins allant de simples griffonnages qui représente des morceaux de visages à de beaux portraits. Il a du talent pense t-il. En feuilletant les pages, un portrait attire son attention : celui de Sacha. Il est représenté sous toutes les coutures. C'est tellement bien réalisé que Sam se demande si Sacha n'a pas posé pour lui. De toute évidence, cela semble impossible. Sacha n'aurait jamais accepté. La manière dont Sacha a repoussé Théo le montre bien. Être un modèle pour son ami aurait été trop gênant pour lui. Sam imagine plutôt son frère esquisser les traits de son ami en cachette sans que celui-ci s'en rende compte. Sam se doute que dessiner son ami était le moyen de le sentir un peu plus prés de lui . Déclarer sa flamme a été un acte courageux, Sam le reconnaît. Théo a pris le risque de perdre ses amis car vivre dans le mensonge lui était impossible. Théo est quelqu'un d’honnête analyse Sam malheureusement sa franchise a eu pour conséquence de le rendre triste. Sam pense que son frère a choisi d'avouer son amour avant de déménager histoire de s'assurer une porte de sortie en cas d'une mauvaise réaction de la part de Sacha. Ce qui a été le cas. Néammoins, la fuite ne l' a pas aidé à tourner la page. Sam sait maintenant que son frère a du beaucoup souffrir et qu'il souffr encore, bien au-delà de ce qu'il peut s'imaginer. La culpabilité le ronge de nouveau.
Sur la dernière page du carnet apparaît le portrait d'un autre garçon. Ce visage lui rappelle vaguement quelqu’un. Il reconnaît alors le grand type à la crête qui ne passe pas inaperçu au bahut. Entre Sacha et ce gars, aucune ressemblance, aucun point commun. Mon frère n'a pour ainsi dire aucun type de mec s'amuse t-il à penser. Il aimerait qu'ils puissent dans l'avenir parler ensemble de leurs conquêtes respectives et il espère que Théo lui fera confiance. Sam s'en fout qu'il aime les mecs, ça ne le dérange pas. Il est juste déçu que son jumeau croit l'inverse et qu'il n'ait pas eu le courage de lui dire, obstiné à attendre qu'il le comprenne par lui même.
*
Les prisonniers sont dispersés dans des cellules différentes. Théo est jeté au sol comme un malpropre dans la sienne.
— Vous ne pouvez pas faire attention !! Espèce de connards !!!
Théo trop occupé à balancer des insultes qui disparaissent dans le vide sans même un écho, ne remarque pas ses compagnons de cellule qui le toisent d'un regard menaçant. Sa présence ne semble pas ravir ces cinq grands gaillards prêts à se jeter sur lui. Théo se plaque au mur, il cherche à s'y enfoncer en espérant passer à travers et s'enfuir. Face à cette impossibilité, il tente d'articuler quelques mots pour briser le silence :
— Heu bonjour, je m'appelle Théo, enchanté.
Théo se retient de ne pas se pisser dessus, il n'en mène pas large. Un homme de couleur noire, de forte corpulence et mesurant, Théo en est sur, plus de deux mètres, lui dit d'une voix caverneuse :
— Qu'est-ce que tu fous là toi ? Tu ne bosses plus pour les autres ?
— Je crois que vous vous m' éprenez monsieur, vous ne pouvez pas me connaître.
Théo doit se concentrer sur sa vessie, un peu plus il ouvre le barrage et c'est le déluge.
— Regardez le, il fait le mariole l'enfoiré ! Mais nous, on ne t'as pas oublié, on sait ce que tu nous a fait !
— Tu as du sacrément merder pour te retrouver là ? Ils t'ont jeter dans la fosse aux lions petite merde !! lui rétorque un des gaillard aux dents ravagés pour le peu qui lui reste.
Théo sert les cuisses. Des fourmis lui remontent les jambes. Il n'en a plus pour très longtemps avant de perdre sa dignité.
— Vous vous trompez, je ne suis pas celui que vous croyez,. Je viens d'arriver ici, je viens d'un autre monde.
— Ah ah quel comique !! Et en plus tu te fous de notre gueule !! Pauvre mec, tu n'as même pas les couilles d'assumer qui tu es !
— Mais puisque je vous dis que vous faites erreur !!!
La colère reprend le dessus sur sa peur et son envie de pisser se dissipe peu à peu. Théo ne veut pas se laisser faire. Ils se trompent à son sujet, chose qui le fait sortir de ses gonds. Il trouve déjà injuste de se retrouver enfermé par erreur alors être pris pour quelqu'un d'autre l'oblige à revendiquer qui il est. Malgré leur yeux injectés de sang, leurs mâchoires serrées prêtes à mordre, leurs poings qui ressemblent à des boulets de canon, Théo ose une dernière fois de se justifier auprès d'eux. Mais il n'en a pas le temps… Clic clac. Le bruit du verrou qui se désenclenche. La porte s'ouvre. Les cinq gaillards font volt face. Théo reprend sa respiration. Un homme entre pour vérifier et compter le nombre de détenus. Son visage est dissimulé dans l'obscurité du couloir. L'homme a un temps d’arrêt quand il pose le regard sur Théo. Il s'approche du jeune homme, il sort ainsi de l'ombre et son visage apparaît à la lumière. Il porte la même combinaison que les hommes-grenouilles qui l'ont enlevés à la seule différence : une distinction accroché à la poitrine, une médaille en bronze. Cela doit correspondre à un grade dans la hiérarchie. Les cinq gaillards sont choqués. L'homme qui vient d'entrer à le même visage que Théo en plus vieux. Les deux hommes se font face, se dévisagent dans les moindres détails. Théo croit rêver, il pense tout de suite à son frère, il lui sourit. L'autre ne réagit pas, il est trop sérieux. Quelque chose cloche pense Théo. Les codétenus ne bronchent plus face à ce drôle de spectacle. Le silence règne. Le temps est comme suspendu.
— T'es qui toi ? Balance l'homme qui, en quelque mots, lacère le silence en un rien de temps.
L'homme lui ordonne de venir avec lui. Théo exécute sans répliquer. Il n'a pas vraiment le choix, il doit sauver sa peau. Il arpente des couloirs immaculés de blancs qui grouillent d'homme grenouille habillés tout de noir. Des fourmis dans une fourmilière de coton pensa t-il. Lui se considère davantage comme un gros cafard. Il n'a rien à faire là. Il est essoufflé d'avoir suivi à pas pressés son double jusqu’à ce qu'il entre dans cette grande pièce blanche. A son centre sont positionnes deux chaises de part et d'autres d'un bureau. Il semble se trouver dans une salle d'interrogatoire.
Cette alarme qui retentit et qui fait fuir tout le monde m'interpelle. Je me demande à quoi elle sert, sans doute pour avertir d'un danger. En tout cas, les habitants sont vachement apeurés.
Je suis contente que Sam ait trouvé un endroit sûr ou dormir. J'ai trouvé le passage avec le carnet attendrissant. J'espère que les deux frères finiront par se retrouver et s'expliquer vraiment.
D'ailleurs, je suis un peu inquiète pour Théo. Je me demande si ses péripéties à la prison vont l'impacter.
A bientôt !
Contente que tu ais aimé le passage avec le carnet. En ce qui concerne Théo tu peux etre inquuiete et à savoir s'ils se retrouveront je ne peux rien dire, tu verras par la suite :-)
A la prochaine