Helena déposa une tasse de café devant Tom. Trois sucres et un nuage de lait, comme il l’aimait. Son filleul enveloppa la porcelaine brûlante de ses mains et frissonna. Elle fut tentée de passer la main dans les cheveux du jeune homme, retint son geste. Il avait vingt-cinq ans, ils avaient peu échangé ces derniers mois jusqu’à ce que Tom sonne à sa porte, ce matin-là.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Le jeune homme inspira les volutes de fumée chaude. Il avait quitté le studio qu’il partageait avec Marc à l’aube, dans le silence de novembre, après des mois d’ultimatums, de cris et de promesses de changement.
« Hier soir j’ai fini mon service à deux heures. Quand je suis arrivé dans la cour, j’ai vu que le salon était allumé. Marc ne dormait pas. Et ça, tu vois, ce n’est jamais bon signe. »
Une grêle de questions l’avait assailli. Il avait promis, juré. Il ne voulait pas de nouvelle scène. Leurs voisins de palier menaçaient de porter plainte pour tapage nocturne. Il n’osait plus regarder la vieille du dessous depuis le soir où Marc avait fracassé leurs assiettes sur le carrelage.
« Ce mec, c’est personne… Marc se fait des films. Mais il a pas mal de pression au boulot, tu vois, je me dis que c’est une phase…
- Et ça, Tom. Est-ce que c’est une phase ? »
Helena désigna le bras du jeune homme du menton. Une tache violacée s’étalait sur son poignet, remontait sur l’avant-bras.
Tom tira sur sa manche et glissa les mains sous ses cuisses comme un enfant pris en faute. Helena sentit son cœur se serrer. Elle le revit vingt ans plus tôt, à la même table, les doigts couverts de Nutella.
« Tu es ici chez toi, tu sais ».
Tom avala une gorgée de café. Le liquide lui brûla les papilles et le réchauffa de l’intérieur.
« Merci. »
Helena posa un trousseau de clés sur la table et se resservit un café.
Bonne suite !
Fy