La terre se met à trembler. L'écho de tonnerre retentit contre les murs déchirés. La grotte s'agite de spasmes comme l'intérieur vicié d'une créature géante. Fergus est sur ses pieds, en dérapage il court vers la sortie. Sa main est serrée sur sa baguette, derrière lui il entend la pierre qui s'effondre, et les flots de boue qui ensevelissent la caverne. Un rocher s'écrase à quelques mètres de lui. D'un écart, il évite l'assaut, roule sur le côté, se relève, il souffle dans le masque la sueur dans ses yeux l'empêche de voir. La poussière affronte l'air pour l'envahir. Devant lui, les détails disparaissent, et Fergus avance à tâtons. La lampe éclaire par intermittence des rideaux de spores mêlés de craie. Son cœur pulse, il se colle au mur qu'il sent frémir avec une puissance animale.
Son pied trébuche sur une pierre. Il n'entend pas la roche qui s'effrite et s'effondre, il sent le heurt brutalement, Fergus chancèle sous le choc de l'impact. La lampe clignote et s'éteint et la grotte rugit encore. Fergus accueille la terreur avec un mouvement désespéré. Dans le noir absolu de la grotte, il brandit sa baguette, dessine dans l'air mitigé, tranche le sable en haletant, le bouclier se forme, du plafond se décroche un éboulement terrible. La rage de la caverne explose en vomissures minérales, s'écrase contre la défense de Fergus, l'assourdit au travers du masque. Il se recroqueville dans un coin, la baguette fermement tenue par sa main qui s'est mise à trembler. Un dernier éclair.
Et le silence.
Comme sorti d'un cauchemar, Fergus redresse la tête en respirant par saccades. Il a à la tempe une plaie qui dégorge un long filet de sang chaud contre sa mâchoire et la lanière qui retient son masque s'est brisée en partie. Il attend un peu, pour être sûr que la punition est passée et que le Plan n'a pas une nouvelle arme à secouer au-dessus de sa tête. Il laisse s'écouler de longues secondes sans oser montrer qu'il est vivant alors qu'il sait que le Plan sent sa présence et qu'il ne peut la lui dissimuler. Quand il se sent prêt, il se lève, chancelant. Le bouclier s'est étiolé autour de lui. Il a une pensée cynique pour la protection que lui a offert l'artefact. Il ne comprend pas, dans le cercle qu'il a tracé, ce qui n'a pas suffi. Il tousse. Sa main touche le mur, le longe. Après avoir roulé sur un éboulis, puis deux, il prend confiance par nécessité, retire son gant et invoque une flamme qu'il tient dans le creux de sa main et éclaire les résidus dramatiques de la destruction de la grotte. Fergus fixe devant lui. Il interdit son esprit d'errer au-devant des difficultés possibles. Imaginer qu'il est enterré vivant.
Devant lui, un mur d'avalanches impénétrables se dresse.
La flamme tremble dans la main de Fergus. Lentement, il range la première baguette qu'il tient toujours serrée entre ses phalanges blanchies comme un naufragé s'attache à son radeau. Avec effort, il invoque à nouveau le sortilège qu'il sent à peine onduler autour de lui. Puis du holster, il prend la seconde. Celle-ci possède trois runes gravées de goudron, enduites sous la garde de nitroglycérine incolore, et dans le corps de la baguette, de la poudre. La flamme s'éteint. Le sortilège explose. Pulvérise la roche en éclat. Du souffle, Fergus reçoit l'étreinte en plein visage, heurte la paroi rêche de la grotte, inhale une flopée de spores mélangée à la rafale par la brèche de son masque brisé. Le choc imprime dans ses reins une douleur sourde qui lui coupe le souffle le temps de l'éboulement. Le silence retombe. Il faut qu'il sorte, vite, avant d'être asphyxié, mais il fait toujours noir, Fergus tousse, crache, sent monter une nausée vertigineuse et les ténèbres se troubler autour de lui. La baguette, terrassée par le choc magique s'est brisée alors à genoux, de ses mains, il retourne les pierres, s'écorche les ongles, déchire son gant, les pierres roulent s'ouvrent sur plus de ténèbres encore, d'une quinte Fergus pousse un râle les sinus bouchés par le poison quand soudain, un rais de lumière. Il redouble d'effort, lutte contre le vertige, s'ouvre un passage à la force désespérée de sa volonté vacillante. Le trou est assez large pour qu'il s'y faufile, s'extirpe, lutte et enfin l'air, la brise, le vent, il inspire profondément en roulant sur le parvis de la grotte. A genoux il manque s'effondrer, tâtonne à l'aveuglette de son regard flou et tire de sa ceinture une fiole qu'il ouvre et qu'il respire profondément. Progressivement, les vertiges se calment. La nausée le reprend. Il se tourne vers un bosquet et vomit ses tripes au creux du talus d'herbes folles.
Sur le bord de la route, plusieurs présences l’observent en silence.
Eh bien c'était de justesse, mister Fergus !
J'aime bien qu'il n'y ait eu aucune explication au niveau du holster, laissant naïvement croire à un mélange de magie (avec la baguette) et de science (holster) puis kaboum, en fait le holster est aussi basé sur la magie.
Reste à savoir ce qui va se passer maintenant !
Je suis en train de songer que spontanément les deux temporalités Constantine / Fergus se croisent / se chevauchent. Si ça se trouve il n'en est rien, il y a des semaines, des mois, des années d'écart entre les aventures ! La part de moi qui te soupçonne de receler des tas de surprises (comme le holster) se dit que tu en serais bien capable... Et en même temps j'ai la sensation que tu as un truc à faire avec ces deux persos, un truc à dire, et j'ai le sentiment que pour cette raison leurs temporalités sont à peu près concomitantes. *musique de suspens* (ou comment se monter la chantilly solo sans que tu ne fasse rien (je veux dire, à part avoir écrit le texte))
Plein de bisous !
et tu sais quoi
Lol
en fait je n'en sais rien du tout hihihihihihhihi
Ils vivent aux même moments, à la même époque, mais est-ce qu'ils sont dans le plan au même moment hé bah fichtre dis donc j'en sais rien (peut-être que c'est pareil pour le holster, peut-être que je recèle des surprises uniquement parce que j'ai aucune idée de ce que je fais ? héhé. Hé. Ho.)
En vérité, c'est une hypothèse intéressante, et toutes les solutions seraient possibles. A priori ils ont l'âge concomitant donc je suis certaine de m'être dis qu'il s'agissait de la même époque. Mais peut-être pas le même jours. Je ne crois pas qu'ils y soient simultanément, mais ça a du leur arriver.
Je n'ai jamais réfléchis à une rencontre des deux directement dans le plan, c'est assez amusant comme idée. Fergus serait probablement très fâché ( et après il se ferait punir :( )
En tout cas c'est sur qu'il y a beaucoup d'aspect de cet univers qui ont été imaginés et que j'aurais aimé pouvoir continuer à creuser... Peut-être dans le futur, je l'espère...
Encore merciiii et pardon pour cette tartine de réponse hahahaha
Ton écriture très sensorielle permet de faire ressentir toutes les conséquences de l'échec du rituel chez Fergus. On se demande ce qui n'a pas fonctionné. La phrase de chute augure peut-être une explication : les "présences" pourraient être à l'origine de cet échec.
Il y a plus de tension que dans les premiers chapitres, c'est bien !
Mes remarques :
"dans le masque la sueur dans ses yeux" point après masque ?
"phalanges blanchies comme un naufragé" virgule après blanchies ?
"encore, d'une quinte" point après encore ? (phrase un peu longue)
"Il redouble d'effort," -> efforts ? / son effort ?
Un plaisir,
A bientôt !
Comme d'habitude, merci pour ton retour et ta constance !
Je poursuis ma lecture pas à pas. =)
J'observe un petit paradoxe dans ta façon de mener cette histoire, et il me semble donc potentiellement intéressant de le souligner (sans prétention aucune, je précise, c'est plus une remarque à moi-même, qui vaut ce qu'elle vaut) : ce chapitre est complètement orienté action. La grotte s'écroule sur Fergus, et il doit s'en sortir, dans les deux sens du terme. Il observe, réagit, agit, avance. J'ai vraiment bien aimé cet aspect. Je l'ai déjà dit, mais je manque d'empathie, donc je préfère quand ça explique et quand ça bouge que quand ça ressent. ^^ Et pourtant, tu arrives tout de même à rester dans tes fidèles envolées lyriques, qui collent selon moi mieux à des ressentis qu'à des faits. C'est quelque part surprenant. Puisqu'il est entièrement pragmatique, c'est presque (je dis bien presque, ça peut aussi souligner qu'il n'est pas si terre-à-terre qu'il n'y paraît, comme tout le monde sans doute) étrange que le récit de l'expérience de Fergus ne soit pas plus orienté vers sa réflexion. J'ai l'impression (à tort, en plus, il me semble) qu'il y a à peine une ligne pour évoquer qu'il se demande pourquoi son rituel n'a pas fonctionné, mais des paragraphes entiers pour décrire la grotte qui s'éveille et s'écroule sur lui comme s'il était dans les entrailles d'un dragon de pierre, à grand renfort d'adjectifs, de comparaisons, et de métaphores. Ça reste agréable à lire, il n'y a aucun souci là-dessus, mais en lisant ça m'a frappée, sans doute plus que les fois précédentes, a priori. On parle d'expériences contraires, et c'est le cas, et pourtant elles sont quand même au final racontées un peu de la même manière. Normal, tu me diras, puisque ça reste la même personne qui écrit... ^^ C'est descriptif tout de même, car ça avance bien (Fergus s'en sort même presque plutôt rapidement pour un incident aussi impressionnant, mais à la limite je préfère ça, au moins ça lui confère la qualité de résilience), et pourtant il y a ce côté vaporeux qui demeure. Je ne sais pas, ça m'a paru un peu paradoxal, donc je me suis dit que j'allais en parler, même si c'est totalement neutre comme remarque. =)
Côté histoire (parce que c'est quand même ça le plus important selon moi), je me demande moi aussi pourquoi son rituel n'a pas fonctionné. Ou alors est-ce qu'il n'a simplement pas suffi ? Est-ce qu'avec le temps, des sacrifices de plus en plus grands pourraient devenir nécessaires, puisqu'ils épuisent les ressources de plus en plus vite, peut-être ? Ou bien est-ce que la présence de Constantine en parallèle de la sienne pourrait jouer ? Est-ce qu'ils sont seulement là-bas en même temps ? Est-ce qu'ils sont seulement proches l'un de l'autre (autant qu'on peut physiquement l'être dans ces lieux étranges) ? Et aussi, est-ce qu'il est possible qu'ils soient vraiment les seuls là-bas, s'il "suffit" d'un portail magique pour y aller, et que d'autres individus comme Fergus y vont pour faire leur cueillette ? En tous cas il semble en bien mauvaise posture, puisque son masque est fissuré et qu'il semble avoir avaler les spores qu'il cherchait à éviter. Il lui reste encore une trotte pour rentrer, s'il revient par là où il est parti. Quelles vont être les séquelles de cette contamination pour lui ? Il semble avoir un remède, à la fin, mais est-ce que ce sera réellement efficace ? Aussi, il est toujours observé, mais honnêtement, la mention est presque de trop ici. On sait déjà qu'il n'est pas seul, et il lui est déjà arrivé suffisamment dans ce chapitre sans avoir besoin d'un étrier pour nous inciter à aller lire la suite. En tous cas, à mon humble avis. Disons que répéter plusieurs fois la même menace sourde sans que jusqu'ici elle n'ait mené à rien en ce qui le concerne, on se demande un peu ce que ça fait là. Je suis du parti de ne pas forcer les choses, mais qu'est-ce que j'en sais, après tout. xD
Encore merci pour un joli moment de lecture, et à bientôt ! =)
Je note ta remarque, dans ton dernier paragraphe au sujet de la mention des êtres qui l'observent ! Et je ne répond pas tout de suite aux autres questions car tu auras peut-être certaines réponses dans la suite...
Merci encore pour ton passage et ton ressentit ! Au plaisir de te lire !
"L'écho de tonnerre" -> Structure un poil étrange ptêt haha
"Fergus est sur ses pieds, en dérapage il court vers la sortie." Je suppose qu'il est sur ses pieds, si il court ? Jsp haha j'ai buggué sur cette phrase, mais c'est ptêt mon cerveau qui tourne à vide
"La lampe éclaire par intermittence des rideaux de spores mêlés de craie." Très joli, j'ai beaucoup aimé !
"Il n'entend pas la roche qui s'effrite et s'effondre, il sent le heurt brutalement," J'ai un peu buggué ici aussi car on peut comprendre que c'est le caillou qui s'effrite, enfin bref, c'est pas ultra clair (mais bon, je pinaille)
"un mur d'avalanches impénétrables" -> Pour moi, l'avalanche c'est la chute de la neige, pas la neige une fois arrêtée, enfin jsp si je suis très claire haha mais dans ce cas, le mur donne une idée de fixité, là où l'avalanche traduit un mouvement. Donc jsp si c'est correct ? Ou même si mon doute est clair ? : ')
Sinon, l'ambiance était très bien rendue ! Je me suis sentie étouffer avec Fergus, et je dois dire que le sentiment était bizarrement TRÈS loin d'être agréable haha. J'ai beaucoup aimé la fin notamment, avec la bouffée d'air que l'on ressent bien à la lecture, et la nausée qui suit. Puis le coup du "et le silence" qui traduit bien l'effet de l'enfermement loin de tout. Bref, j'ai pas grand-chose à suggérer comme piste en dehors de mes potites remarques haha c'était très chouette à lire.
Coeur sur toi et à la prochaine !
Fergus qui court sur ses pieds bon ben j'ai pensé à l'arête, effectivement ça va de soi hahaha et effectivement, pour l'avalanche, je n'avais pas pensé à la dimension mouvement du terme... Car oui, tu as raison, le mot induit nécessairement le mouvement et la chute. Ta remarque est juste, et tout à fait claire !
Et merci pour ta conclusion fort positive, je suis fort contente que l'effet d'enfermement ait fonctionné (enfin non pas que je sois heureuse du moment désagréable que ça suscite en terme de sensation hein mais bon, tu vois) Encore merci !!
Fergus aussi (plusieurs présences), j'attends avec impatience. Tes chapitres sont cours (ce que je ne sais pas faire !) dons facile à lire quand on a un peu de temps, que l'on doit attendre. là aussi, bonne stratégie.
Les descriptions sont bien, c'est haletant et intriguant.
Quelques petites bricoles au fil de la lecture -
>> "L'écho de tonnerre retentit contre les murs déchirés" Pour moi, "L'écho de" alourdit et la phrase aurait encore plus d'impact juste avec "Le tonnerre retentit contre les murs déchirés" - en fait l'écho se devine il me semble
>> "La grotte s'agite de spasmes comme l'intérieur vicié d'une créature géante." J'adore l'image <3
>> "la baguette fermement tenue par sa main qui s'est mise à trembler." Un peu lourd la fin - "d'une main tremblante" ?
>> "Pulvérise la roche en éclat." > "Pulvériser" et "en éclat" me semblent un peu redondant
Hé bé ! Sacré moment ! C'est prenant de bout en bout, on halète avec le pauvre Fergus et la tension est présente. J'aime beaucoup cette scène, toujours très imagée - tu te débrouilles vraiment bien avec les descriptions <3 - et on sent cette grotte prendre vie, puis être le terrain de sa destruction. Beaucoup apprécié, et on finit sur un bon suspens =D
Je suis toujours très heureuse de constater que le récit fonctionne toujours pour toi en tout cas !!